Face à un prix de l'eau en constante augmentation, aux coûts du traitement des effluents ainsi qu'à une réglementation de plus en plus sévère en matière de rejets, la volonté des industriels d'une gestion de leurs effluents tend de plus en plus vers le "rejet zéro polluant". Les procédés membranaires, dont la technologie a fait ses preuves depuis plus de vingt ans dans l'agro-alimentaire, trouvent de nouvelles applications dans le traitement des effluents industriels. En effet, la filtration membranaire permet la maîtrise de la dépollution des eaux et la réduction de la consommation d'eau grâce au recyclage des eaux traitées.
Afin de mieux situer les enjeux et les problèmes liés au traitement des effluents et de l'eau, nous nous proposons de rappeler les différents types de membranes et les techniques séparatives existantes. Au travers de quelques applications développées par TIA, nous mettrons en avant l’intérêt de l'utilisation des membranes pour la dépollution des rejets industriels. Pour mémoire, les membranes sont des médias filtrants possédant une barrière sélective, qui selon le diamètre de ses pores retiendra des particules de tailles et de poids moléculaires différents. Sous l’effet d'un gradient de pression et d’une vitesse de circulation tangentielle variable de 0 à quelques mètres par seconde, seront obtenus alors, un perméat (fluide ayant traversé la membrane) et un rétentat (fluide contenant la ou les substances retenues par la membrane).
Évolution et types de membranes
Traditionnellement, on parle de générations de membranes. Il en existe 3 :
- membranes de 1re génération : elles sont de
Tableau 1 : Caractéristiques générales
Paramètres physico-chimiques | - Membranes minérales : fibres de carbone, oxydes aluminium/titane | - Membranes organiques : acétate de cellulose, polymères de synthèse |
---|---|---|
pH | - 0-14 (minérales) | - 1,5-11 (organiques) |
Température | - 300 °C (minérales) | - 80 °C (organiques) |
Pression | - > 100 bar (minérales) | - 60 bar (organiques) |
Comportement en stockage | - à sec ou sous eau (minérales) | - sous eau et avec acide phosphorique à pH 2,5 (organiques) |
Efficacité | - décolmatage à contre-courant possible (minérales) | - décolmatage difficile voire impossible (organiques) |
Membranes de 1ʳᵉ génération : de type organique à base d’acétate de cellulose et fabriquées à partir de 1957,
- membranes de 2ᵉ génération : de type organique à base de polymères de synthèse et fabriquées dès 1960,
- membranes de 3ᵉ génération : de type minérale en carbone et oxyde d’aluminium et fabriquées à partir de 1980 essentiellement par la société SFEC.
- récemment, une membrane de 4ᵉ génération est apparue sur le marché, obtenue par greffage de couche organique sur des membranes minérales.
Selon le type de membrane (minérale ou organique), les caractéristiques de fonctionnement diffèrent (cf. tableau 1).
Les membranes présentent des configurations diverses et sont assemblées en modules :
- membranes planes : elles sont empilées entre des plaques supports. Le liquide circule entre les membranes des deux plaques. Le module à plaques permet une grande surface d’échange et un faible volume captif,
- membranes spirales : la membrane est enroulée sur elle-même pour former une spirale dont les spires sont séparées par des espaceurs. Le perméat circule au centre du module tubulaire,
- membranes tubulaires : elles se trouvent à l’intérieur de tubes support poreux et drainants,
- membranes à fibres creuses : elles n’ont aucun support et sont préfabriquées en forme de tube.
Les modules sont généralement constitués de carters en acier inoxydable (surface développée de 0,01 à 15 m²) pour les membranes minérales et pour les membranes en fibres ou en polymères (surface développée de 0,5 à 35 m²).
Le rapport surface contenant/surface média filtrant est donc des plus intéressants.
Principales applications
Le secteur agro-alimentaire est le principal utilisateur de procédés membranaires et les applications concernant l’environnement sont en notable développement.
