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Réduction de la pollution atmosphérique due aux travaux de mise en conformité des usines d'incinération existantes

30 janvier 1990 Paru dans le N°133 à la page 45 ( mots)
Rédigé par : J RATTIER et M GARY

L'évolution des préoccupations, vis-à-vis de la protection de la qualité de l'environnement et de la prévention des nuisances, s'est récemment traduite, d’abord au niveau national, ensuite au niveau européen, par l'élaboration de nouvelles normes relatives aux émissions atmosphériques notamment des usines d'incinération de résidus urbains.

Un élément fondamentalement nouveau, bien que la législation française laisse toute latitude aux Préfets d’imposer aux Installations Classées des mises en conformité périodiques, est introduit par la Directive Européenne n° 89-429-CEE du 21 juin 1989 intitulée « Réduction de la pollution atmosphérique en provenance des installations existantes d'incinération des déchets municipaux » (5). Ce texte, dont la traduction en droits nationaux devra avoir lieu avant le 1ᵉʳ décembre 1990, précise un calendrier d’application en fonction de la capacité des installations.

L’ÉTAT DES LIEUX

État du parc existant

Le 4ᵉ Inventaire des installations de traitement des ordures ménagères (1) fait état de 284 installations (dont 66 avec récupération de chaleur) assurant le traitement d'environ 20 000 tonnes de déchets par jour en moyenne et desservant approximativement 36 % de la population. Ces chiffres, établis pour l’année 1985, ont quelque peu évolué depuis.

Tableau 1 Répartition des installations par tranches de capacité

Capacité de traitement Pourcentage d’installations
< 1 tonne/h 15 %
1 à 4 tonnes/h 53 %
4 à 7 tonnes/h 13 %
> 7 tonnes/h 19 %

Le tableau 1 présente une répartition des unités d’incinération (avec ou sans récupération de chaleur) en fonction de leur capacité nominale de traitement (selon la même source que ci-dessus) et en fonction de classes de capacité définies par la circulaire du 6 juin 1972 (2).

Âge des unités

Une analyse détaillée des installations recensées dans le 4ᵉ Inventaire montre que ces équipements sont, grosso modo, de deux générations séparées d'une dizaine d’années :

  • — 75 à 80 installations mises en service de 1973 à 1976 ;
  • — 75 à 85 installations mises en service de 1981 à 1984.

On se trouve ainsi en présence d’un parc dont l'ancienneté, en 1989, est essentiellement soit de l'ordre de 15 ans, soit de l'ordre de 6 ans.

[Photo : L’électrofiltre s'est largement imposé comme dépoussiéreur pour les installations de plus de 4 tonnes/h. Ici, l'usine de la CUB à Bordeaux-Cenon (33).]

Traitement actuel des fumées

Une étude faite en 1987 dans le cadre de la « Commission Déchets et Propreté » de l'AGHTM (7) sur un échantillon représentatif de 85 installations (30 % des installations recensées) a conduit aux observations suivantes sur ce point, l’analyse ayant été réalisée en fonction d'une part de la capacité des installations, d’autre part de la capacité des fours :

  • — le multicyclone s’est largement imposé pour les installations de capacité comprise entre 1 et 4 tonnes/h ;
  • — l’électrofiltre est omniprésent pour les installations de plus de 7 tonnes/h (photo 1).

Tableau 2

Normes de rejet en poussières

(art. 1 de l'Instruction technique du 6 juin 1972)

Capacité de traitementNiveau de rejet (*)
< 1 tonne/h1 000 mg/Nm³
1 à 4 tonnes/h600 mg/Nm³
4 à 7 tonnes/h250 mg/Nm³
> 7 tonnes/h150 mg/Nm³

(*) Valeurs rapportées sur gaz humides à 7 % CO₂ mesuré sur gaz humide.

Tableau 3

Plages de valeurs des indices pondéraux sur différentes installations

Capacité de l’usineIndice pondéral
4 x 11 tonnes/h80 à 130 mg/Nm³
2 x 8 tonnes/h10 à 45 mg/Nm³
3 x 4,6 tonnes/h20 à 50 mg/Nm³
6 tonnes/h90 à 120 mg/Nm³
2 x 10 tonnes/h70 à 75 mg/Nm³
  • entre les deux procédés la compétition est équilibrée ;
  • l’électrofiltre est utilisé de façon quasi exclusive pour les fours de plus de 4 tonnes/h ;
  • le multicyclone a été utilisé de façon préférentielle pour les fours de moins de 4 tonnes/h.

