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Réflexions sur le traitement des eaux de temps de pluie

29 avril 1994 Paru dans le N°172 à la page 41 ( mots)

Le traitement des eaux de temps de pluie nécessite la prise en compte de débits importants pendant des périodes variables. Dans un souci d'optimisation des investissements, il est nécessaire de prévoir des ouvrages offrant des fonctions multiples. Parmi les procédés utilisables, les procédés physico-chimiques trouvent tout leur intérêt. Les diverses utilisations et implantations de ces procédés qui ne sont pas justifiables d'un brevet, envisagées par les secteurs de l'épuration, sont recensées.

Le traitement des eaux de temps de pluie dans la conception ou la rénovation d’une station d’épuration nécessite la mise en œuvre de solutions originales du fait des problèmes posés par une augmentation importante des débits. Des solutions ont déjà été proposées, d’autres ont été évoquées ici ou là, d'autres enfin peuvent être imaginées avec plus ou moins de chances de concrétisation. L’objet de ce texte est de les recenser de façon exhaustive afin d’éviter toute tentative de mettre à profit ces besoins nouveaux pour bloquer au profit de tel ou tel bénéficiaire des idées nées de la réflexion de l'ensemble des acteurs de l'épuration, lors de réunions et de commissions publiques ou privées ainsi que cela est explicité sous la rubrique Forum (1) du présent numéro. Nous avons recensé les modes de mise en œuvre des procédés, et non les procédés nouveaux (qui relèvent du brevet). Certaines des techniques qui sont proposées peuvent faire l'objet de droits antérieurs de propriété industrielle. Tout utilisateur devra s’en assurer avant de les proposer ou de les mettre en œuvre.

Critères de choix des procédés

La connaissance des caractéristiques des eaux de temps de pluie permet de dégager un certain nombre de critères pour le choix des solutions à retenir :

  • - la compacité : au vu de la place disponible, souvent restreinte et des importants débits à traiter, il faut utiliser des procédés qui prennent peu de place ;
  • - la disponibilité du procédé : les procédés doivent pouvoir s’adapter à des variations de débits et de charge dans des temps très courts. Dans le cas d'une utilisation intermittente, l’ouvrage doit être mis en route rapidement sans que l’on puisse prévoir les périodes de retour ;
  • - la fiabilité : le procédé est amené à fonctionner à tout moment et dans des conditions diverses liées à la variabilité, tant des charges de pollution que du débit des pluies ;
  • - l’automatisation : la variabilité et la fiabilité nécessitent la mise en place d’un automatisme qui prenne en compte les diverses possibilités de fonctionnement.

Les procédés physico-chimiques répondent aux critères exigés et s’adaptent à la spécificité des eaux de temps de pluie, plus facilement décantables que les eaux de temps sec. Le procédé le plus adapté est celui qui met en œuvre la décantation lamellaire, plus particulièrement avec une étape de coagulation-floculation qui améliore sa performance. Ce procédé permet de se mettre en conformité avec la législation tant pour le taux des matières en suspension que de la pollution carbonée et du phosphore. Le niveau requis pour l’azote, qui s’exprime lui en moyenne annuelle, peut être atteint selon la qualité de l'eau à traiter. Il faut vérifier que la qualité de l'eau obtenue après traitement les jours de temps de pluie permet de rester conforme à la valeur calculée sur la moyenne annuelle des résultats.

Les procédés biologiques traitent bien la pollution carbonée, azotée et phosphorée, mais ils répondent très imparfaitement aux critères demandés. Si l'on souhaite respecter les normes de rejet, l’expérience montre qu'il n’est pas raisonnable de leur imposer de trop grandes variations de débit. De plus, ces procédés sont difficilement utilisables lors d'un fonctionnement intermittent, en tout ou rien, car ils nécessitent des temps d’adaptation importants. À la lumière des connaissances actuelles, on peut adapter le mode de fonctionnement des installations existantes pour prendre en compte le temps de pluie, sous réserve que les variations de débit ne dépassent pas 2 à 4 fois le débit moyen de temps sec.

Les procédés physico-chimiques

Afin d’assurer un traitement conforme des surverses unitaires et d’utiliser au mieux les ouvrages de temps sec, nous avons envisagé différentes utilisations et implantations des procédés.

[Photo : Figure 1. physico-chimiques dans la filière de traitement.]

Prenons l’exemple d’une station classique constituée d’un pré-traitement, éventuellement d’une décantation primaire, et d’un traitement biologique.

