Les travaux présentés ont été effectués dans le cadre d'un projet LIFE Environnement porté par le service Eau Assainissement d'Angers Loire Métropole. Le traitement par ultrasons d'une partie des boues de recirculation (STEP de 6 300 eqH.) a réduit d'environ 26 % la production des boues. Le traitement par ultrasons ne semble avoir d'impact ni sur les performances d'épuration de la STEP, ni sur la qualité des boues épaissies, ni enfin sur l'émission directe des gaz à effet serre. La seule exception est une dégradation de la performance de traitement du phosphore. Le traitement est non valable d'un point de vue économique pour cette station d'une petite taille et avec un coût d'élimination des boues faible (10 ?/tonne). L?extrapolation des résultats montre qu'après quelques modifications, le procédé pourrait s'avérer économiquement valable pour des STEP d'une taille ≥ 100 000 eqH avec un coût d'élimination finale des boues > 11 ? /tonne. En présence d'un digesteur sur le site de la STEP, il est préférable d'appliquer le traitement par ultrasons non pas sur la filière eau mais sur la filière boues dans le but d'augmenter la production de biogaz. Cette dernière application des ultrasons a fait ses preuves à travers le monde (Hein, 2008 ; Nickel, 2008). Réduction de la production des boues à l'aide d'ultrasons
Suite à l’application de la directive 91/271/CEE du 21 mai 1991 concernant les eaux usées urbaines, la production annuelle de boues en Europe a augmenté d’environ 5,5 millions de tonnes de matières sèches en 1992 à 10 millions de tonnes actuellement. Jusqu’à aujourd’hui, les trois principales voies d’élimination de ces boues étaient la mise en décharge, l’incinération et l’épandage.
d'épandage agricole. La commission européenne donne une priorité à l’épandage agricole, qui ne concernait en 2005 néanmoins que 53 % des boues produites.
Les filières d’élimination étant de plus en plus restreintes à cause des contraintes réglementaires, on cherche depuis maintenant plusieurs années à réduire la quantité de boues produites dans des stations d'épuration.
On distingue deux grands groupes de méthodes de réduction des boues.
Le premier groupe concerne la réduction de la quantité de matière sèche produite sur la filière boues. La plus ancienne technique mise en œuvre dans ce but est la digestion anaérobie ou méthanisation. Depuis des années 2000, divers prétraitements ont été mis en œuvre pour augmenter l'efficacité de la méthanisation. Ces prétraitements sont localisés sur la filière boues après épaississement ou avant digestion et ont pour but la désintégration des boues, obtenue par l’application de traitements d’origine mécanique, thermique, chimique ou biologique.
Le deuxième groupe concerne la réduction de la production des boues à la source sur la filière eau. Le procédé de réduction par voie physique (ultrasons), chimique (O3) ou biologique (enzymes) est implanté soit en aller-retour sur les réacteurs du traitement biologique, soit sur la boucle de recirculation, soit sur un retour partiel des boues épaissies.
La désintégration par ultrasons est le résultat des effets de la cavitation acoustique dans les boues. La cavitation est la formation, croissance et implosion de bulles dans un liquide. Lorsque les bulles éclatent, elles libèrent une grande quantité d’énergie mécanique sous la forme de vagues d’expansion et de compression (Schwedes et Bunge, 1992 ; Tiehm et al., 2001b). Des phénomènes de fortes turbulences et de forts cisaillements ont lieu dans les boues lorsque ces vagues se rencontrent. Lors de la cavitation, les conditions de température et de pression deviennent localement très extrêmes (~ 5000 °C et ~ 500 bar) à l'intérieur de la bulle (Hoffman, et al., 1996, Bien J.B. et al., 2004). Les bulles deviennent ainsi une véritable “bombe chimique”.