En agro-alimentaire :
- standardisation des protéines de lait,
- concentration de lait (PFL) pour la fabrication de nouveaux produits,
- cracking* du lait,
- déminéralisation du lait et du lactosérum,
- épuration bactérienne de lait écrémé cru,
- concentration de protéines de lait et de lactosérum,
- production de pâtes fraîches,
- concentration de l’œuf entier et du blanc d’œuf,
- clarification de vin, moût, bière et jus de fruits.
En environnement et dans le secteur industriel :
- clarification, débactérisation et purification des eaux,
- filtration des huiles ou émulsions d’usinage,
- régénération des bains de dégraissage,
- recyclage des bains de CIP*,
- fractionnement des petits peptides,
- traitement d’effluents de laiteries,
- traitement d’effluents d’imprimerie,
- traitement des acides,
- recyclage des catalyseurs.
Pour la plupart de ces applications, TIA possède des références industrielles en France et à l’étranger.
Les techniques membranaires
Dans le mode de filtration frontale, l’eau s’écoule perpendiculairement à la surface filtrante. La particularité des techniques membranaires réside dans un mode de filtration tangentielle, où le fluide circule parallèlement à la membrane. Cette disposition autorise un traitement en continu du liquide.
Elle supprime la formation de couches de colmatage et, comparativement à la filtration frontale, les consommables sont considérablement réduits.
Arbitrairement, les procédés membranaires sont classés en quatre familles selon la taille des particules qu’ils retiennent : la microfiltration (MF), l’ultrafiltration (UF), la nanofiltration (NF) et l’osmose inverse (OI).
La microfiltration
Cette technique retient les bactéries et les matières en suspension de 0,1 µm et plus, sous une pression de travail de 0,2 à 1 bar. Elle s’applique dans le traitement des émulsions huile/eau, la purification des eaux de process, la filtration de boissons ou de jus de fruits et la débactérisation du lait.
L’ultrafiltration
Elle retient les macromolécules de taille comprise entre 0,01 µm et 0,1 µm, sous une pression de travail de 3 à 10 bar.
Ses applications sont nombreuses :
- traitement des effluents de coupe,
- recyclage de l’indigo,
- recyclage d’eaux de lavage des pièces mécaniques,
- traitement des eaux de couchage de papeterie,
- traitement des effluents de fromagerie (saumure, bains de CIP),
- traitement des eaux blanches pour récupérer les protéines laitières (contenues dans le rétentat) et valoriser le perméat (alimentation porcine).
La nanofiltration
Les membranes ne sont perméables qu’à l’eau et aux sels monovalents sous une pression de travail de 10 à 25 bar. Elle retient les sels bivalents et les molécules de l’ordre de 0,001 µm.
La nanofiltration est utilisée pour la déminéralisation des lactosérums et pour le perméat de moût de fermentation car elle permet la concentration dans le rétentat des matières organiques valorisables et la baisse de la DCO* dans le perméat.
L’osmose inverse
Si une membrane sépare deux volumes, l’un d’eau pure, l’autre constitué d’une solution aqueuse concentrée, on observera un passage spontané du milieu le moins concentré (eau pure) vers le milieu le plus concentré (solution). La pression augmente alors dans la solution aqueuse jusqu’à un niveau d’équilibre, c’est la pression osmotique qui caractérise le phénomène d’osmose.
Pour obtenir l’osmose inverse, on appliquera une pression destinée à inverser le flux osmotique normal. Le flux d’eau passera du côté le plus concentré (solution) vers le moins concentré (eau pure). En conséquence, la concentration du liquide à traiter ira croissant.
L’osmose inverse retient les molécules de quelques Å et les sels monovalents sous une pression de travail pouvant atteindre 80 bar.
Elle s’applique principalement pour le dessalement de l’eau (puisqu’elle retient tous les sels), au traitement des eaux de CIP, de chasse et de rinçage ainsi qu’au traitement du sérum de laiteries et de fromageries. Elle permet le recyclage d’eau en procédé et l’abaissement de la DCO et de la DBOS*.
