par Charles CHAUMIN,Ingénieur Études et Développement,C.T.E. (Cie européenne de Traitement des Eaux).
INTRODUCTION
La qualité des eaux, souterraines ou de surface, qui constituent la « matière première » pour la production d'eau potable, impose la mise en œuvre de traitements toujours plus complexes, en vue d’éliminer matières en suspension, matières colloïdales organiques ou minérales, substances dissoutes, et microorganismes. La clarification en particulier, c’est-à-dire l'élimination des matières en suspension et des matières colloïdales, est devenue un ensemble important, faisant intervenir une grande variété de mécanismes physico-chimiques. Le traiteur d’eau est donc amené à réaliser un outil complexe, à l'aide duquel l'exploitant doit être en mesure de garantir la qualité de l'eau clarifiée. Le fonctionnement de cet outil implique, entre autres, l'emploi d'un certain nombre de réactifs chimiques dont les taux d’application doivent être définis pour chaque qualité d'eau brute, de façon à obtenir les meilleurs résultats possibles sur l'eau clarifiée. La détermination de ces taux s'est, jusqu’à présent, pour des raisons que nous évoquerons plus loin, faite de manière empirique et manuelle.
Or, à une époque où les moyens d’automatisation et de calcul ont atteint un niveau élevé de développement, et où les soucis d’hygiène publique et d’efficacité économique croissent conjointement, il est surprenant de constater qu’informatique et traitement de l'eau sont deux domaines encore très éloignés. La question est aujourd'hui posée : dans quelle mesure et sous quelles conditions cette commande des opérations peut-elle être effectuée automatiquement sur les stations ?
Le but de cet exposé est de jeter un premier pont entre le traiteur d'eau et l'informaticien, en vue de bien préciser la nature de leurs besoins et moyens respectifs. Ce n’est en effet que par une approche rationnelle (et non émotionnelle, qui est souvent aujourd'hui le fruit du mythe généré par la puissance actuelle des moyens informatiques) qu'une collaboration fructueuse pourra s’établir entre ceux-ci et leur permettra de résoudre conjointement les problèmes qui restent posés dans le traitement des eaux.
RAPPELS ET DÉFINITIONS
Pour la clarté de cet exposé, il semble nécessaire de préciser dès maintenant un certain nombre de termes qui apparaissent par la suite.
Un système est défini comme un ensemble plus ou moins complexe de mécanismes physiques, chimiques, biologiques qui agissent sur un ensemble de variables d’entrée et les convertissent en un ensemble de variables de sortie.
Dans cette définition, le mot variable est pris dans le sens d'une caractéristique qui peut être mesurée et qui prend différentes valeurs au cours du temps.
Par opposition, un paramètre du système est une caractéristique de celui-ci qui demeure constante dans le temps.
Dans une station de traitement, l’ensemble coagulation-floculation-décantation-filtration est un système que nous dénommerons système de clarification. Les paramètres de ce système sont les caractéristiques géométriques, mécaniques et hydrauliques des ouvrages le constituant. Ses variables d’entrée sont les caractéristiques physiques et chimiques de l'eau brute et ses variables de sortie, celles de l'eau clarifiée.
Le problème se pose de classer les taux de réactifs chimiques utilisés dans l'une ou l'autre de ces catégories. Stricto sensu, ces grandeurs sont des variables puisqu’elles peuvent être modifiées dans le temps. Mais ces variables sont contrôlées, par opposition aux variables d’entrée et de sortie. Nous les appellerons VALEURS DE CONTRÔLE.
Notre système de clarification peut donc être schématisé comme suit :
Un modèle est une représentation simplifiée d'un système complexe, qui permet de simuler l'action de ce système sur ses variables d‘entrée.
Ces modèles peuvent être de deux types principaux :
- — modèles physiques, consistant en une reproduction, généralement sur modèle réduit, de tout ou partie des paramètres caractéristiques et valeurs de contrôle ;
- — modèles mathématiques, consistant en un ensemble de relations fonctionnelles et/ou logiques, liant variables, paramètres et valeurs de contrôle, et représentant le comportement dynamique du système.
Pour établir ces modèles mathématiques, deux types de démarches sont possibles :
- — une démarche conceptuelle, caractérisée par :
- • la description des mécanismes constituant le système et la définition des lois (physiques, chimiques ou biologiques) qui le régissent,
- • la formalisation de ces lois à l'aide de l'outil mathématique ou logique,
- • la critique expérimentale de l'adéquation entre le système et son modèle ;
- — une démarche empirique, inverse de la précédente, à savoir :
- • l'observation des réactions du système et la collecte de données,
- • la recherche, généralement à l'aide de l'outil statistique, du meilleur descripteur mathématique des relations existant entre les ensembles de données collectées.
Dans tous les cas, le modèle établi constitue l’outil de simulation à l'aide duquel l’opérateur du système modélisé pourra prévoir les réactions de celui-ci.
La dernière notion qu'il est nécessaire d’introduire est celle d’optimisation. Elle se traduit initialement par la définition d’objectifs. Dans le cas d'un système de clarification, un objectif évident est l'obtention d'une eau filtrée répondant à certaines normes, par exemple de turbidité et de couleur. Un autre est l’obtention de cette qualité d’eau filtrée au coût minimal. Optimiser le système, c'est chercher à atteindre le ou les objectifs fixés pour toute valeur des variables d’entrée, et ce par un choix judicieux des paramètres et valeurs de contrôle. La formalisation de ce problème peut être faite comme suit :
Les caractéristiques d'eau brute, représentées par X₁, …, Xₙ, sont supposées déterminées sur un temps T pour une station traitant un débit Q.
L'objectif de qualité d'eau filtrée se traduit par la satisfaction d'un certain nombre de contraintes du type :
Yᵢ < Nᵢ
L’objectif économique se traduit par la minimisation d'une fonction de coût C qui peut être écrite sous la forme :
C = (a₁R₁ + a₂R₂ + … + aₙRₙ) Q / T
où R₁, R₂, …, Rₙ sont les taux de réactifs introduits dans l'eau à traiter.