Il existe depuis quelques années plusieurs sociétés qui commercialisent des homogénéisateurs à ultrasons dans le but d’un prétraitement à la digestion des boues et plusieurs stations d’épuration, principalement de grande taille, à travers le monde ont été équipées. Les résultats affichés sont une amélioration du taux de désintégration de la matière organique de l’ordre de 40-50 % et une augmentation de la production de biogaz de 50 à 100 % (Bougrier, 2005).
En ce qui concerne l’application des ultrasons pour une réduction de la production des boues à la source à échelle industrielle, en 2005 la technologie était testée uniquement dans des études pilotes préliminaires la mise en place d'un traitement. Dans l'une de ces études préliminaires (station de 7500 eqH, traitement et suivi sur 3 mois), les résultats obtenus étaient très encourageants (30 % de réduction de la production des boues), malgré des conditions opérationnelles non optimisées. Des effets positifs secondaires étaient une augmentation de la dénitrification (les ultrasons modifient la ration C/N/P), destruction des filamenteuses et une amélioration de la sédimentation des boues (Fassauer, communication personnelle).
L’étude présentée dans cet article est la première application à l’échelle industrielle en France du traitement par ultrasons appliqué sur la boucle de recirculation dans le but de diminuer la production des boues à la source. Parallèlement au suivi de l'effet des ultrasons sur la production des boues, des paramètres environnementaux (effet sur la performance de traitement, émission des gaz à effet de serre) et économiques ont été suivis.
Matériel et méthodes
La station de traitement des eaux
La station de traitement des eaux (STEP) de St. Sylvain d’Anjou a une capacité de 6300 eqH. Le principe de traitement est le suivant :
- - boues activées avec une nitrification et dénitrification réalisée dans un bassin anoxique,
- - déphosphatation physico-chimique par injection de FeCl3 dans le bassin d’aération,
- - épaississement des boues en excès sur une table d’égouttage par mélange avec un polyélectrolyte (les boues épaissies sont
Tableau 2 : Paramètres suivis et méthodologie de mesure
Paramètres suivis | Méthodologie de mesure |
---|---|
Volume d’eau journalière en entrée et sortie STEP (V_eau) | Canal venturi avec mesure d’hauteur d’eau par sonde ultrason installée à la sortie de la STEP ; intégration journalière des données. |
Volume de boues extraites (V_boues) | Débitmètre électromagnétique installé en aval de la table d’égouttage, intégration des données. |
DCO et MES en entrée STEP (DCO_entr, MES_entr) | Prélèvement d’un échantillon moyen journalier par préleveur automatique en entrée de la STEP ; reconstitution de deux échantillons moyens par semaine puis analyse de la DCO (norme NF T 90-101) et des MES (norme NF T90-105-2). |
MES dans les boues épaissies (MES_boues) | Prélèvement d’un échantillon moyen des boues épaissies à l’aide d’une électrovanne installée au fond d’une cuve homogénéisée (agitateurs) de 1 m³ par laquelle transitent les boues avant d’être versées dans le silo de stockage ; analyse de la MES (norme NF T90-105-2). |
MES dans les bassins d’aération (MES_bass) | Prélèvement manuel de 4 échantillons par semaine (2 juste avant et 2 juste après extraction des boues) des boues des bassins d’aération ; analyse des MES (norme NF T90-105-2). |
La capacité nominale de la STEP est donnée dans le tableau 1. Actuellement, la STEP fonctionne à environ 50 % de sa capacité nominale.
Le prototype du système d’ultrasons
La conception du système d’ultrasons (unité US) a été basée sur des essais effectués sur la STEP de Saint-Sylvain-d’Anjou (Fassauer et al., 2006). Pendant ces essais, les effets de désintégration pour des puissances d’ultrasons variables ont été évalués sur la base des paramètres suivants :
- augmentation de la DCO soluble (source de carbone disponible pour les micro-organismes dans le bassin d’aération),
- réduction de la distribution de taille des particules (augmentation de la surface spécifique ; amélioration du transfert de masse vers les micro-organismes),
- augmentation de l’activité enzymatique,
- réduction de l’indice de boues (amélioration de la décantation),
- augmentation de la turbidité.
