Edouard COUDERT
COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX
La filtration est, sans nul doute, le traitement qui a été utilisé le premier pour clarifier l'eau et la rendre potable : ceci paraît tout à fait normal puisque les eaux souterraines de sources ou de nappes sont des eaux de surface qui ont subi une filtration naturelle à travers des terrains plus ou moins perméables et que les hommes ont simplement copié la nature pour retrouver la pureté des eaux de source.
Jusqu’au début du XXᵉ siècle, le procédé utilisé était surtout celui de la filtration lente (figures 1 et 2). Cependant, l’accroissement considérable des besoins en eau, en particulier dans les pays industrialisés, la raréfaction des terrains suffisamment étendus pour recevoir ce type d’installation, l’augmentation du coût de la main-d’œuvre, mais aussi la dégradation des caractéristiques des eaux de surface rendant dans bien des cas ce procédé inopérant, ont conduit de nombreux distributeurs d'eau à faire appel à une nouvelle filière de traitement plus performante : la filtration rapide (4).
En fait, ce procédé est basé sur la propriété de certains sels, en particulier d’aluminium et de fer, de provoquer la coagulation des matières colloïdales contenues dans l'eau. Le floc ainsi obtenu est ensuite retenu, en majeure partie au cours de la phase de floculation-décantation et puis, pour ce qu'il en reste, par filtration, à vitesse relativement élevée, sur un milieu poreux. L’eau filtrée doit enfin subir éventuellement un traitement d’affinage et systématiquement une désinfection finale.
Si l'eau à traiter est peu chargée, la phase de décantation peut être supprimée et l'eau brute est alors filtrée directement après coagulation.
La filtration est un procédé de traitement très largement utilisé qui a fait l'objet de nombreuses études. Le but du présent article n'est pas d’en exposer une nouvelle fois les résultats, mais d'essayer de montrer la complexité des problèmes se posant aux concepteurs des installations de filtration, face au grand nombre de paramètres à fixer, pour obtenir économiquement une eau de la meilleure qualité possible. Cette complexité est bien sûr d'autant plus grande que l'installation est importante. Tel est le cas des installations du Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris exploitées par la Compagnie Générale des Eaux (figure 3) (8).
MILIEU POREUX
Le milieu poreux est certainement un des paramètres les plus importants de la filtration car de lui dépendent essentiellement les caractéristiques de l'eau filtrée. Hormis certaines utilisations de la filtration, telles que l'échange d'ions par percolation sur résines ou la neutralisation des eaux agressives par passage sur des matériaux alcalino-terreux, il est indispensable que le matériau filtrant soit chimiquement inerte vis-à-vis de l'eau à traiter.
De nombreux matériaux peuvent être utilisés : l'anthracite, le charbon actif granulé, le grenat, la pierre ponce, etc. Compte tenu de son abondance dans la nature et, par conséquent, de son faible coût, c'est le sable de quartz qui est le plus couramment employé. Pour éviter toute réaction chimique avec l'eau, sa teneur en silice doit être supérieure à 98 %.
Dans les premières installations de filtration rapide, le sable utilisé a d'abord été de granulométrie très hétérogène. Le lavage était réalisé à l'eau seule, à un débit assez important pour mettre le sable en expansion, ce qui permettait d'éliminer les particules du floc « accrochées » sur les grains de sable.
Mais, dès le premier lavage et en raison du débit relativement élevé nécessaire, il se produisait une classification des grains : les plus fins se trouvaient en surface d'où, en période de filtration, un colmatage très rapide de la couche superficielle et la formation d'une croûte. Le cycle de filtration était donc très réduit. Par ailleurs, au moment des lavages, des morceaux de cette croûte non éliminés finissaient par s'alourdir et donner naissance aux « mudballs » dans la partie inférieure du filtre. Pour pallier ces inconvénients, et malgré le coût supplémentaire du tamisage, on a donc employé un sable de granulométrie plus homogène (coefficient d'uniformité inférieur à 1,5 et, mieux, à 1,3) et, en même temps, procédé à un lavage simultané à l’air et à l'eau.
