L’objectif principal du traitement des boues, dans une station d’épuration, est de conditionner les boues recueillies dans les ouvrages sous une forme compatible avec leur destination finale. Très généralement, les boues doivent être déshydratées, pour être amenées à la siccité souhaitée.
Cette étape de déshydratation conduit donc à séparer les boues d’une partie de leur eau. Cette eau, plus ou moins chargée en boues selon la qualité de la séparation, est retournée en tête de station.
Ces retours en tête, selon la qualité de séparation de la déshydratation, amènent une pollution – donc une surcharge – plus ou moins importante dans la ligne de traitement des eaux. Cette surcharge se traduira notamment par un accroissement du débit de boues et de la consommation d’oxygène des bassins d’aération, donc, in fine, par des surcoûts d’exploitation (électricité, réactifs).
Un deuxième objectif du traitement des boues sera donc de minimiser le flux de pollution retourné en tête de station.
Parmi les moyens de déshydratation mis en œuvre sur les stations d’eaux résiduaires, la centrifugation se présente comme l’un des moyens à forte capacité d’automatisation et de contrôle (voir l’encadré ci-après).
Une conduite optimale d’un atelier de centrifugation aura donc pour objectifs principaux
Comment fonctionne une centrifugeuse ?
La séparation est effectuée dans un rotor cylindro-conique horizontal (bol) contenant une vis convoyeuse qui tourne dans le même sens que le rotor mais à une vitesse légèrement différente. La différence de vitesse est appelée vitesse relative ou VR.
La boue à traiter, additionnée de polymère, est introduite dans la machine. Sous l'action de la force centrifuge, les solides se déposent en couche sur les parois (bol). La vitesse relative de la vis convoyeuse fait progresser le produit décanté ou sédiment vers la sortie de la machine, alors que le liquide extrait des boues se collecte au centre de la machine pour être évacué (centrat).
La meilleure évaluation du bon fonctionnement d'une centrifugeuse est le calcul du rendement d'extraction ou taux de capture TC.
CA = Concentration de la boue à l'alimentation de la machine de MES
CS = Siccité du sédiment (% de MES)
CL = Concentration du liquide clarifié ou centrat (% de MES)
[Photo : Figure 1 : Centrifugeuse]
de produire des boues de siccité élevée, et de minimiser les retours en tête. Les fabricants de centrifugeuses ont développé des automatismes permettant d’atteindre l’objectif des siccités élevées, en particulier avec les nouvelles générations de centrifugeuses. En revanche, l’optimisation complète du procédé de déshydratation n’était pas réalisée, en particulier parce que la mise en œuvre d’un tel automatisme nécessite une information fiable sur le taux de capture de la machine.
Aussi Degrémont, voulant proposer une solution d’automatisation de l'atelier de centrifugation qui maîtrise les retours en tête, a initié un programme de recherche visant à développer d’abord une mesure fiable et représentative de la qualité de la séparation, puis un produit d’automatisme utilisant cette mesure. Le résultat de ces recherches est un produit constitué d’un skid de mesure de la turbidité du centrat et d’une régulation par logique floue de la centrifugeuse : le Centrivel®.
La mesure de la concentration en matières en suspension du centrat
La qualité de toute régulation dépend fondamentalement de la pertinence et de la fiabilité des mesures qui l’alimentent. La plupart des informations nécessaires à la conduite de la centrifugeuse étaient disponibles dans l'environnement classique de cette machine, à l'exception d’une information représentative des flux de pollution retournés en tête de station. Celle-ci peut être fournie par une mesure en rapport avec la teneur en matières en suspension du centrat : l’absorption dans l’infrarouge (IR).
Le centrat produit par la centrifugeuse contient d’importantes quantités de microbulles et de mousses, ce qui rend la mesure directe de l’absorption IR dans le centrat absolument non représentative de la teneur en matières en suspension (MES).
De plus, sans précautions particulières, les optiques de mesure sont rapidement encrassées. Il a donc fallu développer un appareil breveté appelé « skid de préparation » qui prélève du centrat, en retire les microbulles et les mousses sans perdre de matières en suspension, et le présente à un capteur d’absorption IR : la mesure est alors bien corrélée à la teneur en MES. Le skid de préparation comporte également des dispositifs de nettoyage périodique du capteur.
Les retours d’expérience acquis sur la dizaine de skids de préparation actuellement en service confirment la représentativité et la fiabilité de la mesure.
La régulation par logique floue
Disposant dorénavant d'informations fiables et représentatives de l'état de la centrifugeuse, il a été possible de développer une régulation de la conduite de la centrifugeuse, dont les objectifs sont :
- de produire des boues à une siccité élevée,
- de maintenir la machine au plus près de sa capacité maximale,
- de minimiser les retours en tête,
- d’optimiser la consommation de polymère.