L’unité US a été installée dans une armoire trois portes en inox. Elle contient trois sonotrodes en titane de 2 kW chacune (figure 1).
Seuls 6 % du flux de boues recirculées sont traités par les ultrasons. Ce taux de 6 % permet de traiter la totalité des boues pendant une durée de l’ordre de leur âge moyen, égal à 24 jours. Les boues traitées sont pompées du puits de recirculation vers l’unité de traitement par ultrasons à l’aide d’une pompe d’alimentation. L’unité US est placée à côté du bassin anoxique. La connexion entre la pompe d’alimentation et l’unité US est réalisée par un tuyau enterré. Après traitement, les boues sont retournées directement dans le bassin anoxique.
Suivi de la production des boues
L’évaluation de la réduction de la production de boues par le système ultrasons a été menée en comparant la production de boues mesurée à la production de boues calculée selon une formule théorique ajustée sur la période sans traitement.
Mesure de la production des boues
Le suivi de la production des boues a eu lieu pour des périodes sans et avec traitement par ultrasons d’une durée de 11 à 23 semaines.
En ce qui concerne la fréquence de suivi, il avait été initialement prévu de se limiter à plusieurs campagnes de mesure d’une semaine par période. Cependant, la variabilité temporelle des résultats étant trop importante pour conclure, un suivi en continu a été réalisé.
En ce qui concerne la méthodologie, au début du projet un débitmètre a été installé sur le canal d’extraction (en sortie du puits de recirculation) afin de déterminer le volume de boues extraites. Un préleveur automatique confectionnait un échantillon moyen journalier dans le puits de recirculation, puis la concentration en MES était déterminée. La quantité de boues extraites était calculée en multipliant le volume et la concentration ainsi obtenue. Il a été constaté que la table d’égouttage était de temps à autre à l’arrêt (pannes, manque de polymères, etc.) ce qui générait un retour en tête des boues extraites. La méthodologie appliquée conduisait alors à une surestimation de la quantité de boues extraites.
Des modifications du dispositif ont ensuite été réalisées afin de pouvoir mesurer le flux de boues en sortie de la table afin de s’assurer qu’uniquement les boues quittant réellement la station étaient comptabilisées. Un débitmètre et une électrovanne ont été installés sur le tuyau amenant les boues épaissies dans le silo à boues. L’ouverture de l’électrovanne était commandée par une horloge, permettant de confectionner un échantillon moyen journalier asservi au temps. Le flux de boues épaissies étant intermittent, l’échantillon moyen n’était pas représentatif.
Afin d’obtenir un échantillon de boues épaissies le plus homogène possible, une cuve de 1 m³ a été installée entre la sortie du tuyau et le silo à boues. La cuve est
mélangée en continu. La prise d’échantillon a lieu à l'aide d'une électrovanne installée au fond de la cuve. C’est cette méthodologie qui a été appliquée pendant les périodes de suivi de 11 à 23 semaines.
Les paramètres suivis et la méthodologie de mesure sont donnés dans le tableau 2. La production de boues de la semaine X a ensuite été calculée en utilisant l’équation 1 :
Boues produites semaine X = MB après extraction semaine X – MB semaine X Avec : MB après extraction = masse de boues dans les bassins après extraction = V bassins (m³) × MES bass. (g ℓ⁻¹) / 1000 MB = masse de boues extraites = volume de boues extraites (m³) × MES boues extraites (g ℓ⁻¹)
La quantité calculée de boues produites sur toute la période expérimentale a été comparée à la quantité de boues extraites sur la même période. Une différence mineure de 2,1 % a été trouvée. Étant donné que l’équation donnée ci-dessus prend en compte un éventuel changement de stock de boues dans les bassins, c’est cette équation qui sera utilisée. Les hypothèses faites sont :
- (i) le stock de boues dans le clarificateur ne change pas sur la totalité de la période expérimentale et
- (ii) les deux bassins d’aération sont parfaitement mélangés.