Notre problème est alors défini comme suit :
Rechercher, pour les valeurs (X₁, …, Xₙ), la combinaison (R₁, …, Rₙ) qui minimise C sous les contraintes Yᵢ < Nᵢ.
Cette formalisation n’est évidemment pas complète. On peut très bien penser introduire d'autres contraintes — en particulier sur la durée des cycles de filtration — et à inclure dans la fonction économique les coûts en personnel, eau et énergie relatifs aux opérations de lavage des filtres par exemple.
Si l'objectif à atteindre est restreint à l'objectif de qualité, le problème est défini comme la recherche, pour toute série de valeurs (X₁, …, Xₙ), de l'ensemble des combinaisons (R₁, …, Rₙ) qui satisfassent les contraintes Yᵢ < Nᵢ.
La définition de cet ensemble de combinaisons est alors appelée procédure de contrôle optimal.
L’optimisation de l'exploitation d’un système de clarification comporte donc trois phases :
- 1 — le développement et l'application sur la station d'un modèle de contrôle optimal ;
- 2 — la mise en place, sur la station, des éléments permettant l’automatisation de ce contrôle optimal ;
- 3 — l'intégration de ce modèle de contrôle optimal et d'un modèle de coût.
LES DIVERSES POSSIBILITÉS DE CONTRÔLE OPTIMAL DE LA CLARIFICATION
Si les mécanismes impliqués dans la clarification de l'eau brute nous étaient foncièrement inconnus, et si nous n’étions pas en mesure de bâtir un modèle (physique ou mathématique) de représentation, la procédure de contrôle passerait par l’application directe d’un ensemble de combinaisons de valeurs de contrôle sur le système et l'observation des variables de sortie, jusqu’à l’obtention d'un résultat correct. Les inconvénients présentés par une telle méthode sont évidents :
- — le temps nécessaire à l'obtention de la « bonne » combinaison peut être long ;
- — pendant ce temps, l'eau « clarifiée » n'est pas de qualité satisfaisante.
Cet exemple est bien entendu caricatural et la clarification n’est plus une « boîte noire » dont nous ne connaissons rien. Mais il a le mérite de mettre en relief dès maintenant une caractéristique primordiale de la procédure de contrôle : le temps. C’est d’ailleurs l’importance de ce facteur qui a très vite conduit à la recherche de modèles ayant un temps de réponse plus court que le système. Nous examinerons successivement les qualités et limites des modèles physiques et mathématiques dont nous pouvons disposer.
Les modèles physiques
Le premier modèle physique développé en vue de réaliser cette procédure est bien entendu l'essai de floculation. Si les critiques, plus ou moins justifiées, concernant ce modèle abondent, il n’en reste pas moins vrai qu'il a constitué, jusqu’à une époque récente, le seul outil de simulation pour l’exploitation d'une filière de clarification. Ces critiques tiennent à la fois à la nature même du procédé et à sa mise en œuvre. Sur le plan du principe, si le procédé permet de reproduire les conditions chimiques réelles (constituant ainsi un « bon modèle » pour la coagulation), il n’en est pas de même des conditions hydrauliques et mécaniques. Les paramètres caractérisant la station ne peuvent en effet être représentés de manière significative par le modèle. Sa valeur en tant que simulateur de la floculation-décantation est donc limitée. En outre, il ne fournit pas directement d'information sur la filtrabilité du surnageant. Sa mise en œuvre est relativement longue et peut même devenir fastidieuse si elle est répétée à des intervalles de temps relativement courts. De plus, elle nécessite le maximum de rigueur possible de la part de l’opérateur. Ce sont des considérations de cet ordre qui ont conduit à la construction d’appareils permettant d’effectuer automatiquement les différentes opérations entrant dans l’essai de floculation, y compris l'appréciation des résultats. Ces appareils
sont donc théoriquement en mesure de définir le taux optimal « en petit » et de commander l’application de ce taux sur la station (1).
À l'heure actuelle, il semble que certaines difficultés d’ordre technologique subsistent concernant leur mise au point. En admettant que ces difficultés pourront être surmontées, il n’en restera pas moins vrai que leurs limites resteront celles énoncées plus haut et concernant le principe, et qu'une question importante restera posée : celle du rétrocontrôle.
L’essai de floculation accompli avec le maximum de rigueur possible définit en effet un taux (optimal au sens du modèle) en général voisin du taux optimal réel. Mais la probabilité que ces deux taux soient identiques n'est pas égale à l'unité.
Il est donc nécessaire de concevoir un ensemble, dit ensemble de rétrocontrôle, permettant d’exploiter les résultats obtenus sur le système et de modifier, si besoin est, les valeurs de contrôle jusqu’à l’obtention d’un résultat optimal. Or, un modèle physique comme l’essai de floculation n’est pas en mesure d’exploiter les résultats obtenus sur le système, et le « bouclage » des circuits d'information, caractéristique du rétrocontrôle, n‘inclut pas le modèle.
[Schéma : Schéma 3.]Nous verrons qu'il est concevable d’inclure, dans un ensemble logico-mathématique descripteur unique, les deux procédures de contrôle direct et de rétrocontrôle. Cette critique générale des modèles physiques s’applique donc aux filtres pilotes, dont certains auteurs ont préconisé l'emploi pour des filières ne comportant ni floculation ni décantation (2). Comme une telle filière n’est concevable que dans des cas très particuliers pour les eaux de surface, nous ne la citons que pour mémoire.
Les modèles mathématiques
Ceux-ci peuvent, nous l'avons vu, être classés en deux types : conceptuels ou empiriques.
