La réutilisation et le recyclage des eaux usées sont essentiels au développement de politiques solides de gestion durable de l'eau et de l'environnement. Dans les régions arides et semi-arides, la réutilisation des eaux usées est un élément essentiel de développement, car elle assure une ressource alternative durable en eau, la réduction de la pollution de l'environnement et la protection de la santé publique. L?objectif de ce papier est de donner une vue d'ensemble du rôle de la réutilisation des eaux usées dans le développement d'une nouvelle stratégie de gestion intégrée des ressources dans les régions arides et de comparer les filières de traitement pour les différents usages. L?accent est mis sur l'évaluation technico-économique de l'eau recyclée pour différents schémas-types de traitement nécessaires à la production d'une eau de qualité suivant les différentes applications souhaitées (irrigation en agriculture et arrosage d'espaces verts, usages à des fins potables et industrielles).
Mots clés :
réutilisation des eaux usées, gestion intégrée des ressources, filières de traitement, évaluation des coûts, bénéfices de la réutilisation
Key words:
wastewater reuse, integrated resource management, treatment trains, cost evaluation, reuse benefits
Malgré une utilisation plus efficace de l'eau dans de nombreux pays développés, la demande en eau douce a continué à augmenter au fur et à mesure de l'accroissement de la population mondiale et de l'activité économique.
Selon certaines projections récentes, en 2025 les deux-tiers de la population mondiale connaîtront une pénurie d'eau modérée à importante, tandis qu'environ la moitié feront face à de sévères et réelles difficultés d'approvisionnement.
Les conditions de pénurie sont particulièrement délicates au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, régions arides qui abritent environ 5 % de la population mondiale mais ne possèdent que 1 % des ressources d'eau douce.
La quasi-totalité des eaux douces renouvelables, comme les rivières, les lacs ou les eaux souterraines, appelées « ressources conventionnelles », a déjà été exploitée en Arabie Saoudite, dans les Émirats Arabes, à Oman, au Qatar, au Koweït, à Bahreïn, au Yémen, en Jordanie, en Israël, en Palestine et en Libye, ou est en passe d'être totalement exploitée dans plusieurs autres pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord dans les prochaines années.
Il faut souligner que dans les pays de la péninsule d'Arabie, seule une faible part de la demande en eau est couverte par les eaux de surface ou des eaux souterraines renouvelables. La demande en eau est en augmentation rapide, en particulier en agriculture, et conduit à l'épuisement des ressources non renouvelables (eaux souterraines fossiles des nappes profondes) à un rythme accéléré.
Le dessalement de l'eau de mer et la réutilisation des eaux usées deviennent des solutions alternatives de plus en plus importantes.
Le principal objectif de ce document est de démontrer le rôle de la réutilisation des eaux usées dans la définition et la mise en œuvre d'une stratégie globale de gestion de l'eau.
Dans les régions de la Méditerranée et en Europe pour faire face à la pénurie d'eau, dégager des ressources alternatives et permettre le développement durable des régions aux déficits chroniques ou temporaires en eau.
Contexte
Les principaux facteurs responsables du manque d’eau sont l’accroissement de la population, l'urbanisation et le développement industriel. Une approche largement utilisée pour l’évaluation de la disponibilité en eau est la mesure de l'index de pénurie, c’est-à-dire les ressources renouvelables annuelles disponibles par habitant pour les usages domestiques, industriels et agricoles. D’après les expériences passées de pays moyennement développés en zone aride, le chiffre de 1 000 m³/hab/an a été proposé comme seuil au-dessous duquel la plupart des pays sont susceptibles de subir une pénurie chronique suffisamment importante pour freiner le développement et être préjudiciable à la santé des hommes (World Resources). Selon les mêmes experts, au-dessous de 500 m³/hab/an, les pays connaissent une pénurie absolue (Falkenmark et Widstrand, 1992). Population Action International a publié une prévision de l'index de pénurie d'eau d'ici à 2050 pour 149 pays : un tiers d’entre eux connaîtront la pénurie absolue. L’Afrique et une partie de l’Asie occidentale paraissent particulièrement vulnérables à une pénurie croissante (figure 1). Ces données montrent qu'un certain nombre de pays du Moyen-Orient sont déjà bien au-dessous du seuil de pénurie absolue de 500 m³/hab/an et atteindront d'ici à 2050 le niveau minimum de survie de 100 m³/hab/an pour les utilisations domestiques et commerciales. De plus, de nombreuses nations disposant de ressources en eau correctes possèdent des zones arides où la sécheresse et les restrictions en eau ne sont pas rares (nord-ouest de la Chine, ouest et sud de l'Inde, d’importantes zones du Pakistan et du Mexique, côtes occidentales des États-Unis et de l’Amérique du Sud, région méditerranéenne).
Un autre critère important d’évaluation des déficits potentiels en eau est le taux de mobilisation des ressources renouvelables. Selon les experts internationaux, l'eau devient un élément important de l’économie nationale des pays où plus de 20 % des ressources renouvelables sont exploitées. C’est aujourd'hui le cas de certains pays européens comme l’Allemagne 27 %, l’Espagne 28 %, l’Italie 34 %, l’Ukraine 40 % et la Belgique 72 % (figure 2a) qui devront gérer leurs ressources en eau de manière beaucoup plus efficace qu’actuelle-
ment s'ils veulent répondre à la demande future. Dans la région Méditerranéenne, les pays à risque potentiel de déficits sont le Maroc 36 %, la Tunisie 78 %, Israël 86 % et l'Égypte 97 % (de ressources mobilisées).