Les progrès accomplis
La nanofiltration
Elle est apparue sur le marché en 1984. Elle présente un double intérêt car elle retient les solutés que l’ultrafiltration laisse passer tandis qu’elle laisse passer les sels monovalents que l’osmose inverse retient. La nanofiltration utilise des membranes de type organique de géométrie tubulaire et spirale, ce qui permet la stabilité dans une grande gamme de pH et de température, 40 à 70 °C.
Amélioration des qualités des membranes
Les membranes minérales sont très résistantes.
constantes mécaniquement et présentent des seuils de coupure* de plus en plus fins (donc une filtration de plus en plus fine).
Les membranes organiques ont une très bonne résistance aux agents chimiques (d'où une grande gamme de pH possible). Leurs résistances mécanique et aux températures se sont améliorées.
Membrane de gradient de pression
C’est une membrane céramique, fabriquée par USF, avec une pression uniforme tout au long de la membrane, obtenue grâce à un gradient de porosité. Cette technologie permet de ne pas utiliser une pompe externe pour créer une contre-pression. Un grand débit de perméation est alors possible.
Couplage des procédés
Les techniques séparatives membranaires ne peuvent pas toujours répondre au besoin final des industriels. C'est pourquoi le couplage, soit de un ou plusieurs procédés membranaires, soit d'une technique membranaire et d'une technique de traitement classique par voie physique, chimique ou biologique, s’avère être parfois la meilleure solution pour le traitement d'effluents. L'ultrafiltration et l'osmose inverse associées dans le traitement des effluents présentent de grands avantages. L'ultrafiltration permet une préfiltration de l'effluent tandis que l’osmose inverse diminue la DCO du perméat. Pour le traitement des eaux de surface, l'ultrafiltration est un prétraitement efficace puisqu’elle produit une eau à très faible indice de colmatage. La nanofiltration élimine ensuite plus de 80 % du COT* de l'eau. Par contre, l’osmose inverse permet l’élimination des nitrates et des pesticides. Donc, en fonction de la composition de l'eau de surface à traiter, il faudra choisir entre les couplages UF-NF ou UF-OI, qui sont une alternative séduisante par rapport aux traitements conventionnels (gain de place, économie d’énergie, compacité, automatisme).
Le couplage fermenteur / membranes :
Il est composé d’un bioréacteur, assurant une dégradation bactérienne aérobie de la pollution dissoute de l’effluent et d'une unité de filtration à membranes. Cette dernière sépare les boues de l'eau traitée. Le perméat est ainsi indemne de micro-organismes (bactéries, virus...).
Les développements dans le traitement des effluents
Les industries, étant de grandes consommatrices d'eau, génèrent en conséquence des volumes d’effluents importants. La réduction des rejets d’effluents et la baisse de la consommation d'eau s’obtiennent par le recyclage de l'eau. Le traitement des condensats d’évaporation par osmose inverse, par exemple, permet de produire de l'eau de chaudière à un prix particulièrement bas.
Les industries agro-alimentaires produisent des effluents généralement biodégradables ; leur épuration peut être conduite par un traitement biologique. Par ultrafiltration, un facteur 10 est généralement atteint pour la diminution de la DCO du perméat. Il pourra être à nouveau filtré par osmose inverse qui abaissera la DCO d'un facteur 10. Il devient donc possible de valoriser le rétentat en alimentation animale ou de l'utiliser comme amendement.
Plusieurs étapes sont nécessaires pour parvenir au résultat (cf. tableau 2) :
- des essais sont éventuellement conduits avec une unité pilote afin d’obtenir des données précises sur l’abilité à la filtration membranaire du produit à traiter. Ces essais déterminent également le type de membranes qu'il conviendrait d’utiliser, les débits et pressions de travail, etc.
- quand des traitements sont connus, il est procédé à la conception de l’équipement industriel.
Sur le site de production, TIA assure la mise en place de l’unité de filtration, la formation du personnel utilisateur et le service après-vente.