L’élaboration d'un modèle conceptuel implique la formalisation de l'ensemble des phénomènes physiques ou chimiques intervenant dans le processus de clarification. Or, si les chercheurs sont parvenus à formaliser de manière satisfaisante certains de ces phénomènes, l’aspect parfois restrictif des hypothèses retenues, la spécificité des conditions de vérification expérimentale, et le fait que d’autres phénomènes sont encore à la limite de notre connaissance, n’ont pas permis à ce jour l'intégration des différents éléments en un « ensemble descripteur » applicable à un large domaine de qualités d'eau.
Un obstacle supplémentaire existe, qui est dû à la nature de certaines des variables prises en compte, particulièrement couleur et turbidité. Ces grandeurs ne sont pas en effet en relation simple et directe avec des grandeurs physiques ou chimiques fondamentales, par exemple : masse, concentration, potentiel ou charge électrique. De même, une mesure comme l’oxydabilité au permanganate de potassium, bien qu’ayant une signification chimique précise, rend compte de la « masse » d’un ensemble hétérogène de composés, mais ne fournit pas d‘informations sur leur nature. Or ce sont ces grandeurs fondamentales qui figurent habituellement dans l’énoncé des lois physiques ou chimiques.
Ce sont des considérations de cet ordre qui ont amené certains chercheurs à prendre en compte certaines de ces grandeurs dans l'élaboration de modèles situés à la charnière entre le conceptuel et l'empirique. Les deux grandeurs considérées ont été le potentiel Zêta et la charge colloïdale, mesurés respectivement par micro-électrophorèse et titration colloïdale (3). Le principe théorique sous-jacent est que le taux optimal de floculant est celui qui annule le potentiel Zêta (ce qui correspond à une neutralisation des charges colloïdales : l'eau est alors au point isoélectrique et les particules neutralisées peuvent être floculées). Il est bien évident que le pH ou l'alcalinité de l'eau brute ont une influence sur la neutralisation de ces charges. C’est ce qui a conduit à la recherche d'une relation fonctionnelle entre taux optimal de floculant, potentiel Zêta ou charge colloïdale, et pH ou alcalinité de l’eau brute.
Les résultats obtenus par ces méthodes semblent encourageants et des recherches pourraient être poursuivies dans ce sens. Il est néanmoins possible d’affirmer a priori que la mesure de la charge colloïdale par titration se prêterait mieux à une automatisation éventuelle que la mesure du potentiel Zêta, nécessitant un matériel complexe et des manipulations nombreuses et délicates.
Les modèles mathématiques empiriques
Hormis cette tentative de modélisation s‘appuyant sur des bases théoriques, l'ensemble des modèles qu’on peut concevoir s‘appuie sur une démarche empirique et consiste à établir statistiquement une relation fonctionnelle entre variables de qualité d'eau brute, d'eau clarifiée et valeurs de contrôle du traitement (4), (5), (6). En fait, ces modèles ont été développés en vue, non pas d'une représentation générale du système, mais d’une représentation du système dans son état optimal. Ceci signifie que la question posée n'est pas :
— quelles sont les relations existant entre variables de qualité d’eau brute, variables de qualité d'eau clarifiée et valeurs de contrôle ?
mais bien plutôt :
— quelles sont les relations existant entre variables de qualité d'eau brute et valeurs de contrôle, lorsque les valeurs prises par les variables de qualité d'eau filtrée sont fixées ?
Le programme d’élaboration d’un tel modèle comporte donc quatre phases distinctes :
— une phase d’acquisition des données dans laquelle le système est placé en état optimal par une procédure définie cas par cas ;
— une phase de traitement de ces données, en vue de développer les relations fonctionnelles ou logiques entre variables d’entrée et valeurs de contrôle qui définissent la procédure de contrôle optimal ;
— une phase de définition et de mise en place, sur la station, des équipements réalisant l'automatisation de cette procédure de contrôle optimal ;
— une phase de mise en œuvre de ces appareils et de contrôle des résultats obtenus, en vue d’évaluer les performances et la fiabilité de cette procédure automatisée.
Les deux premières phases sont donc expérimentales et les deux dernières opérationnelles. Nous examinerons plus en détail les deux premières.
Acquisition des données sur la station
La première question est bien évidemment : quelles variables de qualité d'eau brute prendre en compte ?
La réponse à cette question est fonction de l'eau brute considérée et ne peut être fournie de manière précise qu’après analyse de séries de mesures permettant d’évaluer les amplitudes de variation
Désolé, l’image fournie est trop peu lisible pour que je puisse transcrire et nettoyer le texte avec exactitude. Pouvez-vous fournir une image de meilleure qualité ou le texte OCR correspondant ?
Le ou les algorithmes établis seront programmés dans le calculateur. Sur interrogation séquentielle des points de mesure, celui-ci sera alors capable de définir le traitement correspondant et de commander directement son application sur la station.
L’observation des performances du modèle pourra alors être entreprise, ainsi que l'observation de sa sensibilité. C’est en effet par l'étude de cette sensibilité que devront être envisagées les possibilités de rétro-contrôle en vue de parvenir à des commandes plus précises. On peut très bien envisager par exemple un programme modifiant le taux défini par l'algorithme initial et observer les réactions correspondantes aux différents points de mesure sur la filière. On pourra alors de nouveau procéder à une exploitation statistique des résultats en vue d’établir une fonction logico-numérique représentative du rétro-contrôle. Il restera alors à combiner l'algorithme de contrôle direct et l'algorithme de rétro-contrôle en un algorithme unique de la forme :
R(t) = Φ (X(t), X(t − ΔT), Y, Z, U)
où X, Y, Z, U sont des variables supplémentaires, X sont les variables de qualité d'eau brute, Y sont les variables de qualité d'eau floculée et décantée, Z sont les variables de qualité d'eau filtrée, ΔT le temps de réponse de la station défini précédemment.
Le dispositif de commande correspondra alors au schéma suivant :
Discussion
Dans l’état actuel de nos connaissances, il nous semble que les meilleures perspectives d’automatisation et d’optimisation de filières de traitement, comme les systèmes de clarification, reposent sur l'élaboration de modèles mathématiques empiriques.