De plus, certains pays au Moyen-Orient comme la Libye, l'Arabie Saoudite, les Émirats Arabes et le Yémen ont des déficits chroniques de ressources et couvrent une grande partie de leurs besoins en eau par le dessalement de l'eau de mer (figure 2b).
Gestion intégrée des ressources
En termes de planification de l'eau à long terme, la gestion intégrée des ressources en eau comporte quatre éléments principaux : gestion de la demande en eau, gestion de la distribution des ressources, protection de l'environnement et développement durable – en termes d'interactions et sous-tendus par des critères économiques, sociaux et écologiques (figure 3). La notion de développement durable, en particulier au niveau d’une alimentation en eau adéquate, comporte plusieurs exigences, dont le développement économique basé sur les ressources naturelles existantes mais sans dégradation des systèmes environnementaux. Chaque aspect des ressources est pris en compte, y compris la qualité (normes plus contraignantes, adaptation plus ciblée à différentes utilisations), la quantité (restrictions dans certains secteurs), les interactions entre les différents types de ressources (rivières, lacs, eaux souterraines), une meilleure gestion du cycle anthropogénique de l'eau, et les mécanismes administratifs et juridiques de contrôle. L'objectif principal de cette nouvelle politique est d'assurer un équilibre dynamique entre les besoins créés par l'activité humaine et les besoins de la nature, tout en évitant des conflits d'intérêts entre les différents usagers et en développant l'utilisation des rejets (figure 4). En réalité, le traitement et la réutilisation des eaux résiduaires deviennent un des éléments les plus importants du concept de gestion intégrée des ressources qui permet de préserver l’équilibre du cycle naturel de l'eau en évitant les impacts négatifs du cycle anthropogénique.
Cette approche conduit à la création de circuits fermés et décentralisés, favorisant ainsi le développement de solutions alternatives adaptées aux exigences locales et satisfaisant aux besoins actuels et futurs. Doter le cycle anthropogénique de l'eau de ressources alternatives, comme le recyclage ou le dessalement de l'eau, revient à accélérer le cycle naturel de l'eau au moyen de solutions techniques avancées. Une meilleure efficacité de l'utilisa-
Table 1: Categories of water reuse: implementation and management characteristics
+ No other alternative (Windhoek) |
+ Public support (Denver) |
+ Water shortage and drought |
+ Alternative to effluent disposal |
* Cost savings |
+ Fertilising value |
* Water shortage and drought |
+ Enhancement of the environment |
+ Water price |
* Water independence |
* Water shortage and drought |
* Public authority reuse policy |
* Population growth |
+ Stringent discharge standards |
+ Enhancement of the environment |
La protection de l'eau et la réduction des rejets et des pertes sont les solutions les plus abordables face à la pénurie d’eau. Dans un certain nombre de pays du Moyen-Orient et de la région Méditerranéenne, où les réserves actuelles en eau douce sont ou seront prochainement à la limite du niveau de survie, le recyclage des eaux usées est la seule solution possible et peu coûteuse permettant le développement durable des activités agricoles et industrielles. Ainsi, dans des conditions optimales, une ville d'une population d’un million d’habitants consommant 125 m³/hab/an peut collecter, traiter et réutiliser 80 % de cette quantité pour irriguer jusqu’à 20 000 ha de terrains agricoles (Shuval, 1994).
Rôle de la réutilisation des eaux usées
Les multiples avantages de la réutilisation et du recyclage des eaux usées sont reconnus par de nombreux pays et sont inscrits dans leurs schémas directeurs de l'eau, voire dans les politiques nationales comme c’est le cas d'Israël, de Tunisie, du Maroc (Bahri and Brissaud, 1995). Un grand nombre d’avantages, financiers ou non, ont été rapportés, allant de l'amélioration de l'environnement et de la santé publique à la valeur commerciale d'une production alimentaire améliorée, la fiabilité de l'adduction d'eau et la conservation de l'eau et de l’énergie. Selon les conditions locales et les besoins des consommateurs en termes de qualité, deux grands types de réutilisation ont été mis en œuvre et sont pratiqués dans le monde (tableau 1) : (1) applications potables soit directes, après des traitements poussés, soit indirectes, c’est-à-dire après passage dans le milieu naturel, et (2) applications non potables en agriculture (irrigation), dans l'industrie et pour différents usages urbains. L’agriculture représente la
Water resources, such as water reclamation or desalination, amounts to accelerating the natural water cycle through advanced technical solutions.
Improving the efficiency of water use and reducing waste and losses are the most affordable solutions to face water scarcity. For a number of countries in the Middle East and North Africa, where current fresh water reserves are or will be in the near future at the limit of the survival level, recycled wastewater is the only significant low-cost alternative resource for agricultural, industrial and urban non-potable purposes. For example, under optimal conditions, a city with 1,000,000 population and water consumption of 125 m³/cap/year can collect, treat and reuse 80 % of that amount for irrigation of up to 20,000 ha of agricultural areas (Shuval, 1994).
Role of wastewater reuse
The numerous advantages of wastewater reuse and recycling have been recognised by several countries and included in their water management master plans at the national level: Israel, Tunisia, Morocco (Bahri and Brissaud, 1995). Several monetary and non-monetary benefits have been reported, such as the enhancement of the environment and public health, as well as the commercial value for food production, higher reliability in water supply, and water and power conservation.