HALLOPEAU et LAMBLIN ont, pendant plusieurs années, testé différents sables et différentes séquences de lavage sur des bassins pilotes après décantation statique afin de définir le meilleur matériau et le mode de lavage le plus approprié pour la filtration des eaux de surface de la région parisienne. De ces essais, il résulte notamment que, plus le sable est homogène, moins la perte en charge initiale du filtre propre est élevée et, par conséquent, plus le cycle de filtration est long. Cependant, pour des réalisations industrielles, le coût du tamisage, si l'on veut obtenir un coefficient d'uniformité très voisin de 1, devient prohibitif : un compromis est donc nécessaire.
Ces essais ont également mis en évidence que, si la perte en charge de filtres remplis de sable de granulométrie homogène s'établit surtout en surface, les couches plus profondes du matériau filtrant concourent cependant à la rétention des particules. Les couches supérieures retiennent surtout les particules d'hydroxyde métallique, légères et colmatantes (tamisage) ; les couches inférieures piègent les particules de silice, plus denses (phénomène de contact).
Le choix de la taille effective du matériau doit prendre en compte la nature et les dimensions des particules à retenir. En particulier, pour des eaux peu chargées où la filtration n'est pas précédée d'une phase de floculation-décantation, mais d'une coagulation directe, il y a, en général, intérêt à adopter une taille effective faible. C'est le cas, également, des particules d'hydroxydes métalliques provenant d'une oxydation des sels dissous dans l'eau (en particulier fer et manganèse).
Dans le cas où les particules à retenir sont, elles-mêmes, hétérogènes, on peut être conduit à adopter des matériaux poreux multiples, c’est-à-dire des filtres multicouches. (Des expériences en grandeur nature effectuées à l'usine de Neuilly-sur-Marne-Noisy-le-Grand du Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux ont montré qu'il était possible d'augmenter de façon sensible la vitesse de filtration, sans nuire ni à la qualité de l'eau produite ni à la durée du cycle de filtration, le filtre étant constitué d'une épaisseur de 1 m de sable et de 0,40 m d'anthracite).
VITESSE DE FILTRATION
La vitesse de filtration est également un paramètre important qui, non seulement conditionne les caractéristiques de l'eau traitée, mais a aussi des incidences sur les investissements. Pendant longtemps, la plupart des concepteurs s'en sont tenus à une
vitesse de l'ordre de 5 à 6 m/h. Depuis quelques années cependant, certaines installations de filtration fonctionnent couramment avec des vitesses plus élevées, de l'ordre de 8 à 9 m/h. Mais le débit d'une usine de production d'eau potable n'est pas constant 365 jours par an, loin de là. La capacité maximale est, surtout pour les collectivités très importantes, généralement prévue pour le jour de pointe décennale de consommation. La consommation moyenne peut se situer à 50 % seulement de cette consommation maximale.
Une vitesse excessive conduit à une diminution du cycle de filtration, soit par une augmentation plus rapide de la perte de charge du filtre, soit par élévation prématurée de la turbidité résiduelle. Il est nécessaire de concilier les trois paramètres suivants :
- — choisir judicieusement la granulométrie du ou des matériaux filtrants, tant en ce qui concerne la taille effective que le coefficient d'uniformité, en fonction de la nature et des dimensions des particules à retenir,
- — augmenter la hauteur de la couche du milieu poreux,
- — augmenter la garde d'eau au-dessus du matériau filtrant.
Ces impératifs, surtout les deux derniers, entraînent cependant une augmentation du coût de l'installation, ce qui réduit l'économie obtenue grâce à la diminution de la surface de filtration. On voit donc que l'optimum est affaire de cas particulier et que, si une certaine standardisation doit être recherchée pour les stations de production d’eau potable de faible ou moyenne capacité, il est très souhaitable, voire indispensable, pour des stations d'une certaine importance, de procéder à des essais sur station pilote, préalablement à toute construction. Ces essais permettent en effet de recueillir de nombreuses données, notamment sur la nature et les dimensions des particules à retenir sur l'installation de filtration.
À l'usine de production d'eau potable de Neuilly-sur-Marne/Noisy-le-Grand il est prévu d'augmenter prochainement la capacité des installations de filtration par transformation d'une partie des filtres actuels en filtres bicouches, ce qui permettra de porter leur vitesse de 6 à 8 m/h.