Il ne faut cependant pas se cacher que des obstacles, parfois majeurs, seront rencontrés lors des différentes phases d’élaboration de cette optimisation. La phase d'acquisition de données sur la station implique des besoins de temps importants et une rigueur particulière dans le suivi des opérations. Lors de la phase de traitement de ces données, des difficultés peuvent également être rencontrées, dont la principale a trait à l'inertie du processus étudié. Nous ne sommes pas en effet en face de processus physico-chimiques très sensibles, et ce manque de sensibilité du système risque de se traduire par des relations « floues » : d’où l‘importance, déjà signalée, de la procédure de rétro-contrôle.
Enfin, les phases de mise en œuvre et de contrôle risquent de souffrir du manque de capteurs industriels précis et fiables. Il est à noter également que les résultats acquis ne le seront que pour un cas particulier et ne seront évidemment pas entièrement reproductibles sur d'autres cas.
En contrepartie, nulle autre méthode d’approche ne permet de tenir compte aussi précisément des conditions réelles de fonctionnement d'une filière. Un autre avantage de cette méthode est l’adaptabilité de ces modèles à l'évolution générale de la qualité des eaux. Gardons-nous cependant de les considérer comme la solution définitive au problème posé ; ils constituent plutôt une solution intermédiaire, et le traiteur d'eau doit s‘employer parallèlement à améliorer l'état de ses connaissances, dans le but de cerner toujours de plus près les mécanismes fondamentaux qui régissent les procédés qu'il met en œuvre.
CONCLUSION
Nous avons choisi volontairement comme exemple une des filières les plus complexes que le traiteur d'eau ait à mettre en œuvre, pour montrer que l'outil informatique, par sa puissance, peut contribuer grandement à l’amélioration des conditions de fonctionnement de ces filières. Il peut, par la même, contribuer également à l’amélioration de nos connaissances. La collaboration entre le traiteur et l'homme qui maîtrise l'outil informatique semble donc être des plus prometteuses, l'un sachant quel type d'information il désire obtenir, mais ne sachant ou ne pouvant pas toujours l'obtenir par des moyens classiques, et l'autre fournissant justement les moyens permettant l'acquisition de cette information.
Charles CHAUMIN.
Références bibliographiques
(1) G. Devillers et R. Louboutin — Contrôle automatique des indications relatives à la qualité des eaux et au fonctionnement des appareils de traitement. Techniques et Sciences Municipales - juin 1970.
(2) J. F. Kreissl, G. G. Robeck et G. A. Sommerville — Use of Pilot Filters to Predict Optimum Chemical Feeds. JAWWA - mars 1968.
(3) S. Kawamura, G. P. Hanna et K. S. Shumate — Application of Colloid Titration Technique to Flocculation Control. JAWWA - août 1967.
(4) W. M. Lewis — An Exercise Towards Waterworks Automatic Coagulation Control. Journal of the Institution of Water Engineers n° 137 (1968).
(5) A. W. Manning — Computer Control of Chemical Addition at a Water Treatment Plant. JAWWA - juillet 1973.
(6) P. R. Cairo et J. T. Coyle — Algorithm Control of Coagulant Addition. Journal of the American Water Works Association - juillet 1976.
Le cycle de l’« Automatisation dans le traitement de l'eau » dans « L'EAU ET L'INDUSTRIE »
1) Les stations automatiques de contrôle de la qualité des eaux par J. Bernard et J.-J. Prompsy - n° 2 - page 39.
2) Un système de télécontrôle spécialement conçu pour l'eau par P. Hanry - n° 2 - page 46.
3) Les systèmes numériques dans le contrôle du traitement des eaux résiduaires par J.-P. Valentin - n° 3 - page 65.
4) Mesure, enregistrement et centralisation des paramètres physico-chimiques - Application au contrôle de la pollution par G. Pourcel - n° 4 - page 56.
5) Considérations sur l’échantillonnage automatique par D. Vely - n° 7 - page 25.
6) Intégration intégrale de la production d’eau potable par A. Ferhaeren et M. Roques - n° 11 - page 33.
7) L'instrumentation dans une station de traitement des eaux - Régulation de débit et de niveau par P. Valentin - n° 12 - page 60.
8) Contrôle automatique des procédés mis en œuvre dans le traitement des eaux par J. Bernard - n° 13 - page 69.
9) Réflexions sur l’optimisation d’une filière de clarification d’eau potable par Ch. Chaumin - n° 15.
L'EAU EN QUESTION
Pour une nouvelle orientation des techniques de son captage adaptées aux pays du tiers-monde —
par Paul CLAUSSEIngénieur E.T.P. - ConseilSpécialiste en captage d'eau souterraine - Étanchéité
L'EAU, UNE RESPONSABILITÉ D'ÉTAT
L'eau est indispensable à toute vie et l'homme se prive plus facilement de nourriture solide que de liquide.
L'eau constitue un instrument privilégié d’une société lorsqu’elle veut lutter contre un environnement défavorable.
Des travaux d'irrigation, entrepris dans des zones désertiques d'Afrique, ont conduit à de sensibles modifications du régime des pluies, en favorisant la création d’un micro-climat.
Les cultures, comme l’élevage, sont conditionnées par la présence d'eau.
Ces dernières années, certaines régions d'Afrique de l'Ouest ont été sévèrement éprouvées par la sécheresse.
Le démarrage d'une activité industrielle quelconque, enfin, ne s’effectue qu’à la condition d'une recherche et d’un inventaire des ressources hydrauliques de la région où l'implantation est souhaitée.
La recherche et le captage de l'eau constituent par conséquent une priorité absolue.
L'expansion est largement dépendante de ce facteur. C’est donc une affaire de gouvernement, une « Affaire d’État ».
RÉACTUALISER LES MÉTHODOLOGIES TRADITIONNELLES
Plusieurs solutions s’offrent à l'hydraulicien.
Tout naturellement, il vient à l'idée de s’alimenter aux étendues naturelles d'eau de surface, aux fleuves, aux lacs.