Depending on local conditions and consumer requirements in terms of quality, two major types of reuse have been developed and practised throughout the world (Table 1): (1) potable uses, which can be direct, following high levels of treatment, or indirect, after
plus grande part de la consommation d'eau, avec 70 à 98 % de la demande globale. Dans les pays arides et semi-arides, c'est la réutilisation des eaux usées qui fournit la majeure partie de l'eau d'irrigation (Israël, Jordanie, Tunisie). La réutilisation urbaine à des fins non potables (arrosage des espaces verts, cascades, fontaines, nettoyage des rues, lavage de voitures, chasses d'eau et lutte anti-incendie) se développe rapidement ; elle est en train de devenir un élément clé dans les politiques de gestion intégrée de l'eau dans les zones urbaines à forte densité de population. La production indirecte d'eau potable à partir d’eaux usées se pratique à grande échelle aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Afrique du Sud. Le seul exemple de production directe d’eau potable est celui de l'usine de Windhoek, en Namibie (15 % d’eaux retraitées diluées avec la ressource naturelle, avec pour objectif 25 % en l’an 2000). Il n’a jamais été signalé d'influence négative de ce type d'eau sur la santé humaine.
L'industrie est le deuxième grand marché pour la distribution d'eau, soit environ 25 % de la demande mondiale. La réutilisation industrielle et le recyclage interne sont désormais une réalité économique. Pour certains pays et types d'industrie, l'eau recyclée atteint 85 % de la consommation globale. Les secteurs les plus grands consommateurs en eau sont les centrales thermiques et nucléaires (l’eau de refroidissement) et les papeteries. La qualité de l'eau réutilisée est bien réglementée et dépend du type d’application ou de production industrielle. La part des eaux usées urbaines ne dépasse pas 15 % du volume des eaux réutilisées en industrie. Aux États-Unis, par exemple, le volume des ERU réutilisées est d’environ 790 000 m³/j, dont 68 % pour le refroidissement (Miller, 1990).
Afin de garantir la protection de la santé publique, il est indispensable de mettre en place des normes et des réglementations strictes et adaptées à la spécificité des différents usages. Pour l'irrigation agricole, par exemple, il existe deux grands groupes de standards : les recommandations de l'OMS (1989) et la réglementation californienne “Title 22” (1978). L’objectif principal est d’éliminer les risques sanitaires. Ainsi, pour l'irrigation sans restriction, la pollution microbiologique selon l'OMS doit être au-dessous de 1000 coliformes fécaux/100 ml et moins de 1 œuf d’helminthe/L. “Title 22” fixe des restrictions plus sévères, voire l'absence de germes-tests : moins de 2,2 coliformes totaux/100 ml. Dans certains pays, les normes sont draconiennes pour les végétaux destinés à une consommation directe : l’Afrique du Sud, par exemple, exige une qualité d’eau potable pour cette application. L’État d’Arizona a introduit l’absence de virus comme nouveau paramètre microbiologique.
Contribution du secteur privé : l'expérience de la Lyonnaise des Eaux
Durant les dernières années, la privatisation des services de l'eau et de l’assainissement est une tendance bien nette dans les pays développés et émergents. Un grand nombre de pays en voie de développement encouragent également la privatisation dans le secteur de l’eau. L’avantage principal est de pallier aux déficits générés par le secteur public, promouvoir les investissements et assurer une meilleure gestion des ressources. Le groupe international Suez Lyon-
Lyonnaise des Eaux dessert plus de 90 millions d’habitants sur tous les continents avec des contrats divers, variant de services limités à une privatisation totale de tout le secteur de l'eau. La réutilisation des eaux usées est devenue un nouveau service qui permet de mieux satisfaire les exigences des clients dans les zones aux déficits chroniques en ressources naturelles. Afin de garantir les exigences de qualité pour les différents types de réutilisation, la Lyonnaise des Eaux dispose d'une palette d'outils technologiques divers et variés :
- + des techniques extensives (lagunage, infiltration-percolation, infiltration dans les sols et les aquifères, zones humides), bien adaptées aux conditions climatiques des régions tropicales et subtropicales,
- + ainsi que des technologies intensives (filtration, traitements physico-chimiques, membranes) et des procédés avancés de désinfection (chloration, irradiation UV, ozonation), plus compactes et garantissant une meilleure qualité de l'eau produite (Lazarova et al., 1998 ; Renaud et al., 1997). Leur implantation permet d’assurer une meilleure protection de l’environnement et de nouvelles applications dans les zones urbaines.
La tendance actuelle des opérateurs privés est la mise en place de technologies de traitement adaptées. À Casablanca par exemple,
LYDEC (Lyonnaise des Eaux de Casablanca) envisage l'intégration de la réutilisation dans le schéma directeur pour le développement durable de l'agglomération urbaine. L'irrigation agricole, des espaces verts et des golfs sont les principaux types de réutilisation envisagés pour lesquels différents procédés extensifs (lagunage, chenal algal) et intensifs (boues activées, lits bactériens, désinfection) sont étudiés et comparés pour répondre aux normes de qualité de l'OMS de < 1000 coliformes fécaux/100 ml et < 1 œuf d'helminthe/L.
Les graves problèmes de sécheresse qui affectent l'Espagne depuis plusieurs années ont mis en évidence l'importance de la réutilisation agricole pour le développement durable de la Catalogne, l'Andalousie et des îles Canaries et Baléares. Le groupe AGBAR, par exemple, gère plus de 200 stations d'épuration avec réutilisation des eaux usées (Llagostera and Prat, 1997) d'une capacité de 200 à 40 000 m³/j. Un grand effort de recherche pour le choix de nouvelles technologies de traitement accompagne ce développement : traitement tertiaire à échelle industrielle par l'infiltration-percolation et désinfection avancée en Catalogne et aux Baléares, techniques membranaires aux Canaries (projet DEREA).
