L'eau du robinet est-elle potable ? C'est par cette question très générale qu'au début de l'année 1990, à la suite de l'enquête de « Que Choisir » sur la qualité de l'eau potable en France, un grand nombre de consommateurs ont exprimé leur inquiétude. Celle-ci traduisait, à l'évidence, un besoin d'information, aussi des actions ont-elles été entreprises, à l'échelon national et, notamment, en région parisienne par le Syndicat des Eaux d'Ile-de-France et son régisseur, la Compagnie Générale des Eaux.
Cet article décrit les nouveaux outils développés avec le concours de notre Direction de la Communication et des Relations Extérieures pour informer les consommateurs sur la : serveur Minitel et numéro vert d’appel téléphonique gratuit, et présente les premiers résultats obtenus sur presque une année d’exploitation.
Les enseignements tirés donnent des indications sur les thèmes d’information qu'il convient de prendre en considération pour répondre aux préoccupations actuelles des intéressés.
L’eau potable et le consommateur aujourd'hui
Ces deux dernières années, les nombreux événements survenus dans le domaine de l'environnement et plus particulièrement dans celui de l'eau potable, ont été autant d’éléments d’interrogation pour la population. Les sécheresses subies pendant deux années consécutives ont notamment mis en évidence la fragilité des ressources en eau tant au plan qualitatif que quantitatif et accentué les problèmes de pollution, notamment celles relatives aux pratiques agricoles en matière de pesticides.
Simultanément, au début de l'année 1989, les nouvelles normes françaises pour les eaux destinées à la consommation humaine sont parues. Retranscrivant purement et simplement la directive Européenne de 1980, l'application de la réglementation entraîne certaines difficultés notamment pour une famille de pesticides, les triazines : largement employés en France et en Europe en raison de leur toxicité relativement faible.
Répercuté par les média, l'écho de ces événements exerce un impact important sur la population et suscite l'interrogation. Afin de répondre aux attentes des consommateurs, des outils de communication ont été améliorés et de nouveaux outils ont été mis en place.
Affichage des résultats d’analyse
L'évolution de la réglementation et la complexité des normes, s’appuyant sur 64 paramètres, nécessitent de mettre en œuvre une information accessible au public. Dans cette optique, les Autorités Sanitaires régionales et départementales d'Ile-de-France réfléchissent, en étroite collaboration avec le Syndicat des Eaux d'Ile-de-France et la Compagnie Générale des Eaux, à l'élaboration d’un bulletin d’analyse plus parti-
NITRATES
En France, la norme est de 50 mg/l. À des teneurs inférieures, l’Organisation mondiale de la Santé considère que l’eau peut être consommée par tous sans aucune contre-indication.
Au-delà de 50 mg/l, des précautions doivent être prises pour les nourrissons âgés de moins de 6 mois et les femmes enceintes.
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NITRATES
En ce qui concerne l’eau de ST MAURICE, qui est produite à partir d’eau de la MARNE, la valeur moyenne actuelle en nitrates est proche de 24 mg/l et le maximum enregistré depuis 1988 est de 33 mg/l.
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Notre agence de JOINVILLE-LE-PONT (tél. 48832110) reste à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.
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Particulièrement adapté à l’affichage des résultats en mairie.
La mesure obtenue pour chaque paramètre serait comparée à la valeur réglementaire (limite de qualité ou niveau guide vers lequel elle doit tendre) et assortie de commentaires expliquant la nature du contrôle réalisé ; au-delà de cette information, dont la procédure restera liée aux conditions de fonctionnement des services administratifs et imposera au consommateur une démarche particulière pour en prendre connaissance, des moyens plus dynamiques répondant davantage aux attentes du public ont été développés sous la forme d’un service Minitel et d’un service téléphonique gratuit.