Deux observations permettent de renforcer la première hypothèse ; l’application des ultrasons n’a pas eu d’effet sur :
- – la hauteur du voile de boues dans le clarificateur ;
- – la concentration en MES dans le fond du clarificateur, qui était de 17,0 ± 0,7 g ℓ⁻¹ et de 14,8 ± 2,9 g ℓ⁻¹ pour des périodes sans et avec traitement par US respectivement.
Évolution théorique de la production des boues
La production de boues théorique a été calculée sur la base des paramètres d’entrée de la STEP de Saint-Sylvain-d’Anjou selon la formule du CIRSEE, traduite par l’équation 2 (Cornier et al., 1994) :
Production des boues (kg MS kg⁻¹ DBO₅) = [MES_entrée (1 – MVS_entrée) – MES_sortie MVS_sortie / MVS_entrée] + (0,82 + 0,21 log CM) – (NTK_nitrifié × NTK_entrée / DBO₅)
Paramètre | Valeur |
---|---|
MES_entrée | Flux MES en entrée STEP (variable) |
DBO₅_entrée | Flux DBO₅ en entrée STEP (variable) |
MVS_entrée | Solides volatiles en entrée STEP 70 % |
MVS_sortie | Partie des solides volatiles qui sont réfractaires 30 % |
CM | Charge massique (variable) |
Performance traitement | Performance de traitement de la DBO₅ 99 % |
NTK_nitrifié | Pourcentage du N total nitrifié 70 % |
NTK_entrée | Azote total en entrée STEP 37 mg ℓ⁻¹ |
Source : CIRSEE
Ajustement de l’évolution théorique de la production des boues sur la période sans traitement par US
La production théorique calculée selon l’équation 2 sous-estime, en moyenne de 37 %, la production mesurée hebdomadaire pour la période sans traitement par US. Un ajustement est donc nécessaire.
Un coefficient multiplicateur k a été ajouté, donnant l’équation 3. Une valeur de k = 1,37 minimise l’écart pondéré moyen (lissé sur 3 semaines, proche de l’âge des boues) entre production mesurée et production théorique. Cette correction s’explique en partie par la présence d’un traitement physico-chimique du phosphore par FeCl₃. Sur la station de Saint-Sylvain-d’Anjou, la quantité de FeCl₃ injectée (rapport molaire Fe/P = 0,24) entraîne une production de boues physico-chimiques représentant en moyenne 4 % des boues produites.
Pour expliquer une partie des 33 % restants, l’hypothèse a été émise que la quantité de boues mesurée surestime la quantité réellement produite. Cette hypothèse est renforcée par le fait que la production moyenne de boues mesurée, hors US, est de 1,6 kg MS kg⁻¹ DBO₅ : valeur improbable pour une charge massique moyenne de 0,04 et un ratio moyen MES/DBO₅ de 1,2. Les données disponibles n’ont toutefois pas permis d’identifier d’autres sources d’erreur. Dans la suite, la production théorique sera donc calculée selon l’équation 3.
Qualité des boues
La réduction de la quantité de boues produites peut entraîner une augmentation de la concentration en polluants dans les boues, les flux de polluants restant constants sur la station. Les boues épaissies ont été échantillonnées et la concentration en DBO₅ en entrée STEP a été calculée à partir de la DCO en appliquant le ratio DCO/DBO₅ = 2,6, déterminé sur cinq jours consécutifs pendant deux périodes sans ultrasons. Ce ratio se situe dans la gamme 1,5 – 3 pour une eau résiduaire urbaine (Dégremont, 2005). Pernot et al. (2006) ont montré, sur huit STEP rurales, que 90 % des effluents présentaient un ratio DCO/DBO₅ compris entre 1,8 et 2,9. Beseme et Iwema (1990) rapportent un ratio moyen de 2,57 sur 51 stations du bassin Seine-Normandie et de 2,51 sur 54 stations du bassin Rhône-Méditerranée-Corse.