Pour les pays où les normes existantes sont déjà très sévères (Australie, USA, certains pays du Moyen-Orient), non seulement un traitement secondaire est obligatoire, mais un traitement tertiaire est également exigé. Un tel exemple est l'usine de réutilisation de Taïf, Arabie Saoudite, construite par Degrémont (67 000 m³/j, 270 000 hab), où l'intégralité de l'effluent est utilisée pour l'irrigation agricole et des espaces verts après floculation/coagulation, filtration multicouche, charbon actif et chloration.
L'usine de réutilisation de West Basin, Californie (capacité finale 270 000 m³/j), gérée par United Water Services, filiale de Suez Lyonnaise des Eaux, a développé un des plus vastes programmes de réutilisation basé sur des technologies de pointe et des usages diversifiés :
- - 75 % de l'effluent sont réutilisés pour l'irrigation agricole après un traitement type Title 22 de filtration tertiaire et désinfection,
- - une partie de l'eau traitée est destinée à la réutilisation industrielle dans des raffineries (eaux de refroidissement) après élimination complémentaire de la pollution azotée dans l'effluent Title 22 par la biofiltration Biofor ou après traitement membranaire MF/OI (eaux de chaudières),
- - une partie de l'effluent sert pour la production d'eau potable (recharge de nappe pour éviter l'intrusion saline).
En plus de l'aspect “traitement”, dans le paysage urbain West Basin a développé un réseau de distribution spécifique pour l'eau “Title 22”, parallèle au réseau d'eau potable. Après l'extension prévue de l'usine, celle-ci sera la plus importante en Californie, voire aux États-Unis.
Le premier projet de production indirecte d'eau potable à partir des eaux usées en Europe a été mis en place en 1997 dans la région d'Essex, Grande-Bretagne par la société Essex & Suffolk Water, filiale de Suez Lyonnaise des Eaux, le projet Water 2000. Plus de 35 000 m³/j d'eaux usées traitées sont mélangées aux eaux de surface (taux de dilution maximale 37 %) et envoyées dans le réservoir d'eau potable d'Hanningfield. Un suivi rigoureux de la qualité des eaux réutilisées a
…été mis en place (virus, oestrogènes), complété par de nombreuses études d’impacts sur l’environnement et la santé publique.
Pour les usages urbains, l’Afrique du Sud et l’Australie sont les pays dont les normes sont les plus sévères, exigeant respectivement une qualité d’eau potable et l’élimination totale des virus. Dans ce cas, les filières de traitement se rapprochent de celles de production d’eau réutilisée pour des usages potables. Le nouveau procédé hybride de la Lyonnaise des Eaux BioRéacteur à Membrane (BRM)® testé en Australie (Cronula et Malabar) est une technologie susceptible de bien répondre à la demande de ce type de réutilisation. Ce procédé a été choisi pour une des premières expériences de recyclage des eaux grises en Europe dans un immeuble de 65 logements à Annecy.
Afin de mieux accompagner la mise en place des projets de réutilisation, le Centre de Recherche (CIRSEE) a mis en place plusieurs projets R&D sur la qualité des eaux destinées à la réutilisation, y compris l’application des méthodes analytiques de pointe pour le suivi des micropolluants organiques, des oestrogènes et des pathogènes, l’optimisation technico-économique des procédés de traitement par des essais pilotes et l’application des outils numériques de modélisation, ainsi que la participation comme coordinateur dans un projet européen sur le rôle de la réutilisation dans la gestion intégrée des ressources.
Principales filières de traitement
Afin d’éviter tout risque sanitaire, il est indispensable de traiter l’eau avant de la réutiliser. En règle générale, plusieurs types de traitements physiques (techniques séparatives), chimiques (floculation, oxydation, désinfection) et biologiques (dégradation de la matière) sont combinés.
quality control has been implemented including the monitoring of viruses and oestrogens, as well as numerous studies of the impact of reuse on the environment (estuary ecosystem) and public health.
Concerning urban water reuse applications, South Africa and Australia are the countries with the most stringent standards, requiring drinking water quality and zero viruses, respectively. In this case, the treatment chains are similar to those applied for potable reuse. In order to meet such stringent requirements, Lyonnaise des Eaux developed a new hybrid process, the Membrane BioReactor (MBR)®, evaluated in Australia (Cronula and Malabar) as a compact technology very well adapted for such stringent requirements. This technology was chosen for one of the first industrial applications of in-building grey water recycling in Europe in a building with 65 apartments in Annecy, France.
In order to better satisfy the wastewater reuse requirements, the Technology and Research Centre (CIRSEE) of the Lyonnaise des Eaux is initiating and running numerous R&D projects on water quality, including the application of high-tech methods for monitoring of organic micropollutants and pathogens, optimisation of treatment processes by means of both pilot plant studies and applications of advanced numerical modelling, as well as through the coordination of a European project on the role of wastewater reuse in the integrated water resource management.
Typical treatment trains
Wastewater treatment is an important step ensuring safety of reuse and recycling. Depending on the particular type of reuse,
organique et de l'azote) sont utilisés en combinaisons diverses en fonction des besoins spécifiques du type de réutilisation choisi (figure 5).
Le choix des méthodes de traitement dépend de plusieurs facteurs dont les plus importants sont la qualité de l'effluent, le type de réutilisation, les exigences de qualité et la taille des installations. En fonction des conditions locales et des critères technico-économiques, différentes technologies extensives ou intensives peuvent être envisagées.