À l'usine de Choisy-le-Roi, par contre, des essais en simulateur (figure 4) ont montré qu'on pouvait porter cette vitesse à 9 m/h sans modifier la nature du matériau filtrant, en raison de la mise en place d'un deuxième étage de filtration sur charbon actif. Le rôle du charbon actif est principalement de servir de support à une activité biologique mais également de retenir les particules qui, par suite de l'élévation de la vitesse de filtration, ne l'ont pas été par le premier étage de filtration sur sable.
Les recherches actuelles sur le comptage des particules (2) permettront sans nul doute d'améliorer les connaissances en matière de filtration et de déterminer de façon plus scientifique la valeur optimale de ces différents paramètres.
Notons par ailleurs qu'une partie non négligeable des matières organiques dissoutes est absorbée sur le floc et qu'une bonne filtration concourt à l'abattement du taux de matière organique et, par conséquent, au maintien de la qualité de l'eau produite dans le réseau (3).
NOMBRE DE BASSINS FILTRANTS - SUPERFICIE UNITAIRE DE CHAQUE BASSIN
De la vitesse de filtration choisie, découle la surface de filtration totale.
Mais, pour des raisons d'efficacité du lavage et de taille des machines de lavage (pompes et surpresseurs), il existe une superficie maximale pour les bassins filtrants. Ainsi dans les installations du Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux, cette taille a été fixée à 120 m² environ. On peut cependant citer à l'usine de Sainte-Marthe à Marseille, des filtres de 200 m² réalisés en 1930 (figure 5) (6).
Plus le nombre de bassins est réduit, plus l'investissement est faible. Il faut cependant assurer une certaine souplesse à l'exploitation : en particulier, il est souhaitable de pouvoir continuer à fonctionner au débit nominal, même lorsqu'un bassin filtrant se trouve en lavage. Si la vitesse de filtration a été choisie proche de la limite admissible, on ne peut donc pas augmenter de façon importante le débit admis sur les filtres restant en fonctionnement. En pratique, le nombre de filtres devra être au moins égal à quatre. Dans ce cas, le débit par filtre augmente encore de 33 % en période de lavage d'un bassin.
À titre d'exemple, on peut mentionner les caractéristiques de quelques réalisations récentes :
Annet-sur-Marne (figure 6) : 8 bassins de 45 m² |
Toulouse Clairfont : 6 bassins de 75 m² |
Toulouse Puech David : 9 bassins de 97 m² |
Orléans : 6 bassins de 77 m² |
Il faut observer que dans les usines de faible et moyenne importance, le débit d'eau à filtrer est souvent fixe. Ce n'est que lorsque l'importance de l'usine s'accroît qu'une certaine souplesse peut être apportée à son fonctionnement en multipliant le nombre des groupes nourriciers ou d'exhaure (ce qui peut permettre de diminuer le débit d'eau à filtrer en période de lavage).
NATURE DU BASSIN FILTRANT
Dans la plupart des usines de traitement d'eau de surface, les bassins filtrants sont réalisés en béton armé, dont le coût représente en général un investissement minimum. Cependant, dans certains cas particuliers, il peut être intéressant d'utiliser des filtres métalliques. C'est le cas de la nouvelle usine du District Urbain de NANCY-SAINT-CHARLES II qui comportera pour 100 000 m³/j, 14 filtres métalliques fermés disposés horizontalement, dont 8 seront remplis de sable, et 6 de charbon actif granulé (en saconde filtration). L'intérêt est de pouvoir fonctionner en légère pression sans augmentation de l'investissement.
Dans les stations de déferrisation des usines d'eau souterraine du Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux, il a également été fait appel à des filtres métalliques ouverts, disposés verticalement. Il s'est avéré, en effet, que c'était la solution la plus économique, au regard de la superficie unitaire de chaque filtre. Bien entendu, dans le cas d'utilisation d'une enveloppe métallique, toutes les précautions doivent être prises pour réduire au maximum les dépenses d'entretien.
