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Qualité des eaux de l'estuaire de l'Oued Oum er Rbia et influence de la dynamique marégraphique

30 novembre 2002 Paru dans le N°256 à la page 59 ( mots)
Rédigé par : Jadal M., El-yachioui M., Bennasser L. et 2 autres personnes

Ce travail s'intéresse à l'étude de la qualité physico-chimique des eaux superficielles de l'estuaire de l'Oued Oum er Rbia (OOR) soumises aux effets des rejets domestiques et industrielles du bassin Oum er Rbia et de la dynamique marégraphique. Plusieurs traceurs ont fait l'objet d'un suivi spatio-temporel au niveau de plusieurs points de prélèvements situés en amont et en aval des installations industrielles (usine agro-alimentaire, et usine du chromage des vitres, tanneries, etc.) et domestiques. Les premiers résultats obtenus témoignent d'une macropollution organique et minérale importante de l'estuaire, qui a modifié l'équilibre hydrochimique de toute la région. Cette situation est rendue encore plus difficile par le jeu des marées, et l'apport des eaux océaniques riches en éléments minéraux et nutritifs. La structure spatio-temporelle mise en évidence par une analyse multivariée (ACPN) rend compte de cette situation avec l'individualisation de deux systèmes : continental et marin.

Le Maroc, de par sa situation géographique privilégiée (3500 km de côtes sur l’Atlantique et la Méditerranée), est appelé à jouer un rôle primordial à l’échelon africain et méditerranéen par la protection et la valorisation de son environnement marin. Ses côtes sont caractérisées entre autres par l’existence de sites côtiers (lagunes, baies, estuaires) présentant un intérêt biologique et écologique à retombées socio-économiques importantes.

Cette richesse halieutique est de plus en plus menacée par différentes sources de pollution qui risquent de diminuer ses potentialités économiques et d’avoir des répercussions néfastes sur la santé de l’Homme. Devant le développement industriel, l’essor démographique et la grande densité des zones urbaines, l’Homme et ses activités contribuent énormément au développement de la pollution des eaux superficielles.

Le milieu aquatique, longtemps considéré comme récepteur principal et milieu purificateur ayant la capacité d’absorber tous les rejets côtiers, s’est avéré inefficace devant l’importance des charges rejetées par les effluents industriels et urbains. De ce fait, il est particulièrement affecté et sa détérioration peut aller jusqu’à mettre en péril la santé humaine. C’est dans ce contexte que nous avons entrepris l’étude de l’écosystème aquatique de l’estuaire de l’Oued Oum Rbia, étude qui fait suite aux travaux antérieurs réalisés par Snoussi (1984) et Kaimoussi (1994). Le choix a été motivé par l’importance socio-économique que représente ce cours d’eau pour la région du Doukkala et par la forte pression que subit celui-ci en matière de pollution. En effet, c’est ce secteur qui a reçu et qui continue à recevoir beaucoup de rejets polluants à cause des nombreuses agglomérations (notamment

Mots clés : Maroc, Oum Er Rbia, zone méditerranéenne, paramètres physico-chimiques, qualité des eaux, eaux superficielles, pollution, marées

Khénifra, Kasba Tadla, Beni Mellal, Azemmour) et unités industrielles (les sucreries de Tadla : SUTA, SUBM et SUNAT, les tanneries de Khénifra et Beni Mellal, les huileries d’Afourar, Boujaâd et Fquih Ben Saleh, une usine agro-alimentaire de mise en boîte de tomate et une usine de chromage) installées sur les rives du bassin de l’Oued Oum Er Rbia et ses affluents. Par ailleurs, l’emploi non raisonné des fertilisants et d’engrais dans cette région très agricole ne fait qu’accentuer la pollution et augmenter le risque de contamination des eaux superficielles et même profondes de cet écosystème.

L’Oued Oum Er Rbia, l’un des grands fleuves du Maroc, est un exemple concret de ce type de problème. Par ses caractères hydromorphologiques assez particuliers, il constitue un cours d’eau d’une importance capitale aussi bien pour l’homme que pour la faune aquatique. Nous tenterons à travers ce travail de décrire l’état de la qualité des eaux de l’estuaire de l’OOR et, par l’analyse en composante principale, la structure spatio-temporelle de l’écosystème soumis à la dynamique marégraphique et les phénomènes qui en découlent.

