Cependant, chaque fois qu'on l'envisage, des recherches sont à engager en ce qui concerne la qualité des eaux admissibles pour la recharge de la nappe.
D’un point de vue réglementaire, la protection des eaux souterraines est assurée en France au moyen de textes qui tendent à protéger celles-ci, soit des dépôts effectués sur le sol, soit des déversements dans le sous-sol. Les autorisations de déversements ne peuvent être accordées qu’à des conditions particulièrement strictes, ce qui leur confère un caractère exceptionnel.
La connaissance acquise de l’évolution de la qualité de l’eau au cours de sa filtration nous porte à considérer comme incompatible avec la protection des nappes la mise en œuvre du pouvoir autoépurateur du sous-sol dans le recyclage des eaux usées urbaines ; une telle méthode ne peut être que l'affaire de cas d’espèces. Encore faut-il considérer que le colmatage du terrain, inhérent à cette autoépuration, nécessite des surfaces au sol importantes.
Un traitement des eaux usées épurées avant déversement dans des bassins d'infiltration paraît donc nécessaire. Ce traitement est, en tout cas, impératif chaque fois que le recyclage des eaux usées après infiltration dans une nappe comportera des usages sanitaires ; c’est d’ailleurs ainsi qu’est conçu le « Dan Region Project » en Israël, pour l’alimentation en eau de la région de Tel Aviv, ou celui de l’« Orange County Water District » en Californie.
L'utilisation de l’autoépuration par le sous-sol en France
L'infiltration par bassins et l’injection dans les nappes par puits peuvent être conçues comme des techniques d’épuration et de recyclage d’eaux usées, permettant d’accroître la ressource en eau souterraine disponible. Hormis le cas de l’île de Porquerolles, il n’existe pas, à l'heure actuelle, en France, à notre connaissance, d’installations de telle nature. Toutefois, l’utilisation du sous-sol comme milieu récepteur d’effluents traités de stations d’épuration urbaines a été mise en œuvre au cours de la décennie écoulée. Nous pouvons citer :
a) en bord de mer, avec rejet dans des nappes saumâtres, les installations de Saint-Jean-des-Monts, La Barre-de-Monts en Vendée, Saint-Trojan dans l’île d’Oléron, Mimizan et Capbreton dans les Landes ;
b) avec rejet dans une nappe (nappe de la craie), la station d’épuration du district de Gueux, à Mesneux près de Reims ;
c) au bord d'une rivière, celle du Syndicat de la Vallée de la Semois dans les Ardennes, où la percolation se fait par épandage souterrain à l'aide de drains horizontaux.
[Photo : Schéma du dispositif de recharge de la nappe à Croissy-sur-Seine.]
[Photo : Bassin d'infiltration à Croissy-sur-Seine.]
[Photo : Cascade d’aération à Moulle.]
Le colmatage constitue la principale difficulté de l'exploitation et les lagunes ou bassins doivent être périodiquement débourbés. Ces réalisations présentent en commun une capacité relativement modeste, quelques milliers d’habitants-équivalents. Le rejet par épandage souterrain constitue souvent dans ces exemples le seul moyen d’évacuation des rejets de la station.
Nos études sur la qualité de l’eau en cours de filtration
Des travaux en station-pilote ont été réalisés à la S.L.E.E. (M. Rizet, Sympos. IAWPR, Sydney 1976) et en laboratoire (A. Bruchet et J. Mallevialle, 1983) dont les conclusions principales sont les suivantes :
- les sels métalliques, peu solubles, sont retenus à la surface du matériau filtrant ;
- les composés biodégradables en solution diluée pénètrent dans le sous-sol seulement pendant le temps nécessaire à l'adaptation du biotope à ce type de composé ;
- de nombreux composés organiques présents dans l’eau de réalimentation sont retrouvés dans la nappe, avec un abattement variant d’un facteur deux à cinq après filtration.
Des observations de même nature ont été faites par nos collègues de la C.G.E. et du Service des eaux d’Amsterdam, qui soulignent le rôle autoépurateur de la « membrane biologique » située à la surface du filtre. Il est nécessaire de gérer cette activité biologique et les exploitants de ces dispositifs s’accordent à recommander que les périodes d’infiltration alternent avec des périodes de mise à sec, afin d’une part de pouvoir aérer le sol, permettant ainsi à la vie microbienne de se reconstituer et, d’autre part, d’éliminer non seulement les dépôts formés à la surface des filtres, mais aussi d’enlever les premiers centimètres du matériau filtrant.
En conclusion, hormis le cas du rejet dans une nappe impropre à tous usages, nous déclarons que le traitement des eaux destinées à l’infiltration dans le sous-sol doit toujours être envisagé, a fortiori lorsqu’il s’agit d’eaux usées urbaines dont la pollution n’est pas uniquement biodégradable.
Si l’infiltration est projetée dans un aquifère exploité pour la distribution publique, des dispositions seront prises pour que la sécurité de l’approvisionnement en eau potable soit toujours assurée. Une attention particulière sera accordée à l’élimination des germes pathogènes et des kystes de parasites humains et animaux. Enfin le rejet d’effluents susceptibles de contenir des substances toxiques sera interdit.
* Conférence donnée au cours des Vᵉˢ Journées scientifiques et techniques sur l’Eau, la Recherche et l’Environnement, à Lille, du 25 au 27 octobre 1983.
** Nous renvoyons en particulier au « Livre Blanc sur la réutilisation des eaux usées », publié en 1982 sous la direction de F. Valiron, dans lequel cette méthode de recyclage est désignée par les termes « d’infiltration-percolation » et « d’injection dans les nappes ».