D?ici la fin de l'année, les décrets d'application relatifs à la transposition de la directive européenne sur l'eau seront publiés. Le consommateur voit sa protection renforcée puisque la qualité de l'eau de consommation sera mesurée au robinet. La panoplie de procédés existants permet de répondre à quasiment toutes les situations. La vraie réponse n?est pas la fuite en avant technologique, mais bien la protection de la ressource qui devient un impératif.
D’ici la fin de l'année, les décrets d’application relatifs à la transposition de la directive européenne sur l'eau seront publiés. Le consommateur voit sa protection renforcée puisque la qualité de l’eau de consommation sera mesurée au robinet. La panoplie de procédés existants permet de répondre à quasiment toutes les situations. La vraie réponse n’est pas la fuite en avant technologique, mais bien la protection de la ressource qui devient un impératif.
Dossier réalisé par , Technoscope
Le passage du 20ᵉ au 21ᵉ siècle constitue une charnière dans le traitement et la distribution de l'eau de consommation. L’arrivée de la directive européenne et sa transposition en droit français, la réelle industrialisation des procédés membranaires, la connaissance fine des différents polluants et microorganismes, de leur évolution et des procédés pour les éliminer... tout cela crée un contexte qui améliore la qualité sanitaire de l'eau distribuée. Les consommateurs d’eau devraient être rassurés. Et pourtant on voit les craintes augmenter, tout comme la consommation d’eau en bouteille, dont personne ne vérifie la qualité une fois le bouchon retiré. Le client hésite à consommer l’eau du robinet, pourtant bien plus surveillée que tous les aliments. Le client-consommateur a du mal à s'y retrouver au milieu des incidents ou accidents très médiatisés qu'il retient confusément dans sa mémoire : pollutions des rivières, des nappes, des réseaux d’immeubles se mélangent à la qualité de l'eau du robinet ; sans parler de la fixation faite sur les nitrates, dont on oublie que le chiffre
La condamnation de l’État au printemps 2001, certes pour une situation remontant à 1995, sera sans doute le déclic pour une réelle mise en œuvre de la directive de 1991 relative aux nitrates.
Retenu, 50 mg/l, l’a été essentiellement pour le risque de méthémoglobinémie aiguë qui ne concerne qu'une frange très minime de la population.
Les prochains décrets vont-ils clarifier les choses pour le public ? Pas sûr : à force de pousser les limites normatives au niveau des performances analytiques les plus avancées, ou en fonction des populations les plus fragiles, le public risque de devenir “jusqu’au-boutiste” dans ses exigences de “pureté” de l’eau. On pourra alors se demander s'il faut continuer à vouloir distribuer par canalisations une eau de consommation adaptée aux personnes les plus sensibles (faible pourcentage de la population) alors que son usage réel est à 80 % hors consommation. Nous n’en sommes pas tout à fait là, et tant les procédés, que la distribution et les méthodes d'analyses continuent de progresser pour améliorer la qualité.
La condamnation de l’État au printemps 2001, certes pour une situation remontant à 1995 comme le souligne le ministère de l’Environnement, sera sans doute le déclic pour une réelle mise en œuvre de la directive de 1991 relative aux nitrates, mais surtout pour un changement profond des comportements et pratiques agricoles.
Les choses bougent comme l’explique Nils Fauchon du Département Protection des Ressources en Eau à la Générale des Eaux :
Dioxyde de chlore pour petits réseaux
Le dioxyde de chlore est un produit intéressant : environ 100 millions de personnes en Europe bénéficient de ce traitement. En raison de sa production délicate à partir de chlore gazeux ou d’acide chlorhydrique concentré seules les grosses installations l’utilisent.
La société Thetys Environnement (Charvieu 38), dirigée par Charles Dubost, a développé avec le concours de l’Anvar et d’EdF une gamme de générateurs de dioxyde de chlore pour une production maximale de 100 g/h convenant à une production d’eau de l'ordre de 500 m³/h, soit 20 000 habitants. L'appareil Securox électrolyse du chlorite de sodium pour produire le gaz avec un rendement approchant 100 %. Investissement et consommables compris, le traitement revient de 10 à 15 cF/m³ (0,02 €). Thétys Environnement revendique une dizaine d'installations depuis sa création en février 2000.
Le premier à s'être équipé est le Syndicat des eaux des Abrets en Isère qui dessert environ 10 000 habitants. Sur son captage de Veyrins Thuellin (3 000 habitants desservis), les abonnés se plaignaient de goûts chlorés. Le traitement s’effectuait dans l'eau des puits par du chlore gazeux (4 forages, deux seulement utilisés en simultané pour un débit maximal d'environ 200 m³/h) ; vu la longueur du réseau d'environ 15 km, le dosage était assez élevé au départ. Depuis début juin un appareil Securox, asservi au débit des pompes en service, assure la protection de l'eau dans le réseau. Les habitants devraient rapidement constater le changement.