Ces observations sont cohérentes avec l’esprit de la circulaire de juin 1972 qui considérait, comme élément de référence, la capacité des fours.

Les émissions actuelles

Les poussières

Sur les installations existantes et compte tenu des équipements mis en œuvre pour respecter les normes d’émission imposées par la circulaire du 6 juin 1972 (seul texte en vigueur pour les installations réalisées antérieurement à 1986), les niveaux de rejet doivent, au moins, être inférieurs aux valeurs du tableau 2. De fait, sur la plupart des installations de capacité supérieure à 4 tonnes/h, les équipements de dépoussiérage (qui sont quasi exclusivement des dépoussiéreurs électrostatiques) assurent des niveaux de rejet inférieurs aux valeurs indiquées dans le tableau 2, comme le montrent les exemples du tableau 3.

[Photo : Procédé semi-humide et dépoussiéreur par électrofiltre pour une des premières unités, équipées d'une captation de l'acidité des fumées, réalisées en France : usine de SITDCE à Colmar (68).]

Les métaux lourds

(particulaires ou gazeux)

Les analyses montrent que de nombreux métaux sont présents, sous forme gazeuse ou particulaire, en quantités plus ou moins importantes dans les fumées après les équipements existants de dépoussiérage : on peut citer le zinc, le plomb, l’étain, le cuivre, mais aussi le mercure, le cadmium, l’arsenic... Ces quantités sont estimées entre 40 et 200 mg/Nm³ en sortie d’un four d’incinération (6).

Des analyses récentes effectuées sur deux lignes d'incinération de 11 tonnes/h chacune ont conduit, en sortie d’électrofiltres, aux résultats présentés dans le tableau 4.

Tableau 4

Exemples d’émissions en métaux lourds gazeux et particulaires

ÉlémentsPlage de concentration observée (*)
Hgpartie 0,001 à 0,01gaz 0,002 à 0,35
Cdpartie 0,05 à 0,12gaz 0,004 à 0,09
Aspartie 0,001 à 0,01gaz < 0,001 à 0,006
Métaux lourds (**)3,1 à 14,0

(*) en mg/Nm³ humide rapporté à 7 % CO₂ sur gaz humide.

(**) totaux particulaires : Cu + Pb + Zn + Ni + Cr + Sn + Ag + Co + Ba.

Les polluants gazeux

D’autres polluants que les métaux lourds sont également émis à l’atmosphère essentiellement sous forme gazeuse. Il s’agit notamment :

  • de l'acide chlorhydrique : on admet communément que les rejets moyens se situent autour de 1 000 mg/Nm³ ; cette valeur a été confirmée par des observations sur des installations (7) de capacité supérieure à 4 tonnes/h ;
  • de l'acide fluorhydrique : on admet des valeurs allant jusqu’à 20 mg/Nm³ pour une moyenne située entre 10 et 15 mg/Nm³ ;
  • des oxydes de soufre : les valeurs communément observées en France sont notablement plus basses (moyenne à 200 mg/Nm³ pour 22 mesures) (7) que celles observées en RFA ;
  • des oxydes d’azote : pour 12 valeurs mesurées (7) la moyenne s’établit à 130 mg/Nm³ ; ces valeurs sont sensiblement plus faibles que celles observées sur des installations en RFA (ceci pourrait s’expliquer par des températures au foyer plus élevées dans les installations d’outre-Rhin).

Les autres polluants

Il a largement été montré que des quantités importantes de composés organiques peuvent être observées dans les fumées d’incinération de déchets urbains, la plupart du temps à des niveaux de concentration extrêmement faibles (acides organiques, hydrocarbures polyaromatiques, chlorophénols, organochlorés, ...). Leur production dépend essentiellement des différentes conditions thermiques subies par les gaz de combustion.

LA DIRECTIVE 89-429-CEE DU 21 JUIN 1989 ET SES IMPLICATIONS

Le critère essentiel de différenciation utilisé est la capacité de l’installation.

Doivent d'abord être respectées :

  • une température de 850 °C pendant au moins deux secondes et en présence d’au moins 6 % d’oxygène ; un brûleur d’appoint est nécessaire ;
  • une valeur limite de 100 mg/Nm³ à 9 % CO₂ gaz sec pour le monoxyde de carbone (CO).

