Dans de nombreuses industries (sidérurgique, pétrolière, chimique, papetière, alimentaire), le contrôle continu du procédé est loin d’être étranger à l’amélioration de la production. On peut même dire que la plupart de ces industries ne seraient pas rentables sans l’utilisation intensive de l’instrumentation et de la régulation.
Pourtant ce n’est que récemment que l’expérience positive acquise dans les industries précitées a été appliquée à l’industrie du traitement des eaux résiduaires.
L’explication en est simple : dans les industries de procédé, un contrôle précis est nécessaire pour obtenir un produit compétitif et réaliser un bénéfice.
Tout est mis en œuvre pour qu’une chaîne de fabrication à la pointe de la technique puisse fournir un produit d’une haute spécificité.
L’industrie du traitement des eaux résiduaires est complètement à l’opposé : l’accent a été mis sur la qualité d’un service rendu à un client qui se trouve être « la source de matières premières ».
Le critère de rentabilité n’est donc pas du tout le même que précédemment.
D’autre part, une usine de traitement d’eaux résiduaires urbaines reçoit une charge hydraulique variant dans des proportions énormes et contenant des matières organiques dont la teneur est sujette à des variations encore plus importantes.
Pour pallier cet inconvénient, on a mis l’accent sur la réalisation d’unités surdimensionnées dotées d’une auto-régulation hydraulique et capables de fonctionner dans de larges échelles de débits.
Bien que cela soit toujours vrai aujourd’hui, l’apparition de nouveaux paramètres tels que la montée en flèche des coûts de l’énergie et de la construction, et la qualité que l’on exige de l’effluent qui retourne au milieu naturel, justifient la tendance actuelle vers une philosophie de la régulation qui s’apparente à celle des autres industries.
L’application des principes de régulation déjà connus à l’industrie du traitement des eaux résiduaires est une approche toute naturelle et relativement aisée.
Comme dans toute industrie, les techniques évoluent rapidement mais les principes de régulation de base (boucle ouverte, boucle fermée, cascade, etc.) restent inchangés. Ces principes sont définis dans l’appendice.
Pour la commodité du lecteur, chacun des chapitres de ce document forme un tout et peut être consulté indépendamment des autres.
Chaque chapitre (et, à fortiori, chaque boucle de régulation) a été traité dans l’optique suivante :
- — réduire les coûts d’exploitation,
- — diminuer la consommation d’énergie,
- — accepter les plus grandes variations possibles du débit d’influent tout en restituant un débit à peu près constant d’effluent.
Enfin, comme pour tout autre appareillage de l’usine, l’instrumentation doit présenter un ratio prix d’achat/bénéfice d’exploitation intéressant.
INTRODUCTION
La station de traitement d’eaux résiduaires décrite ici n’est autre qu’une unité conventionnelle à boues activées susceptible de traiter des résidus urbains aussi bien qu’industriels.
En général, une telle unité comprend les éléments suivants :
- — collecteurs,
- — prétraitements,
- — traitement primaire,
- — traitement secondaire,
- — injection de réactifs,
- — traitement des boues.
Le terme « collecteurs » regroupe aussi bien les ouvrages d’amenée à l'usine que les éventuelles stations de relèvement.
Le prétraitement comprend les équipements installés à l’entrée de l’unité et dont le rôle est de protéger les groupes de pompage, diminuer les odeurs ainsi que la charge des appareils installés en aval.
Ce sont : les systèmes de dégrillage, les dilacérateurs, les dessableurs, les chambres de répartition et de préaération.
Par traitement primaire, on entend la suite des opérations nécessaires pour récupérer les matières décantables et la plupart des matières en suspension. En particulier, on trouve de l'instrumentation au niveau des décanteurs munis d’un dispositif mécanique d'évacuation des boues.
Dans le traitement secondaire, on retrouve toutes les méthodes utilisant l’action d’organismes biologiques aérobies pour la décomposition biochimique des matières organiques instables en matières organiques ou inorganiques stables.
Le traitement des boues est une partie importante d'une usine de traitement et entre pour une grande part dans le budget construction et exploitation.
Outre les systèmes de pompage et de mesure de débit propres à chaque type de boue, on y trouve : fosses et puisards à boues, épaississeurs, incinérateurs, filtres sous vide, centrifugeuses, digesteurs.
Le chapitre réactifs comprend la chloration et l'injection de divers produits chimiques utilisés pour la réduction des odeurs, le maintien du pH, la coagulation, etc.
Les traitements tertiaire et physico-chimique sont regroupés dans un chapitre séparé bien que le principe des contrôles effectués soit les mêmes que précédemment (schéma ci-dessous).
I - COLLECTEURS ET OUVRAGES D’AMENÉE
On regroupe dans ce chapitre les stations de pompage et les conduites forcées d'amenée d'eau brute.
