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Réduire les coûts d'exploitation des stations d'épuration

30 novembre 2009 Paru dans le N°326 à la page 125 ( mots)
Rédigé par : Marc RAYMOND et Pierre KESSLER

Si elles sont en général efficaces en termes de traitement de la pollution, les stations d'épuration (STEP) pêchent souvent par leur consommation énergétique et leur production de boues, souvent bien trop importantes. L?assainissement coûte très cher et la réduction des coûts d'exploitation courants doit être la première priorité des exploitants (une fois, bien sûr, que les normes épuratoires sont atteintes). Malheureusement, on se rend compte que les rares outils fiables, faciles d'utilisation et efficaces pour ce genre d'optimisation sont souvent méconnus ou mal utilisés. L?ATP-métrie de 2e génération est un de ces outils qui permet d'optimiser l'aération d'un bassin et de réduire la production de boues.

Résumer le fonctionnement d'une STEP en trois points de dépense est certes audacieux mais pas si éloigné que ça de la réalité.

Évidemment, les aspects environnementaux sont primordiaux et sont l’essence même de l’existence des STEP.

Toutefois, il serait quelque peu hypocrite de prétendre que le fonctionnement de ces ouvrages soit uniquement dicté par de nobles élans écologiques : supprimons les différentes directives et lois sur les eaux résiduaires et il ne restera pas

beaucoup de STEP en activité.

Les trois points de dépense sont :

  1. Les dépenses énergétiques ;
  2. Les pénalités et les redevances liées aux rejets de polluants dans le milieu ;
  3. Les dépenses liées à la filière boue.

Les exploitants de STEP sont aujourd'hui pour la plupart très compétents et réussissent généralement à atteindre les normes épuratoires. Il semblerait toutefois que pour ce faire, les dépenses énergétiques et pécuniaires engendrées soient supérieures à ce qu’elles pourraient être si les exploitants disposaient des outils adéquats. L’ATP-métrie de seconde génération est aujourd’hui une des meilleures méthodes pour affiner et optimiser les dépenses énergétiques des exploitants, tant pour l’aération des bassins que pour l’extraction des boues. Elle permet aussi de limiter les risques de contamination des bassins par des matières toxiques qui conduiraient à un défaut d’épuration et donc à des pénalités environnementales.

En mesurant l'ATP (adénosine triphosphate), qui est le transporteur d’énergie de toute vie sur Terre, l’ATP-métrie donne une idée précise de la biomasse présente dans un milieu. La technique utilisée est la bioluminescence : de l'ATP en contact avec de la luciférine-luciférase produira de la lumière qui sera mesurée.

Mg²⁺

ATP + luciférine + O₂ ————» AMP + PPi + pyroluciférine + Lumière

Luciférase

Rappel

L’ATP-métrie permet la mesure de l’énergie et de l'activité de la biomasse vivante d'un bioréacteur. C’est un paramètre très pertinent à suivre dans une STEP car il apporte une vision directe de la biomasse active et de son état de santé. L’ATP-métrie permet de gérer la station d’épuration et d’optimiser son fonctionnement en surveillant les paramètres cATP, BSI ou ABR, les résultats sont disponibles en 4 minutes.

cATP = L'ATP intracellulaire est la mesure du seul ATP contenu dans les micro-organismes vivants.

BSI = Le BSI représente le stress des micro-organismes sous un environnement spécifique et des conditions opératoires défavorables. Il est lié à la mortalité des micro-organismes.

ABR = Le paramètre ABR définit dans un échantillon de biosolides le pourcentage des solides totaux qui correspondent réellement à de la biomasse vivante.

Les dépenses énergétiques dues à l’aération

Il est connu que la part la plus importante de la consommation énergétique est due à l’aération du bassin, soit par insufflation, soit par turbine (Brogdon, Jennifer et al., 2008). Pour une station de grande taille, la consommation énergétique de l’aération représenterait 60 % de la consommation totale (ASTEE, Suez Environnement, Veolia Eau, juin 2007).

La durée quotidienne de cette aération est généralement déterminée soit par une simple horloge, soit assujettie à une concentration d’oxygène dissous. Dans les deux cas, on ne considère finalement pas vraiment les besoins réels de la biomasse épuratrice. Par conséquent, et dans un souci louable d’efficacité, il est fréquent que l’aération soit trop importante. C’est un moindre mal car si une trop longue aération n’aura pour conséquence qu’une dépense inutile, un défaut d’oxygène, lui, conduit inévitablement à un développement d’organismes anaérobies, à des mauvaises odeurs et à un traitement imparfait. Devons-nous pour autant continuer dans cette direction alors que les prix de l’électricité menacent d’augmenter drastiquement et que des outils de mesure efficaces existent pour déterminer précisément l’oxygène indispensable à la biomasse ? En effet, faute de réels moyens de quantifier précisément la biomasse épuratrice (la seule, finalement, qui nécessite un apport en oxygène), les exploitants se basent sur la matière sèche (MS) ou sur la matière volatile en suspension (MVS). Si cette dernière est plus précise et pertinente que la MS, elle reste vague au regard des besoins réels d’un bassin aéré, la biomasse vivante ne représentant qu'une partie (variable) de la matière sèche et de la matière volatile en suspension.