Milieu et méthodes

Le bassin versant de l’OOR se situe entre les chaînes atlasiques à l’Est et l’océan Atlantique à l’Ouest, à la latitude 33° N, couvrant une superficie de 34 835 km².

Notre zone d’étude est située dans la partie occidentale de ce bassin (entre 11° et 12° W et 36° et 37° N) entre le barrage de Sidi Saïd Maachou et Lalla Aïcha Bahria (ville d’Azemmour).

[Photo : Localisation des stations de prélèvement]

L’Oued Oum Er Rbia prend ses sources à environ 26 km au NE de Khénifra, son origine hydrographique est constituée par une quarantaine de sources vauclusiennes (ONEP).

Le long de son cours, l’OOR traverse des terrains essentiellement calcaires et marno-calcaires. L’estuaire sur lequel porte la présente étude arrive dans la plaine de Doukkala où il dessine une ample courbe en méandres avant d’atteindre l’océan Atlantique.

Parmi les nombreux facteurs climatologiques, la température et les précipitations jouent un rôle primordial dans le régime d’écoulement (Rossillon, 1984).

La zone d’étude appartient à un climat de type méditerranéen ; elle se caractérise par un hiver doux avec des températures minimales de l’ordre de 14 °C et des étés chauds avec des températures maximales de l’ordre de 36 °C. Quant aux précipitations, elles sont irrégulières au cours d’une même année et d’une année à une autre.

[Photo : Variation spatio-temporelle de la température et des précipitations]

En général, on distingue une saison humide entre septembre et mars et une saison sèche qui s’étend entre avril et août. L’année d’étude, comparée à une année normale, reste déficitaire.

Le régime d’écoulement de l’OOR est marqué par une alternance de crues et d’étiages parfois sévères. Malgré cette variabilité, le débit reste influencé par les prélèvements d’eau, notamment pour l’alimentation en eau potable, pour des fins industrielles et agricoles, etc.

Il se caractérise par un débit moyen d’écoulement de l’ordre de 100 m³/s en période d’étiage.

Pour l’évaluation du degré de pollution de ce système aquatique, neuf campagnes de prélèvements ont été effectuées entre septembre 1994 et juillet 1995 au niveau de sept stations réparties sur une distance de l’ordre de 25 km. Les échantillons d’eau ont été prélevés à la surface de l’oued dans des flacons

[Photo : Figure 2a: Évolution des teneurs minimales, moyennes et maximales des différents paramètres physico-chimiques.]

stériles puis fixés sur place où 26 variables dont 5 d’entre elles (température, oxygène, pH, conductivité et salinité) ont été mesurées sur le terrain, tandis que les autres (DBO5, DCO, MES, NH4, NO2, NO3, Cl, SO4, PT, PPO4, Ca, TH, TAC) ont été analysées selon les normes Afnor sur des échantillons d'eau prélevés en surface et transportés à 4 °C.

Résultats et discussion

A) État de la qualité des eaux superficielles :

La qualité moyenne des eaux de l’estuaire de l’OOR se caractérise par une température de l'eau sans différence significative entre les différentes stations (figure 2a). La moyenne qui est de l’ordre de 20 °C reste liée aux conditions locales (climat, durée d’ensoleillement, débit) (Mc Neely, 1980).

La turbidité ou indice de diffusion permettant de caractériser la pureté optique ; les variations spatiales montrent une régression de l’aval vers l’amont (figure 2a) variant de 15 à 4 NTU.

Les matières en suspension et les matières volatiles sèches, qui restent liées en général aux séquences hydrologiques des fleuves (crue et étiage) (Fontvieille, 1987 ; Mehennaoui Afri, 1988) et à la nature de la charge rejetée, montrent un grand écart entre les valeurs minimales (20 et 5 mg/l) et maximales (140 et 105 mg/l) enregistrées (figure 2a). Ceci pourrait être lié aux alternances de crues et de saisons sèches (la forte charge exceptionnellement enregistrée en S3 au mois de février en est témoin).