Le débit d'eau arrivant à la station est, en général, extrêmement variable. Comme il est primordial d’alimenter la station de traitement à débit constant, on utilise un puisard et le fonctionnement des pompes de reprise est lié au niveau du puisard.
La mesure de ce niveau est généralement effectuée par un système de bullage ou une sonde capacitive.
Le transmetteur correspondant délivre un signal de sortie 4-20 mA linéaire proportionnel au niveau.
Ce signal est utilisé pour indication (ou enregistrement) en salle de commande et pour contrôler le fonctionnement des pompes de deux manières.
1) Si les pompes sont à vitesse constante et fonctionnent en tout-ou-rien, le signal niveau transite par des relais d’alarme réglés pour délivrer des contacts marche-arrêt.
2) Si les pompes sont à vitesse variable, le fabricant de pompes fournit en général le positionneur qui reçoit directement le signal 4-20 mA.
Le niveau d’alarme maximum sera réglé de manière à ce que le personnel de maintenance alerté arrive sur place avant débordement du puisard.
De même, le réglage du niveau minimum est tel que les pompes ne puissent pas être désamorcées.
Le fonctionnement de chaque station de pompage doit être contrôlé à partir d'un poste de commande central.
La méthode de transmission de signal la plus économique tout en étant la plus sûre est le système de télémesure utilisant les fréquences vocales.
À la station de pompage, l’émission des signaux est assurée par des impulsions ou des contacts libres de potentiel.
La « lecture » du signal au poste de commande se fait sur un synoptique ou un casier d’alarmes lumineuses.
Ceci explique l’utilisation de plus en plus fréquente de débitmètres électromagnétiques pour mesurer le débit de refoulement de chaque station de pompage : en effet, non seulement ce capteur est particulièrement adapté pour ce type de mesure, mais il délivre, de surcroît, un signal de sortie fréquence (0-10 kHz) et un signal impulsionnel normé pour comptage.
Les signaux les plus souvent transmis depuis une station de pompage sont les suivants :
- — débit,
- — niveau du puisard avec alarmes mini-maxi,
- — état des pompes (marche-arrêt-défaut),
- — détection de gaz explosifs et de fumées,
- — pression d'aspiration et/ou de refoulement,
- — défaut alimentation électrique.
Si un dégrilleur est utilisé, le cycle de nettoyage peut aussi être contrôlé à partir du poste central de commande.
L'opérateur commande à partir du poste central de commande l’arrêt et le démarrage manuel des pompes.
Les indications de débit et de pression qu’il visualise en permanence lui permettent de modifier à tout moment le rythme de fonctionnement des pompes.
Le problème des odeurs (en général des émanations d'hydrogène sulfureux) se pose au niveau des regards d’égouts et des aires de stockage. Il peut aussi exister aux ouvrages d'amenée si la station reçoit des effluents en provenance de fosses septiques.
Dans ce dernier cas, une chloration à la station de pompage peut s’avérer nécessaire.
Pour des raisons d'économie, le taux de traitement est de l'ordre de 2 à 5 ppm, juste assez pour inhiber la formation d'hydrogène sulfureux.
Dans certaines grosses unités, l'utilisation d'un calculateur s’avère rentable. Celui-ci prend en compte des paramètres tels que les niveaux de puisard, les débits de pompage et la capacité de la station. Il peut ainsi permettre le stockage momentané de l'influent dans des réservoirs conçus à cet effet, pendant les crêtes et le pompage de cet excès vers la station de traitement lors des périodes de bas débit.
II - PRETRAITEMENT
Sous cette dénomination, on englobe tout l’équipement de protection installé à l'entrée de la station de traitement.
Ce n'est, bien sûr, pas la place pour une instrumentation sophistiquée. Cependant, la fonction de contrôle s’avère nécessaire à ce niveau.
On distingue :
- — mesure de débit d'influent,
- — dégrilleur : contrôle du fonctionnement de la grille et nettoyage,
- — contrôle du dilacérateur,
- — fonctionnement du dessableur,
- — prétraitement au chlore.
Le débit influent est le paramètre qui sert de base à tous les calculs de rentabilité de l'unité.
Il sert aussi à contrôler le pompage des boues et le dosage de produits chimiques (il faut être très prudent dans ce dernier cas car le temps de séjour important au niveau du décanteur primaire peut fausser toute la régulation).
L'élément primaire de mesure de débit peut être un Parshall-Flume, un débitmètre électromagnétique ou un venturi.
- — Le Parshall-Flume est le moins précis des trois, mais il possède des atouts non négligeables : pas de problème de bouchage, inspection facile et maintenance quasi-nulle.
Le capteur associé est, en général, un débitmètre à ultrasons ou à flotteur.