Le serveur Minitel « 3614 code SEDIF »
Le serveur Minitel mis en place par le Syndicat des Eaux d’Île-de-France a été créé en février 1989 pour mettre à la disposition des usagers des informations sur leur alimentation en eau potable. Comprenant diverses rubriques, il permet à l’interlocuteur de s’informer sur la facturation, l’entretien des compteurs, l’origine de l’eau, etc. L’arborescence générale de l’application est représentée sur la figure 1. Une rubrique Qualité d’Eau permettait déjà de connaître les paramètres physico-chimiques simples de l’eau distribuée dans chaque commune.
Rubrique Qualité de l’Eau
En mars 1990, à la suite notamment des réactions des consommateurs dès la parution de l’article de « Que Choisir » sur l’eau potable en France, il a été décidé de développer cette rubrique pour apporter aux utilisateurs une information plus ciblée et plus complète sur des sujets précis. Ainsi, en avril 1990 l’application en service a été complétée par une extension présentant la possibilité de choisir parmi huit thèmes sur la qualité de l’eau (figure 2).
PARAMÈTRES GÉNÉRAUX DE L’EAU DISTRIBUÉE
Origine de l’eau : RIVIÈRE SEINE Valeurs moyennes du 01/07/90 au 30/09/90
NATURE DE LA MESURE | UNITÉ | MESURE | NORMES |
---|---|---|---|
Température | °C | 20 | 25 |
pH | — | 7,6 | 6,5 à 9 |
Conductivité | µS/cm | 416 | — |
Dureté (TH) | °F | 20,9 | — |
Titre alcalimétrique (TA) | °F | 6 | — |
Titre alcalimétrique complet (TAC) | °F | 17,3 | — |
Oxygène dissous | mg/l | — | — |
CO₂ libre | mg/l | 10,4 | — |
*Décret du 30/01/89*
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BILAN DES SELS MINÉRAUX DE SEINE
CATIONS | MESURES (mg/l) | NORMES (mg/l) |
---|---|---|
Calcium | 77,8 | 150 |
Magnésium | 16,6 | 50 |
Sodium | 33,2 | 150 |
Potassium | 2,0 | 12 |
Fer | < 0,03 | 0,2 |
Cuivre | < 0,01 | 1 |
Zinc | < 0,01 | 5 |
Aluminium | < 0,03 | 0,2 |
Manganèse | < 0,01 | 0,05 |
*Décret du 30/01/89* [Bilan des sels minéraux ANIONS] SUITE Retour aux paramètres généraux RETOUR Retour au menu précédent SOMMAIRE
BILAN SELS MINÉRAUX DE L’EAU DISTRIBUÉE
Origine de l’eau : RIVIÈRE SEINE Valeurs moyennes du 01/07/90 au 30/09/90
ANIONS | MESURES (mg/l) | NORMES (mg/l) |
---|---|---|
Carbonates | — | — |
Hydrogéno-carbonates | 21 | — |
Sulfates | 29 | — |
Chlorures | 23,5 | — |
Nitrates | — | — |
Silicates | 84 | — |
Phosphates | — | — |
Fluorures | 0,17 | 1,5 |
*Décret du 30/01/89* [Bilan des sels minéraux CATIONS] Retour aux paramètres généraux Retour au menu précédent
La première rubrique donne des informations sur le chlore, les nitrates, le fluor, l’aluminium, le plomb, le fer ou les haloformes.
Pour chaque paramètre, trois à quatre écrans se succèdent pour expliquer :
- — ce qu’est le paramètre ;
- — la norme en vigueur en eau potable ;
- — la valeur moyenne périodique enregistrée dans l’eau alimentant la commune considérée ;
- — la valeur maximale révélée depuis 1988 ;
- — les coordonnées téléphoniques de l’Agence dont dépend la commune.
Depuis le 15 octobre 1990, il est également possible de demander en fin de consultation une documentation sur le thème choisi.
L’exemple du thème nitrates est donné en figures 3 à 6.
Les valeurs des paramètres physico-chimiques de l’eau distribuée dans la commune considérée, accessibles par la rubrique 4, sont dans cette nouvelle version comparées aux normes fixées par les décrets du 3 janvier 1989 et du 10 avril 1990 (figure 4). Dans le cas d’une double alimentation de la commune (usine de traitement d’eau de surface et forage), les deux caractéristiques d’eau sont données.