La variation spatiale quant à elle, montre une évolution marquée par une baisse progressive des apports charriés par le cours principal dans le sens aval-amont par suite de leur décantation. Par contre au niveau de l’aval d’Azemmour on assiste à une augmentation importante des MES et des MVS particulièrement au niveau de l’embouchure. Ceci témoigne à la fois de l’importance des rejets solides déversés dans le milieu récepteur par la ville d’Azemmour et des apports océaniques lors de la marée montante entraînant ainsi la remise en suspension des matériaux solides par un courant du fond violent.

La minéralisation globale (figure 2a et 2b) de l’eau estimée par l’analyse de la conductivité et les autres paramètres tels que : SO4, Ca, DT, Cl… permet de distinguer deux types d’influences :

• Une influence terrestre amont, où la nature géologique salifère et gypsifère qui caractérise principalement les stations amont (S6 et S7) en est l’origine.

• Une influence océanique tout à fait à l’aval où l’importance du flot et de la masse océanique qui pénètre à l'intérieur de l’estuaire, aidée par la faible pente du cours principal, entraîne une augmentation importante des chlorures, des sulfates, du calcium, etc. Cette influence permet de définir un gradient de minéralisation décroissant de l’embouchure (S1) vers l'intérieur, mais qui s'estompe par la présence du barrage collinaire de Sidi Daoui (S5). Les valeurs élevées de la DCO en aval témoignent de cette situation.

Il convient de noter que l’importance des sels contenus dans les eaux usées domestiques et industrielles se trouve masquée par l’ampleur de ces deux influences. Cependant, malgré ces changements dans la balance ionique, le pH (figure 2c) n’enregistre pas de grandes variations qui témoignent de la stabilité de l’équilibre établi entre les différentes formes de l’acide carbonique (Dussart, 1992). Cette situation doit sans doute être attribuée au phénomène tampon du complexe carbonate-bicarbonates à l’échelle du bassin et/ou à la pauvreté de la couverture végétale, occasionnée par la forte turbidité de l’eau, empêchant la pénétration de la lumière. Ces deux types d’influences se manifestent clairement sur l’activité photosynthétique ; d’ailleurs, la raison pour laquelle les teneurs en chlorophylle dans les stations amont S5, S6 et S7 sont élevées (eaux douces) par rapport à celles des stations avales (figure 2c).

Les indices de pollution organique DBO5, DCO et O2 donnent une idée sur la charge organique rejetée. En effet, les profils spatiaux de la DBO et de la DCO (figure 2c) sont inversement proportionnels à celui de l’oxygène dissous ; les valeurs enregistrées dans le secteur étudié montrent une charge faible en matière organique. Les moyennes varient entre 1 et 4 mg/l de DBO5 et entre 30 à 260 mg/l de DCO. Ces valeurs peuvent atteindre respectivement 8 mg/l et 480 mg/l.

ment devraient témoigner d'une grande quantité de matières oxydables se trouvent confrontés à une faible teneur en DBO. Cet état de fait soulève la nécessité de considérer les valeurs relevées de la DCO en absence d’une réelle pollution organique (définie par une DBO faible). L’enrichissement du milieu en chlorures pourrait être à l’origine de cette augmentation importante de matières oxydables à cause de leur interférence avec ces derniers. Cette situation suggère l’absence d’une réelle pollution organique.

Des explications peuvent être avancées à ce propos à savoir :

  • Une auto-épuration rapide, aidée par une température élevée et une bonne turbulence du milieu induisant une bonne oxygénation des eaux par le brassage et par conséquent une réduction de la teneur en DBO ;
  • Un piégeage des particules organiques grossières par les sédiments ;
  • Présence de micro-polluants à forte dose.

