La désacidification sert, selon la norme DIN 2000, au réglage de l’équilibre carbonique. Un pH trop bas conduit à une eau agressive qui attaque les métaux ferreux et les matériaux de construction contenant du calcium tels que le béton ou le fibro-ciment.
Une eau a atteint l'équilibre carbonique lorsque la totalité du gaz carbonique libre correspond à la dureté carbonatée (1). Deux possibilités se présentent si l’eau n'est pas en équilibre :
- — Il y a précipitation du calcaire lorsque l'eau possède insuffisamment de gaz carbonique libre pour maintenir les bicarbonates en solution.
- — L'eau est agressive lorsqu’elle possède plus de gaz carbonique que nécessaire pour le maintien en solution des bicarbonates.
La désacidification est l’élimination du gaz carbonique agressif ; c'est un procédé de stabilisation de l'eau. Il existe différents procédés qui peuvent être classés en trois groupes pour éliminer le gaz carbonique agressif :
- — les procédés physiques ou mécaniques,
- — les méthodes chimiques,
- — les méthodes physico-chimiques.
Dans certains systèmes d’aération, l'eau est amenée en contact intime avec l'air par ruissellement ou pulvérisation. Le ruissellement de l’eau sur des cascades, des tamis, des grilles ou des tôles perforées à plusieurs étages est classique dans les unités de traitement de l’eau (2).
Dans d'autres installations d'aération, la désacidification de l’eau intervient par insufflation d’air comprimé. La répartition de l'air dans l'eau peut par exemple être obtenue par des tours de diffuseurs, des aérateurs tubulaires ou des dispositifs rotatifs, ainsi que des mélangeurs statiques (3).
La désacidification peut également être réalisée par neutralisation du gaz carbonique agressif avec des bases.
Une combinaison de la désacidification mécanique et chimique est également possible.
DÉSACIDIFICATION MÉCANIQUE
La désacidification par aération est un processus de désorption, la vitesse de dégazage d'un liquide s'accroissant avec le degré de sursaturation du gaz dans le liquide. Ces processus peuvent être décrits mathématiquement de façon analogue aux calculs d’enrichissements d’oxygène :
Le coefficient volumétrique global de transfert de masse KLa est utilisé, étant donné que la mesure de la surface de l'interface de certains systèmes est difficile.
ou de façon simplifiée :
\( \ln \frac{C_0}{C_t} = K_L a \cdot t \)
étant donné que la concentration de saturation (Cs) par rapport à Co et Ct est négligeable (4).
- Cs = concentration théorique du CO₂ dans l’eau en équilibre avec la teneur en CO₂ de l’air à la température d’essai (mg/l ou g/m³)
- Co = teneur en gaz carbonique dans l'eau au début de l’aération (mg/l ou g/m³)
- Ct = teneur en gaz carbonique dans l'eau à l’instant t (mg/l ou g/m³)
- t = temps d’aération (h)
- a = rapport surface/volume, c’est-à-dire le rapport de la surface d’interface constituée au volume de la phase aqueuse
- k = constante (cm/h)
- KLa = coefficient volumétrique global de transfert de masse (h⁻¹).
Dans le dimensionnement des systèmes de dégazage on recherche un KLa le plus grand possible afin que l'installation puisse être utilisée économiquement.
(*) Rédaction modifiée de l’exposé « Possibilités de la désacidification » présenté par B. Mörgli à l'occasion de la session sur « LES CORROSIONS INTERNES DES CIRCUITS DE DISTRIBUTION D’EAU », du S.V.G.W., à Berne.
Atomisation
Contrairement à l'écoulement en pluie et au ruissellement où l'eau ruisselle sous l'effet de son propre poids, la pulvérisation permet un contact plus intensif de l'eau et de l'air. On connaît à cet effet des buses centrifuges, des buses à plateau de projection, des buses « Lechler » ou des buses « Amsterdamer ». Du fait des risques d’obstruction le diamètre du trou des buses n’est généralement pas inférieur à 18 mm. On obtient des charges spécifiques comprises entre 10-30 m³/m²/h dans des conditions de pression de 0,3-1,5 At. (5). Les besoins énergétiques de l'atomisation centrifuge s'élèvent alors à 50 Wh/m³ pour une capacité de 1 000 m³/h. L'atomisation par plateau de projection consomme 18,5 Wh/m³ pour une charge de 6 m³/m²/h, soit 10 Wh/m³ pour 10 m³/m²/h. Avec un KLa de 10 h⁻¹ l'atomisation par plateau de projection permet une désacidification plus avantageuse que le système centrifuge.
Cascade à grilles tubulaires ou tour d’atomisation
Ce système est une combinaison de l'atomisation et de la cascade, c'est-à-dire que l'eau est en premier lieu pulvérisée au moyen de buses qui se trouvent dans la partie supérieure et l'eau est très finement répartie. Des plateaux intermédiaires constitués de tubes de matière plastique agissent comme de petites cascades. Un ventilateur force de l'air frais dans la tour, qui peut à nouveau s’échapper par plusieurs orifices de l'anneau inférieur. Les KLa d'une telle installation sont représentés en fonction de la vitesse de l'air et de la température de l'eau (2) pour une vitesse de l'eau de 45 m/h dans la figure 1.