Pour les MVS en entrée et les MVS réfractaires, les valeurs retenues sont celles communément admises sur les stations d’épuration.
Les mesures de performance de traitement de la DBO₅, du pourcentage de N total nitrifié et de la concentration en NTK en entrée n’ont pas été faites chaque semaine ; une valeur moyenne, pour la période concernée, a été utilisée dans le calcul théorique.
nées et analysées à plusieurs moments.
Les analyses comprenaient les polluants suivants :
- les métaux Cu, Cd, Zn, Cr, Hg, Ni, Pb
- DEPH, NPE, PCB
Rejets de la STEP
Pour déterminer l'effet du traitement par US sur le rejet de la STEP, il est important d'exprimer le rejet en une grandeur relative. Nous avons choisi d’exprimer le rejet en fonction de l’entrée. Au total, cinq campagnes ont eu lieu (dont quatre sans US et une avec US). Chaque campagne a duré cinq jours. Pendant ces cinq jours, l’échantillon moyen journalier en entrée et en sortie de STEP a été échantillonné et analysé pour la concentration en MES, DCO, DCO₅, DBO₅, NTK, PO₄, P_total.
Émission directe des gaz à effet de serre
Les émissions de CO₂, CH₄ et N₂O du bassin anoxique, du bassin d’aération et du silo à boues ont été évaluées selon la méthode schématisée dans la figure 3.
Une cloche gonflable flottante à la surface de l’eau permet de recouvrir une partie de la surface des bassins émetteurs des gaz à effet de serre. L’air situé sous cette cloche est renouvelé en continu par l'injection d’air à basse pression. L’air d’en dessous du bassin est extrait par une pompe et analysé directement par chromatographie à phase gazeuse et un détecteur catharométrique. Des échantillons d’eau, pris pendant la mesure des gaz à effet de serre, permettent d'exprimer les résultats en fonction de la qualité des eaux.
Trois campagnes de mesures ont eu lieu, deux pendant des périodes sans US et une pendant la période avec US.
Résultats
Stabilité des paramètres d’entrée de la boues calculée selon l'équation 3 et la production des boues mesurée pendant la période sans traitement par US. La qualité de cet ajustement valide la possibilité d’utiliser cette formule de calcul pour évaluer le flux de MES et de DBO₅ en entrée de la STEP. L’analyse de la DBO₅ étant longue et coûteuse, nous avons analysé la DCO en entrée, en supposant que le ratio DBO₅/DCO est relativement constant. Les paramètres MES et DCO sont corrélés (figure 4). Les points rouges représentent les flux de la période avec US, les points bleus ceux de la période sans US. La valeur des ratios de référence de la production des boues est donnée dans le tableau 3.
En général, on peut conclure que les conditions d’entrée de la STEP étaient stables. Il n’y a pas eu d'impact significatif de sources externes, ce qui aurait pu influencer les résultats. Les flux de MES et DCO étaient un peu plus importants dans la période avec traitement par US.
Production des boues
La figure 5 montre une bonne corrélation entre la production hebdomadaire des boues mesurée et la production calculée (figure 6). À l’échelle de la période de traitement par US, il a été observé une réduction moyenne de la production de boues par traitement par ultrasons de l’ordre de 30 %.
L’incertitude de la mesure de la production de boues a été évaluée en considérant les quatre sources d’erreur des paramètres de l’équation 1 : volume des boues épaissies (V_be), concentration en MES dans les boues épaissies (MES_be), volume des bassins (V_ba) et concentration en MES dans les bassins après extraction de la semaine (MES_ap) et après extraction de la semaine précédente (MES_av). Ces sources d’erreur [...]
Tableau 3 : Ratios en entrée de la STEP de Saint-Sylvain-d’Anjou
ainsi que leur valeur et la méthode d’obtention de leur valeur sont indiquées dans le tableau 4.
