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Réduction de l'encrassement des chaudières par l'oxyde de fer

30 octobre 1986 Paru dans le N°104 à la page 80 ( mots)
Rédigé par : J.-y. DERRIEN

Si le traitement d'eau est une science finalement très ancienne, son développement n'est intervenu, comme dans la plupart des technologies, que lors de la révolution industrielle du XIX? siècle.

Dans le sujet qui nous intéresse, l’évolution technologique des chaudières a été très rapide depuis cette époque, pour arriver aujourd'hui aux générateurs modernes que nous connaissons, qui fonctionnent couramment sous des pressions de 50 à 150 bars, avec des flux locaux pouvant être supérieurs à 470 kW/m² et ceci pour des volumes d’eau de plus en plus faibles. Si, bien entendu, les traitements externes ont fait des progrès considérables depuis une vingtaine d’années (surtout depuis l'apparition des résines échangeuses d'ions), force est de constater que les produits chimiques de traitement interne ont peu évolué, du moins en apparence puisque nombre de chaudières sont encore traitées avec du phosphate trisodique employé seul, voire avec des molécules du type tanins.

En faisant un rapide historique des molécules utilisées dans l'industrie depuis que les chaudières sont traitées, on constate cette très lente évolution :

  • - 1857 : premier conditionnement interne en présence de tanins (acide gallique utilisé sous forme de pyrogallol C₆H₆(OH)₃ ou polyphénol) ;
  • - 1920 : traitement à base de phosphates (bien que des brevets anglais datant de 1863 proposent déjà l'utilisation de phosphate disodique pour éviter l'encrassement) ;
  • - 1939 : utilisation du sulfite de sodium comme réducteur de l'oxygène ;
  • - 1946 : première utilisation de chélatant en chaudière (EDTA) ;
  • - 1949 : apparition des amines neutralisantes (morpholine, cyclohexylamine) pour le traitement des réseaux condensats ;
  • - 1955 : utilisation de l'hydrazine comme réducteur d’oxygène ;
  • - 1957 : apparition des premiers dispersants synthétiques (du type acrylique).

Depuis, l'effort a surtout été porté sur une amélioration de l'efficacité et de la stabilité thermique des dispersants, suivant ainsi les progrès de la chimie organique de synthèse (apparition de carboxyméthylcellulose, polyméthacrylates, et plus récemment, de polymères sulfonés). Nous arrivons ainsi à une situation où l'exploitant peut théoriquement choisir parmi plusieurs familles de traitements pour conditionner ses chaudières. Chaque solution ayant sans nul doute ses avantages et ses inconvénients, la difficulté pour le spécialiste est de sélectionner le programme le mieux adapté au cas de figure considéré. L’étape ultime consiste à définir un conditionnement sur mesure, car aucune installation n’étant strictement identique à une autre, on ne peut raisonnablement obtenir un compromis efficacité/coût optimum en appliquant toujours les mêmes produits, voire toujours la même famille de traitements.

Les familles de traitements classiques sont de quatre sortes :

  • — phosphate, associé ou non à des dispersants ;
  • — phosphate/pH coordonnés, réservé aux chaudières haute pression ou certaines chaudières de plus faible timbre alimentées en eau déminéralisée ;
  • — chélatant associé ou non à des dispersants ;
  • — tout dispersant.

Parmi les différents types de programme de conditionnement ainsi énumérés, nous nous proposons de développer ici l'approche chélatants/phosphates/dispersants. L’association chélatants/phosphates peut, au premier abord, paraître surprenante puisque mettant en œuvre, voire en concurrence, des traitements du type précipitant (phosphates) et solubilisant (complexants à base de chélatants). Un mode d'action du type complexant apparaît a priori plus séduisant, surtout dans les installations à fort transfert thermique ou qui utilisent des retours de condensats importants (le fer constitue dans ce cas la pollution principale).

Cependant, ces traitements présentent des limitations, en particulier la nécessité d’un suivi plus strict de la part de l’exploitant afin de ne pas laisser subsister du produit en excès en chaudière ou dans la ligne alimen-

L'approche chélatant/phosphate/dispersant diffère notablement de ces traitements ; nous l'employons en utilisant comme chélatant l'EDTA (éthylènediaminetétraacétique), ce qui permet d'obtenir un degré de chélation largement inférieur à la stœchiométrie. Nous exposons ci-après son mode d'action.

Mode d'action de l'ensemble du traitement préconisé

Avec sa gamme BP 6 400, qui allie chélatant, phosphate et dispersant, Betz utilise seulement 40 à 90 % de la dose normalement requise pour la complexation de l'ensemble du calcium présent. L'EDTA est ainsi injecté dans l'eau alimentaire à une dose substœchiométrique par rapport à la dureté réellement présente.