Utilisation spécifique par temps de pluie

La solution la plus simple est de prévoir un ouvrage spécifique de temps de pluie. Cet ouvrage est placé en parallèle de la filière existante, de préférence après l’étape de pré-traitement (figure 1). Ce traitement fonctionne par intermittence et doit être mis rapidement en fonction.

La mise en route et l’arrêt s’effectuent automatiquement ; par exemple, lorsque le débit mesuré en amont de la station atteint un point de consigne donné, les réactifs sont ajustés au débit à traiter.

Différentes modalités de mise à l’arrêt sont possibles :

  • • l’ouvrage reste en eau. Dans ce cas, une désinfection au chlore de l’eau présente dans l’ouvrage évite des fermentations importantes ;
  • • l’ouvrage est alimenté en permanence avec un débit très faible afin d’assurer un léger flux évitant les fermentations ;
  • • l’ouvrage est vidangé. Il faut alors s’assurer que le redémarrage du procédé retenu ne pose aucun problème lors de la pluie suivante.

Les boues seront extraites de l’ouvrage par le circuit normal de purge pendant ou après l’événement pluvieux, en fonction de l’intensité et de la durée de la pluie. Si l’installation ne comporte pas de décanteur primaire, les boues pourront être stockées et envoyées sur le traitement biologique.

Une partie des eaux de temps de pluie peut être retenue dans des bassins de stockage. Dans l’optique de la Directive Européenne, ces bassins permettent de stocker les eaux de temps de pluie jusqu’à pouvoir assurer leur dépollution dans la station d’épuration. Or, les volumes des bassins sont souvent insuffisants pour stocker l’ensemble des eaux de temps de pluie. Une combinaison du stockage et du traitement physico-chimique est alors fort utile. L’ouvrage de traitement a deux rôles : il est capable de traiter l’excédent d’effluent au fil de l’eau et il est utile lors de la vidange du bassin à très grand débit (figure 1). Il peut être implanté en amont ou en aval du bassin de stockage en fonction des besoins, ce qui présente plusieurs avantages :

[Photo : Figure 2.]
  • • on traite ces effluents de temps de pluie avant rejet soit sur l’ouvrage biologique, soit sur l’ouvrage physico-chimique ou encore sur les deux ouvrages à la fois selon les débits et volumes à traiter. Il suffit de prévoir des pompes de relevage des effluents en sortie de la décantation ou du bassin de retenue.
[Photo : Figure 3.]
  • • les débits de pluie à traiter seront moins importants d’où un ouvrage de décantation de taille plus réduite.

Toujours pour limiter les volumes de stockage, rappelons qu’un décanteur physico-chimique peut être considéré comme un « concentrateur » si l’on évacue l’effluent traité au fil de l’eau vers le milieu naturel, et que l’on refoule en continu les boues produites vers le stockage où elles peuvent être mélangées au surplus d’eau qui n’a pu être accepté par le décanteur.

Traitement d’affinage par temps sec

Un ouvrage prévu pour le temps de pluie peut aussi être utilisé le reste du temps pour affiner le fonctionnement de la filière de temps sec. L’ouvrage peut se situer en aval de l’installation (figure 2).

L’ouvrage de traitement physico-chimique est utilisé par temps sec pour obtenir une teneur résiduelle en matières en suspension inférieure à 35 mg/l ainsi que pour traiter, éventuellement, le phosphore par voie physico-chimique (déphosphatation tertiaire). Ceci permet de rentabiliser une partie de l’investissement.

Dans le cas où un bassin de stockage retient les eaux de temps de pluie, la solution la plus simple, pour le vidanger, est de traiter biologiquement les eaux stockées de temps de pluie. L’ouvrage de décantation retrouve alors sa fonction de traitement tertiaire juste après la pluie.

On peut aussi réaliser une déphosphatation chimique en l’intercalant entre la décantation primaire et le lit

[Photo : Figure 4.]
[Photo : Figure 5.]

Il suffit de prévoir un décanteur avec plusieurs compartiments qui seront mis en service au fur et à mesure des besoins, avec un ajout de réactif dans le compartiment souhaité (figure 3). L’élimination du phosphore sera facilitée car il n’y aura plus compétition avec les matières en suspension décantables. Cette disposition est plutôt adaptée lorsque le traitement biologique s’effectue par biofiltration. On améliore aussi la teneur en MES à l’entrée des biofiltres, ce qui augmente les cycles de fonctionnement de ces derniers. Dans le cas où une dénitrification sur biofiltre, en amont de la nitrification, a lieu, il faut s’assurer que la teneur en carbone organique reste suffisante.