En développant sur ces termes l’équation 1, on aboutit à l’équation 4 décrite ci-après. L’incertitude est ensuite calculée par l’équation 5.
L’incertitude (sur un intervalle de confiance de 95 %) de la mesure de la production hebdomadaire de boues sur une période donnée (période avec ou période sans US) calculée selon l’équation 5 est égale à 11 %. L’incertitude élevée a pour conséquence que la réduction de boues de 30 % ne peut donc être considérée que comme une tendance. Par contre, compte tenu la cohérence des données (figure 6), la réduction des boues semble bien réelle sur le site étudié.
Qualité des boues épaissies
Afin de vérifier une éventuelle concentration des polluants dans les boues suite à la réduction de la quantité de matière sèche produite, la concentration en polluants organiques et en métaux a été déterminée. La concentration en DEHP, NPE et PCB dans les boues produites sans traitement par US était inférieure à la limite de détection. Quant à la concentration en HAP et en PCDD/F, elle est très faible, respectivement 25 fois inférieure à la concentration maximum (pour des boues valorisées en agriculture) proposée dans le “Working Document on Sludge”. De ce fait, l’analyse des polluants organiques a été exclue des campagnes suivantes.
Pour les métaux, l’analyse des boues prélevées pendant le traitement par US comparée à celle réalisée dans les périodes sans traitement est présentée dans le tableau 5. L’examen de ces résultats ne met pas en évidence un impact significatif du traitement US sur la qualité des boues. Il convient cependant de moduler cette première conclusion car d’éventuelles variations de la concentration en métaux en entrée de la STEP n’ont pas été mesurées. Par ailleurs, nous disposons d’une seule analyse sur la période avec le traitement par US. La comparaison des concentrations du tableau 5 avec la législation actuelle et avec les concentrations proposées dans le “Working Document on Sludge” montre que les boues de la STEP de Saint-Sylvain-d’Anjou sont valorisables en agriculture.
Rejets de la STEP
Les résultats obtenus sur la sortie du traitement US montrent qu’il augmente la concentration en particules fines. Ceci pourrait nuire à la qualité de l’eau traitée. Le rendement de traitement de la STEP de Saint-Sylvain-d’Anjou pour des périodes sans traitement (valeur moyenne sur 4 à 5 jours, écart-type sur 3 campagnes)
Tableau 4 : Sources d’erreur pour la mesure de la production des boues, les valeurs et les méthodes de calcul.
– Source d’erreur 1 : Volume des boues épaissies (Vbo) – Incertitude relative : 0,5 % – Documentation technique du débitmètre. |
– Source d’erreur 2 : Concentration en MES des boues épaissies (MESbe) – Incertitude relative : 8,9 % – Un échantillon moyen horaire a été pris pendant 24 h. Les échantillons ont été regroupés pour obtenir 4 échantillons moyens par tranche de 6 heures. Ces échantillons ont été analysés pour leur concentration en MES. À l’erreur ainsi obtenue a été rajoutée l’erreur d’analyse sur un seul et unique échantillon (déterminée dans la source d’erreur n° 4). |
– Source d’erreur 3 : Volume des bassins (Vba) – Incertitude relative : 0,5 % – Le volume des bassins est constant. |
– Source d’erreur 4 : Concentration en MES dans les réacteurs (MESav et MESap) – Incertitude relative : 5,5 % – Prélèvement de 4 échantillons individuels, et analyse de la concentration en MES de 4 fractions de chaque échantillon. |
Tableau 5 : Concentration des métaux dans les boues épaissies (avec écart-type pour la période sans traitement par ultrasons)
Paramètre | Sans US | Avec US |
---|---|---|
Cu (mg/kg MS) | 241,7 ± 48,3 | 230,0 |
Zn (mg/kg MS) | 0,8 ± 0,0 | 0,6 |
Cd (mg/kg MS) | 341,7 ± 41,7 | 220,0 |
Ni (mg/kg MS) | 21,8 ± 1,2 | 19,0 |
Hg (mg/kg MS) | 5,5 ± 3,7 | 3,3 |
Pb (mg/kg MS) | 19,7 ± 3,3 | 17,0 |
…et avec traitement (valeur moyenne sur 5 jours, 1 campagne) sont données dans le tableau 6.