Le tableau 2 résume plusieurs modes de traitement recommandés pour les différents types de réutilisation de l'eau. Dans les pays du Bassin méditerranéen, le principal mode de réutilisation reste l'irrigation agricole et des zones urbaines (parcs, jardins, terrains de golf).
Procédés extensifs
Les techniques extensives (lagunage, infiltration-percolation, infiltration dans les sols et les aquifères, les zones humides) sont bien adaptées aux conditions climatiques des régions tropicales et subtropicales. D’autre part, leur faible coût et l'exploitation relativement facile leur confèrent des avantages non négligeables pour les pays en voie de développement.
Le traitement dans des bassins de stabilisation, également connu sous le nom de lagunage, est un système de « faible technicité » utilisé depuis plus de 3000 ans, qui reproduit dans un environnement contrôlé les processus naturels de purification et de désinfection qui se déroulent dans les lacs et les cours d'eau. Différents types de bassins ont été conçus pour éliminer les agents pathogènes, les matières organiques, les nutriments, les colorants et les métaux lourds.
Au cours de la dernière décennie, des études de plus en plus nombreuses ont été conduites dans différents pays (Shereif et al., 1995 ; El Hamouri et al., 1996 ; Grimason et al., 1996 ; Rangeby et al., 1996) et ont démontré que les systèmes de bassins de stabilisation en série
produisent des effluents dont la qualité microbiologique est conforme aux normes d'irrigation sans restrictions (catégorie A des directives de l'OMS, moins de 1000 CF/100 ml et moins de 1 œuf d'helminthe par litre). Le temps de séjour hydraulique dans les lagunes varie de 20 à 90 jours, selon les conditions climatiques. Pour la désinfection, on peut utiliser deux types de bassins de maturation, aéré et non aéré, en fonction des contraintes d’encombrement. Dans des conditions optimales de fonctionnement, le rendement de désinfection est de 3 à 5 log d’élimination, avec des maxima pouvant atteindre 5 à 6 log pour les coliformes fécaux. Selon Grimason et al. (1996), pour la seule élimination des nématodes (catégorie B des directives de l'OMS), le temps de rétention peut être de 10 à 25 jours, en fonction des conditions locales.
Les bassins de stabilisation sont couramment utilisés en France sur les côtes Atlantique et Méditerranée (Lazarova et al., 1997), en Argentine (Kotlik and Miller, 1999), au Kenya (Grimason et al., 1996), en Tanzanie (Mayo, 1996), et commencent à apparaître au Maroc (El Hamouri et al., 1996). En Tunisie, l'ONAS recommande cette méthode pour les villes de 2000 à 5000 habitants (Ghrabi et al., 1989). Au Cap Vert (ville de Mindelo, 2250 m³/j), le lagunage est utilisé pour le traitement et la désinfection avant réutilisation dans l'agriculture (Johansson et al., 1996). Des bassins de maturation sont utilisés pour le traitement tertiaire des effluents urbains à Windhoek, en Namibie (Haarhoff et Van der Merwe, 1996).
Le plus grand système de lagunage traite un débit en temps sec de 80 000 m³/j (capacité maximale de 250 000 m³/j) provenant de la ville de Nairobi, au Kenya (Pearson et al., 1996). Le complexe de traitement comprend 8 séries parallèles de lagunes, dont un bassin primaire facultatif suivi d'une séquence de 3 bassins de maturation. La qualité des effluents est conforme aux directives de l'OMS pour l'irrigation sans restrictions, avec une réduction de 90 % de la DBO et une élimination de 6 log des coliformes fécaux. Un autre site à taille très importante est celui de Mendoza, Argentine, où plus de 140 000 m³/j, traités dans des lagunes de 290 ha, sont réutilisés pour l'irrigation d'environ 2000 ha de forêts, vignobles, arbres fruitiers et d'autres cultures (Kotlik and Miller, 1999).
L'un des principaux inconvénients de cette technologie réside dans son manque de souplesse, en particulier en fonction des variations des débits à traiter et des saisons. Une étude effectuée récemment en Afrique du Sud (Jagals and Lues, 1996) a démontré que l’élimination des agents pathogènes dans l'eau d'irrigation n'est pas complète avec les lagunes en série. Une désinfection fiable et efficace, éliminant les coliformes fécaux, les virus et les œufs d'helminthes, pourrait être garantie par le couplage d'une unité à boues activées avec des lagunes de traitement tertiaire. Un autre bon exemple de système de traitement des eaux usées, efficace et peu coûteux, est le procédé Petro, également mis au point en Afrique du Sud (Grau, 1996) et qui combine trois étapes : traitement préalable dans une lagune anaérobie-aérobie, une lagune d’oxydation et un lit bactérien. Le principal avantage technologique de cette méthode réside dans l'élimination des algues contenues dans l'effluent des lagunes.
Un autre inconvénient important, en particulier pour les boues
sèches, ensoleillés et ventées réside dans les pertes importantes dues à l'évapotranspiration.
Les zones humides constituent une autre solution intéressante du point de vue écologique. Elles sont établies dans des zones rurales, parfois dans des zones naturellement marécageuses (marais, tourbières, marécages) et, plus souvent, dans des marais artificiels. Les quatre catégories de marais artificiels comprennent :
- les lits de plantes à écoulement de surface, très courants aux États-Unis et dont la surface est de 2 à 5 ha, et jusqu’à 400 ha (Kadlec, 1995) ;
- les lits à écoulement immergé végétalisés, largement utilisés en Europe, en Australie et en Afrique du Sud (Wood, 1995) ;
- les lits aquatiques submergés, moins fréquents ;
- les structures aquatiques flottantes.