L'élévation à la puissance ³⁄₂ du signal de niveau (Q = f (h³⁄₂)) peut être exécutée soit par le débitmètre lui-même, soit par un module de calcul dans le poste de commande, soit par le calculateur s'il existe.
- — La précision du venturi peut être qualifiée de « moyenne ».
Pendant des années, ce capteur fut le seul existant.
Le signal de sortie du transmetteur associé doit être linéarisé par extraction de racine carrée. Il en résulte un manque total de précision dans les faibles valeurs de l'échelle.
De plus, compte tenu de la nature du fluide, les problèmes de bouchage des prises de pression sont très fréquents.
— Le débitmètre électromagnétique est le plus précis des capteurs possibles et, quelle que soit l’échelle de débit.
Cependant, c’est le plus coûteux des appareils à l’achat (quoique à partir de diamètres importants, le venturi ne lui cède en rien).
En contrepartie, son coût d’installation est inférieur à celui d’un venturi et il ne connaît pas de problèmes de bouchage.
Si l’effluent présente un pourcentage notable de corps gras, il est recommandé d’adjoindre au débitmètre un nettoyage ultrasonique des électrodes.
Le premier intercepteur de solides rencontré est le dégrilleur.
Du fait de sa fonction, cet obstacle physique est sujet aux bouchages et requiert une maintenance soutenue.
Le cycle de nettoyage peut être séquentiel avec une possibilité au niveau de l’opérateur de modifier la durée et la fréquence.
Il est de loin préférable de déclencher automatiquement le nettoyage par un contact d’alarme provenant d’une mesure différentielle de niveau en amont et en aval du dégrilleur.
Le dessableur et le dilacérateur fonctionnent sans aucune régulation mais leur état (marche-arrêt-défaut) doit être connu au poste central de commande via le calculateur, les verrines d’alarmes ou le synoptique.
Le dessableur doit être conçu de telle manière qu’il assure un ralentissement de la vitesse de passage — et donc une diminution du débit — suffisante pour que le sable se dépose par décantation mais pas les particules solides plus légères.
Quand il y a plusieurs dessableurs, la vitesse de passage peut être contrôlée en fonction du débit d’entrée.
Si ce dernier est trop faible, il faut mettre automatiquement hors service un ou plusieurs dessableurs.
S’il y a un système d’aération au niveau du dessableur, il faut toujours garder présent à l’esprit que l’air utilisé provient en général de la même source que celui nécessaire au fonctionnement des vannes de régulation et des bassines d’aération secondaires et qu’un excès dans une direction entraîne immanquablement un défaut dans les autres.
La pente continue des collecteurs et ouvrages d’amenées donne une charge hydraulique suffisante pour permettre la construction de la plupart des ouvrages au-dessus du niveau du sol.
Cependant, il peut être judicieux de disposer d’un puisard pour servir de chambre d’aspiration aux pompes d’eau brute.
Cette eau brute contient encore un pourcentage conséquent de solides en suspension, de graisses et d’huiles. C’est pourquoi le mesureur de niveau le plus souvent utilisé est l’ensemble composé d’un système de bullage et d’un transmetteur de pression différentielle.
Dans certains cas particuliers, on trouve des transmetteurs de pression différentielle à brides, des sondes capacitives ou des capteurs de niveau à ultrasons.
Le pompage dans le puisard est généralement assuré par une combinaison de pompes à vitesse fixe et de pompes à vitesse variable judicieusement choisies et calibrées pour maintenir en permanence un débit constant de refoulement vers les décanteurs primaires, sans risque de désamorçage dû à une vitesse trop faible.
Lorsque le niveau dans le puisard augmente et que la première pompe approche de sa vitesse maximale, une deuxième pompe démarre automatiquement et se positionne immédiatement à une vitesse telle que les deux pompes assurent chacune la moitié du débit. La manœuvre inverse est valable : quand la vitesse des deux pompes tombe sous un minimum prédéterminé, l’une d’entre elles s’arrête et l’autre augmente sa vitesse pour assurer le débit à elle seule.
Ce type de fonctionnement évite les variations de débit et de niveau trop importantes sur les décanteurs primaires et les débordements qui pourraient s’ensuivre.
Le fonctionnement séquentiel des pompes est piloté par le signal de sortie du régulateur de niveau.
Des compteurs totalisateurs permettent à l’opérateur de connaître à tout moment le temps de fonctionnement des pompes et de programmer son planning de maintenance.
Une alarme niveau mini délivrée par le transmetteur de niveau arrête automatiquement le pompage lorsque la hauteur d’aspiration n’est plus suffisante.