L’analyse des tableaux comparatifs 5 (poussières) et 6 (acide chlorhydrique) conduit à la conclusion que les travaux à entreprendre pour les mises en conformité avec les nouveaux textes réglementaires vont, y compris pour les

Tableau 5

Évolution de la réglementationrelative aux émissions de poussières

Quantités Circulaire de juin 72 (*) Arrêté de juin 86 (*) Directive de juin 89 (**) au 01.12.95 au 01.12.2000
< 1 tonne/h 1 000 600 600 (466) 200 (155)
1 tonne/h2 600 150 100 (78) 100 (78)
3 "
4 "
5 "
6 "
7 250 100 (78) 38 (23)
> 7 tonnes/h 150 30 (23) au 01.12.1996

Valeurs en mg/Nm³,(*) exprimé à 7 % CO₂ sur humide.(**) exprimé à 9 % CO₂ sur sec. (Valeurs à 7 % CO₂ sur humide entre parenthèses)

Tableau 6

Évolution de la réglementationrelative aux émissions d’acide chlorhydrique

Quantités Circulaire de juin 72 (*) Arrêté de juin 88 (*) Directive de juin 89 (**) au 01.12.95 au 01.12.2000
< 1 tonne/h 250 (194)
1 tonne/h2 250 100 (78)
3 "
4 "
5 "
6 "
7 50 (39)
> 7 tonnes/h 50 (39) au 01.12.1996

Valeurs en mg/Nm³,(**) exprimées à 9 % CO₂ sur sec. (Valeurs à 7 % CO₂ sur humide entre parenthèses).

Petites installations seulement concernées dans une première étape, par une amélioration de la qualité du dépoussiérage, se trouvent être tout-à-fait importantes. Dans les installations conçues selon les termes de l’arrêté du 9 juin 1986 (3), sous réserve de l’évolutivité des solutions retenues, ces mises en conformité pourront s’avérer tout aussi délicates techniquement. Des tableaux équivalents pourraient être établis pour l’ensemble des autres polluants visés par les réglementations.

Les travauxde mise en conformité

Le cas des installationsde plus de 6 tonnes/h

Celles-ci doivent, sans étape intermédiaire, se conformer à une réglementation visant :

  • — la réduction des émissions globales de poussières ;
  • — la réduction des émissions acides.

Dans tous les cas, les niveaux de réduction des émissions sont notables :

  • — de 90 à 50 % de réduction pour les poussières ;
  • — de 60 % de réduction pour l’acide chlorhydrique (installations récentes soumises au texte de 86) à la mise en place intégrale d’un équipement (installations antérieures).

Valeurs en mg/Nm³,

(*) exprimées à 7 % CO₂ sur humide.

En fonction de la vétusté des installations, des réfections totales du traitement des fumées peuvent avoir à être envisagées.

Une cinquantaine d’installations de plus de 6 tonnes/h est concernée par ces dispositions ; seulement huit à dix ont déjà (avant donc la parution officielle du texte européen) engagé des réflexions ou des études préalables de faisabilité sur le sujet.

Les installations de 1 à 6 tonnes/h

L’amélioration de leurs performances passe par une étape intermédiaire : l’amélioration de la qualité du dépoussiérage. Pour celles dont l’âge moyen se situe autour de 15 ans, il est vraisemblable que cela sera la seule étape qu’elles auront à franchir avant leur arrêt définitif pour remplacement (au-delà de 20 ans d’âge).

Pour les autres, la mise en conformité passera par deux étapes :

  • — l’amélioration du dépoussiérage, ce qui se traduira :
    • • par le remplacement des multicyclones par des électrofiltres ou des filtres à manches,
    • • par la mise en place des deuxièmes champs sur les électrofiltres à un champ existants.

Ces équipements devront être conçus pour supporter les charges éventuelles supplémentaires en poussières introduites par le traitement de l’acidité à prévoir dans un avenir proche (2ᵉ étape) ;

  • — la captation de l’acidité, en tenant compte des remarques ci-dessus. Il paraît nécessaire d’envisager, dès les améliorations apportées au dépoussiérage, les solutions qui seront retenues pour la captation de l’acidité (2ᵉ étape).

Les installationsde moins de 1 tonne/h

Celles-ci ne sont concernées que par une amélioration du dépoussiérage qui devrait, pour respecter les normes envisagées à l’échéance de l’an 2000, se traduire par la mise en place progressive de dépoussiéreurs électrostatiques voire de filtres à manches.

Les coûtsL’investissement

Compte tenu de l’éventuel échelonnement des travaux dans le temps, des spécificités locales, … il paraît difficile d’approcher le problème des investissements de façon autre que globale. Les projets actuels conduisent aux observations suivantes.