Les publications sur le sujet suggèrent que les lits à écoulement immergé remplis de gravier permettent d’éliminer les protozoaires et les helminthes. Bien conçus et bien exploités, ces systèmes permettent de répondre aux critères de l’OMS pour une irrigation sans restrictions (catégorie A). Certaines études réalisées sur le terrain dans des marais artificiels de traitement secondaire en Égypte (Williams et al., 1995) et en Ouganda (Denny, 1997) indiquent, toutefois, que la réduction des germes pathogènes (réduction de 2-3 log des coliformes fécaux et des coliphages) ne suffit pas à satisfaire les critères de qualité nécessaires pour une réutilisation de l’eau sans restrictions.
Il est important de préciser que l’utilisation des marais artificiels dans les pays en voie de développement ne progresse que très lentement, malgré les conditions climatiques favorables. Des conceptions spécialement adaptées aux zones tropicales et subtropicales ont été élaborées. Ces méthodes permettent d’obtenir plusieurs avantages : environnement plus sain, meilleure qualité de l’eau, production durable de biomasse végétale, recyclage des déchets dans l’agriculture, irrigation. On peut en citer un bon exemple dans l’utilisation de lits artificiels plantés de roseaux comme système d’épuration pour des stations classiques en Ouganda, autour du lac Victoria, où ces installations servent à empêcher l’eutrophisation des eaux douces (Balirwa, 1995). En vue d’optimiser l’élimination des nutriments et la désinfection, un système combiné est en cours de développement en Afrique du Sud. Il fait appel à un lit primaire à circulation sous la surface fortement chargé, précédant le transfert sur un filtre biologique en vue de la nitrification et, pour finir, une étape d’épuration finale en lit planté de roseaux (Wood, 1995).
Les zones humides nécessitent un traitement préalable de l’eau, et son fonctionnement n’est pas si facile à contrôler. Il crée des problèmes d’odeurs et de prolifération des moustiques. Aucun des types de zones humides à surface libre y compris les lagunes ne peut être utilisé dans les zones de paludisme.
Le traitement par infiltration dans le sol et l’aquifère permet la purification des eaux usées par écoulement à travers des sols non saturés et la nappe phréatique elle-même, jusqu’à des puits de récupération. Par rapport à l’injection directe dans les aquifères, cette méthode permet le traitement des effluents de qualité médiocre sans contami-
Cette technologie est utilisée dans les régions arides et semi-arides des États-Unis et ailleurs dans le monde. L’une des plus grandes unités de réutilisation se trouve dans la région de Dan, en Israël, et dessert une population totale d’environ 1,3 million d’habitants, représentant un débit moyen d’eaux usées de 270 000 m³/jour (Kanarek et Michail, 1996). Le rendement d’élimination des différents polluants (matières en suspension, nutriments, germes pathogènes, métaux à l’état de traces et micropolluants organiques) varie beaucoup selon le type de sol, la charge et la température. Le temps de séjour dans le système hydraulique peut varier entre plusieurs mois et un an.
L’infiltration-percolation est un procédé extensif de traitement des eaux usées qui permet des rendements de traitement et de désinfection élevés avec un temps de séjour réduit (quelques heures ou quelques jours seulement). Ce procédé de traitement repose sur le principe d’un filtre biologique aérobie et élimine les matières en suspension, le carbone organique, les nutriments et les micro-organismes contenus dans l’eau à traiter. Il consiste en cycles de submersion et d’asséchement de profonds bassins d’infiltration sablonneux. Le rendement de désinfection dépend du matériau granulaire, de sa température, du pH, et surtout du niveau de saturation et du temps de séjour des eaux usées (Brissaud et Salgot, 1994). On obtient une meilleure désinfection si le lit filtrant reste insaturé pendant un temps de séjour d’au moins 30 heures (autrement dit le temps minimal nécessaire à un effluent secondaire pour traverser un lit de sable de 4 mètres à raison de 0,5 m/jour). En France et en Espagne, la capacité des installations d’infiltration-percolation est en moyenne de 600 m³/jour pour les sites de traitement secondaire et de 3 600 m³/jour pour les sites de traitement tertiaire. On trouve de petites unités de traitement au Maroc (Ouazzani et al., 1996). Il en existe de plus grande taille en Israël et aux États-Unis.
Méthodes intensives
Les technologies intensives (filtration, traitements physico-chimiques, membranes) et en particulier les procédés avancés de désinfection (chloration, irradiation UV, ozonation), sont bien plus compactes et garantissent une meilleure qualité de l’eau produite pour les différents usages de réutilisation (Lazarova et al., 1997 ; Renaud et al., 1997). Leur implantation permet d’assurer une meilleure protection de l’environnement et de nouvelles applications dans les zones urbaines.
Les procédés de traitement avancés (biologiques, physico-chimiques, membranes) figurent en bonne place dans les programmes de recherche, avec pour principal objectif d’assurer de manière fiable la bonne qualité de l’eau (élimination des particules en suspension, des virus et des germes pathogènes, des nutriments, des métaux à l’état de traces et des micropolluants organiques). Les recherches les plus avancées visent le développement de nouvelles approches.
technologies et de chaînes de retraitement basées sur le principe des barrières multiples pour la réutilisation indirecte dans les circuits d’eau potable (États-Unis), la réutilisation de l’eau non potable pour l’irrigation (France, Espagne) et le recyclage des eaux usées domestiques (France, Japon) et leur désinfection (France, États-Unis). Après un traitement secondaire classique, la qualité de l'eau est encore améliorée par des traitements tertiaires tels que la filtration sur sable ou charbon actif, la nitrification ou la dénitrification, la coagulation et la floculation, la filtration sur membrane, l’électrodialyse et l’osmose inverse.