Depuis longtemps, on crée artificiellement des nappes superficielles en barrant les lits de cours d'eau à débit jugé insuffisant.
On va même fréquemment jusqu’à détourner le cours des rivières pour qu’elles apportent tout ou partie de leur débit à un réservoir commun.
Enfin, pour résoudre les problèmes d'irrigation, on procède usuellement à la création d’infrastructures considérables qui prélèvent l'eau dans un fleuve ou un réservoir souvent très éloigné.
Pourtant, dans la majorité des cas, l’eau se trouve naturellement sur place, à des profondeurs variables. Il existe sous terre tout un réseau hydrographique complexe contenant des réserves énormes d'eau constamment renouvelées.
Sans doute, l'homme n’a-t-il pas attendu le XXᵉ siècle pour utiliser les eaux du sous-sol. Les puits sont vieux comme l’humanité... Dans l’Antiquité, les Égyptiens creusaient déjà dans le sol des galeries en pente avec des escaliers pour atteindre des nappes d’eau.
Cependant, les besoins ont considérablement augmenté, aussi bien en termes quantitatifs que qualitatifs, et les méthodes traditionnelles sont devenues tout à fait insuffisantes pour résoudre les problèmes.
L’hydrologie a fait, ces dernières années, des progrès importants dans l'étude des eaux en profondeur, ce qui a permis d’envisager une utilisation nouvelle des réserves naturelles.
Parallèlement, les techniques de forage sont devenues beaucoup plus efficaces, autorisant des réalisations à fort débit dans des délais très courts (souvent moins d'une journée).
REFUSER LES ÉVIDENCES ILLUSOIRES
Confronté à un problème d’approvisionnement en eau, le technicien doit tout d’abord suivre une politique cohérente et abandonner ses préjugés.
L’absence d'une analyse complète des problèmes, c’est-à-dire des besoins, compte tenu des moyens dont on dispose pour les satisfaire, conduit à résoudre de façon très empirique, et en général inadéquate, les difficultés.
L’alimentation en eau de rivière d'une ville, conçue d'une façon insuffisante, compte tenu du débit souhaité, peut aboutir à la distribution d'une eau impropre par défaut d'une filtration convenable.
Les travaux d’alimentation d'un complexe industriel en Asie, par prise d'eau en rivière, n’ayant pas tenu compte des variations saisonnières de débit du cours d'eau, chaque année cette industrie doit réduire son activité pendant les périodes d’étiages.
Une entreprise située en bord de mer, ayant besoin d'une grande quantité d'eau de refroidissement, réalisa toute une installation de prise dans l'embouchure d’un fleuve voisin.
L'instabilité du taux de salinité de l'eau obtenue entraîna des dégâts importants (phénomène de corrosion) et pour y remédier, il eût été nécessaire de mettre en place tout un système de traitement.
Devant le coût considérable d'une telle réalisation, l'entreprise dut abandonner toutes les installations déjà effectuées et recourir à la solution du captage d'eau souterraine, qui lui donne depuis toute satisfaction.
Dans sa poursuite d'une solution optimale, le technicien des problèmes d’approvisionnement en eau doit écarter les « a priori » et, en particulier celui qui consiste à prendre l'eau de surface, même en allant la chercher très loin, pour la seule raison que l’on est certain de son existence, puisqu’elle est visible.
En Iran, pour les fêtes de Persépolis, un approvisionnement en eau était prévu à partir d'une rivière très éloignée. Les responsables s'aperçurent à temps qu’il y avait toute l'eau nécessaire sur place et qu'il suffisait de la capter par des puits très simples, la nappe phréatique se trouvant à moins de 2 m.
Au Maroc, dans l’Oued Draa, desséché, d’aspect désertique, l'eau est à moins de 10 m de profondeur.
Au Mali, une quarantaine de forages viennent d’être réalisés dans une région très dépourvue en eau, à des profondeurs de 40 m à 100 m. Ils donnent des débits de 15 à 50 m³/h. Plusieurs de ces puits sont même artésiens, ce qui ramène le niveau de l'eau à proximité de la surface.
En Inde, à Baroda, 60 prises en rivière étaient prévues pour l’alimentation en eau potable de la ville, et d'un complexe industriel. Deux puits, de type PCL, ont permis d’obtenir des résultats bien supérieurs à ceux escomptés de l'utilisation des eaux de surface. Ces deux ouvrages, réalisés il y a 10 ans, assurent un débit permanent de 4000 m³/h.
De la sorte, il convient de remettre en question les méthodes traditionnelles et les attitudes les plus courantes, qui conduisent souvent à :
- — l'inefficacité (absence d’adéquation entre besoins et résultats),
- — un niveau de coûts très élevé, ce qui est d’autant plus grave que les moyens sont limités,
- — une incertitude, quant aux résultats, car les débits d'eau de surface sont irréguliers,
- — de mauvaises conditions d’hygiène, car, même lorsque les eaux de surface sont épurées (ce qui nécessite des investissements très lourds), leur acheminement sur de très grandes distances s’accompagne de nouvelles dégradations.
LES EAUX SOUTERRAINES :
JOUER L’EFFICACITE EN PRESERVANT L’ECONOMIE
Il vaut infiniment mieux, en général, chercher l'eau sous terre, que prendre celle de surface, même si elle existe, car :
- @ On s’affranchit beaucoup mieux des problèmes d'irrégularité de débit, les nappes souterraines étant beaucoup plus stables, surtout si elles sont éloignées d'une rivière.
Ainsi, dans la Mahi-River, en Inde, le débit des eaux de surface varie dans un rapport de 1 à 50 sans qu’une modification significative du débit du captage souterrain soit à constater.
- © On résout efficacement les problèmes d’hygiène, car le minéral et l'action des antibiotiques du sol, au travers duquel l'eau s’écoule, constituent les meilleurs procédés naturels de filtration et d’épuration qu'il soit possible de concevoir.