« Depuis 1996 nous avons mis en place avec les partenaires agricoles, les différents producteurs d'eau, l’Agence de l'Eau Seine Normandie et le Conseil Général de Seine et Marne l’opération “les Morin à la Marne” (1 200 agriculteurs concernés) labellisée Ferti-Mieux en 2000, avec un suivi analytique sur une zone d’environ 2 000 km². Au niveau des nitrates on constate en moyenne des taux de 15 à 30 mg/l, dans les grands cours d'eau comme la Marne, et il existe des captages d'eau souterraine où l’on dépasse les 50 mg/l. Pour les dix à quinze ans à venir, les concentrations vont monter en moyenne et la fréquence des pics de concentration va croître. Sur la Marne on constate dans certaines zones un accroissement annuel de 0,3 à 0,5 mg/l. Il est donc temps d'agir sérieusement sur les pratiques agricoles. Après ces quatre années, 2001 est une année de réflexion avant la poursuite des actions ».
Le récent inventaire de l'IFEN (voir EIN n° 243) sur les pesticides montre que l’ensemble des cours d'eau (à 6 % près) est touché par cette pollution et que la ressource souterraine l’est également de manière importante : à 75 % au niveau du quart nord-est de la France (les trois bassins nord), seule zone analysée pour l'instant. Toujours
Sur la zone Morin-Marne, N. Fauchon explique : « Au niveau des pesticides la situation est grave sur le pourtour parisien et le problème est complexe car il faut tenir compte des pesticides et de leurs produits de dégradation. Des actions sont menées depuis deux ans par le Sedif pour une durée de quatre ans et un investissement de 3,55 MF intégrant une contribution des organismes agricoles, de l’Agence de l’eau et du Conseil régional d’Île-de-France. Dans ce cas il y a un réel effort d’éducation à faire au niveau des bonnes pratiques agricoles. Il faut faire comprendre aux agriculteurs que les fonds de cuves rejetés sur les chemins représentent une source grave de pollution : la moindre petite pluie lessive ce genre d’épandage concentré (dizaine de g/l) et peut entraîner un pic de pollution (analysé en ng) dans les cours d’eau. De même, des incitations de modernisation des bâtiments d’exploitation où sont préparés les produits sont menées en relation avec des actions de prévention du travail (assurances agricoles comme Groupama). »
Certes les moyens existent pour traiter le problème des pesticides (charbons, membranes), « mais la sophistication du traitement des eaux n’est qu’un pis-aller » affirme Michel Rapinat, directeur à la Générale des Eaux et président de la commission distribution des eaux à l’AGHTM. « Ce qu’il faut, c’est faire de la prévention, éviter les rejets de polluants pour avoir une ressource en eau meilleure. Au dernier congrès de l’AGHTM à Vannes, plusieurs exposés ont montré que beaucoup d’actions sont menées et que l’on sort de l’opposition frontale ; les pesticides sont indispensables encore faut-il les manipuler correctement et considérer tous les secteurs, agriculture mais aussi transports (voies ferrées et routes) et jardiniers amateurs. La coopération entre tous les acteurs est essentielle pour diminuer les quantités. » Jacques Moles, responsable des techniques chez Ondeo Degrémont, exprime le même sentiment : « À une époque, tout le monde disait que l’on saurait résoudre tous les problèmes. Aujourd’hui, alors que l’on sait traiter la majorité des problèmes, on sait que la solution n’est pas dans le toujours plus de traitement, mais qu’il faut absolument protéger la ressource. »
Les traiteurs d’eau doivent faire face à la dégradation de la ressource et à une exigence de service continue. Ce qui est dur à tenir dans certaines régions où les épisodes pluvieux importants entraînent des hausses rapides de la turbidité et des polluants par lessivage des sols. Les procédés comme les filtres à sable ou bicouche ont dans ces cas-là des temps de réponse trop lents. Il est donc tentant de passer à des procédés capables d’absorber ces à-coups sans que la qualité s’en ressente et en éliminant de manière sûre les pesticides. Les procédés membranaires comme le Cristal d’Ondeo Degrémont, le Carboflux de Saur remportent de plus en plus de succès (Rouen La Jatte, Angers L’Île au Bourg…).