GEOMETRIE DU BASSIN FILTRANT
En général, la section horizontale des bassins filtrants est rectangulaire. Les bassins sont accolés les uns aux autres par une goutte de lavage commune, réduisant ainsi les travaux de Génie Civil. Cependant, certains types de filtres nécessitent une section horizontale circulaire comme, par exemple, les filtres à lavage par recirculation du sable. C'est le cas de la batterie de 18 filtres du type Bollmann installée à l'usine SAINT-BARNABÉ à MARSEILLE (figure 7). L'avantage de ces filtres est de posséder une couche filtrante de grande épaisseur (1,50 m) et un dispositif de lavage particulièrement efficace, la masse antérieure du sable filtrant étant mise en circulation grâce à une tuyère placée à la base de la partie tronconique de l'ouvrage (12).
Le plus fréquemment, l'alimentation du filtre se fait par la plus petite dimension. Celle-ci est limitée par la distance à parcourir par l'eau de lavage avant son évacuation par les gouttelettes. Dans les usines du Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux, cette dimension a été fixée, par sécurité, à 3,5 m. À l'usine d'ANNET-SUR-MARNE, elle a pu être portée à 5 m. Compte tenu des dimensions réduites des bassins nécessaires, cette augmentation a rendu possible l'alimentation des filtres par la plus grande dimension, ce qui assure une meilleure répartition de l'eau décantée (12).
COUVERTURE DES INSTALLATIONS DE FILTRATION
Très souvent, par mesure d’économie, les bassins filtrants sont disposés à l’air libre. Il y a cependant grand intérêt à les soustraire à l’ensoleillement qui, en particulier pendant la saison estivale, favorise la prolifération d’algues. Celle-ci, en effet, raccourcit considérablement la durée du cycle de filtration et, par conséquent, augmente les dépenses en eau et en énergie nécessaires au lavage des filtres. Par ailleurs, sous certains climats, cette couverture est rendue indispensable pour éviter les effets du gel sur le plan d’eau des filtres.
PLANCHERS DES BASSINS FILTRANTS
Sur certains filtres de faibles dimensions, le sable repose sur une couche de graviers dans laquelle sont noyées des tuyauteries perforées de collecte de l’eau filtrée et d’admission d’eau de lavage. Cette solution, plus économique, n’apporte qu’une répartition très approximative des filets fluides à l’intérieur de l’ouvrage et n’est donc pas satisfaisante pour des filtres performants.
En fait, il existe deux sortes de planchers filtrants pouvant servir de support au matériau poreux :
- — un plancher résistant mécaniquement et garni de crépines ou buselures en matière plastique, en acier inoxydable ou en laiton. Ces crépines comportent des fentes dont la largeur doit être inférieure au plus petit diamètre des grains du matériau filtrant.
- — un plancher poreux (en général en béton spécial sans sable) reposant sur un plancher résistant mécaniquement (béton armé) (figures 8 et 9).
L’avantage de ce second type de plancher est d’assurer une équipartition parfaite des filets de fluide, tant en filtration qu’en lavage (air et eau) sur toute la superficie du filtre. Il doit être réalisé minutieusement, particulièrement pour ce qui concerne le soin à apporter au dosage du liant qui est choisi en fonction des caractéristiques chimiques de l’eau traversant le plancher. Dans certaines usines, il est apparu en effet de graves déboires, soit par colmatage des dalles, soit plus souvent encore, par une dégradation due à l’agressivité de l’eau. Ce dernier défaut peut être pallié en remplaçant le ciment par une résine du type araldite.
Dans le cas de planchers crépines, on trouve des régulateurs, buselures courtes et des buselures à longue queue.
De toutes façons, la répartition des filets de fluide vertical sera d'autant meilleure que le nombre de crépines par m² sera élevé. Dans le cas des buselures à longue queue, il se constitue, au moment de l'admission de l'air de lavage, un matelas d'air qui assure une bonne répartition sous réserve de l'horizontalité du plancher. Cette catégorie de crépines évite la pose d'un réseau de raquettes d’admission d’air sous toute la surface.
DISPOSITIFS DE RÉGULATION
Il y a lieu, d'une part, d'équirépartir le débit à filtrer entre tous les ouvrages, d'autre part, d'assurer une compensation de la perte de charge due au colmatage progressif de la masse filtrante.
De nombreux appareils sont utilisés. On peut les classer en deux grands types :
- — ceux faisant appel à une vanne commandée par le plan d'eau sur le filtre,
- — ceux faisant appel au principe du siphon.