Donc les teneurs faibles en DBO, ne traduisent pas une pollution organique intense au niveau de l’estuaire. Les valeurs les plus faibles d’oxygène dissous (figure 2c) sont enregistrées en aval de la ville d’Azemmour où l’apport en matière organique entraîne une baisse importante de l’oxygène dissous suite à son utilisation dans les phénomènes de la biodégradation. Cependant on assiste à une hausse des teneurs en O₂ dans les stations amonts où celle-ci suive la même évolution que celle de la chlorophylle a reflétant une forte activité photosynthétique (figure 2d).

[Photo : Évolution des teneurs minimales, moyennes et maximales des différents paramètres physico-chimiques]

Le même phénomène est observé en période pluvieuse avec une augmentation significative des teneurs d’oxygène dissous grâce au brassage des eaux.

Les formes azotées reflètent le déséquilibre chimique dû à la pollution organique : globalement la cinétique des éléments azotés montre un gradient amont-aval plus marqué au niveau des stations S3 et S4 (figure 2d). La charge organique faible relevée par la DBO, se reflète au niveau des matières azotées. En effet, l’azote total et l’azote organique se situent à une moyenne de l'ordre de 2 mg/l en amont et moins en aval. Cette situation se répercute sur la présence des autres formes de l’azote : les nitrates (moyenne de 2 mg/l) témoignant d'une nitrification active due à la turbulence et à la bonne oxygénation du milieu, les nitrites (moyenne de 1 mg/l) ne traduisant pas un état critique d’une pollution organique et l’ammonium (moyenne de 0,2 mg/l). (Certains auteurs Sigg et al. (1994) suggèrent que cette situation de faible teneur en ammonium pourrait être liée à la présence de substances toxiques inhibitrices (micropolluants) de l’activité bactérienne responsables de l’oxydation de la matière organique.

Cependant, quelques exceptions sont à relever particulièrement la présence d’une charge azotée maximale sous toutes ses formes (max. : ≈ 16 mg/l pour l’azote total) surtout au niveau de S3 et S4. Cette situation est à corréler avec la turbulence notée en période de crue et de lâcher de barrage. Dans les autres stations les apports peuvent être d'origine agricole par lessivage.

Les teneurs en phosphates totals et en orthophosphates (figure 2d) restent constantes dans toutes les stations à l’exception des stations avales soumises aux influences marines où on note un léger enrichissement. Ces valeurs restent cependant faibles au regard de l’ampleur de la pollution dans la région. En absence d’une couverture végétale importante capable d’assimiler cet élément, l'hypothèse de sa précipitation et de son piégeage par le fond reste probable (Schlesinger, 1991).

À travers l’analyse de l’évolution des différents paramètres physico-chimiques de l’eau de l’estuaire de l’OOR, l’état actuel de la qualité des eaux, traduit la présence d’une pollution modérée permanente et localisée à proximité de la ville d’Azemmour avec des variations spatio-temporelles importantes. Au vu de la charge importante produite par l’activité industrielle et urbaine très active, plusieurs questions se posent notamment l’absence d’un impact considérable et appréciable sur l’hydrochimie de ce système hydrique puisque les teneurs relevées dans l’eau ne traduisent pas avec exactitude, l’importance relative des apports de pollution

[Photo : Figure 2c: Evolution des teneurs minimales, moyennes et maximales des différents paramètres physico-chimiques.]

Cette situation pourrait être expliquée par l'intervention de certains phénomènes physico-chimiques comme la précipitation, le piégeage, la décantation et le stockage des polluants au niveau des sédiments, sans négliger le phénomène de bioaccumulation par la faune et la flore.

B) Typologie de la pollution dans l'OOR:

Dans le but de dégager les similitudes et les distorsions qui existent entre les différents paramètres agissant sur cet écosystème aquatique, et afin de repérer ceux déterminants dans sa dynamique à travers une structure spatio-temporelle cohérente, nous avons soumis l'ensemble des données recueillies à une analyse en composantes multivariées adaptée à ce genre de milieu, l’analyse en composantes principales normée (ACPN) qui permet de dégager une synthèse de l'information donnée (Angelier & al., 1978 ; Doledec & Chessel, 1987 ; Escoufier, 1980 ; Bourache & Saporta, 1983).