Colonne à bandes ondulées
Dans ce principe de ventilation l'eau s’écoule à travers une colonne à garnissage qui est remplie de feuilles de PVC suspendues présentant des ondulations (6). Il n'y a pas de soufflerie et l'incorporation de l'air est effectuée par l'eau elle-même. L'installation est constituée d’un réservoir d'eau qui est réparti sur la section de la tour de ruissellement où l'eau ruisselle finement à travers une tôle perforée, et d'une chambre d’aération disposée dans la partie inférieure du premier paquet de bandes profilées ; viennent ensuite un second réservoir collecteur d’eau, une seconde chambre d’aération, un second paquet de bandes profilées et un séparateur d’air. L’air nécessaire à l'aération est automatiquement aspiré à travers l'eau ruisselante par un effet d'injecteur dans la zone d’aération disposée en dessous de la tôle perforée. Le mélange eau-air s’écoule alors à travers les panneaux de matière plastique disposés en dessous et où intervient l'échange de masse. On obtient dans le cas d'une charge spécifique de 590 m³/m²/h une valeur de KLa d’environ 230 h⁻¹ (7). La figure 2 représente les KLa obtenus en fonction des différentes vitesses de l'eau. Il faut compter sur un besoin énergétique compris entre 33 et 50 Wh/m³ (7) (8).
Procédé par insufflation d‘air
Dans ce procédé, l'air comprimé est insufflé dans l'eau. Le CO₂ est alors expulsé et l'oxygène diffuse dans l'eau à partir des bulles d’air montantes. On différencie, suivant la dimension des bulles :
- l'aération par bulles fines à travers un matériau poreux d’ouvertures de pores d'un ordre de grandeur de 1/10 mm
- l'aération par bulles moyennes avec des tubes ou des plateaux perforés d’ouvertures de trous atteignant jusqu’à 5 mm.
Valeurs KLa d’une aération à bulles moyennes en fonction du débit d’air
Diamètre des bulles d’air : 2–4 mmProfondeur : 540 mm
10 20 30 40 50 Nm³/h/m² Bassin
— L’aération par grosses bulles avec des ouvertures de trous plus importantes ou des aérateurs tubulaires ouverts.
La figure 3 donne une représentation des valeurs du KLa en fonction du débit d’air par m³ de bassin pour un aérateur à plateaux que l’on peut considérer comme étant à la limite entre l’aération à bulles fines et celle à bulles moyennes. On peut dans ce cas atteindre, pour un apport d’air de 38 Nm³/h/m² bassin (profondeur d’aération = 540 mm), une valeur KLa de 10 h⁻¹. Le besoin d’énergie spécifique est d’environ 45 Wh/m³ d’eau.
Installations d’aération intensive
Dans ce cas, l’eau s’écoule par une plaque perforée. L’air est amené en grande quantité à partir de la face inférieure de cette plaque, de manière que de l’eau ne s’écoule pas à travers la plaque perforée vers le bas. L’air enrichi de gaz carbonique est évacué vers le haut, l’eau aérée s’écoule à l’extrémité de la tôle perforée (5). La figure 4 représente les valeurs du KLa en fonction de la vitesse de l’eau pour une vitesse de l’air de 100 m³/h. Le besoin d’énergie nécessaire s’élève par exemple à 60 Wh/m³ d’eau pour une valeur KLa de 550.
Appareils de dispersion
Valeurs KLa de l’appareil de dispersion Vogelbusch
Diamètre du cercle des pales : 600 mmVitesse : 263 T/minDiamètre du réservoir : 950 mm
Profondeur d’immersion : 0,8 mProfondeur d’immersion : 0,9 mProfondeur d’immersion : 1,2 m
Valeurs KLa d’une installation d’aération intensive
Vitesse de l’air : 100 m³/hSurface spécifique : 1,2 m²
300 5 10 20 30 Eau m/h 800 700 600 500 400 300
Le réacteur d’aération à élément mélangeur, système SULZER.
Réacteur d’aération avec mélangeur statique
Ce système (figure 6) est constitué d'un cylindre qui est construit de manière à assurer une répartition optimale de l'air dans l'eau. Le mélange intensif des deux phases créé par les mélangeurs statiques provoque un renouvellement permanent des surfaces interfaciales et, par conséquent, un bon échange entre les deux phases (4).
On trouve dans la figure 7 les valeurs du KLa en fonction de la vitesse de l'air pour différentes vitesses d'eau relativement faibles ; l'air est amené en co-courant. La valeur du KLa pour une charge d'eau d'environ 500 m³/m²/h et un rapport air/eau de 2 : 1 est d'environ 500 h⁻¹. Si l'on dispose d'une pression d'eau suffisante (éventuellement due à des différences de niveau), l'apport d’air est partiellement ou totalement réalisé par un injecteur venturi et la rentabilité de l'installation est fortement améliorée.
Colonne à anneaux de Rasching
Des anneaux de Rasching sont utilisés à la place des mélangeurs statiques. Dans ce cas, l'eau est finement répartie au haut de la colonne et s'écoule vers le bas à travers les anneaux de Rasching. L'air est amené à contre-courant.
La figure 8 représente les valeurs du KLa en fonction du débit d’air pour différentes charges d'eau et différents corps de remplissage. Le besoin énergétique se situe entre 25 et 85 Wh/m³ d'eau (10) (12).
Évaluation des procédés d’aération
Sur la base des données issues de la littérature technique, on a tenté de comparer les différents procédés d'aération entre eux. La figure 9 représente le quotient du coefficient de transfert de masse (KLa) et du besoin d’énergie spécifique.
Si les coûts d'investissement sont également pris en considération avec les résultats mentionnés, nous obtenons la représentation donnée en figure 10. Plus la valeur du quotient est élevée, plus l'installation est avantageuse.