[Encart : On peut qualifier l'oxygène dissous dans un bassin d'aération en trois parties : * L'oxygène indispensable à la biomasse * L'oxygène de « sécurité » (de 15 à 25 % en général) * L'oxygène en excès Le but de l’optimisation de l’aération avec le QG21-W™ est bien entendu de supprimer l’oxygène en excès.]
[Figure : Répartition des consommations d’énergie sur une Step (exemple de grosses stations).] [Figure : Figure 1 - la biomasse vivante est incluse dans les MVS, elles-mêmes incluses dans la MS.]

Le kit QG21-W™ permet de quantifier la biomasse vivante et d’en déterminer sa proportion dans les matières sèches d'un bassin d’aération : un dosage plus précis de l’aération est donc rendu possible par une meilleure connaissance de la microbiologie du bassin.

[Figure : Variations de l’oxygène dissous et du BSI™ en fonction de l’aération du bassin]

Mode opératoire pour optimiser l’aération (cf. tableau 1)

L'objectif de ces opérations est de déterminer avec précision le taux d’oxygène dissous minimum dans le bassin tout en assurant la bonne santé de la biomasse épuratrice.

Une réduction du temps d’aération de 30 à 40 minutes par jour, et ce pendant quelques temps, provoquera une augmentation du stress de la biomasse (augmentation du BSI™ : Biomass Stress Index = proportion de la biomasse morte par rapport à la biomasse totale) et une réduction de l’oxygène dissous (puisque l’apport d’O₂ sera plus faible). Progressivement, le BSI™ reviendra à son niveau initial, tandis que l’oxygène dissous se stabilisera (étape A).

Cette étape de réduction du temps d’aération sera répétée (étapes A1, A2, A3) jusqu’à ce que le BSI™ ne diminue plus (étape B).

L’augmentation de l’aération (étape C) provoquera une baisse du BSI™ qui reviendra à son niveau initial. L’oxygène dissous dans le bassin aura globalement diminué : ce sera le nouveau seuil à respecter pour une aération optimale (si l’effluent entrant n’est pas trop changeant) et, surtout, le temps d’aération aura été considérablement réduit. L’activité bactérienne restant la même, les rendements épuratoires n’en seront pas affectés.

Si l’économie ne sera « que » de quelques pourcents, elle pourra être très conséquente en termes de kWh. Par cette méthode, LuminUltra, le fabricant canadien du QG21-W™, a permis à plusieurs industriels nord-américains d’économiser jusqu’à 180 000 $ par an d’électricité. Même sans forcément atteindre cette somme, l’intérêt pécuniaire et environnemental est indéniable. La qualité des traitements n’est pas affectée puisque l’activité microbiologique reste la même : le « buffer » d’oxygène dissous permet d’amortir d’éventuels pics de pollution entrante.

Les redevances et pénalités liées aux rejets dans le milieu

Tout industriel relié au réseau d’assainissement collectif doit, logiquement, en supporter une partie des frais de fonctionnement. Ces redevances sont surtout basées sur le flux de pollution et la toxicité des effluents reçus par la STEP. Le flux peut facilement être déterminé par des méthodes classiques, tandis que la toxicité reste généralement établie de manière moins précise. Il n’est pas rare que, faute de pouvoir prouver la non-toxicité de leurs effluents, des industriels soient dans l’obligation de payer une redevance majorée.

De même, une STEP industrielle sera dans certains cas soumise à des variations importantes de la qualité de l’effluent entrant. Ces variations, surtout si elles induisent une augmentation de la toxicité, peuvent avoir de graves conséquences sur l’épuration et donc provoquer une pollution du milieu naturel et un risque de pénalité de la part de l’organisme de contrôle.

Le kit QG21-W™ permet de qualifier très facilement les effluents et leur toxicité en suivant l’évolution de la biomasse vivante et morte en jar-test. Ces tests donnent une indication précise du BSI™ : le Biomass Stress Index qui représente le ratio de la biomasse morte sur la biomasse totale, et du cATP™ : la biomasse vivante. Ces tests, très rapides (quelques minutes par test), permettent un suivi temps réel de l’évolution de la biomasse de la STEP en contact avec l’effluent brut.