Cette méthode a été utilisée avec succès dans le moyen Sebou par Fekhaoui (1990), Bennasser (1997) et dans le Bou-Regreg par Ezzouaq (1991).

Les résultats de cette analyse sont représentés dans le tableau 1 et la figure 3.

La décomposition de la variabilité entre les trois axes nous a permis une première approche typologique des différentes variables selon leurs affinités et leurs regroupements (Chessel, 1984) sur les trois premières composantes principales à partir de leur contribution. Celles-ci déterminent 70,2 % de l'information totale à raison d'une inertie de 48,5 %, 13,5 % et 8,2 %.

Répartition de l'inertie entre les trois axes :

Axe Inertie
Axe 1 48,5 %
Axe 2 13,5 %
Axe 3 8,2 %

Ainsi, la projection des coordonnées de ces variables sur les plans des trois premières composantes principales prises deux à deux, illustrée sur les cercles de corrélation (figure 3A), fait apparaître les trois groupes de variables A I, A II et B ainsi que leurs affinités vis-à-vis de chacun de ces axes.

[Photo : Figure 3: Représentation graphique dans le plan IX2 de l'ACP : A : Carte factorielle des variables ; B : Carte factorielle des stations]

composantes principales montre :

L’axe factoriel 1 décrit deux groupements de variables A I et A II.

Cet axe est corrélé positivement avec les variables de minéralisation : il s’agit de Cs (0,96), Na (0,95), Ca (0,90), SO (0,869), S (0,863), DCO (0,859), OX (0,853), Mg (0,81), TH (0,8), K (0,79), MES (0,698), MVS (0,697), qui définissent un gradient de minéralisation et d’enrichissement en sels dissous ; et négativement avec l’O2 (-0,82), le pH (-0,80), la chlorophylle (-0,787) et le TAC (-0,784) qui définissent un gradient de productivité. L'ensemble de ces variables définit un double gradient, de minéralisation dans le sens positif et de productivité dans le sens négatif.

L’axe factoriel 2, quant à lui, est corrélé avec le groupement de variables B liées à la présence des matières organiques, à savoir la DBO (-0,51), l’azote total (0,61), l’azote ammoniacal (-0,62), les orthophosphates (-0,52) et, secondairement, le phosphate total (-0,52) et la turbidité (-0,74).

L'ensemble de ces variables définit un gradient d’enrichissement saisonnier en matières azotées, se caractérisant par une augmentation des teneurs en N3, NTK, T et N4 en été, tout en donnant un caractère ponctuel et local à cette pollution. En effet, l’OOR est soumis aux rejets permanents des différentes unités industrielles. Néanmoins, l’importance des apports latéraux (eaux de ruissellement) semble expliquer cet enrichissement en azote principalement en été. Les stations s'organisent, suivant le gradient de minéralisation, en deux systèmes hydriques différents :

* L'amont, généralement un milieu d’eaux

[Photo : Figure 2d : Évolution des teneurs minimales, moyennes et maximales des différents paramètres physico-chimiques.]
[Photo : Figure 4 : Représentation graphique dans le plan IX2 de la distribution des stations au niveau de l’estuaire en fonction de la marée.]

Tableau I : Décomposition de la variabilité entre les trois premiers axes et code de l'ACP

Répartition de l'inertie entre les trois axes

48,5 %  13,5 %  8,2 %
CodeAXE1AXE2AXE3Variable
T0,3244–0,2451–0,0509Température
Cs0,95630,1699–0,1121Conductivité
S0,86300,2339–0,1091Salinité
S40,89290,2469–0,1181Sulfates
Tu–0,3691–0,74740,0215Turbidité
MES0,6851–0,25300,1125Matières en suspension
MVS0,6977–0,31800,4239Matières volatiles
Th0,80640,1896–0,1187Dureté totale
Ca0,89020,2228–0,1456Calcium
Mg0,81140,25710,1326Magnésium
O₂–0,9825–0,26240,1679Oxygène
DBO₅0,8433–0,5116–0,3684DBO₅
DCO0,8596–0,3010–0,1578DCO
Ox0,85320,1971–0,0078Oxydabilité
Chl–0,8155–0,2307–0,0679Chlorophylle
TA–0,74990,00690,0372pH alcalimétrique
TAC–0,78480,0168–0,0381Titre alcalin complet
Co–0,7676–0,28570,0071Chlorophylle
Na0,95060,1303–0,1207Sodium
K0,79550,1106–0,1123Potassium
N₂0,21990,09420,0111Nitrates
N₃0,8623–0,4471–0,5692Nitrites
NTK0,24310,61770,0540Azote Kjeldahl
M₄0,3881–0,62240,4549Ammonium
P₇0,6689–0,56810,2689Phosphore total
OP0,44790,5253–0,1527Orthophosphates