DÉSACIDIFICATION CHIMIQUE
Les deux principaux procédés dans ce genre de désacidification sont :
1. La réaction du gaz carbonique agressif avec une masse filtrante granuleuse.
2. La réaction du gaz carbonique agressif avec des produits chimiques dosés.
Filtration par des masses granuleuses
Le matériau filtrant pour la désacidification est disposé dans un ouvrage en béton ou en acier au-dessus d’un fond à tuyères. Le gaz carbonique agressif est lié, lors du passage de l’eau du haut vers le bas à la suite des réactions chimiques, avec le matériau filtrant. Ceci a pour conséquence que le matériau granuleux est consommé et doit être complété ou remplacé de temps en temps. Une des conséquences de ce procédé est l’apparition de particules plus fines dans le matériau de filtration, ce qui modifie sa granulométrie originale. Ceci peut avoir une augmentation des pertes de charge pour conséquence. Pour éviter ce phénomène, ces petites particules doivent être éliminées. Ceci est obtenu avec un processus de rinçage à contre-courant de bas en haut, l’air et/ou l’eau étant utilisés pour le rinçage.
Le matériau filtrant est constitué d’une couche de carbonate de calcium ayant une épaisseur de 1 à 1,5 m. La vitesse linéaire de filtration se situe entre 7 et 13 m³/m²/h. L’eau pure désacidifiée s’écoule hors de l’espace tampon sous le filtre pour aller dans un bassin d’eau pure donnant par-dessus une paroi de retenue dans le réservoir d’eau pure. Le dispositif d’alimentation et la paroi de retenue régulent le débit du filtre de telle manière que la totalité du débit d’entrée soit filtrée et qu’en outre la perte de charge de la masse filtrante provoque une augmentation correspondante du niveau d’eau dans le bassin de retenue.
Chaque filtre est rincé à contre-courant à l’air et à l’eau selon le système de rinçage à trois phases : à l’air d’abord, puis avec de l’air et de l’eau et finalement avec l’eau seule. Un bassin de rétention récupère l’eau de rinçage qui peut être envoyée à l’égout communal.
La masse filtrante usagée est complétée à partir d’un bassin de stockage par un système d’injection. La quantité manquante est remplacée dès qu’environ 10 % de la charge normale sont consommés.
Filtration sur dolomite
Ces masses filtrantes sont constituées pour l’essentiel de carbonate de calcium et d’oxyde de magnésium.
Lors de la désacidification de l’eau, le gaz carbonique agressif réagit avec le calcaire dolomitique de la façon suivante :
CaCO₃·MgO + 3 CO₂ + 2 H₂O → Mg(HCO₃)₂ + Ca(HCO₃)₂
La dureté partielle au carbonate est accrue de façon correspondante. Le durcissement de l’eau dû à 10 mg/l de gaz carbonique transformé se situe donc à environ 1 °dH.
La consommation de masse filtrante, y compris les pertes normales de rinçage, s’élève à 1,3 g par g de gaz carbonique converti.
La désacidification par filtration autorise une technique de processus simple et sûre. Pour son application il faudra cependant prendre les points suivants en considération :
1. Immédiatement après la mise en service de telles masses filtrantes de désacidification, l’eau pure présente un pH extraordinairement alcalin, parfois supérieur à 10. Pendant ce temps, la concentration de magnésium s’accroît fortement dans l’eau pure. Il s’ensuit un déséquilibre vers le bas du rapport bicarbonate/gaz carbonique, qui provoque une précipitation de carbonate de calcium sur la surface de la masse filtrante. La dureté au magnésium diminue et la dureté au calcium s’accroît avec le temps (figure 11) (13).
2. Une surcharge de l'installation de désacidification supérieure à 30 % déplace le rapport d’équilibre bicarbonate/gaz carbonique vers le bas, ce qui a pour conséquence une précipitation de carbonate de calcium; dans certaines circonstances il peut se produire une obstruction de la masse filtrante de calcaire dolomitique. Le risque d'obstruction est dans ce cas beaucoup plus important que lors de l'arrêt de l'installation. Une insuffisance de charge provoque une dissolution de l'oxyde de magnésium de la masse filtrante.
3. Si elles ont un pH supérieur à 8,5, les eaux de rinçage à contre-courant doivent être neutralisées avant d’être évacuées à l’égout.
4. Le calcaire dolomitique ne convient pas pour la désacidification d'eau ayant une teneur élevée en sulfates (> 150 mg/l SO₄²⁻).
Filtration sur carbonate de calcium
La désacidification avec du carbonate de calcium comme matériau filtrant granuleux est un procédé simple et sûr. Ces masses filtrantes possèdent les propriétés importantes suivantes :
- Elles n’ont pas besoin de « rodage ».
- Aucun dépassement de la valeur du pH d’équilibre n'apparaît, même dans le cas d'une insuffisance de charge de l'installation et d'un fonctionnement discontinu.
- Le carbonate de calcium autorise une augmentation maximale de la dureté carbonatée.
- Les eaux de rinçage à contre-courant ne présentent pas un pH aussi élevé que dans le cas des masses filtrantes dolomitiques.
Environ 1,28 °dH sont gagnés par 10 mg/l de gaz carbonique converti.
La consommation de masse filtrante, y compris les pertes de rinçage normales, s’élève à 2,5 g par gramme de gaz carbonique converti ; cela signifie, par comparaison aux matériaux filtrants dolomitiques, une consommation supplémentaire d'environ 90 %.
Le gaz carbonique réagit avec le carbonate de calcium selon l’équation :
CaCO₃ + CO₂ + H₂O → Ca(HCO₃)₂
Le tableau suivant représente une comparaison grossière entre les pH atteints par une masse filtrante en calcaire dolomitique et celle en carbonate de calcium (granulométrie 1-3 mm) :
Temps (min) | Magnodolomite pH | Hydrolite Ca pH |
---|---|---|
5 | 10,2 | 8,0 |
10 | 10,6 | 8,1 |
20 | 10,7 | 8,1 |
30 | 10,7 | 8,15 |
Dans les deux cas, 100 ml de masse filtrante ont été mis en contact avec 200 ml d'eau courante (17 °C) dans un Erlenmeyer de 500 ml au moyen d’un secoueur. On constate que l’Hydrolite Ca présente une meilleure sécurité de fonctionnement.