L’ATP extracellulaire (dATP) et total (tATP) seront mesurés dans des solutions à différentes concentrations d’effluents et de liqueur mixte de la STEP. Comparées aux valeurs trouvées à t = 0, les valeurs de BSI™ et de cATP (ATP intracellulaire) trouvées à t + 30 minutes indiqueront la toxicité immédiate. En continuant les mesures sur une durée de 48 heures, il sera possible de jauger la toxicité chronique de l’effluent.

Si les valeurs restent identiques (ou supérieures) au témoin, il est alors évident que l’effluent n’est pas toxique. Outre le fait de rassurer l’exploitant de la STEP, ce genre de résultat pourrait faire valoir auprès des agences de l’eau le droit de réviser les redevances dues.

Les dépenses liées à la filière boues

Le point le plus problématique (et le plus onéreux) d’une STEP reste bien souvent la filière boues. Une réduction de leur volume induit une économie conséquente pour l’exploitant qui sera moins assujetti aux extractions et autres vidanges.

Un taux de matière sèche élevé dans le bassin d’aération peut nuire à la décantation et à la qualité du traitement. Par conséquent, l’exploitant aura tendance à augmenter les extractions pour réduire la concentration de matière sèche. Bien entendu, cela augmentera ses coûts de traitement des boues (plus de volume à traiter, donc temps de décantation plus court, donc siccité plus faible...) de manière considérable.

Le kit QG21-W™ permet à l’exploitant une autre méthode pour réduire la quantité de matière sèche dans le bassin d’aération en se fixant un niveau d’extraction de boues « cible » plus bas que le niveau actuel.

Mode opératoire (cf. tableau 2)

La première étape consiste à augmenter les extractions d’environ 5 % (étape A). Le taux de matière sèche diminuera, ainsi que le cATP™ (ATP intracellulaire, ou ATP des cellules vivantes). Au bout de quelques jours, le cATP™ réaugmentera, la biomasse s’étant adaptée à son « nouveau » milieu. Une fois que le cATP™ a atteint le niveau initial et que la matière sèche a diminué d’environ 10 %, il faut réduire les extractions au niveau cible.

Cette étape est à répéter plusieurs fois en réduisant l’augmentation des extractions.

[Figure : Tableau 2 - Variations de la matière sèche et du cATP en fonction des extractions de boues.]

(étapes A1, A2, A3).

Après plusieurs étapes de diminutions de l'extraction (cycles d’augmentations puis de diminutions plus fortes), le cATP™ n’aura plus assez de nutriments pour atteindre son niveau initial et devrait stagner, voire continuer à baisser (étape B).

À ce moment, il faut diminuer une dernière fois les extractions pour que le cATP™ atteigne son niveau initial (étape C). Lors de cette dernière étape, la matière sèche augmentera légèrement, mais son niveau restera bien plus bas qu’au début de l’opération.

Ce processus de réduction de la matière sèche dans le bassin ne diminue pas la biomasse vivante. L'épuration est donc tout aussi efficace, voire même plus efficace puisque la décantation sera facilitée dans le clarificateur. En outre, une eau allégée en matière sèche sera plus facilement aérée ; il est donc possible d’optimiser à nouveau l’aération grâce à ce procédé.

[Encart : Cette manipulation des extractions agit directement sur la biomasse active dans le bassin. Même si celle-ci revient régulièrement à son niveau initial, il y a des risques que les rendements épuratoires soient moins bons lorsque la biomasse est plus rare. Il sera préférable d'effectuer de petits ajustements progressifs plutôt que de grands changements.]

Conclusion

L'ATP-métrie n’est pas une technique nouvelle, elle est utilisée depuis plusieurs décennies dans de multiples domaines. L'ATP-métrie de seconde génération est quant à elle une technique éprouvée dans la recherche de légionelles dans les tours aéroréfrigérantes et les réseaux sanitaires, entre autres. C’est aujourd’hui aussi un moyen simple et efficace de piloter une STEP à moindre coût. Pour un exploitant soucieux de son empreinte écologique et de sa facture d'électricité, il sera dans un premier temps bien plus intéressant d’optimiser le fonctionnement de son installation plutôt que d’investir massivement dans du matériel moins énergivore.

Il ne faut cependant pas perdre de vue que chaque STEP étant unique dans son fonctionnement, il est évident que les modes opératoires donnés ici doivent être adaptés sur le terrain. Toutefois, la philosophie de ces manipulations reste inchangée et les résultats obtenus devraient largement compenser l'investissement en argent et en temps.

Référence bibliographique

Bogdan, Jennifer et al. Enhancing the Energy Efficiency of Wastewater Aeration, Water Environment Federation, 2008.

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