Des eaux recueillies lors de pompages d’étude, dans des forages de faible profondeur (5 à 6 m) situés à proximité (moins de 10 m) de rivières très polluées (en France : Seine – Rhône, en Allemagne : Rhin, en Grande-Bretagne : Tamise, en Inde : Narmada – Yamouna, au Zaïre : Congo) ont toujours révélé, après analyse, une parfaite pureté bactériologique et une absence de turbidité.
- @ On obtient des eaux dont la température est beaucoup plus stable et toujours plus fraîche (en moyenne annuelle) que les eaux s’écoulant en surface.
Une étude, portant sur la rivière Ohio aux U.S.A., a montré sur 4 ans que la température de l'eau superficielle variait de + 1 °C à + 32 °C, tandis que l’eau souterraine captée au même endroit évoluait entre + 10 °C et + 17 °C.
- © Les captages souterrains nécessitent le minimum d’équipement pour permettre leur réalisation. De la sorte, ils s’accordent avec le désir légitime des nations qui entendent limiter les importations. Ils permettent en particulier de supprimer les stations de traitement.
À Baroda, en Inde, le recours à des captages souterrains a permis la suppression de la station de traitement des eaux de surface.
Le même processus est en cours de mise en œuvre à New Delhi.
Ces méthodes conduisent à employer au mieux les ressources et les moyens locaux, car elles sont les plus simples et facilement compréhensibles. Les ressources sont naturelles et il n’y a que le moyen de les mettre en valeur qui soit perfectionné.
Ces techniques ne requièrent par la suite que la mise en place de structures de maintenance souples et légères, accessibles dans la majorité des cas aux populations utilisatrices des ouvrages créés.
Il n’y a aucun autre système mécanique que la pompe qui peut être actionnée par un moteur thermique ou électrique, voire l’homme, grâce à un nouveau système qui permet facilement et économiquement de remonter de l’eau depuis une profondeur de 60 m.
Le captage souterrain requiert des investissements moins lourds que les autres solutions.
D’après les études faites, on peut admettre en général que pour un captage de l’ordre de 120 m³/h, le prix de revient de l’eau ne dépasse pas 10 à 20 % du prix de l’eau provenant d’une station de pompage puisant directement en rivière et comportant une installation de traitement.
Parce qu’il coûte moins cher, il s’adapte mieux aux conditions de telle ou telle région, aux besoins de telle ou telle collectivité.
Enfin, le résultat peut être obtenu très rapidement, alors que l’utilisation des eaux de surface nécessite des délais d’attente très importants avant qu’une installation puisse devenir opérationnelle.
Les 40 forages effectués au Mali, à des profondeurs de 40 à 100 m et représentant un débit total de plus de 1 200 m³/h, ont été réalisés et rendus opérationnels en moins de 4 mois, à l’aide d’un seul ensemble de machines !
La mise en service d’un forage de ce type est d’autant plus rapide qu’il ne nécessite que la réalisation d’infrastructures simples et peu importantes.
POUR RETROUVER UNE TECHNIQUE HUMAINE
La technologie ne peut constituer en aucun cas une finalité. Elle est une des composantes qui doit permettre l’amélioration des services rendus au sein d’une société.
Elle doit, par conséquent, s’adapter aux besoins et aux aptitudes des populations utilisatrices, permettre une amélioration de leurs conditions d’existence, sans remettre en cause systématiquement et de façon brutale les structures du cadre de vie.
Aussi, afin de ménager les particularismes locaux, les intérêts de chaque collectivité, il est préférable de réaliser un très grand nombre de captages s’adaptant ponctuellement et avec rigueur aux besoins et aux habitudes de chaque groupe, préservant en cela leur individualité.
Concevoir quelques très grands projets risque de conduire à imposer à des populations des techniques auxquelles elles ne sont pas préparées. Alors, mal acceptées, ces réalisations ne pourraient être qu’incomplètement employées.
C’est à ce propos qu’il convient de se souvenir que la technique doit d’abord servir l’Homme avant de satisfaire la Science.
CONTRAINTES PROPRES AU CAPTAGE D’EAU DANS LES PAYS EN VOIE D’INDUSTRIALISATION
Les besoins en eau sont considérables, si l’on veut disposer des atouts rendant possible une croissance rapide et harmonieuse.
Pour cela, il faut considérer :
a) Les conditions démographiques
Elles imposent le développement de la production agricole, ce qui suppose :
- — La mise en culture de nouvelles surfaces,
- — L’amélioration des rendements dans les exploitations existantes.
Dans ces deux cas, de tels résultats sont soumis à une irrigation régulière et suffisante.
b) Implantation d’industries nouvelles et l’extension des implantations industrielles actuelles.
Ceci implique la mise à disposition d’une quantité importante d’eau de qualité pour les besoins de la production.
(Une assez importante quantité d’eau de refroidissement est utilisée dans l’industrie et l’eau provenant d’une nappe souterraine est appréciée, en raison de la constance de sa température plus basse que l’eau superficielle, ce qui améliore les rendements des machines).
c) Les populations autochtones
Elles aspirent légitimement à plus de bien-être, ce qui s’exprime en général par le désir d’avoir davantage d’eau.
MOYENS ET EFFORTS À METTRE EN ŒUVRE
La rapidité du développement souhaité nécessite la mise en œuvre de procédés permettant d’apporter, dans les délais les plus brefs, des solutions efficaces et durables.
Mais la limitation des moyens financiers, dont on peut en général disposer pour améliorer d’une façon appréciable et rapide la situation en matière d’alimentation en eau, exige le recours à des solutions simples et peu coûteuses.
La majorité des efforts devant porter sur les zones rurales, les captages réalisés doivent requérir le minimum d’infrastructures et, en particulier, éviter, si possible, le recours à des énergies comme l’électricité ou le moteur thermique.
Les technologies mises en œuvre doivent être adaptées aux besoins et aux aptitudes des populations utilisatrices, afin qu’elles soient à même d’assurer l’essentiel des opérations de maintenance.