douces, faiblement minéralisées, très oxygénées à cause de la productivité importante qui se traduit par l'accélération de l’activité photosynthétique et une bonne disponibilité de l'O₂ dissous, ce qui reflète une reprise d'une activité biologique plus importante résultant de l’oxydation de la matière organique.

À l’aval, un milieu à eau saumâtre correspond aux stations situées proches de l’embouchure et soumises à l'influence prépondérante des apports marins. Ce milieu est caractérisé par une minéralisation importante, un taux de productivité faible, ceci à cause de la salinité élevée et de l’impact des matières en suspension qui empêchent la pénétration de la lumière ; d’ailleurs, c’est la raison pour laquelle les teneurs en chlorophylle dans les stations avales S1, S2 et S3 sont très faibles.

Dans cette hypothèse se dégagent les stations S2, S3 et S4 durant les mois de février et mars (figure 3B) ; en effet, lors de ces campagnes, nous avons noté une crue importante qui serait à l’origine d'une remise en suspension de matériaux décantés, particulièrement organiques, avec un enrichissement des eaux superficielles en azote.

Influence de la marée

L'influence de la dynamique de la marée sur le fonctionnement de l’hydrosystème de l’OOR se dégage nettement à travers la figure 4 où sont représentés séparément les relevés effectués à marée haute et ceux effectués à marée basse au niveau des cinq stations avales de l'estuaire.

À marée haute : la remontée des eaux marines entraîne une forte minéralisation au niveau des stations avales (1, 2, 3 et 4) qui se traduit par l'enrichissement des eaux en éléments minéraux, essentiellement en chlorures, avec apparition d'un gradient de minéralisation amont-aval très prononcé. Cette situation pourrait s'aggraver l'été où, généralement, les précipitations sont faibles et les apports en eaux douces amonts très réduits. Ce gradient est moins important en raison des eaux amonts moins chargées, entraînant une dilution nettement observée au niveau de la station 5. La station 1 montre une minéralisation plus importante que celles des stations 2, 3 et 4, à cause de la faible hydrologie fluviatile et de la prédominance des eaux marines.

En hiver, si l'hydrologie le permet, cette dilution s'observe nettement au niveau de la station 5 dont la qualité des eaux se rapproche plus ou moins de celle des stations voisines (S6 et S7).

À l'inverse, lors de la marée basse (figure 4), nous assistons à un changement relativement important en ce qui concerne la qualité hydro-chimique de l'ensemble des stations avales (été comme hiver) excepté la station 5, qui reste sous l'influence des eaux douces : le gradient d’enrichissement en matières organiques, en azote et en phosphate est assez prononcé en marée basse. Les eaux amonts, plus chargées en sels dissous et en éléments nutritifs, entraînent une dilution relative des eaux des stations avales S4, S3, S2 et S1, qui sont plus enrichies en ces éléments. Cependant, la charge polluante totale amont, en se déplaçant vers l’aval, contribue à l'enrichissement en matière organique, en azote et en phosphate des eaux des stations avales. Les stations S1 et S2 restent très minéralisées sous l’influence marine vu leur situation à proximité de l’embouchure.