Les informations alimentant la régulation sont les débits de boues et de polymère admis sur la centrifugeuse, le couple de la machine, la vitesse relative vis/bol et l’absorption IR du centrat. La régulation commande le débit de boues et le débit de polymère admis sur la centrifugeuse. Il s'agit
[Encart : texte :
La mesure de la concentration en MES du centrat
Le principe de mesure retenu est l’absorption de la lumière infrarouge, qui est une représentation indirecte de la concentration en MES du milieu mesuré. La mesure de l’absorption de la lumière infrarouge dans un centrat de centrifugeuse est une opération délicate : le centrat contient en permanence d’importantes quantités de mousses et de microbulles qui interfèrent sur la mesure, et épisodiquement des « bouffées » de matières en suspension qui se déposent sur les optiques du capteur.
Il est donc impératif de s'affranchir de ces perturbations afin d'obtenir une mesure fiable. Degrémont a développé un appareillage simple appelé « skid de préparation » dont l’objectif est double :
* préparer en continu le centrat à analyser en le débarrassant des microbulles et des mousses, sans en altérer la représentativité (ne pas éliminer de MES en même temps que les microbulles) ;
* assurer un nettoyage périodique automatique des constituants du skid.
Un échantillon de centrat est amené par pompage dans un étage de préparation (élimination des microbulles et mousses), puis est transféré dans l’étage de mesure avant d’être évacué. La mesure de MES est effectuée par un transducteur optique qui délivre un signal à un transmetteur analogique. Des dispositifs de nettoyage automatique, utilisant de l’eau sous pression, sont actionnés périodiquement, ce qui conduit à une exploitation simple sans intervention humaine.]
[Photo : Figure 2 : Schéma de principe du skid de mesure de concentrations de MES]
[Photo : Figure 3 : Centrifugation conduite par Centriveil®]
Elle est donc d’une régulation multivariable en entrées et en sorties.
La régulation développée et brevetée par Degrémont est une régulation par « logique floue », encore appelée « fuzzy logic ».
Ce mode de régulation permet d’établir des algorithmes de conduite à partir d'un ensemble de règles énoncées « en langage naturel » par des experts en centrifugation (par exemple : « si la vitesse relative est basse et le centrat est très clair, alors il est possible d’augmenter le débit de boues de x % sans augmenter le débit de polymère »). La régulation par logique floue, encore récente dans nos métiers, est appelée à s'y développer, car elle est bien adaptée au contexte de l’assainissement.
Elle est supportée par les générations récentes d'automates programmables industriels, et ne nécessite donc pas d’automate spécifique.
Exemple d'application
Centriveil® désigne l'ensemble constitué du skid de préparation et de la régulation par logique floue.
Centriveil® a été utilisé aussi bien en conduite de centrifugeuses de la nouvelle génération ou « intensives » qu’en conduite de centrifugeuses traditionnelles.
Un exemple en est donné en figure 3.
La centrifugeuse est démarrée avec un débit de boues et un débit de polymère fixés par l'opérateur, puis passe sous le contrôle de Centriveil®.
On remarque que la charge massique (CM), exprimée en kg de matière sèche par heure, augmente alors de plus de 20 %, tandis que la consommation de polymère (exprimée en kg par tonne de MES) chute d’environ 30 % et ce jusqu’à stabilisation du régime de fonctionnement de la machine. Pendant ce temps, la siccité des boues produites est restée constante à 0,5 % de MES près.
On constate que Centriveil® s’est bien adapté à la variation de la qualité de la boue en augmentant le débit de boue, en diminuant le débit de polymère et ce sans intervention humaine.
Enfin, on remarque que le taux de capture est resté supérieur à 98 %, c'est-à-dire que les retours en tête sont restés limités à moins de 2 % de la production de boues de la station : les quatre objectifs de la régulation de la centrifugeuse sont donc atteints.
Conclusion
L’analyse du fonctionnement de l’atelier de centrifugation et de son implication dans le fonctionnement global de la station d’épuration met en évidence l'importance de la maîtrise du taux de capture de la centrifugeuse. Le procédé Centriveil® permet, en accédant à la mesure de la concentration en matières en suspension, de contrôler les retours en tête au moyen d'une régulation performante générant des économies appréciables d’exploitation.
L’exploitant de la station d’épuration peut ainsi limiter les consommations d’énergie électrique des bassins d’aération tout en diminuant le temps passé à la surveillance de l'atelier de centrifugation.
Centriveil® peut être proposé sur tout type de centrifugeuses, aussi bien dans les installations neuves que dans les ateliers de déshydratation existants.
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