Traitement complémentaire par temps sec

Dans le cas d’une station à réhabiliter, si le débit à traiter a fortement augmenté et que le traitement primaire existant ne donne plus entière satisfaction, on peut installer un décanteur lamellaire en parallèle du décanteur primaire (figure 4).

On peut faire le même raisonnement pour le clarificateur. Cette solution améliorera le fonctionnement général.

Si l’installation comporte un traitement biologique dont le clarificateur est parfois dépassé par des variations très importantes de débit par temps sec, l'étage de traitement physico-chimique supplémentaire placé en parallèle pourra être utilisé en affinage (figure 5).

Dans le cas où l’effluent de temps sec est traité directement par voie biologique, on peut éventuellement faire en sorte qu'une partie du débit de temps sec ne soit pas traité par voie biologique, mais simplement par voie physique afin qu'une partie de la pollution carbonée se retrouve à l’entrée du deuxième étage pour le traitement de l’azote.

Cas des biofiltres

Les biofiltres peuvent être utilisés dans au moins quatre types de configurations classiques :

  • traitement secondaire de la pollution carbonée après une décantation simple ou physico-chimique,
  • traitement secondaire simultané de la pollution carbonée et nitrification secondaire après une décantation simple ou physico-chimique,
  • traitement secondaire avec nitrification et dénitrification par recirculation en tête des nitrates en utilisant le carbone organique de l’eau décantée,
  • traitement tertiaire de nitrification seule.

Les trois dernières configurations conduisent toutes à des surfaces et des volumes d’ouvrages environ deux fois plus importants que pour le seul traitement du carbone. Il est alors fort intéressant de mettre à profit cette constatation pour augmenter les débits traités en temps de pluie, soit en mettant en parallèle des ouvrages fonctionnant en série lors du temps sec, soit en diminuant les débits de recyclage pour augmenter le débit d’eau brute traité. Si la demande en oxygène ne peut être satisfaite, on peut prévoir un apport supplémentaire en oxygène.

Solutions alternatives

En cas d’événements pluvieux, il peut être judicieux de réduire le degré d’épuration pour pouvoir traiter des débits plus importants, comme on l’a vu ci-dessus. En revanche, il convient de s’assurer que ce choix est compatible avec les impératifs de protection du milieu naturel. Grâce aux traitements physico-chimiques, ce sera probablement le cas pour les matières en suspension et la DBO, mais le risque se trouve du côté de l’ammoniaque qui risque de générer une demande en oxygène dans la rivière. Une première solution a été étudiée par le SIAAP ; elle consiste à créer des “îlots de survie” pour les poissons, en injectant de l’oxygène pur en des points judicieusement choisis après modélisation de la consommation de l’oxygène dans la rivière. Une autre solution peut être de mesurer en continu les paramètres les plus significatifs de la qualité de l’effluent avant rejet (MES, DCO, NH₄ par exemple), de calculer la demande en oxygène qu’il risque de générer dans la rivière et de la lui fournir par avance. Cette fourniture sera assurée sous forme d’oxygène pur que l’on va dissoudre par tout moyen approprié dans l’effluent traité en prenant soin d’éviter le départ de cet oxygène en sursaturation dans l’eau, au moment du rejet.

Conclusion

Les solutions explicitées ci-dessus indiquent qu’il est possible d’optimiser l’utilisation d’un ouvrage de temps de pluie, notamment lorsqu’il se situe dans une station d’épuration. Il doit alors s’inscrire dans une vue globale du système d’assainissement en tenant compte du lieu de rejet.

Les solutions évoquées ne présentent, à notre sens, aucune idée nouvelle et originale au sens strict d’un brevet. Cependant, ayant été déjà alerté par la publication de demandes de brevets infondés, il nous paraissait plus judicieux de recourir à cette publication afin que toutes les idées citées restent bien disponibles pour être utilisées par l’ensemble des acteurs de l’épuration.

(1) Nous engageons par ailleurs tous les intervenants qui partagent ce souci d’adresser à la revue les idées qu’ils souhaitent mettre à la disposition de tous. Bien entendu, il ne s’agira pas, ici, de procédés et technologies réellement nouveaux pouvant faire légitimement l’objet d’une protection. Seront publiées plutôt les idées résultant de l’agencement ingénieux de techniques existantes, conscients que plusieurs idées d’intérêt limité peuvent en générer d’autres, de plus grande envergure.

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