Les critères de choix sont l’obtention de variations suffisamment lentes du débit et l'absence de « pompage ».
Le Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux a adopté des régulateurs sous vide, les Polyhydra (figures 10 et 11) (1).
Dans le cas des usines de traitement d'eau de la Banlieue de Paris, le Polyhydra assure le rôle d’équirépartition. Deux types d’entrée d’eau sont utilisés, soit des vannes-pelles commandées par vérin hydraulique, soit des siphons mis sous vide au moment de l’amorçage.
L'intérêt de ce dernier dispositif est double :
- — il permet d'obtenir une vitesse d'entrée d’eau dont la composante verticale est faible, ce qui diminue le risque d’affouillement du matériau filtrant (en particulier du charbon actif dont la densité est plus faible),
- — il occupe la totalité d'un côté du bassin filtrant, ce qui améliore la répartition de l'eau.
DISPOSITIF D'ADMISSION D'EAU À FILTRER
Suivant le type du dispositif de régulation, le rôle du dispositif d'admission d'eau à filtrer peut être simplement de permettre ou d’interdire l’entrée de l'eau. Il peut également remplir la fonction d’équirépartition.
Dans tous les cas, il faut éviter au maximum la mise en vitesse de l'eau à filtrer pour ne pas « casser » le floc résiduel.
MODE DE LAVAGE
Le mode de lavage est lié au choix du matériau filtrant.
Dans les filtres modernes, on procède au lavage en deux phases :
— au cours de la première phase, un contre-courant d’air et d'eau assure la remise en suspension des particules retenues au sein du milieu poreux sans expansion de celui-ci, ce qui évite la classification des matériaux constitutifs (figure 12).
— au cours de la deuxième phase, un contre-courant d'eau seule assure le rejet des impuretés.
Suivant le matériau filtrant, les débits d’air et d'eau sont différents. Leur détermination résulte d'une parfaite efficacité du lavage (vérifiée par des carottages à différentes profondeurs), et de l’économie en énergie et en eau traitée.
Dans les usines de la Banlieue de Paris, les normes retenues à la suite des essais menés par HALLOPEAU et LAMBLIN sur la station expérimentale de BOULOGNE-SUR-SEINE (5), sont les suivantes : 1re phase : Air 50 m³/h/m² — Durée 8 mn — Eau 27 m³/h/m² 2e phase : Eau 27 m³/h/m² — Durée 15 mn
Lorsque le milieu poreux est constitué de charbon actif, le contre-courant simultané d'air et d'eau conduit à une mise en expansion du lit filtrant. Pour éviter toute perte de charbon, le processus de lavage est plus complexe : il comporte une baisse du niveau d'eau, de façon à ce que, pendant la 1re phase, il n'y ait pas de rejet d'eau de lavage. Cette première phase est interrompue lorsque le niveau atteint la cote des goulottes de déversement. La détermination des débits et des durées est faite pour chaque qualité de charbon.
GOULOTTE DE LAVAGE
Des dispositions particulières doivent être prises pour réduire au maximum les risques de pertes du matériau filtrant au moment des lavages. Dans les usines du Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux, une forme particulière de goulotte dite en « planche à laver » a été adoptée (figure 13).
AUTOMATICITÉ DES LAVAGES
Il y a quelques décennies, la conduite des opérations de lavage était réalisée manuellement, du moins dans les usines de petite et moyenne importance. Dans les usines plus importantes, les vannes d'admission d’air et d'eau de lavage étaient motorisées (soit électriquement, soit au moyen de vérins hydrauliques ou pneumatiques).
Actuellement, la plupart des stations de production sont équipées au minimum de ce lavage assisté. Les usines modernes sont maintenant équipées d'un système de programmation qui assure le déroulement des opérations à partir du moment où le lavage est déclenché manuellement. C'est le lavage semi-automatique, largement répandu.
