Depuis 1992, sous l’impulsion des acteurs concernés et en concertation, le cadre général de la réflexion menée sur le thème « Décontamination/Réhabilitation de sites » a rapidement évolué et s’est considérablement précisé : guides méthodologiques, recensement national, élaboration d’une grille de hiérarchisation des priorités...
L’année 1995 connaîtra sans doute de nouveaux progrès avec, d’une part, des compléments législatifs, et d’autre part, la poursuite de la réflexion sur le financement des pollutions dites historiques.
L’élément majeur de ce cadre général est constitué par une approche « au cas par cas », régulée par une étude de risques spécifique au site, et non par des seuils réglementaires ; cette procédure, qui a le mérite de permettre d’envisager des outils et des solutions plus légères, plus souples, plus mobiles et plus économiques que les solutions mises en œuvre chez nos voisins, a favorisé la création et le développement d’une offre professionnelle française.
L’objet de cet article est, tout au long de la démarche conduisant à la décontamination d’un site, d’essayer de mettre en exergue certaines évolutions, notamment celles dues à la spécificité de l’approche française, du point de vue d’un spécialiste.
L’audit : une méthodologie éprouvée et une normalisation à compléter
Un consensus favorable s’est clairement exprimé sur la méthodologie généralement suivie : examen du contexte environnemental, étude historique, premières investigations, etc., notamment sur l’intérêt de l’enquête historique (identification des polluants à rechercher dans telles ou telles zones), qui permet de bien cibler les premières investigations à lancer et donc de diminuer le coût des audits.
Par ailleurs, ont commencé à se développer des méthodes géophysiques et notamment l’utilisation de radar, permettant d’inspecter à faible coût des surfaces importantes.
L’une des difficultés qui reste à résoudre est la normalisation des analyses de sol ; ce point est d’autant plus fondamental que :
- - les résultats d’analyses sont intégrés dans les critères permettant une hiérarchisation des priorités,
- - ils sont utilisés lors de la réception contractuelle des travaux de décontamination,
- - seule l’indication claire des méthodes analytiques employées assure la bonne compréhension d’un dossier par les différents acteurs et interlocuteurs concernés.
Les études de risques : intérêt de l’écotoxicologie
Force est de reconnaître que l’on rencontre encore souvent des études de risques réduites à une simple comparaison entre des résultats d’analyses et des seuils ou valeurs-guides.
Pourtant l’évolution du contexte général permet de prendre en compte d’une part l’utilisation future du site, et d’autre part les dispositions législatives relatives à l’imposition éventuelle de servitudes.
Par ailleurs, sont disponibles aujourd’hui les techniques de simulation et de modélisation de la migration des
[Photo : Stalle-pilote de lixiviation statique permettant le dimensionnement définitif de l’installation industrielle.]
[Photo : Mise en place d’une protection étanche pour traitement sur site de terres excavées (traitement par voie bactérienne ou par lixiviation statique).]
polluants dans le sous-sol, qui permettent d’apprécier le risque dans le temps.
Une tendance intéressante semble également se développer : l’utilisation de l’écotoxicologie comme “juge de paix” vis-à-vis du risque environnemental ; à terme, on peut penser que les sociétés d’audits devront disposer au moins d’un expert dans cette discipline, pour définir les tests écotoxicologiques à conduire. Toutefois, l’utilisation de ce type d’approche appelle un effort de méthodologie et un minimum de normalisation.
Études de solutions :
L’intégration de tests à l’échelle des laboratoires ou des pilotes
L’étude des solutions de décontamination d’un site constitue un des domaines encore insuffisamment exploré ; dans de telles études, il est souvent fait référence à des techniques classiques, utilisées à l’étranger, et les estimations financières restent parfois fondées sur des solutions non optimisées.
D’autre part, ce type d’études, rarement étayé par des essais en laboratoires ou dans des installations pilotes, intervient souvent trop tardivement par rapport aux projets immobiliers concernant le site, excluant par là arbitrairement les méthodes plus longues, mais peu coûteuses, de réhabilitation.
Face à ce constat, qui mériterait bien sûr d’être nuancé, plusieurs sociétés, organismes ou institutions ont réagi, et nous voudrions rappeler ici l’intérêt d’essais en laboratoires ou sur des installations-pilotes :
- ● disposer d’estimations fiables en matière de performances et de coût des traitements,
- ● permettre, par ces informations, de préciser l’enjeu financier et la stratégie à adopter, en donnant rapidement des bases solides de discussion,
- ● participer à la baisse des coûts via des mises en concurrence et des optimisations de solutions dès la phase amont,
- ● développer des solutions de traitement sur site ou in situ qui, par de très nombreux aspects, sont les plus souhaitables (traitement biologique, lixiviation statique, inertages, tris granulométriques, lavage, etc.) et permettent en tout état de cause de limiter fortement, voire de supprimer les quantités de terres ou de déchets résiduels à traiter dans des installations fixes telles qu’unités d’incinération ou CET.
Les garanties de performances à réaliser au niveau des opérations elles-mêmes
L’aspect le plus important, qui reste à développer est celui des “garanties” de performances ; nous pensons en effet que, de plus en plus, notamment avec l’amélioration de la qualité des audits concomitante à des essais en laboratoire et sur pilote, devrait se développer la capacité des entreprises françaises à proposer des opérations “clés en main”, libérant le maître d’ouvrage d’une partie de ses responsabilités, en les transférant à l’entreprise de dépollution qui, censée avoir pris connaissance complète du problème et en tant que spécialiste, devrait être à même de prendre ses responsabilités en tant qu’opérateur du traitement.
Il y a là un facteur de progrès à court terme qui vaut d’être étudié, en concertation avec l’Administration, notamment pour ce qui concerne les opérations in situ (sans excavation).
Une profession de plus en plus spécialisée
Après s’être développé de manière peut-être trop rapide dans d’autres pays, le marché de la décontamination/réhabilitation des sites a touché nos côtes ; crise aidant, ce ne sera pas le “marché du siècle”, comme certains l’ont dit, ni même un marché au décollage très rapide ; ce sera, en revanche, un secteur de développement dont bénéficieront des sociétés déjà spécialisées dans l’environnement, en particulier l’environnement industriel, professionnelles et capables d’offrir des études et services à faible coût, tout en assumant leurs responsabilités vis-à-vis d’obligations de moyens ou de garanties de résultats.
Conclusion
La condition actuelle de succès, face à un site pollué, est de faire le nécessaire, seulement le nécessaire, à moindre coût et sans “casser” ni même, le cas échéant, interrompre la vie de l’outil industriel. Une condition supplémentaire est sûrement l’implication, directe et forte, des services techniques internes des industries propriétaires ou exploitantes de sites potentiellement pollués, auxquels les “réhabiliteurs de sites” devront savoir apporter les moyens et procédés complémentaires nécessaires.