[Photo : Christian COURSIER]
Christian COURSIERLyonnaise des Eaux
[Photo : Daniel CONSTANT]
Daniel CONSTANTSociété Secomam
La Directive Européenne n° 91/271 du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires impose que (article 4) : « Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans le système de collecte soient, avant d'être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent… ». En annexe I-1-1, elle précise : « Les États membres veillent à ce que soit appliquée une méthode de surveillance… ».
Les paramètres à contrôler sont, au minimum, la Demande Biologique en Oxygène, la Demande Chimique en Oxygène et les Matières en Suspension complétés dans les zones sensibles, par le Phosphore Total et l'Azote Total (tableaux I et II).
Un bref état de l'art montre que l'exploitant de station d'épuration ou la collectivité locale dispose aujourd'hui de peu de moyens simples d'exercer un tel contrôle. Ils peuvent se résumer en trois familles :
- - les méthodes normalisées,
- - les microméthodes de laboratoire,
- - les analyses en ligne (tableau III).
Aucune de ces techniques ne satisfait totalement au problème posé par la Directive Européenne, car elles sont toutes lourdes à mettre en place, onéreuses et souvent longues (la DBO 5 jours en est un exemple).
Associé au Professeur Olivier Thomas, nous avons entrepris le développement d'un appareillage portable, automatique, rapide, simple et économique d'emploi.
Cet appareil est basé sur le principe de la polyphotométrie UV. Le principe mis en œuvre est celui décrit par la loi de Beer : l'absorbance optique mesurée d'un mélange en solution est la somme des absorbances de chacun des composés.
Les paramètres à doser (Matières Organiques et en Suspension) étant des mélanges d'un très grand nombre de molécules, il était impensable de les introduire toutes dans la mémoire de l'appareil. L'idée du Professeur Thomas a été de les caractériser en famille homogène, identifiés sous forme de spectres de base caractéristiques d'états fondamentaux de la matière organique.
[Photo : Fig. 1 – Spectrophotomètre UV-Vis Anthélie Data Version 4.1d. Date : lundi 15 juillet 1996. Heure : 17 h 53. Méthode : mesure de spectre – version 9 b.]
[Photo : Fig. 2 – Pastel UV. Date : mardi 25 juin 1996. Heure : 9 h 28.]
Tableau I
Prescriptions relatives aux rejets provenant des stations d'épuration des eaux urbaines résiduaires et soumises aux dispositions des articles 4 et 5 de la présente directive. On appliquera la valeur de la concentration ou le pourcentage de réduction.
Paramètres |
Concentration |
Pourcentage minimal de réduction |
Méthode de mesure de référence |
– Demande biochimique en oxygène (DBO5 à 20 °C) sans nitrification (2) |
concentration 25 mg/l O2 |
pourcentage minimal de réduction 70-90 |
méthode de mesure de référence : échantillon homogénéisé, non filtré, non décanté. Détermination de l’oxygène dissous avant et après une incubation de 5 jours à 20 °C ± 1 °C, dans l’obscurité complète. Addition d’un inhibiteur de nitrification. (40 mg/l O2 aux termes de l’article 4, paragraphe 2.) |
– Demande chimique en oxygène (DCO) |
concentration 125 mg/l O2 |
pourcentage minimal de réduction 75 |
méthode de mesure de référence : échantillon homogénéisé, non filtré, non décanté. Bichromate de potassium. |
– Total des matières solides en suspension |
concentration 35 mg/l (3) |
pourcentage minimal de réduction 90 (3) |
méthode de mesure de référence : filtration d’un échantillon représentatif sur une membrane de 0,45 µm, séchage à 105 °C et pesée. |
(1) Réduction par rapport aux valeurs à l’entrée.
(2) Ce paramètre peut être remplacé par un autre : carbone organique total (COT) ou demande totale en oxygène (DTO), si une relation peut être établie entre la DBO5 et le paramètre de substitution.
(3) Cette exigence est facultative.
Tableau II
Prescriptions relatives aux rejets provenant des stations d'épuration des eaux urbaines résiduaires et effectués dans des zones sensibles sujettes à eutrophisation. En fonction des conditions locales, on appliquera un seul paramètre ou les deux. La valeur de la concentration ou le pourcentage de réduction seront appliqués.
Paramètres |
Concentration |
Pourcentage minimal de réduction |
Méthode de mesure de référence |
– Phosphore total |
concentration 2 mg/l P (EH compris entre 10 000 et 100 000) ou 1 mg/l P (EH de plus de 100 000) |
pourcentage minimal de réduction 80 |
méthode de mesure de référence : spectrophotométrie par absorption moléculaire. |
– Azote total (2) |
concentration 15 mg/l N (EH compris entre 10 000 et 100 000) ou 10 mg/l N (EH de plus de 100 000) (3) |
pourcentage minimal de réduction 70-80 |
méthode de mesure de référence : spectrophotométrie par absorption moléculaire. |
(1) Réduction par rapport aux valeurs à l’entrée.
(2) Azote total signifie le total de l’azote obtenu par la méthode de Kjeldahl (azote organique + NH3), de l’azote contenu dans les nitrates (NO3) et de l’azote contenu dans les nitrites (NO2).
(3) Autre possibilité : la moyenne journalière ne doit pas dépasser 20 mg/l N. Cette exigence se réfère à une température de l’eau de 12 °C au moins pendant le fonctionnement du réacteur biologique de la station d’épuration. La condition concernant la température pourrait être remplacée par une limitation du temps de fonctionnement tenant compte des conditions climatiques régionales. Cette possibilité n’est ouverte que si l’on peut prouver que les conditions fixées au point D 1 de la présente annexe sont remplies.