L'automatisation peut être plus poussée, l'ordre de démarrage du lavage étant donné par un capteur. C'est généralement la perte de charge sur le bassin filtrant qui est le paramètre de déclenchement (ce pourrait être aussi la qualité de l’eau produite). Le système de commande doit tenir compte du fait qu’en général un seul ouvrage à la fois peut être nettoyé, il doit donc y avoir une mise en mémoire des demandes successives de lavage avec certains verrouillages. On comprend que, pour résoudre ces problèmes, le recours aux calculateurs industriels est d'une grande utilité.
pilotées par ordinateur, les séquences de lavage retenues doivent permettre une efficacité parfaite, quelles que soient les caractéristiques de l'eau à filtrer. Il est donc indispensable d’avoir une certaine marge de sécurité, ce qui conduit à un accroissement des dépenses en énergie et surtout à une augmentation de la consommation d'eau de lavage.
Un pas supplémentaire pourrait être franchi en asservissant les durées des phases de lavage aux caractéristiques de l’eau de lavage rejetée.
CONCLUSIONS
Ces quelques réflexions sur ce vaste sujet montrent que le problème est très complexe et peut être résolu de manières différentes :
Les stations de petite et moyenne importance, c'est-à-dire desservant en général des collectivités n'ayant pas la possibilité financière de posséder un bureau d'études, font en général appel à des firmes spécialisées. Celles-ci, compte tenu de leur expérience et de la nécessité de réaliser des projets compétitifs, sont dans la plupart des cas amenées à standardiser les installations qu’elles proposent.
Mais lorsque la Collectivité peut disposer de techniciens rompus aux problèmes de traitement d'eau, il est, bien entendu, très souhaitable (et ce, d'autant plus que la capacité des installations à prévoir est élevée) que tous les paramètres entrant en ligne de compte dans chaque cas particulier soient étudiés avec un soin extrême. Il est alors particulièrement intéressant que les études soient préalablement menées sur station pilote avant que les travaux ne soient réalisés à l'échelle industrielle.
La Compagnie Générale des Eaux, bénéficiant en particulier des enseignements tirés de l'exploitation des trois usines de traitement d'eau de surface du Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux, a ainsi pu tester sur pilote les nouvelles filières de double filtration de Méry-sur-Oise et de Choisy-le-Roi (9), (10), (11). Grâce à ces nouvelles filières progressivement mises en place, il est maintenant possible, non seulement d’obtenir une eau traitée homogène et de meilleure qualité, mais également apte à subir un long trajet dans le réseau sans perdre ses qualités organoleptiques, bactériologiques et physico-chimiques.
BIBLIOGRAPHIE
(1) P. BLANCHARD : L'équirépartition et la régulation des débits dans les installations de traitement d'eau. La Houille Blanche, n° 4, 1967, p. 431-438.
(2) J.L. COLIN, G. BABLON, J. FAUCHERRE : Le comptage des particules appliqué au traitement des eaux de surface. La Tribune du Cebedeau, 35, n° 458, p. 11-22.
(3) F. DAMEZ : Évolution de la qualité de l'eau dans les réseaux de distribution. T.S.M. n° 77, p. 11-23.
(4) P. GUINVARC'H, P. BLANCHARD : Comparaison entre la filtration rapide. T.S.M. n° 51, p. 89-128.
(5) J. HALLOPEAU, H. LAMBLIN : Essais de Boulogne-sur-Seine. Paris, C.G.E., s.d. (non publié).
(6) J.P. LESBROS : Note sur le décolmatage automatique des filtres de l'usine de Sainte-Marthe - Marseille, SEM, 1971.
(7) J.P. LESBROS : Note sur les filtres Bollman - Marseille, SEM, 1981.
(8) J.C. NASTORG : La nouvelle filière de traitement de l'usine de Méry-sur-Oise près de Paris : le choix adopté pour la modernisation de l'usine. Aqua, n° 6, 1980, p. 8-13.
(9) J.-C. NASTORG, M. RAPINAT : Ozonation étagée et traitement biologique : le point après six mois d'exploitation de l'usine de Méry-sur-Oise. T.S.M. n° 76, p. 309-317.
(10) M. RAPINAT : Évolution dans le traitement des eaux en France : quelques exemples d’actualité. Aqua, n° 1, 1982, p. 4-9.
(11) P. SCHULHOF : Water supply in Paris suburbs : changing treatment for changing demand. JAWWA, 72, n° 8, août 1980, p. 428-434.
(12) A. TIRET, J. SIBONY : Annet-sur-Marne, filière biologique, filière physico-chimique. Aqua, n° 7, 1980, p. 11-18.