Les pompes d'eau brute (ainsi que toutes les autres pompes de la station) nécessitent une maintenance qui peut s’avérer coûteuse si l’opérateur n'est pas informé en permanence de l'état des groupes de pompage. C'est pourquoi les paramètres suivants doivent être visualisés en permanence et doublés de signal d'alarme visuel et/ou sonore :
- — tension d'alimentation,
- — ampérage,
- — temps de fonctionnement,
- — marche-arrêt,
- — pression d'aspiration et/ou de refoulement,
- — panne moteur,
- — disjoncteur,
- — pression huile,
- — températures paliers,
- — température bobinages,
- — vitesse de rotation,
- — vibration.
Lorsque l'influent est d'origine septique et que les odeurs au niveau du dessableur et du décanteur primaire deviennent trop importantes, un prétraitement au chlore est nécessaire.
Si l'on veut simplement supprimer les odeurs sans assurer une désinfection, il n’est pas nécessaire de détecter un résiduel.
Seule l'expérience peut donner une idée de la quantité de chlore à injecter.
III - TRAITEMENT PRIMAIRE
Les décanteurs primaires sont les premiers ouvrages hydrauliques importants de la station.
Leur fonctionnement étant régi par le principe de différences de gravité, on n'y trouve pas de régulation automatique et les mesures sont limitées à la récupération des boues et de l’écume.
Le pompage des boues fraîches nécessite un contrôle serré.
Bien que des pompes à vitesse variable soient parfois utilisées, la nécessité de maintenir une vitesse constante dans la tuyauterie pour éviter un dépôt de boues implique un fonctionnement en tout-ou-rien.
Le pompage doit être arrêté lorsque la densité de boues est trop faible, ceci afin d'éviter l'obtention de boues trop chargées en eau.
Cette condition est difficile à déterminer précisément car la densité de la boue n’est que très légèrement supérieure à celle de l'eau.
En réalité, le fonctionnement en tout-ou-rien est fréquemment commandé par une minuterie à cycle réglable en durée et fréquence (par exemple, 10 minutes de pompage toutes les heures).
L'inconvénient de ce procédé réside dans la nécessité de changer de cycle de fonctionnement en période de bas débit.
Cette difficulté peut être tournée en utilisant un compteur à prédétermination sur le signal de débit d'entrée dans la station.
Ce compteur actionne un relayage qui autorise ou non le démarrage des pompes en fonction du débit d'arrivée au décanteur.
C'est une forme de « feedforward » contrôle qui peut d'ailleurs être transformée en « feedback » contrôle si l'on prend en compte la densité de la boue (voir Appendice qui sera publié ultérieurement).
Les densimètres utilisés qui permettent d’arrêter le pompage lorsque la densité de la boue diminue sont munis d'un système retardateur de manière à permettre le remplissage de la tuyauterie avant que le procédé soit opérationnel.
Un tel contrôle permet un pompage régulier et a les avantages suivants :
- — pas ou peu de développement de boues septiques dans le décanteur,
- — pas d'accumulation excessive de boues dans le décanteur ce qui endommagerait les racleurs,
- — concentration minimale en eau des boues pompées.
Le pompage des boues est étroitement lié aux variations du débit influent et des caractéristiques de la boue elle-même.
Ainsi, un changement de 3 à 4 % de la teneur en solides des boues brutes (soit une teneur en eau de 97 à 96 %) entraîne une diminution de volume des boues de 33 %.
Les boues primaires forment une masse instable contenant des ordures ménagères, des matières fécales, des graisses et des déchets solides de petite dimension.
Cette composition amène parfois à utiliser un débitmètre électromagnétique spécial pour éviter tout bouchage des tuyauteries.
Son revêtement est chauffé pour éviter les dépôts de graisse et les électrodes sont, soit non apparentes, soit munies d'un système de nettoyage automatique par ultrasons.
Un degré ultime d’automatisation est atteint si l'on asservit le démarrage des pompes au niveau du voile de boues dans le décanteur. Le détecteur de niveau utilisé comprend une cellule photo-électrique ou à ultrasons reliée à un capteur-transmetteur.
On dispose, soit de plusieurs détecteurs à différents niveaux, soit d'un seul appareil mobile sur la hauteur utile du décanteur.
Ce dernier paramètre est seulement indiqué pour mémoire car la nature même des boues primaires apporte un facteur d’erreur important dans la détection de l'interface. Il est donc utilisé assez rarement.
L'évacuation de la mousse et des matières flottantes (graisses et huiles) est fonction de leur composition.
Elle est faite, soit vers un digesteur, soit vers un épaississeur avec adjonction d'hydroxyde de sodium et de polymères.
Au début de 1981, nous publierons en deux autres parties, la suite de cet article.
L'on abordera successivement les points suivants : traitement secondaire, traitement des boues, digestion anaérobie, incinération, réactifs et traitement tertiaire.