Dans ces conditions, le chélatant réagit avec les cations qui présentent la plus haute constante de stabilité. Les constantes de stabilité (pour sélection des complexes métal/EDTA) peuvent être ainsi classées :

Cations Ks Log Ks
Fe³⁺ 1 × 10²⁵ 25,1
Cu²⁺ 6,3 × 10¹⁸ 18,8
Fe²⁺ 2,1 × 10¹⁴ 14,33
Ca²⁺ 4,3 × 10⁸ 10,7
Mg²⁺ 4,9 × 10⁸ 8,69

Dans l'eau alimentaire, le fer et le calcium seront préférentiellement complexés par rapport au magnésium ; celui-ci se combinera au polyphosphate présent. Dans ce cas, seul le phosphate sous la forme « poly » pourra être utilisé en présence d'EDTA, puisque lui seul peut séquestrer le magnésium libre. Dans les conditions normales d'une eau alimentaire, il y a donc beaucoup plus de magnésium complexé par le polyphosphate que par l'EDTA.

La composition chimique de l'eau alimentaire sera donc un mélange fer/EDTA, calcium/EDTA, polyphosphate/magnésium et calcium/polyphosphate. La teneur en polyphosphate/calcium dépend du ratio calcium/magnésium et du pourcentage de chélation (par l'EDTA) choisi, ce pourcentage étant une des caractéristiques fondamentales des traitements BP 6 400.

[Photo : Fig. 1. Composition chimique souhaitable de l'eau alimentaire.]

Nous obtenons donc un ensemble d'éléments complexés ou chélatés qui vont entrer en chaudière où ils subiront les évolutions indiquées sur la figure 2.

[Photo : Fig. 2. Évolution en chaudière du traitement de l’eau d'alimentation.]

Dès l'entrée en chaudière, sous l'effet de la pression et de la température, les équilibres se modifient : les polyphosphates se transforment en orthophosphates, libérant ainsi les complexes formés vis-à-vis du magnésium et, dans une moindre mesure, du calcium.

Les liaisons que forme le polyphosphate avec le calcium sont de même nature que celles formées avec l'EDTA, c'est-à-dire que le calcium est capté par l'oxygène des liaisons phosphore-oxygène-phosphore (P-O-P) au lieu d'être capté par l'azote (dans le cas de l'EDTA). L'hydrolyse de la liaison P-O-P transforme la structure polyphosphate en orthophosphate. Ainsi formé, ce dernier réagit avec les ions calcium libres en solution sous forme de précipité d'hydroxyapatite. Les ions magnésium libérés par l'hydrolyse du polyphosphate forment alors des composés stables avec les ions OH⁻ disponibles et avec les ions silicates présents. Ce calcium libre provient bien entendu de la partie complexée par les polyphosphates et d'une très faible partie du complexe EDTA/Ca relargué par la dégradation de l'EDTA ; en effet, on sait que l'EDTA libre, s'il y en a, se décompose en règle générale sous l'action de la température selon les réactions indiquées sur la figure 3.

[Photo : Fig. 3. Réaction rapide – dégradation de l'EDTA en hydroxyéthyliminodiacétate puis en iminodiacétate.]

Réaction lente

HOOC-CH₂-CH₂-COOH → HOCH₂-CH₂OH
[Photo : Réaction de dégradation de l'EDTA libre.]

Cette hydrolyse est provoquée par addition nucléophile (OH⁻) sur l'un des atomes de carbone de la liaison éthylène. Dans le cas d'un complexe calcium/EDTA, ce carbone fait partie d'un cycle, ce qui le rend plus résistant à l’attaque nucléophile ; ceci explique donc la grande résistance des complexes déjà formés en amont de la chaudière. La faible dégradation du complexe est par ailleurs renforcée en présence de phosphate par suite de la formation d’hydroxyapatite. On constate donc que ce type de conditionnement, outre son efficacité vis-à-vis du transfert de fer (nous allons le voir), est très sécurisant car non seulement le niveau d’EDTA est substoéchiométrique, mais de plus, les complexes formés sont très stables. Il n'est donc a priori pas possible de trouver de l’EDTA libre en chaudière.

La dernière particularité de ce type de programme concerne l'action des dispersants. Généralement, ils agissent par adsorption des groupes carboxyliques des polymères sur la surface des particules précipitées. L'efficacité de l'adsorption dépend de celle des particules, de leurs surfaces et de la température. Pour des raisons qui ne sont pas totalement explicitées, les particules formées par le mécanisme d'action d'un traitement du type BP 6 400 sont très petites et d'une nature colloïdale vraie. Le pouvoir d’adsorption des polymères retenus dans ces programmes permet une dispersion optimum. On obtient alors des résultats remarquables au niveau des transferts de matières et en particulier sur le polluant majeur des chaufferies modernes, à savoir le fer.

En ce qui concerne le transfert de fer, les tests effectués sur des installations ont donné des résultats portés sur la figure 4 qui démontrent l’efficacité de l'approche chélatant-phosphate-dispersant telle que nous venons de l'expliciter.

[Photo : Transfert du fer.]

CONCLUSION

Sans prétendre apporter une révolution dans le domaine des conditionnements internes, la famille Betz BP 6 400 (phosphate/chélatant/dispersant) permet d’obtenir des transferts de fer optimum sans les précautions d'emploi liées à l'utilisation des traitements à base de chélatant seul, tout en conservant des contrôles analytiques simples tels que le dosage des phosphates.

Ces produits, déjà largement utilisés, élargissent donc la palette de possibilités que doit offrir le traitement d'eau aux exploitants, cela dans le souci de mieux adapter le traitement à chaque installation.

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