Dans la plupart des cas, en fonction du type de réutilisation prévue et du traitement précédemment mis en œuvre, une désinfection complémentaire est nécessaire pour répondre aux exigences imposées. Les bactéries, les parasites et les virus font partie des impuretés qu’il est le plus important d’éliminer ou d’inactiver dans les eaux à réutiliser. On utilise habituellement deux types de procédés pour la désinfection des eaux usées :
- • désinfection physico-chimique, avec des procédés tels que la chloration, l’ozonisation, l’irradiation aux ultraviolets ;
- • filtration sur membrane (microfiltration, ultrafiltration, nanofiltration, osmose inverse et bioréacteurs à membrane). Le traitement par membranes assure une excellente qualité de l'eau et sa conformité à toutes les normes de désinfection en vigueur, notamment celles qui concernent l’élimination des virus (à l’exception de la microfiltration). Il nécessite, toutefois, des investissements non négligeables.
La méthode la plus courante de désinfection des eaux usées est la chloration. La toxicité potentielle des sous-produits du chlore enlève, cependant, de son attrait à cette technique. L'irradiation par ultraviolets est apparue en France et aux États-Unis comme une méthode émergente. Son efficacité est comparable, voire souvent supérieure.
… pour l’élimination des virus et des bactéries (Lazarova et al., 1997). La désinfection par ozone est encore peu pratiquée pour le traitement des eaux usées, mais se développe en raison de son excellente efficacité pour l’inactivation des virus, des bactéries et des protozoaires (Janex et al., 1999). En Californie, l'irradiation UV et la microfiltration sont vivement recommandées pour les nouvelles filières de réutilisation.
Évaluation économique des filières de réutilisation des eaux usées
L'analyse économique porte sur la valeur des ressources investies pour la construction et l'exploitation d’un projet de réutilisation, mesurée en termes financiers et calculée sur la base actuelle des prix. Seul le coût marginal du recyclage des eaux usées (traitement supplémentaire, stockage et distribution) doit être inclus, à l’exclusion du coût de collecte et de traitement des eaux usées.
La figure 6 montre les éléments constitutifs du coût total de la réutilisation de l'eau. Sont compris les coûts de collecte de l’effluent secondaire, du traitement supplémentaire et du stockage, du réseau de distribution et de tous les raccords. La répartition entre les coûts d'investissement et les coûts d’exploitation et maintenance varie d'un projet à l'autre et dépend des procédés de traitement mis en œuvre. Les coûts sont également fortement influencés par les contraintes locales : prix du site de construction, distance entre le site de production et les consommateurs, nécessité de doubler ou aménager le réseau (Aussoleil, 1983). Les deux dernières contraintes sont primordiales, car dans de nombreux projets l'investissement principal est lié au réseau de distribution.
Richards et al. (1993) ont analysé l'influence de la capacité de l'installation sur l'investissement pour le traitement secondaire classique (boues activées) et différents post-traitements (figure 7). L’investissement pour la filtration tertiaire et la désinfection ou même pour un traitement complet “titre 22” de coagulation-floculation, filtration et désinfection ne dépassait pas 30 à 40 % de l'investissement pour le traitement secondaire. Des dépenses nettement supérieures sont nécessaires pour les filtres à charbon actif (CAG) et l’osmose inverse (RO). Sur la base de l’expérience des États-Unis (figure 8), le coût total annualisé du traitement d’eaux résiduaires brutes jusqu'à la pro-
Production d’une eau recyclable en irrigation varie de 0,43 à 1,10 US$/m³. La part des coûts d’exploitation et de maintenance comparée à l'amortissement de l'investissement dans le coût total dépend de la technologie de traitement ; elle est plus importante pour les procédés haute technologie (CAG et OD) que pour le traitement secondaire avec ou sans filtration tertiaire et désinfection. D'importantes économies d’échelle peuvent être réalisées pour les grandes installations de recyclage : le coût total pourrait être réduit de moitié lorsque le débit de l’installation passe de 4 000 à 20 000 m³/j ou de 50 000 à 200 000 m³/j.
Il faut souligner que le coût unitaire d'une eau usée recyclée dépend non seulement du débit de l'installation et de la chaîne de traitement, mais aussi de la composition de l'eau usée, des exigences de qualité et d'autres conditions locales (coûts de l’énergie, de la main-d’œuvre, etc.). Le coût du réseau de distribution est un élément important du coût de l'eau recyclée : il peut atteindre 70 % du coût total en fonction des conditions spécifiques du site. La construction de nouveaux réseaux est moins chère que l’aménagement de réseaux existants. On rapporte des valeurs allant de 0,06 US$/m³ à Jubail, Arabie Saoudite (Al-A’ama et Nakhla, 1995), à 0,14 et 0,36 US$/m³ respectivement dans la région de Dan et à Jérusalem, Israël (Shelef, 1991).