Pour les paramètres MES, DCO et DCO₅, le traitement par US ne semble pas avoir d’incidence sur la performance du traitement de l’eau.
La performance de traitement du phosphore semble par contre impactée par le traitement US. Les concentrations en entrée et en sortie STEP sont données dans le tableau 8. Il a été vérifié que la quantité de chlorure ferrique injectée et le rapport molaire Fe/P n’ont pas sensiblement évolué au cours des différentes périodes de suivi. Un calcul précis du ratio pour la période « sans US » et pour la période « avec US » a été possible. La ratio est de 0,2 dans les deux cas et ne peut donc pas expliquer la différence de rendement observé.
Même si l’augmentation du phosphore en sortie reste à valider, elle semble cohérente. En effet, à concentration inchangée dans les boues une réduction de la production de boues diminue le flux de phosphore quittant la STEP par la filière boues. Ce phosphore se retrouve dans l’effluent en sortie de la STEP. Ce phénomène a été observé dans d’autres études concernant la réduction de boues à la source, par exemple dans l’étude de Biolysis « O » (Rewcastle et al., 2004). Le tableau 7 montre que les concentrations en sortie de la STEP sont en effet plus élevées pendant le traitement par US. Néanmoins, pour l’installation étudiée, le rejet demeure toujours conforme à la réglementation française.
Émission de gaz à effet de serre
Dans le tableau 8, une estimation des émissions des gaz à effet de serre est donnée.
Les données du tableau 8 permettent de conclure que l’émission des gaz à effet de serre est très variable dans le temps. La différence la plus marquante entre la période sans et la période avec US est l’augmentation de l’émission de CO₂ du bassin d’aération pendant le traitement par US. Pour vérifier si cette augmentation pourrait être due à une augmentation du flux de DCO en entrée de la STEP, l’émission de CO₂ a été calculée en fonction de la DCO traitée. Les résultats sont les suivants :
- I (sans traitement) : 4,82 × 10⁻² kg CO₂/kg DCO traitée
- II (avec traitement) : 6,04 × 10⁻² kg CO₂/kg DCO traitée
- III (sans traitement) : 4,64 × 10⁻² kg CO₂/kg DCO traitée
En plus, le flux de DCO en entrée STEP a été sensiblement équivalent (une valeur moyenne de 306, 297 et 291 kg/jour pour les périodes I, II et III respectivement). L’augmentation de l’émission de CO₂ n’est donc pas le résultat d’une augmentation de la DCO en entrée de STEP. Si ces résultats étaient confirmés par d’autres campagnes de mesures, l’augmentation de l’émission de CO₂ pourrait s’expliquer par une accélération du catabolisme et du ratio de respiration des boues activées. Ceci est en accord avec une réduction de boues, car plus de CO₂ = moins de boues. Deux hypothèses sont envisagées pour expliquer cette observation :
- ce sont des particules organiques anciennement inertes qui ont été transformées en particules biodégradables par le traitement US ;
- les microorganismes sont dégradés à cause de l’augmentation de la présence d’enzymes hydrolytiques actives.
Il est important de souligner que même si l’émission de CO₂ peut augmenter, le traitement par US ne semble pas avoir d’effet sur l’émission totale des gaz à effet de serre (tableau 8).
Évaluation économique
L’évaluation économique est basée sur l’hypothèse d’une réduction de la production de boues de l’ordre de 30 %.