La reconstitution du spectre UV d’un échantillon imposait d'inclure aussi dans la banque de spectres des composés minéraux, comme les nitrates et les détergents.
Une base de cinq spectres dont trois pour la matière organique a été retenue. Les trois spectres de la matière organique ont été étalonnés en carbone organique total (COT), demande biologique en oxygène (DBO), demande chimique en oxygène (DCO) et matière en suspension (MES) (figure 1).
Pour un échantillon donné, la pondération des bases permet de quantifier les valeurs numériques.
L’appareil est constitué d’un polychromateur à barrette de diodes permettant l’acquisition d’un spectre UV en moins de deux secondes, d’une lampe au deutérium en mode pulsé, alimentée par batterie, et d’une électronique de calcul à microprocesseur (figure 2). Il se présente sous la forme d’une valise de moins de 5 kg et fonctionne avec une autonomie de 100 dosages (figure 3).
En moins d’une minute, il mesure sur échantillon brut les COT, DBO, DCO, MES, NO3 et DBS (détergents anioniques). Il fonctionne avec tout échantillon urbain : eau brute, eau traitée ou naturelle.
Ce procédé de mesure, comme toute méthode alternative, nécessite, dans le cadre de l’autosurveillance, une validation externe par comparaison avec les méthodes normalisées. Une telle démarche a été mise en place par la Lyonnaise des Eaux sur ses sites d’Orléans et de Bordeaux.
L’appareil a été testé dans un laboratoire d’analyse des eaux résiduaires ; celui-ci est agréé par le ministère de l’Environnement pour les analyses de type I (arrêtés du 18/04/96 et 17/06/96).
Les essais ont porté sur la détermination de quatre paramètres (MES, DCO, DBO5, NO3) pour différents types
Tableau III
Synthèse des méthodes alternatives pour les principaux paramètres d’analyse des eaux.
Paramètres principaux
M.E.S. : gravimétrie → turbidimétrie * (Test : –)
D.B.O.5 : dilution → respirométrie rapide * (Test : –)
D.C.O. : oxydation et titrimétrie colorimétrique → oxydation par microondes (Test : T)
C.O.T. : combustion ou photo-oxydation → spectrophotométrie U.V. * (Test : –)
N-Kjeldahl : minéralisation, acidimétrie (Test : T)
NH4 : spectrophotométrie (Bleu d’indophénol) → électrode sélective (Tests : T, B)
NO3 : colorimétrie → spectrophotométrie U.V., électrode sélective (Tests : T, B)
P total / PO4 : minéralisation et détermination des PO4, colorimétrie → minéralisation par microondes (Test : T)
Constituants minéraux
Cadmium, Plomb : S.A.A. → polarographie (Test : T)
Chrome hexavalent : spectrophotométrie U.V. (diphénylcarbazide) → spectrophotométrie U.V. (Tests : T, B)
Cuivre : S.A.A. → spectrophotométrie U.V.-Visible indirecte (Tests : T, B)
Mercure : S.A.A. (vapeur froide) → spectrophotométrie U.V.-Visible indirecte (Test : –)
Composés organiques
Surfactants anioniques : extraction, spectrophotométrie (Bleu de méthylène) → électrode sélective (Test : T)
Indice Phénol : distillation et spectrophotométrie → spectrophotométrie U.V. * (Test : T)
Tableau IV
Eaux brutes
Paramètre et Méthodes (mg/l) |
Site A |
Site B |
MEST PASTEL |
590 |
320 |
MEST AFNOR |
408 |
290 |
DCO PASTEL |
900 |
450 |
DCO AFNOR |
863 |
460 |
DBO5 PASTEL |
345 |
150 |
DBO5 Resp. |
420 |
150 |
NO3 PASTEL |
0 |
0 |
NO3 Color. |
0 |
0 |
Eaux traitées
Paramètre et Méthodes (mg/l) |
Site A |
Site B |
Site C |
MEST PASTEL |
28 |
35 |
28,5 |
MEST AFNOR |
24,3 |
33,2 |
37,7 |
DCO PASTEL |
97 |
107 |
81 |
DCO AFNOR |
89 |
100 |
70 |
DBO5 PASTEL |
<20 |
<20 |
<20 |
DBO5 Resp. |
5 |
9 |
16 |
NO3 PASTEL |
6,0 |
7,1 |
0,3 |
NO3 Color. |
5,5 |
6,7 |
0,3 |
Pour ces paramètres, chaque échantillon était analysé en parallèle et avec des méthodes validées en laboratoire (tableau IV).
Les résultats obtenus nous amènent aux conclusions suivantes :
L’appareil permet un diagnostic rapide de la qualité des effluents de type urbain tant pour l’eau brute que pour l’eau traitée.
Compte tenu de la facilité de mise en œuvre de l’appareil et des modes opératoires, il peut être utilisé par des exploitants de station d’épuration devant faire des analyses de terrain. Cette approche permet d’évaluer en quelques minutes l’efficacité du traitement et de réagir très vite sur la conduite de cette station.
Dans le cadre de l’autosurveillance, il est indispensable de caler régulièrement les valeurs obtenues avec cet appareil de terrain par des méthodes normalisées afin d’obtenir des coefficients de linéarité suivant les types d’eaux à analyser.
Cet appareillage est en cours de validation, suivant des méthodes normalisées, sur un autre site de la Lyonnaise des Eaux et nous pensons pouvoir essayer un appareil similaire, adapté à l’analyse en continu, sur une station de traitement des eaux résiduaires.
[Photo : Fig. 3 : L’appareil Pastel UV.]