Désacidification par addition de produits chimiques
Le gaz carbonique agressif peut être éliminé par addition de produits chimiques alcalins inorganiques. L’hydroxyde de calcium, l'hydroxyde de sodium et le carbonate de sodium sont le plus souvent utilisés à cet effet. Ces substances lient le gaz carbonique selon les équations suivantes :
Ca(OH)₂ + 2 CO₂ → Ca(HCO₃)₂
NaOH + CO₂ → NaHCO₃
Na₂CO₃ + CO₂ + H₂O → 2 NaHCO₃
Désacidification au moyen de chaux
L’hydroxyde de calcium est normalement dosé à partir d'une solution aqueuse ou suspension (lait de chaux : 1-5 %). L'addition d'hydroxyde de calcium solide est plus rare pour la désacidification.
La consommation de chaux par gramme de gaz carbonique agressif s’élève à 0,84 g. Une augmentation de la dureté carbonatée d’environ 0,64 °dH est produite par 10 mg/l de gaz carbonique converti.
Lors de l’utilisation de lait de chaux, il faut veiller à ce que l'hydroxyde de calcium contenu dans la suspension soit d'abord dissous dans l'eau traitée avant de réagir avec le gaz carbonique agressif. Un bon système de mélange est donc nécessaire pour incorporer rapidement et complètement le lait de chaux à l'eau. Les mélangeurs statiques autorisent un mélange en ligne et rendent superflus réservoirs volumineux et agitateurs coûteux.
La chaux offre un prix de revient plus avantageux, mais son maniement et son application sont plus difficiles que ceux de la soude caustique. Des installations spéciales réduisent aujourd'hui ces difficultés. Des économies supplémentaires peuvent être obtenues si l'on utilise de l'oxyde de calcium (chaux vive) comme produit de base pour la préparation du lait de chaux.
Désacidification au moyen de soude caustique
Dans la désacidification avec de la soude caustique, la dureté n’est pas augmentée, ce qui est avantageux lorsqu’il faut éviter toute augmentation de dureté. La consommation d’hydroxyde de sodium par gramme de gaz carbonique converti est de 0,91 g, quantité contenue dans environ 1,20 ml de soude caustique à 50 % ou dans environ 2,28 ml de soude caustique à 30 %.
La soude caustique est généralement livrée en Suisse avec une concentration d’hydroxyde de sodium d’environ 50 % (≈ 766 g/l NaOH) ou d’environ 30 % (≈ 400 g/l NaOH). Cette soude appartient à la classe de toxicité 2. En cas d’utilisation d’une soude à 50 %, il faut éviter la cristallisation due à une baisse de température; une solution à 30 % est, de ce point de vue, plus sûre.
L'emploi de soude caustique concentrée est recommandé pour des raisons de rentabilité, le volume de stockage étant moindre. Cependant, l'addition de soude concentrée provoque, par suralcalinisation locale, des précipitations de calcaire et des entartrages. Ces suralcalinisations peuvent aussi se produire avec une soude diluée, mais la précipitation est alors trop lente pour vraiment se former.
Installation de mélange
Tronçon de mélange à éléments statiques
Eau de dilution : dilution jusqu'à un maximum de 1 % NaOH
Tronçon de mélange – Neutralisation
À éléments statiques de mélange
[Figure : Neutralisation du gaz carbonique agressif avec de la lessive de soude caustique]De telles précipitations du calcaire peuvent être évitées par l'addition de méta- ou polyphosphates. Selon notre expérience, cette solution n’est pas satisfaisante, étant donné que l'eau est polluée et que l'effet peut être insuffisant. De ce point de vue, l'on devrait considérer les points suivants :
1. La concentration de phosphates pour éviter la précipitation de calcaire jusqu’à l'obtention de l’équilibre doit suffire, même dans le cas d'une suralcalinisation inégale. L’addition de phosphates maximale admissible est cependant limitée dans de nombreux pays. En Suisse, la circulaire n° 44 du 25 août 1976 du Bureau fédéral de la Santé interdit l'addition de mono- et polyphosphates dans l'eau froide sur les installations individuelles, mais donne la possibilité aux chimistes officiels compétents d’autoriser par dérogation l'addition de phosphates sur des installations centrales importantes.
2. Dans le cas du métaphosphate, l'on doit travailler de manière qu'une hydrolyse du produit, qui apparaît lors d’un échauffement important au moment du mélange de lessive de soude caustique concentrée à l'eau, puisse être évitée ou fortement réduite.
L'utilisation de tronçons de mélange rapide en ligne avec des mélangeurs statiques permet de diminuer le risque de ces suralcalinisations locales.
Un système simple de désacidification à la soude caustique sans phosphates a été élaboré et permet une réduction des précipitations de calcaire. Les principales caractéristiques de ce système sont d'une part les mélangeurs statiques et d’autre part la dilution en ligne à 1:40 de la soude caustique concentrée avec de l'eau partiellement adoucie. Deux tronçons de mélange veillent à un mélange exceptionnellement rapide (figure 12). Dans le cas d'une usine de préparation d'eau, d'une capacité maximale de 3 600 m³/h et d'une eau brute contenant jusqu’à 5 mg/l de gaz carbonique agressif, on utilise environ 21 l/h de soude caustique à 50 % et 855 l/h d'eau partiellement adoucie, c’est-à-dire que la soude est diluée en ligne avec une eau déminéralisée jusqu’à une concentration d’environ 20 g/l NaOH et est alors injectée dans le flux principal, la soude fortement diluée étant immédiatement et régulièrement répartie dans la conduite d'eau principale au moyen d'un second tronçon de mélange.