Conclusion

Les conclusions retenues au terme de ce travail nous ont permis d’établir, dans un premier temps, un constat de la qualité des eaux superficielles de la partie avale de l’Oued Oum er Rbia, par le suivi et l'analyse spatio-temporelle d'un certain nombre de traceurs physico-chimiques. Les valeurs moyennes s’étendent sur un cycle annuel couvrant une longue période de sécheresse et une seule crue qui a eu lieu pendant les mois de février et mars. Le diagnostic a révélé la présence d'une charge organique et minérale importante en aval des points de rejet. Elle donne l'image classique d’une pollution intense, qui traduit l’impact insidieux d’une activité humaine très développée dans la région par le biais des rejets domestiques et industriels. Cependant, cette charge totale n’est pas constante ; elle fluctue dans le temps et dans l'espace.

L'analyse en composante principale a permis de réaliser une synthèse de toutes les données recueillies sur l'ensemble du réseau hydrographique de la partie aval, et décrit la structure par deux principaux gradients. L'ACP a mis en évidence :

• Selon l'axe 1 :

a) un gradient de minéralisation (amont/aval) faisant apparaître l'influence prépondérante des apports marins, principalement lors de la marée haute au niveau des stations avales. La minéralisation des eaux amonts est due exclusivement aux apports continentaux liés essentiellement aux effets naturels du climat et de la nature géologique du substrat (érosion).

b) un gradient d’enrichissement en phosphates

  • Selon l’axe 2 : un gradient d’enrichissement en matières azotées qui semble être corrélé avec l’influence saisonnière et qui se traduit par un accroissement en été.
  • Selon l’axe 3 : un gradient de moindre importance est celui d’enrichissement en matières azotées ; en coordonnées positives on assiste à un enrichissement en azote oxydé et en coordonnées négatives on assiste à un enrichissement en azote réduit. Cette analyse a également mis en évidence la distinction entre deux milieux différents par leurs qualités hydrauliques : le premier à eau douce, formé par le tronçon amont, et le second à eau saumâtre concernant le tronçon aval.

La dynamique marégraphique s’est révélée d’une influence déterminante sur l’évolution de la charge et de la qualité de l’eau au niveau de l’estuaire.

À marée haute, il se produit un enrichissement important de l’eau en éléments minéraux ; néanmoins cette masse d’eau montante peut avoir un effet parfois positif en diluant la charge organique excessive en période estivale.

Il convient de faire remarquer que la charge organique au niveau du tronçon amont n’est pas négligeable ; elle est conditionnée par les variations saisonnières, notamment par le débit puisqu’un accroissement de la charge a été observé en période de crue (février et mars).

La confrontation des deux systèmes (eaux douces et eaux marines) au niveau de l’embouchure crée une barrière physique ou « bouchon », s’opposant à la descente totale des eaux usées qui fait persister cette charge en retardant la récupération du cours d’eau. Le temps nécessaire à la dégradation des polluants n’étant pas suffisant, cela favorise la floculation et la décantation de matériaux solides (Badges et al. 1988, in Schlesinger, 1991). Il en découle aussi un comblement du cours d’eau du fait de la quantité importante d’apports solides charriés par l’OOR, ce qui entraîne des perturbations de l’activité de navigation, un dragage quasi permanent devant être effectué dans l’embouchure. Notre étude fournit un bon exemple d’une pollution intense occasionnée par des conditions hydrochimiques sérieusement influencées par des rejets domestiques et industriels très chargés en polluants organiques et minéraux dans des conditions de climat méditerranéen.

Pour la plupart des paramètres physico-chimiques, les valeurs enregistrées dépassent les normes établies par Nisbet et Verneaux (1970). Par ailleurs, vers l’aval, le jeu de la marée ne fait que détériorer la qualité de ces eaux, une situation déjà compliquée par la présence de substances toxiques qui interfèrent avec l’auto-épuration et la récupération du cours d’eau. Cela constitue un risque majeur de dégradation de ce milieu aquatique vital pour l’équilibre écologique et socio-économique de toute la région du Doukkala. Une réduction importante de cette charge s’avère nécessaire.

Remerciements :

ce travail a été réalisé dans le cadre d’une collaboration entre la Faculté des sciences de Kénitra et l’ONEP.

Références bibliographiques

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