Enfin, des informations générales sur les traitements que subit l’eau, les contrôles analytiques effectués et la notion de potabilité face aux normes réglementaires sont communiquées.
Exploitation des données
Le profil du nombre global mensuel de connexions au serveur Minitel 3614 SEDIF enregistrées depuis le début de l’année 1990 est représenté sur la figure 8. On y constate deux périodes d’augmentation des interrogations : en mars, avril et mai 1990 ; en octobre 1990.
Ces accroissements du nombre de connexions correspondent à une augmentation des consultations de la rubrique Qualité de l’Eau.
Depuis le 15 octobre, il est possible de connaître avec précision l’objet exact des demandes concernant la qualité d’eau puisque des marqueurs ont été placés sur chaque thème. Un schéma représentant la répartition en pourcentage des types de demandes en fonction du nombre total d’interrogations de la rubrique qualité d’eau est donné en figure 9.
Ce profil appelle plusieurs commentaires :
- • il met en évidence la réaction immédiate des consommateurs aux événements survenant dans le domaine de l’eau. Ainsi, en mai 1990, les média se sont fait l’écho des problèmes de sécheresse et de nombreux journaux hebdomadaires ont titré sur la crise de l’eau en France (Le Nouvel Observateur du 17 mai, Le Point du 28 mai…), ce qui s’est traduit par une augmentation du nombre d’appels de ce mois-là. De la même manière, mais dans une moindre mesure, le léger pic du mois de novembre reflète l’inquiétude des consommateurs, souvent non concernés, suite à la pollution du Havre du week-end du 1ᵉʳ novembre et aux violents orages de cette période ;
- • la diminution drastique du nombre de communications est également la conséquence des phénomènes de comportement du public : une fois la période de crise passée, la préoccupation n’étant plus à l’ordre du jour, il y a désintéressement du problème.
Mais, bien plus qu’un désintérêt, l’absence totale de publicité sur l’existence du numéro vert depuis sa mise en place est la première des causes de cette chute.
Quant au thème motivant l’appel, pour la plupart, les questions portent sur la potabilité de l’eau, principalement en période de crise où elles peuvent représenter plus de 50 % des appels (figure 11). Paradoxalement, on ne note pas, dans le cadre des questions techniques, d’intérêt particulier pour les problèmes de pesticides.
Ces résultats mettent en évidence la prédominance des questions portant sur la dureté de l’eau, suivies des demandes concernant les caractéristiques physico-chimiques générales de l’eau distribuée. Les usagers du serveur Minitel semblent être majoritairement des personnes à la recherche d’informations utiles et concrètes tels que : plombiers ou bureaux d’études pour disposer des caractéristiques générales de l’eau distribuée, particuliers pour le réglage des machines à laver, etc. On constate toutefois un nombre important d’interrogations concernant les nitrates et la bactériologie, demandes qui résultent vraisemblablement de la sensibilisation du public aux problèmes de pollutions soulevés par les média durant cette période où de nombreux et violents orages sont survenus entraînant des dégradations de la qualité des ressources. Cela démontre l’utilité du Minitel pour répondre aux craintes des consommateurs. En revanche, le thème du chlore n’est que peu sollicité. La notion de qualité de l’eau semble s’éloigner d’une corrélation avec l’absence de saveur désagréable, ce qui encore en 1986 était le cas (1). Il faut souligner également le faible effet de la chloration sur la saveur de l’eau durant les mois d’hiver où la température de l’eau est basse.
Cette première approche indique qu’aujourd’hui encore, la préoccupation majeure des usagers concerne un paramètre de confort : la dureté. Ces interprétations restent bien sûr à examiner avec toutes les précautions utiles, compte tenu du faible échantillon de demandes dont nous disposons ici. Elles pourront être vérifiées par une étude sur un échantillon plus représentatif de demandes.