Si l'on évite les précipitations de calcaire et entartrages lors de la désacidification à la soude caustique, la méthode est d’un fonctionnement plus simple que le procédé à la chaux.
Étant donné que la soude caustique est fréquemment fabriquée selon le procédé au mercure, une certaine quantité de mercure peut parvenir dans la solution de soude. La norme DIN 19615 (projet de 1961) prescrit que la soude caustique pour la préparation de l'eau peut présenter une concentration maximale de Hg++ de 0,001 % en poids de la teneur en soude caustique. C’est pourquoi, des garanties correspondantes doivent être exigées du fournisseur dans le cas de l'utilisation de soude caustique pour la désacidification de l'eau potable.
B. MÖRGELI – J.C. GINOCCHIO
BIBLIOGRAPHIE
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9. W. Schäfer, Vom Wasser 34 (1967).
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12. R. Baier, Dissertation, Universität Karlsruhe/TH, 1971.
13. G. Flick et H. Bittner, NDZ, Heft 5/1967.
RÉOXYGÉNATION DES EAUX DE SURFACE AVEC L’OXYGÈNE PUR, SELON LES TECHNIQUES DE L’AIR LIQUIDE
par Jean-Pierre TORRESDocteur IngénieurResponsable Traitement des EauxL’AIR LIQUIDE – D.F.G. SI
et Bernard JAMONETIngénieur I.S.I.M.S.C.A. Traitement des EauxL’AIR LIQUIDE – D.R.A.
Depuis le début du siècle où remontent les premières réalisations industrielles de liquéfaction de l’air, l’oxygène a élargi sans cesse le champ de ses applications, bien au-delà des techniques de soudage et de coupage des métaux qui furent le point de départ de sa vocation industrielle.
La société L’AIR LIQUIDE, qui est spécialisée dans la production et l’utilisation des gaz industriels, est intervenue progressivement dans la plupart des domaines de l’économie et de la vie, à mesure que les possibilités d’application des gaz industriels devenaient de plus en plus nombreuses :
Les propriétés cryogéniques des gaz industriels sont utilisées par exemple dans les travaux publics pour la congélation des sols, dans les industries alimentaires pour la surgélation des denrées périssables, dans l’élevage pour la conservation de la semence destinée à l’insémination artificielle, etc.
Les propriétés thermiques d’un gaz tel que l’oxygène s’appliquent – on le sait – en sidérurgie, avec l’affinage de l’acier au convertisseur.
Quant aux propriétés chimiques et physiques des gaz industriels, elles trouvent des applications dans des domaines aussi variés que les industries alimentaires, la médecine (avec l’emploi de protoxyde d’azote comme anesthésiant), la plongée sous-marine, l’électronique, etc.
Autre débouché nouveau : l’espace – n’oublions pas que l’oxygène et l’hydrogène liquides constituent les comburants et combustibles les plus performants des fusées actuelles.
Enfin terminons par l’environnement pour ce qui concerne l’oxygène, ce gaz étant un élément essentiel à la vie.
L’AIR LIQUIDE produit couramment l’oxygène à partir d’une centaine de centres de production cryogénique implantés dans le monde entier (dont une dizaine sur le territoire français) selon le procédé de production par distillation de l’air.
Cette production est complétée maintenant par le procédé d’adsorption sélective de l’air par passage sur des tamis moléculaires, ceci dans des unités de type « P.S.A. » (PRESSURE SWING ADSORBER).
La distribution de l'oxygène aux utilisateurs est assurée à partir de centres de distribution par une flotte de camions appropriés, dont certains transportent et livrent l’oxygène à l'état liquide à très basse température (–183 °C).
En Europe, L’AIR LIQUIDE dispose de deux ensembles de réseaux (gazoducs) de canalisations de gaz : oxygène et azote, reliant directement les centrales de production aux lieux de consommation, d'une longueur totale de 1 400 km : les plus importants réseaux du genre dans le monde.
Le « Centre d'Études Cryogéniques Claude DELORME », créé par L'AIR LIQUIDE en 1962 à Sassenage (Isère), dépendant du Département « Recherches et Applications » de la société, développe d'une manière permanente des recherches orientées dans les directions suivantes en ce qui concerne les gaz industriels, et plus particulièrement l’oxygène :
- — l'étude et la réalisation de prototypes de matériels de production, stockage, transport et distribution de gaz liquéfiés tels que l'hélium liquide ;
- — le développement d’applications industrielles nouvelles des gaz et plus particulièrement des gaz liquéfiés ;
- — l'étude de dispositifs, de procédés, de montages cryogéniques dans des domaines variés tels que la propulsion spatiale, le vide et l'ultra-vide, l'électronique, la biologie, le génie nucléaire ;
- — les applications à l'environnement :
- — traitement des eaux usées industrielles ou urbaines à l'oxygène pur,
- — traitement des déchets.
LA RÉOXYGÉNATION DES EAUX
Les êtres vivant sur la Terre ont dans leur grande majorité besoin d'oxygène.
Ceux qui vivent dans l’air ont à leur disposition l’oxygène de l'air. La concentration de l'oxygène, 21 % en volume, est constante jusqu’à une altitude d’environ 80 km. Or, même avec cette concentration constante, la baisse de pression et la diminution de la masse d'oxygène contenue dans le volume d'air qui s'ensuit sont la cause de difficultés respiratoires en altitude. En effet, si au niveau de la mer il y a 280 g d'oxygène par m³, à 3 000 m il n'y a plus que 200 g par m³. C’est à partir de cette concentration que les difficultés peuvent commencer, et cette altitude est par conséquent l’altitude limite pour le vol sans oxygène ou en cabine non pressurisée.