AVENIR — DÉVELOPPEMENTS ATTENDUS — FORMATION
La mise en œuvre d’une technologie importée doit permettre avant tout de promouvoir, par les ouvertures qu’elle apporte, les industries et les compétences locales.
L'emploi des techniciens étrangers doit avoir pour objectif essentiel la formation progressive de personnels locaux, de telle sorte que ceux-ci puissent, petit à petit, remplacer les intervenants étrangers, en réduisant leur rôle à une assistance ponctuelle, dans certains cas difficiles.
Cette formation ne doit, en aucun cas, se limiter à la transmission de compétences suffisantes pour manœuvrer le matériel, mais aller vers un complément de formation de techniciens, voire d'ingénieurs, pour qu’ils soient à même de procéder à des études, à la détermination des sites de captage et à la formation même d'autres techniciens, qui assureront la mise en œuvre du matériel.
La réalisation d'un ouvrage doit s’accompagner de l'information de la population utilisatrice, sur :
- a) les raisons d’être du captage,
- b) la manière de l'utiliser d’une façon optimale,
- c) les précautions à prendre pour le maintenir en bon état.
C'est sur place que cette formation préconisée doit être assurée, car c’est en vivant un problème que l’on parvient ultérieurement à maîtriser ceux qui suivent.
L'information des populations ne peut et ne doit être assurée que par des ingénieurs ou des techniciens locaux qui auront été préalablement formés.
Le matériel doit être parfaitement adapté aux problèmes à résoudre, ce sera à la fois un gage d’économie et d’efficacité.
Enfin, les ensembles mis en œuvre doivent être parfaitement autonomes, c’est-à-dire qu’il est indispensable :
- a) qu’ils soient totalement mobiles,
- b) qu’ils intègrent tout le matériel nécessaire à assurer la réalisation d'ouvrages réellement opérationnels,
- c) qu’ils disposent des moyens propres à assurer leur maintenance,
- d) qu’ils bénéficient d'équipements permettant d’assurer les opérations d'information évoquées précédemment.
Compte tenu de ce qui a été précédemment exposé, il apparaît qu'une action d’ensemble, employant des matériels performants et adaptés, est indispensable pour résoudre les problèmes d’alimentation en eau, importants et nombreux, qui se posent.
Cette action doit être concertée.
Elle doit conduire à associer les ingénieurs et les techniciens locaux à tous les stades des interventions qui se déroulent sous l’égide des administrations publiques et de l’État qui demeurent en la matière maîtres d’œuvre.
À court terme, la participation des experts (qui ont accompagné le matériel et transmis les compléments de connaissances théoriques ainsi que les informations pratiques concernant la mise en œuvre des équipements) doit devenir superflue.
Ils sont alors remplacés par les responsables locaux qui ont largement participé à la mise en place des équipes et à la mise en service des matériels.
Le rôle des experts étrangers se limite alors à une assistance rapide dans des cas difficiles, pour lesquels les ingénieurs locaux responsables souhaiteraient compléter leurs moyens d’appréciation par des opinions extérieures.
Cette démarche doit néanmoins s’inscrire dans une méthodologie cohérente qui permette le passage rationnel de l’expression d'un désir à la satisfaction efficace de celui-ci.
P. CLAUSSE.
Nous sommes très heureux de donner connaissance aux lecteurs de « L'EAU ET L'INDUSTRIE », grâce à l'obligeance du Secrétariat de la Commission de la Science et de la Technologie au Secrétariat du Conseil de l'Europe à Strasbourg, d’un document sur la qualité des eaux souterraines de la nappe phréatique rhénane (chlorures-sulfates-nitrates).
Cette carte de la salure des eaux de la nappe phréatique de la plaine du Rhin entre Bâle et Lauterbourg a été réalisée dans le cadre des activités du groupe de travail « Nappe phréatique rhénane ». Ce groupe a été créé à l’initiative de la Commission de la science et de la technologie de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe et a consacré ses travaux à cet important aquifère.
Ce document est une première ébauche susceptible de fournir une appréciation sur la qualité des eaux de la nappe phréatique rhénane.
À la suite de la réunion du Groupe de travail à Bâle, les 1er et 2 avril 1977, il a été décidé de poursuivre cette démarche sur l'ensemble du réservoir, c'est-à-dire en amont de Bâle et entre Lauterbourg et Bingen. Un document définitif sera établi au début de l'année 1978.
PRÉSENTATION
La carte de la salure des eaux de la nappe phréatique de la plaine du Rhin entre Bâle et Lauterbourg qui est présentée s’inscrit dans le cadre des activités que le Groupe de travail créé par l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe consacre à cet important aquifère. L’objectif qui lui a été fixé consiste à faire avancer l'état des connaissances dans ce domaine à partir de la mise en commun des informations recueillies et des expériences acquises par les organismes des différents pays concernés par ce réservoir. Dans le cas présent, la carte de la salure permet de connaître « l'état de santé » des eaux souterraines qui sont utilisées pour couvrir les besoins des collectivités et des industries sur la partie méridionale du fossé rhénan.
CADRE GÉOLOGIQUE
Les bouleversements qui se sont produits au cours de l'histoire de la terre à la fin de l'ère secondaire sont responsables entre autres de la mise en place du fossé rhénan. Il s'agit d’un étroit sillon ou Graben, orienté sensiblement Sud-Nord, d'une longueur de 300 km dont la largeur moyenne est de l’ordre d’une quarantaine de kilomètres. Au cours de l'ère tertiaire, une masse de sédiments à prédominance argileuse s’est accumulée dans le fossé. Ce n'est qu’au début de l'ère quaternaire — celle dans laquelle nous vivons — que le Rhin change son cours, abandonne la Méditerranée, prend possession de son domaine actuel et dirige ses eaux vers la mer du Nord. Le fleuve accumule tout au long de son parcours une masse importante d’alluvions qui constituent le siège de la nappe phréatique de la plaine du Rhin.