La STEP de Saint Sylvain-d’Anjou est d’une petite taille avec un coût d’élimination des boues faible, équivalent à 10 €/tonne. Le tableau 9 résume les paramètres économiques de la STEP, les coûts d’investissement et des coûts annuels, les économies annuelles et le calcul du retour sur investissement.
Le retour sur investissement obtenu a une valeur négative. Cela indique que le traitement par ultrasons appliqué sur la boucle de recirculation de la STEP de Saint Sylvain d’Anjou n’est pas intéressant d’un point de vue économique. L’une des raisons est le fait que les coûts d’élimination sont faibles. Par ailleurs, le traitement des boues recirculées ayant une faible concentration en MS il est économiquement peu intéressant. En effet, une grande quantité d’énergie libérée par le traitement par US est dissipée dans l’eau. Un traitement des boues plus épaissies aurait permis une installation US d’une puissance moindre, c’est-à-dire un nombre plus faible de sonotrodes, pour obtenir un effet de désintégration équivalent. Ceci aurait diminué les coûts d’investissement et de remplacement des sonotrodes.
Les résultats obtenus sur Saint Sylvain d’Anjou ont été extrapolés sur des STEP de taille supérieure. Les résultats obtenus ont permis de conclure que le traitement par ultrasons sur la filière eau pourrait s’avérer économiquement intéressant sous les conditions suivantes :
- taille de la STEP : 100 000 eqH
- application du traitement par ultrasons sur une boucle de recirculation des boues épaissies vers le bassin de boues activées et non pas sur une recirculation classique
- coût d’élimination finale des boues > 11 €/t (à une concentration en MS de 20 %)
Des études complémentaires permettraient de vérifier ces conclusions.
Conclusion
Les résultats de ce projet de démonstration permettent d’obtenir une première évaluation de l’effet d’un traitement par US sur la réduction de la production des boues et également en termes d’impact environnemental.
Après optimisation de la station et après avoir effectué des essais laboratoires et terrain, la conception du système de traitement par US a été possible. Le système US d’une puissance de 6 kW a été installé sur site afin de traiter en continu une partie des boues recirculées. Le système a été opérationnel sur une période totale de 264 jours. Une comparaison de la production des boues dans des périodes avec et sans traitement par US a permis de constater une réduction de la production des boues d’environ 26 % dans la période avec traitement par US. Il est important de rappeler ici qu’il s’agit d’une tendance. Les premiers résultats sont en effet obtenus par une méthode indirecte basée sur une équation théorique. Par ailleurs, l’incertitude de la mesure de la production des boues est de l’ordre de 11 %.
Le traitement par US n’a pas eu d’impact sur la qualité des boues, ni sur la qualité de l’eau traitée, à l’exception du paramètre phosphore. Pour ce dernier, le rendement épuratoire semble diminuer pendant le traitement par US. Compte tenu des difficultés et incertitudes de la méthode mise en œuvre l’expérimentation devra être poursuivie pour valider ces premières conclusions.
La concentration en phosphore reste conforme à la réglementation française et une augmentation du dosage de FeCl₃ n’est pas nécessaire.
Même si le traitement par US semble augmenter l’émission de CO₂ du bassin d’aération, l’émission totale des gaz à effet de serre paraît stable. Un accroissement de la pression environnementale dû au traitement des boues par US n’a donc pas été observé.
Le traitement par US n’est pas adapté, d’un point de vue économique, pour des STEP de petite taille avec un coût d’élimination de boues faible. Pour des STEP de grande taille (> 100 000 eqH) avec un coût d’élimination de boues plus élevé, une évaluation plus détaillée des coûts et bénéfices permettrait de vérifier l’intérêt de ce procédé. Le procédé devra dans ce cas être appliqué sur une recirculation de boues épaissies vers les bassins de boues activées.
Remerciements
Ce travail a été cofinancé par la Commission européenne dans le cadre du projet LIFE SOUND SLUDGE (LIFE05 ENV/F/000067) et par l’Agence de l’Eau Loire Bretagne.