Les êtres vivant dans l’eau ont à leur disposition de l'oxygène dissous par l'eau à partir de l'oxygène de l’air et de l'assimilation chlorophyllienne des végétaux aquatiques. Mais tout d'abord cette quantité d’oxygène est relativement basse (au maximum 10 à 15 g/m³). De plus, elle varie avec la température de l'eau : par exemple, de 14,5 g/m³ à 0 °C, elle tombe à 7,6 g/m³ à 25 °C (voir fig. n° 1). Il y a donc dans l'eau 20 à 30 fois moins d’oxygène que dans l'air. Enfin, l'oxygène de l’air ne peut se dissoudre dans l'eau que très lentement à travers la surface d'une eau calme, un peu plus rapidement à travers une surface agitée.
La plupart des êtres vivant dans l'eau consomment de l'oxygène pour leur respiration. Ils ont donc besoin qu’assez d'oxygène soit dissous dans l'eau et, par conséquent, que l'oxygène soit en permanence dissous par l’eau pour remplacer celui qu'ils ont consommé. Sinon ils meurent.
La quantité minimum varie avec les espèces et la consommation instantanée en fonction de la quantité de matière vivante présente dans l'eau.
Une quantité importante de matières organiques, c'est-à-dire de nourriture, favorise la croissance rapide de micro-organismes aérobies. Ceux-ci, gros consommateurs d'oxygène, réduisent la quantité d’oxygène dissous jusqu’en dessous du seuil minimum nécessaire à la vie d'autres espèces plus évoluées, comme par exemple les crustacés et certains poissons.
Ce phénomène est particulièrement accentué en été lorsque la température augmente et que le débit des cours d'eau diminue, ce qui réduit la masse d'oxygène disponible alors que les besoins, eux, ne diminuent pas.
[Figure : FIG. 4 — Solubilité en g/m³ de l’oxygène dans l’eau pure sous sa pression atmosphérique] [Figure : FIG. 5 — Solubilité en g/m³ de l’oxygène dans l’eau pure en fonction de la température et de la pression]L’oxygène a aussi pour effet d’empêcher la croissance des micro-organismes anaérobies qui, en se développant en absence d’oxygène par fermentation anaérobie, dégagent des gaz malodorants.
Les lois de la physique enseignent qu’un gaz pur (par exemple l’oxygène) peut être dissous plus facilement, plus vite et en plus grande quantité dans un liquide qu’il ne le serait s’il est en mélange, comme c’est le cas pour l’oxygène de l’air. Par exemple, à la même pression totale, on peut dissoudre environ cinq fois plus d’oxygène à partir d’oxygène pur qu’à partir de l’air.
La figure n° 2 indique la solubilité dans l’eau pure de l’oxygène provenant d’une atmosphère enrichie en oxygène.
Des dispositifs d’injection d’oxygène et de dissolution dans les eaux à réoxygéner ont été mis au point et sont dorénavant opérationnels. L’objectif est évidemment d’obtenir le plus grand rendement de dissolution possible et, pour cela, de minimiser l’arrivée à la surface de bulles riches en oxygène. Les solutions dépendent donc de la quantité d’oxygène à dissoudre et des caractéristiques (volume, débit, profondeur…) de la masse d’eau à réoxygéner.
POURQUOI RÉOXYGÉNER LES EAUX DE SURFACE ?
Les eaux de surface (cours d’eau, lacs, étangs…) constituent dans la majorité des cas le milieu récepteur des effluents urbains et industriels. Le rejet de ces effluents, même épurés, conduit à un enrichissement dudit milieu récepteur en matières organiques.
Par ailleurs, ce même milieu possède, du fait de la microfaune aérobie qu’il abrite, un certain pouvoir auto-épurateur ; cette capacité d’auto-épuration varie avec les caractéristiques hydrographiques du milieu et physico-chimiques des eaux.
La capacité auto-épurative d’un cours d’eau ou d’un lac est en fait variable avec la charge organique reçue. Une quantité importante de matières organiques favorise une croissance rapide des micro-organismes aérobies et, par suite, augmente la capacité auto-épurative. À cette forte croissance des populations microbiennes aérobies correspond simultanément une augmentation considérable de la consommation en oxygène, laquelle ne peut être normalement compensée que par un apport à partir de l’oxygène atmosphérique. Si cet apport est insuffisant, il en résulte une réduction de la quantité d’oxygène dissous jusqu’à une valeur inférieure au seuil minimum indispensable à la vie des espèces plus évoluées (poissons, crustacés).
Si cette teneur en oxygène dissous diminue encore, les micro-organismes aérobies eux-mêmes ne peuvent plus se développer et font alors place à des populations anaérobies qui réalisent la dégradation des matières organiques avec libération de gaz malodorants : hydrogène sulfuré et mercaptans.
Ce processus d’enrichissement en matières organiques conduisant à l’asphyxie du milieu est appelé eutrophisation. Ce phénomène atteint aussi bien les cours d’eau (milieu ouvert) que les lacs ou étangs (milieu fermé).
L’Air Liquide a mis au point des techniques permettant de transférer d’importantes quantités d’oxygène pur capables de « ranimer » les cours d’eau, lacs ou étangs « asphyxiés ».