L’épaisseur des alluvions augmente lorsqu’on se déplace de la bordure de la plaine vers son centre et du Sud vers le Nord. Elle passe de quelques mètres à plus de 200 mètres, même 400 mètres dans le Palatinat.
Sur la périphérie de la plaine, compte tenu de la présence et du rôle joué par les montagnes et par le réseau hydrographique dans le système hydrologique, les eaux qui s’infiltrent dans le sous-sol se dirigent vers la partie centrale du réservoir occupé par le Rhin. Sur son domaine d'influence, le fleuve impose alors à la nappe aquifère sa direction d'écoulement vers le Nord.
Les alluvions sont localement recouvertes par des placages de limon et de loess qui peuvent atteindre plusieurs mètres d’épaisseur. Il s’agit de sédiments à prédominance argileuse donc peu perméables.
LES INFORMATIONS UTILISÉES
Des prélèvements d’eau de la nappe et des analyses sont effectués systématiquement par les organismes français et allemands qui ont en charge le réservoir. Ces données sont ensuite interprétées et elles donnent lieu à l’élaboration d’un certain nombre de documents destinés à connaître les caractéristiques de l'eau qui transite dans le sous-sol et de suivre l’évolution dans l'espace et dans le temps des phénomènes constatés.
Ce sont les résultats des analyses effectuées à partir de 1968 qui ont servi de base à l’élaboration du document. En dehors de ce point commun, la conduite des opérations n’est pas identique en Alsace et en Pays de Baden. Les particularités peuvent se résumer de la façon suivante :
- — intervention d’un seul laboratoire d’analyse en Alsace et de plusieurs laboratoires en Pays de Baden,
- — densité plus importante des points du réseau de contrôle sur la rive gauche du Rhin que sur la rive droite,
- — échantillonnage en profondeur plus nombreux en Pays de Baden qu’en Alsace.
Les points de prélèvement utilisés correspondent pour l’ensemble du secteur considéré à des forages d’alimentation des collectivités et des industries, à des piézomètres ou à des puits dans lesquels des pompages ont été pratiqués avant la prise d’échantillon. Il s’agit donc d’eau prélevée à des profondeurs variables selon les points. On est donc assuré de disposer de données représentatives des caractéristiques physico-chimiques de l’eau du réservoir. En outre, le choix des échelles de valeur a été intentionnellement limité à une gamme relativement basse de façon à présenter une image plutôt générale que particulière des phénomènes constatés. Des raisons identiques ont conduit à ne nous intéresser dans un premier stade qu’à des marqueurs chimiques tels que les chlorures, les nitrates et les sulfates. En effet, dans le contexte de la nappe et de son environnement, ils peuvent être considérés comme des éléments susceptibles de fournir des informations valables sur la qualité actuelle des eaux de la nappe phréatique de la partie méridionale de la plaine du Rhin.
PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
L’échelle des limites qui s’étale en parties grisées marque la graduation et la teneur en chlorure des eaux de la nappe. On passe successivement de valeurs inférieures à 15 mg/l de Cl⁻ à des valeurs supérieures à 1 000 mg/l. Les limites basses correspondent à des teneurs qui caractérisent le fond hydro-géochimique naturel de l’aquifère. Les anomalies, marquées par la partie la plus foncée, concernent essentiellement le domaine alsacien du réservoir. Les plages supérieures à 60 mg/l se localisent tout au long des cours du Rhin au-delà de Blodelsheim et de l’Ill au nord de Mulhouse où l’on parvient à des valeurs supérieures à 1 000 mg/l. Un étalement apparaît à l’ouest de Heitersheim, au nord de Marckolsheim et dans la région de Roeschwoog.
Les plages où les nitrates présentent une valeur supérieure à 40 mg/l de NO₃⁻ marquent une faible extension. Elles se trouvent localisées également en bordure de la plaine, sur la rive droite du Rhin au nord de Weil de Schlingen, à hauteur de Müllheim, au nord du Kaiserstuhl. Sur la rive gauche, elles apparaissent à hauteur d’Eguisheim au sud-est et au nord-est de Ribeauvillé ainsi qu’au nord-ouest de Strasbourg.
Les teneurs en sulfates supérieures à 80 mg/l correspondent à des plages assez étalées sur le domaine alsacien. Elles couvrent un secteur situé au nord-ouest de Mulhouse. Elles coïncident avec la présence de nitrates au sud-ouest et au nord-ouest de Colmar, se trouvent entre Barr et Strasbourg et couvrent le secteur situé au nord de cette ville. Une seule anomalie apparaît sur le territoire badois à l’ouest d’Offenbourg. Les plages supérieures à 200 mg/l de SO₄²⁻ sont visibles au nord-ouest de Mulhouse et au nord de Strasbourg.
À partir des éléments d'information dont on dispose actuellement, il apparaît que la qualité des eaux de la nappe se trouve beaucoup plus compromise en Alsace qu’en Pays de Baden. Les anomalies se trouvent localisées tout au long de la Thur puis de l’Ill ainsi qu’en bordure du Rhin pour ce qui concerne les chlorures. L’attention se trouve attirée par la présence de nitrates en bordure de la plaine et par l’existence de fortes teneurs en sulfate sur les secteurs Thann-Mulhouse et au nord de Strasbourg.
Conclusions
Ce document établi par le Groupe de Travail « Nappe phréatique rhénane », constitue donc une première ébauche susceptible de fournir une appréciation sur la qualité des eaux de la nappe phréatique de la plaine du Rhin. Une telle démarche pour être véritablement représentative de la situation existante sur l’ensemble du réservoir devra être poursuivie sur la totalité de son territoire, c’est-à-dire de Bâle à Bingen. C’est à cette condition que l’interprétation de la présente carte aura sa pleine signification.
Communiqué par :
M. J.-P. MASSUÉ Conseiller scientifique Secrétariat de la Commission de la science et de la technologie Adresse postale : 67006 Strasbourg Cedex Téléphone : Strasbourg (88) 35 70 35.