Comparaison de la réutilisation avec d'autres solutions alternatives
La plupart des pays de la péninsule d’Arabie (Arabie Saoudite, Koweït, Bahreïn, Qatar) font appel à de grandes installations de dessalement pour satisfaire de 50 à 95 % (Koweït, Qatar) de la demande urbaine en eau, totalisant 1 863 milliards de m³ en 1990 (Abdulrazzak, 1995). Le grand nombre de petites installations de dessalement rend ce procédé cher. De plus, la salinité de la mer Rouge conduit à des coûts de dessalement élevés : de 2,5 à 10 US$/m³ (Abdulrazzak et Khan, 1990), comparés aux coûts signalés aux États-Unis, de l'ordre de 1 à 2,6 US$/m³. Arlosoroff (1996) signale des valeurs moins élevées pour l’osmose inverse en Israël : de l’ordre de 0,7 à 1,1 US$/m³. Même si le coût du dessalement a nettement tendance à baisser depuis quelques années, la comparaison directe reste difficile faute d'informations sur le coût du transport (est-il inclus ou non ?), et parce que les coûts signalés n'ont pas été révisés en fonction de l’inflation. Divers projets d'importation d’eau à partir de la Turquie, du Pakistan, du Liban et d’Iran ont été proposés à certains pays du Moyen-Orient, mais ont été reçus avec scepticisme en raison des coûts et des risques politiques (Abdulrazzak et Khan, 1990 ; Abdulrazzak, 1995). Le plus grand projet en Europe de transfert d'eau du Rhône de France jusqu’à Barcelone, Espagne, suscite une polémique de plus en plus importante non seulement en raison des coûts du projet, mais également parce que les solutions alternatives, telles que la réutilisation, la diminution des fuites, etc., n’ont pas été considérées ni mises en place.
La figure 9 tente de comparer le coût de l'eau recyclée avec d'autres ressources alternatives. Les coûts de production et de transport de l’eau potable sont donnés pour l'Arabie Saoudite (Abdulrazzak et Khan, 1990) sans correction de l’inflation. Étant donné le coût réel
élevé de l'eau potable au Moyen-Orient sans aides de l’État, le dessalement de l'eau de mer reste une solution viable. Cependant, le recyclage après un traitement intensif pour mise en conformité aux normes “Titre 22” apparaît comme une alternative de coût peu élevée. Le traitement supplémentaire et la distribution augmentent de 50 à 100 % le coût du traitement secondaire.
Bénéfices de la réutilisation des eaux usées
La réutilisation des eaux usées engendre des avantages financiers et non financiers. C’est pourquoi les projets sont souvent sous-évalués lorsqu’on les compare à d'autres projets, et des occasions importantes de tirer avantage d'un projet de réutilisation sont perdues (Sheikh et al., 1998). Les bénéfices non financiers sont l'amélioration de l'environnement et de la santé publique, la réduction des rejets de nutriments dans le milieu récepteur, la réduction du coût de traitement de l'eau potable, et la sauvegarde des espaces de loisirs et du tourisme. Les avantages les plus communs pour les autorités locales sont :
- • réduction de la quantité d’effluents et maintien de la capacité de rejet,
- • élimination de certains procédés de traitement pour l’élimination des nutriments, par exemple,
- • réduction de la longueur des grands collecteurs par la construction d’installations de recyclage satellites,
- • vente d'eau recyclée.
Sur la base de l’expérience des États-Unis, Sheikh et al. (1998) ont proposé quelques valeurs financières d’avantages offerts par la réutilisation d’eaux usées (tableau 3).
Conclusion
Un grand nombre de pays du Moyen-Orient et de l’Afrique sont confrontés à une pénurie d’eau due aux ressources limitées en eau, à la demande croissante dans tous les secteurs et au manque d’efforts de prévisions. Le développement et la mise en œuvre d'une stratégie globale de gestion intégrée de l'eau avec réutilisation des eaux usées sont les seules voies possibles pour éviter l’augmentation du déséquilibre entre l’alimentation limitée et la croissance rapide de la demande, ainsi que la dégradation importante de l'environnement, l’exploitation poussée des nappes souterraines et l'accroissement de leur pollution.
La réutilisation de l’eau est un domaine en pleine expansion, principalement associé à l’agriculture. De nombreuses solutions techniques permettent de répondre aux normes de réutilisation existantes, en particulier aux directives de l’OMS sur l'irrigation restreinte et sans restrictions. Les traitements extensifs sont peu coûteux, faciles à acquérir et relativement faciles à mettre en œuvre. Ils sont particulièrement bien adaptés aux conditions climatiques des régions tropicales et subtropicales. Des technologies intensives, nécessitant de moins grandes superficies, garantissent une bonne qualité de l'eau, en vue d'une meilleure protection de l’environnement et de nouvelles applications dans les zones urbaines.
Dans ces pays où les réserves actuelles d’eau douce sont ou seront
Prochainement à la limite du niveau de survie, le recyclage des eaux usées est la seule alternative significative peu coûteuse permettant des réutilisations agricoles, industrielles et urbaines ne nécessitant pas une eau de qualité potable. Seul doit être considéré le coût marginal de recyclage des eaux usées (traitement supplémentaire, stockage et distribution), à l'exclusion du coût de la collecte et du traitement des eaux usées. Ainsi, le coût supplémentaire pour la réutilisation d’eaux usées à des fins d’irrigation, par exemple, ne représente qu'une faible partie - environ 30 % - du coût total du traitement et du rejet des eaux usées. Sur la base des exigences contraignantes de l’irrigation des espaces verts et autres usages urbains et industriels, le coût de l'eau recyclée pourrait atteindre 100 % du coût d'un traitement secondaire classique. Néanmoins, il reste toujours bien inférieur aux autres solutions alternatives telles le dessalement ou l'importation d’eau douce des zones voisines. Les multiples autres avantages de la réutilisation et du recyclage des eaux usées sont reconnus par de nombreux pays et sont inscrits dans leurs schémas directeurs de l'eau et dans leur politique nationale.