L’équipement comporte généralement : une cuve de lancement recevant le fluide à traiter, une pompe d’alimentation (PA) qui alimente la boucle de filtration constituée d’une pompe de circulation (PC) et des modules de filtration. Une série d’appareils de mesure (débit, température et pression de travail) sont disposés sur les unités et destinés à vérifier et contrôler les paramètres avant et après la filtration.
Les applications développées récemment
1/ Traitement d’effluents de colles par UF + OI
La problématique était de traiter une suspension de latex de concentration variable (quelques pourcents). Le couplage de l'ultrafiltration...
Tableau 2 : Exemples de dépollution d’effluents par filtration tangentielle (TIA)
Effluents à traiter | DCO avant filtration (mg/l) | DCO après filtration (mg/l) |
---|---|---|
d’ovoproduits | 10 160 | 480 |
de produits de la pêche | 15 000 | 4 000 |
d’abattoirs | 60 000 | 15 800 |
de produits laitiers ultra-frais | 2 900 | 1 100 |
lisière de porc | 1 900 | < 90 |
moût de fermentation | 5 000 | 5 000 |
condensats d’évaporation | 2 000 | 120 |
Rennes a mis au point cette nouvelle application du cracking du lait.
Afin de séparer les petits globules gras (de diamètre < 2 µm et contenus dans le perméat) des gros globules gras (de diamètre > 2 µm et contenus dans le rétentat) sans altérer leur enveloppe membranaire, on utilisera des éléments céramiques à seuil de coupure de 0,5 µm.
Grâce au perméat, la teneur en matière grasse peut être ajustée en le mélangeant avec du lait écrémé. La texture du yaourt, du camembert et pâtes pressées est plus onctueuse et plus fine que les références.
Le rétentat donne du yaourt et des crèmes acides plus fermes et moins fondantes ainsi qu’un beurre à texture identique mais moins gras que la référence.
Cette récente application de la filtration membranaire offre de nouvelles possibilités de création de produits laitiers et elle semble promise à un bel avenir.
Ces deux procédés, bien que n’agissant pas directement sur l’effluent final, nous ont paru intéressants à décrire car, dès l’origine, ils sont réducteurs de polluant.
6/ Traitement d’effluents d’huile par UF + NF
Les produits à traiter sont les liquides d’usinage usagés, les eaux de lavage des sols (huile + détergents) et les huiles hydrauliques (fuite des machines). Le volume des effluents est 1 750 m³ par an soit 400 l/h. L’équipement se compose de membranes minérales alumine/zircone type USF de porosité 0,1 µm à géométrie tubulaire assemblées en 4 modules de surface 1,4 m² (total : 5,6 m²). L’ultrafiltration permet de clarifier les effluents pour recycler ensuite les huiles filtrées.
La DCO de l’ordre de 40 000 mg/l à l’origine peut être ramenée à 2 000 mg/l après ultrafiltration et à moins de 200 mg d’O₂ après nanofiltration.
7/ Concentration d’encre d’imprimerie par UF
Pour traiter les eaux de rinçage de groupes d’imprimerie contenant 6 % de matières sèches, une unité d’ultrafiltration composée de 2 membranes minérales en alumine/zircone type SCT de surface totale de 3,4 m² a été conçue. Le perméat obtenu contient 30 % de matières sèches (MS) et après ajustement du pH l’encre ainsi concentrée peut être réutilisée. L’ultrafiltration donne des eaux usées rejetées avec un débit des rejets moindre (10 %) et une baisse de la charge en MES de 10 %.
Conclusion
Nous pourrions citer plusieurs dizaines d’applications de techniques membranaires. Les exemples ci-dessus nous sont apparus comme les plus intéressants. Ils démontrent l’efficacité des techniques séparatives membranaires dans les applications liées au process et grâce aux avantages techniques et économiques qu’elles apportent, elles présentent un grand intérêt pour les utilisateurs. En début comme en fin de procédé, les membranes permettent de recycler les eaux et de traiter les effluents pour obtenir des rejets conformes aux normes européennes et l’on peut dire que la filtration membranaire est en fort développement dans les secteurs du traitement des effluents et de l’eau.