En fonction, de la capacité des installations existantes et des performances du traitement des fumées en place, mais également en fonction des contraintes d’implantation, les projets actuels entraînent des coûts d'investissements complémentaires qui peuvent atteindre environ 2 à 4 MF HT par tonne/h de capacité installée. Ces coûts correspondent à des réalisations clefs en main.

Exploitation

Hors les frais supplémentaires de personnel, de petit entretien et de gros renouvellement qui doivent être considérés comme dans une installation classique en fonction du personnel existant et des nouveaux équipements mis en œuvre, il convient de noter que les coûts directs (à la tonne) d’exploitation des équipements de traitement complémentaire des fumées (dépoussiérage et captation de l'acidité) s'établissent à environ 20 à 25 F HT/tonne.

Ces valeurs n’incluent pas l’évacuation des résidus laquelle, en fonction de l’éloignement d'un site de décharge acceptant de recevoir ces produits, peut conduire à un doublement, un triplement voire un quadruplement du coût total. La prise en compte de cet élément (rendue quasi obligatoire par l'arrêté de juin 1986 art. 15), en l'absence d'autres solutions satisfaisantes pour l’élimination de ces produits peut être déterminante dans le choix du procédé à retenir pour limiter les coûts proportionnels d’exploitation.

Il convient cependant de noter que, à court ou moyen terme, devraient aboutir les recherches menées par l'ensemble des professionnels concernés, qui visent, au travers de traitements spécifiques (vitrification, lavage acide, solidification, ...), à éviter l'obligation d'une mise en décharge de classe 1.

Les procédés

Les procédés de traitement utilisables sont maintenant bien connus.

Pour le dépoussiérage, on peut envisager :

  • — le filtre électrostatique à plusieurs champs ;
  • — le filtre à manches filtrantes.

Pour la neutralisation de l'acidité, on peut envisager (8) :

  • — les procédés secs (injection de chaux pulvérulente dans les fumées) ;
  • — les procédés semi-secs (refroidissement à l’air ou à l'eau des fumées avant injection de chaux pulvérulente) ;
  • — les procédés semi-humides (pulvérisation d'un lait de chaux dans les fumées (photo 2) ;
  • — les procédés humides (lavage des fumées).

CONCLUSION

Les responsables des unités existantes d'incinération de résidus urbains (collectivités locales, Syndicats de Communes...) vont se trouver à court terme devant l'obligation de mettre en conformité avec les termes de la Directive Européenne des installations parfois vieillissantes.

Travaux complémentaires à étapes, démantèlement, nouvelles installations... des décisions difficiles devront être prises en fonction des réalités économiques locales mais aussi de l’état des installations existantes.

Les réflexions devront être menées dans une optique évolutive des réglementations qui, comme l’a montré l'exemple des dernières années, devraient, sous la pression de l'opinion publique et dans l’objectif de la protection de l'environnement et de la prévention des nuisances, se traduire par des renforcements périodiques. Les matériels à installer devront donc être capables de s'adapter progressivement à ces évolutions.

Un formidable enjeu pour la qualité de notre environnement de demain s’ouvre, auquel, en tant que Bureau d'Études, nous entendons pleinement participer...

BIBLIOGRAPHIE

  1. 1 — 4° Inventaire des installations de traitement des ordures ménagères. AGHTM, Ministère de l'Environnement. Revue TSM 9 bis 86.
  2. 2 — Circulaire et instruction technique du 6 juin 1972 relative aux usines d'incinération de résidus urbains.
  3. 3 — Arrêté du 9 juin 1986 relatif aux installations d'incinération des résidus urbains.
  4. 4 — Directive du Conseil n° 89/369/CEE du 8 juin 1989 concernant la prévention de la pollution atmosphérique en provenance des installations nouvelles d'incinération des déchets municipaux.
  5. 5 — Directive du Conseil n° 89/429/CEE du 21 juin 1989 concernant la réduction de la pollution atmosphérique en provenance des installations d'incinération existantes de déchets municipaux.
  6. 6 — OLIER J.P. et al. La prévention de la pollution atmosphérique pour l’incinération des ordures ménagères. TSM, sept. 89, pp. 491-497.
  7. 7 — LEROY J.B. et al. Le traitement des fumées des installations d'incinération des ordures ménagères avant et après les nouvelles normes de rejet. TSM, nov. 87, pp. 513-519.
  8. 8 — GARY M. La réduction des émissions de polluants à l’atmosphère : des objectifs, des problèmes, des solutions. Réseaux et Chaleur, article à paraître.
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