LES OXYGÉNATEURS
L’Air Liquide, dont l’un des axes de recherches est le transfert des gaz dans les liquides, a ainsi mis au point et réalisé des oxygénateurs adaptés à la régénération des eaux de surface et qui sont caractérisés par :
— un haut rendement de transfert en oxygène,
— une faible dimension des ouvrages comparativement aux quantités d’O₂ transféré,
— une grande sécurité de fonctionnement même en présence d’hydrocarbures,
— une souplesse de fonctionnement et une possibilité de moduler l’enrichissement en oxygène en fonction de la demande.
Ces appareils sont conçus pour être installés à poste fixe, ou pour être mobiles.
LES OXYGÉNATEURS FIXES
Ils sont de deux types, pouvant être implantés à poste fixe pour des utilisations de longue durée.
[Schéma : Bicone fonctionnant en recyclage — Procédé spécialement appliqué à des eaux éventuellement chargées en hydrocarbures.]Le « Bicone »
C'est un oxygénateur d'un type particulier permettant un rendement d'utilisation de l’oxygène proche de 100 %. Il est constitué d'un cône vertical avec le sommet vers le haut, dans lequel circule un courant d’eau du haut vers le bas. L'oxygène est injecté en tête de pompe et mis en émulsion à l'intérieur du réacteur. Les Bicones sont de deux modèles :
- — le Bicone de 200 m³/h, capable de transférer 120 kg/jour d'oxygène dissous ;
- — le Bicone de 300 m³/h, capable de transférer 180 kg/jour d'oxygène dissous.
Le « Turboxal »
C'est un système à turbine installé en bassin couvert. Des parois siphoïdes disposées à l'entrée et à la sortie de l'appareil assurent la répartition des eaux de façon à obtenir une oxygénation uniforme et à empêcher l'entraînement de bulles.
Le maintien, dans la phase gazeuse de l'appareil, d'une teneur en oxygène d'environ 60 % permet de minimiser la dépense énergétique tout en maintenant le rendement d'utilisation de l'oxygène à une valeur proche de 95 %.
Il existe une gamme étendue de Turboxal permettant des transferts allant de 100 kg/jour à 1 200 kg/jour d’oxygène dissous.
LES OXYGÉNATEURS MOBILES
Ce sont des appareils fonctionnant sur le même principe que les Turboxal, mais montés sur des embarcations. Ces « Oxynautes » sont conçus pour aspirer l'eau à traiter à l'aide d'une pompe à hélice et la refouler après passage dans le caisson de réoxygénation.
POSEIDONIE C 500 | POSEIDONIE C 1000
Caractéristiques des Oxynautes
POSEIDONIE C 500 | POSEIDONIE C 1000 | |
---|---|---|
Capacité de transfert | 500 kg O₂ transféré par 24 h, dans les conditions standard (norme AFNOR) | 1 000 kg O₂ transféré par 24 h, dans les conditions standard (norme AFNOR) |
Longueur | 10 m | 14 m |
Largeur | 4,50 m | 4,50 m |
Tirant d'eau | 1,40 m | 1,40 m |
Tirant d'air | 2,50 m | 2,50 m |
Poids à vide | 16 tonnes | 25 tonnes |
Déplacement | 53 tonnes | 80 tonnes |
Débit d'aspiration | 1 200 m³/h maxi | 2 400 m³/h maxi |
Concentration en O₂ dissous après traitement | 20 mg/l | 20 mg/l |
Autonomie | 30 h (réservoir O₂ : 800 l) | 24 h (réservoir O₂ : 1 200 l) |
Vitesse de déplacement | 3 nœuds | 3 nœuds |
Capacité de traitement d'eau | 250 000 m³ d'eau/jour à 2 mg/l, soit un débit de 2,90 m³/s | 500 000 m³ d'eau/jour à 2 mg/l, soit un débit de 5,80 m³/s |
Oxynaute est disposé directement en rivière ou sur le lac à traiter, de façon à minimiser le pompage. Il en existe trois modèles :
« L'Oxynaute C 300 » :
— capacité de transfert : 300 kg/jour d'oxygène dissous,
— alimentation électrique : à partir du réseau E.D.F. ou d'un groupe électrogène annexe,
— alimentation en oxygène : à partir d'un stockage sur berge ou embarqué sur une barge,
— possibilité de déplacement : par remorquage.
Les « Oxynautes C 500 et C 1000 » (désignés « POSEIDONIE »).
Les caractéristiques de ces appareils autonomes sont résumées dans le tableau qui précède.
LES PREMIÈRES EXPÉRIMENTATIONS DE RÉOXYGÉNATION DES EAUX
Elles ont débuté récemment en France, avec la campagne de réoxygénation du lac de NANTUA en août 1976, à l'aide d'un TURBOXAL installé sur la berge. Rapidement, elles se sont poursuivies avec d'autres réoxygénations de cours d'eau, lacs ou étangs : étang de Thau (pour lutter contre la malaigue), le LEZ à Palavas (Hérault), le canal de FRONTIGNAN, etc.
Dans le même temps, des opérations similaires étaient engagées à l'étranger, avec le concours des techniciens spécialisés de L'AIR LIQUIDE, comme par exemple la réoxygénation de l'étang de GROENEKAM (Hollande, près d'Utrecht) et celle de la retenue d'eau du barrage de CLARK-HILL sur la rivière SAVANNAH en Géorgie (U.S.A.).
LA RÉOXYGÉNATION DU LAC DE NANTUA
Le problème à résoudre : durant la période estivale, les différences de température, et par suite de densité, entre les eaux du fond du lac engendrent une stratification thermique interdisant tout transfert d'oxygène entre l'atmosphère et les couches profondes ou hypolimnion.
Du fait de l'activité microbienne intense qui y sévit consécutivement à l'enrichissement en matières organiques, l'hypolimnion est donc totalement dépourvu d'oxygène.