Le numéro d’appel téléphonique gratuit
Un numéro vert national d’appel téléphonique (numéro vert 05 16 05 16) a été mis en place le 26 février 1990 pour permettre aux consommateurs, alertés sur la qualité de l’eau en France, d’obtenir à tout moment et gratuitement des renseignements et le plus souvent des assurances sur la qualité de l’eau que nous distribuons. Les appels sont reçus par une équipe de professionnels du marketing téléphonique. Chaque interlocuteur dispose d’un argumentaire recensant les principales questions que les usagers peuvent se poser dans le domaine de l’eau et qui le guide dans son dialogue avec le consommateur. Certains appels sont transférés sur des correspondants pouvant apporter toute précision complémentaire aux questions les plus « pointues » sur telle ou telle caractéristique de l’eau distribuée. À l’époque de sa mise en service, qui s’est accompagnée d’une campagne de publicité auprès du grand public, le nombre d’appels journaliers oscillait autour de 400 (suivant le passage de la publicité dans les média). Près de 90 % des interrogations provenaient de la province. Sur l’ensemble des questions, environ 10 % nécessitaient l’intervention d’un ingénieur pour le complément d’information demandé.
Exploitation du nombre d’appels enregistrés depuis le mois d’avril 1990
Dès le mois d’avril 90, une fois la période de crise passée, une brutale décroissance du nombre total d’appels est constatée. Cette diminution s’observe de mois en mois, excepté au mois de mai durant lequel les demandes ont été nombreuses, puisque de 400 appels environ par jour durant la crise, au début du mois de mars, il subsiste 100 à 200 appels depuis le mois de juillet.
Parmi l'ensemble des appels, ceux ayant nécessité l'intervention d'un correspondant à la Compagnie Générale des Eaux pour complément d'information sont représentés sur la figure 11.
Conclusion
Les enseignements obtenus pendant cette période de fonctionnement des deux services d'information mis à la disposition des usagers en région Île-de-France (Minitel et numéro vert) montrent la complémentarité avec laquelle ils répondront à l'attente des consommateurs. Le serveur Minitel fournit au consommateur à la recherche d’éléments rationnels des critères objectifs quant à l'eau qui lui est distribuée et non pas une simple indication de la potabilité. L'interrogation de la rubrique, assez importante en temps normal (environ 150 demandes de renseignements par mois), est doublée en période de crise, ce qui reflète son utilité dans un rôle d'information en période de crise.
Le numéro vert, au contraire, répond aux demandes sujettes à des phénomènes d'ordre affectif et de panique. En effet, le recours à son utilisation n’est que faiblement employé en période normale, puisque un niveau moyen de 100 à 200 appels par mois (dont 50 % environ en région parisienne) est enregistré ; en revanche, et ceci vraisemblablement en raison de sa grande souplesse d'utilisation, il peut en un laps de temps très court (quelques heures) voir son utilisation considérablement augmentée en période de crise.
En conclusion, des thèmes d'information aux consommateurs peuvent être dégagés en première approche de l'exploitation des types de renseignements demandés par le Minitel. Ainsi, ceux concernant la dureté, les nitrates et la bactériologie pourront donc être très utilement l'objet de diffusion d’informations (nature, teneurs, avantages et inconvénients de leur présence, risques pour la santé, conseils utiles, informations pratiques, etc.). Les modalités sont à définir (feuillets de documentation, journées d’information...). Il faut souligner que malgré la médiatisation faite autour des problèmes de pollution par les nitrates et de la qualité bactériologique de l’eau, la dureté reste la préoccupation principale des consommateurs.
Il convient toutefois de prendre en compte dans cette analyse l’absence de publicité auprès du grand public, ce qui pénalise l’utilisation de ces nouveaux moyens d’information. Dans l’hypothèse d’une action publicitaire constante, une augmentation de l'utilisation de ces moyens serait observée. Compte tenu de la plus grande facilité d’emploi du téléphone, face au Minitel, qui n’équipe pas encore l’ensemble des foyers, il serait vraisemblablement fait davantage appel à ce moyen d’information.
Bibliographie
1 — Chedal (J.). Le jugement du consommateur sur l'eau. Travaux Communaux, n° 287, mai-juin 1987, p. 119-136.