L'anaérobiose qui en résulte favorise la remise en solution des substances minérales contenues dans les boues et plus particulièrement du phosphore et de l'azote. Lors du renversement automnal, ces substances se retrouvent dans les eaux de surface où, sous l'action de la photosynthèse, elles vont participer à la synthèse d'une masse importante d'algues.
Le blocage de ce cycle ne peut être obtenu qu'en maintenant des conditions aérobies dans l'hypolimnion. Une grande partie du phosphore et de l'azote libérés sont alors fixés dans la vase par la présence d'une couche d'hydrates ferriques et ne participent plus, de ce fait, à la synthèse de matières organiques en surface.
Réoxygénation avec un TURBOXAL :
Les eaux pompées à une profondeur de 30 mètres sont introduites dans un oxygénateur de type TURBOXAL. Ces eaux pratiquement dépourvues d’oxygène à leur entrée dans l’oxygénateur ressortent avec une teneur en oxygène dissous de l’ordre de 20 à 25 mg/l. Elles sont alors réinjectées dans le lac à 35 mètres de profondeur. Les débits d’eau ainsi traités sont de l’ordre de 10 000 m³/j, auxquels correspondent environ 250 kg/j d’oxygène injecté.
Les conduites d’aspiration et de réinjection des eaux sont en polyéthylène (basse pression, haute densité) et leur diamètre est de 300 mm.
La campagne a démarré le 18 août 1976, 7 semaines après la passation de commande par le SIVOM de Nantua. La station a fonctionné en continu pendant 1 400 heures et injecté 15 tonnes d’oxygène dans les eaux du lac.
(mg/l, mesures effectuées sur échantillons prélevés avant oxygénation.)
Profondeur en mètres
LA RÉOXYGÉNATION D’UN PETIT COURS D’EAU : LE MOURA (Pyrénées-Atlantiques)
Le MOURA est un petit cours d’eau, d’un débit moyen d’environ 150 m³/h, qui reçoit des eaux de ruissellement issues d’une décharge publique. Du fait de leur forte charge en matières organiques, ces eaux sont le siège par temps chaud de la fermentation anaérobie génératrice de fortes concentrations en surface et d’odeurs nauséabondes.
Le MOURA se jette dans un étang dénommé étang de BRINDOS (sur le territoire de la commune de BIARRITZ) et le poste oxygénateur, un BICONE, a été installé sur la berge du cours d’eau, près de son embouchure.
Les eaux prélevées à l’aide d’une pompe immergée débitant 200 m³/h ont été injectées dans ce Bicone, assurant le transfert d’environ 15 mg/l d’oxygène dissous ; les eaux ainsi réoxygénées sont renvoyées dans le cours d’eau, avant la retenue d’eau que constitue l’étang.
Les analyses effectuées durant une période de trois mois ont montré une diminution très importante et très rapide des valeurs des paramètres caractéristiques de la pollution (DCO, DBO).
En amont | 10 m en aval | 250 m en aval | |
Résultats | Injection de l’oxygène | dilution de l’oxygène | Injection de l’oxygène |
DCO | 88 mg/l | 61 mg/l | 55 mg/l |
DBO | 36 mg/l | 18 mg/l | 16,5 mg/l |
NH₄⁺ | 15,5 mg/l | 11,5 mg/l | 10,2 mg/l |
SO₄²⁻ | 216 mg/l | 32 mg/l | 29,3 mg/l |
S²⁻ | 2,7 mg/l | 0 | 0 |
Par ailleurs, la teneur en oxygène dissous de l’eau est maintenue entre 3 et 5 mg/l : de telles valeurs permettent d’envisager une restauration progressive de la vie aquatique autrefois « asphyxiée » par l’anaérobiose.
LA RÉOXYGÉNATION DE LA DEULE À LILLE
La DEULE canalisée, qui traverse LILLE, reçoit les effluents de diverses industries riveraines et connaît de ce fait une surcharge organique importante (DCO = 100 mg/l ; DBO = 20 mg/l). La présence de sulfures (5 à 10 mg/l) ainsi que d’autres substances malodorantes (mercaptans) résultant de l’anaérobie constitue une gêne pour les populations environnantes.
L’Oxynaute « POSEIDONIE C 1000 » a été utilisé récemment durant trois semaines afin d’éliminer les odeurs, et ceci sur une portion du canal longue d’environ 1,5 km. Travaillant au fil de l’eau (en poste fixe) il a permis de traiter journellement environ 55 000 m³ d’eau, pour une quantité d’oxygène transféré de 1 000 kg/jour.
Nous aurons l’occasion de revenir sur les détails de cette opération, réalisée en septembre/octobre 1977 avec le contrôle du Ministère de l’Équipement et du Service des Voies Navigables.
Les résultats ont été concluants, en ce sens que pendant les périodes de fonctionnement de l’Oxynaute, les mauvaises odeurs ont disparu. La couleur de l’eau a également été améliorée d’une façon très nette, l’eau colorée en noir par les sulfures devenant grisâtre après oxygénation.
CONCLUSION
En dehors de ses applications « classiques » à l’épuration des eaux par traitement biologique, l’oxygène pur peut être utilisé pour la régénération des eaux de surface et le maintien de conditions propres à éliminer les nuisances liées à l’anaérobie.
La mise au point de techniques nouvelles permettant d’obtenir des rendements élevés d’utilisation de l’oxygène contribue à élargir ce domaine d’application. Complément à l’épuration proprement dite, ces techniques de régénération contribuent aussi bien à améliorer la qualité des milieux récepteurs qu’à résoudre des problèmes de pollutions accidentelles.
J. P. TORRES – B. JAMONET.