La directive vise aussi les THM (trihalométhanes) et les bromates qui se forment au sein du procédé. Il est donc plus judicieux d’éviter leur formation pour ne pas avoir à les retirer. Les mécanismes de formation sont élucidés aujourd’hui et tout le monde s’accorde pour dire qu’il faut éliminer le maximum de matières en suspension et matières carbonées avant de faire agir les oxydants, chlore et ozone : la consommation est moindre et l’on évite les sous-produits. Les temps de contact de l’ozone sont optimisés (maîtrise du produit concentration-temps) pour détruire les pollutions biologiques (giardia, cryptosporidium).
La complexité du traitement d’eau conduit inéluctablement à la modélisation des procédés, comme l’a développé Ondeo Services Centre Technique et de Recherche, Paris (ex-Cirsee), avec son concept d’usine virtuelle.
Savoir mesurer
« Nous avons anticipé depuis quelques années les besoins analytiques amenés par la nouvelle directive » déclare Jean-Luc Guinaud, directeur du laboratoire central de Vendét Water. Le laboratoire de St Maurice réalise environ 250 000 analyses par an pour les différentes usines du groupe en France et son unité de recherches, dirigée par Marie-Renée de Roubik, développe des méthodes de maintien pour l’eau de consommation mais de plus en plus pour les eaux industrielles et même sur les solides (boues, sols) et l’air. En coopération avec la direction technique de Vendét Water, le laboratoire s’est fait accréditer par le biais de l’organisation d’essais interlaboratoires au sein de Vendál. Il s’agit de s’assurer que tous les laboratoires obtiennent un même résultat lorsqu’ils font les mêmes analyses. Le laboratoire travaille sur les pesticides et leurs nombreux produits de dégradation et les nouvelles espèces (acrylamide, chlorure de vinyle, épichlorhydrine…), à quantifier suite à la réglementation européenne. Sur les chlorites, l’électrophorèse capillaire remplace la chromatographie ionique pour des raisons de rapidité et de coûts. En analyse élémentaire, le laboratoire va au-delà d’une mesure globale. Des méthodes de spéciation de l’arsenic (détermination de l’état d’oxydation et des combinaisons organiques) et du chrome ont été développées.
Un gros effort est aussi réalisé sur les analyses biologiques. Le laboratoire dispose d’un appareil de PCR quantitative (7700 Sequence Detector d’Applied Biosystem) pour réaliser rapidement et quantitativement la détection de microbes pathogènes dans un échantillon où certains du même groupe ne le sont pas. Des travaux sont en cours sur cryptosporidium et son espèce pathogène humaine, cryptosporidium parvum. Un des objectifs est de pouvoir associer la technique de PCR quantitative à celle qui consiste à infecter des cellules d’intestin par des cryptosporidium par le biais d’une mise en culture. Cette mesure du caractère infectieux est indispensable pour évaluer l’efficacité des systèmes de traitement d’eau. Le laboratoire travaille aussi à l’automatisation de la détection des microorganismes grâce à un cytomètre à balayage Chemscan. Une nécessité pour obtenir rapidement certains résultats d’analyses et garantir une bonne qualité d’eau aux consommateurs.
Méry-sur-Oise un an après
Interview de Michel Mercier
Directeur Général des services techniques du Sedif
EIN : Après un an de fonctionnement, vos objectifs sont-ils atteints ?
M. Mercier : Nos objectifs de fonctionnement étaient de 80 % d'eau nanofiltrée et 20 % d'eau issue de la filière biologique classique. En fait, nous sommes un peu en deçà, à 65 % d’eau nanofiltrée, mais nous avons atteint les 70 %. Méry-sur-Oise reste une usine expérimentale et nous avons encore des essais à faire, des vérifications.
EIN : Avez-vous eu de bonnes ou de moins bonnes surprises ?
M. Mercier : La bonne nouvelle est que le surcoût de traitement est inférieur à ce que nous pensions. Il était estimé à 0,85 F/m³ et nous sommes environ 10 centimes en dessous. Il y a moins de lavages que prévu et la production à pression donnée est un peu supérieure à ce que nous attendions. Il n'y a pas de problème avec les membranes, ni avec les étapes de préfiltration. De plus, l'expérience acquise sur Méry nous permet d’améliorer le prétraitement sur les usines de Neuilly et Choisy : une acidification en tête de filière améliore la clarification.
EIN : Avez-vous fait une enquête de satisfaction ?
M. Mercier : Non, dans la mesure où nous avions l’expérience avec Auvers/Oise. Nous avons constaté les mêmes phénomènes. Après quelques mois il y a eu une dizaine d’appels (sur 800 000 personnes desservies) suite à la désagrégation du biofilm dans le réseau, ce qui a pu donner parfois un goût. Mais cela est maintenant stabilisé. Le bilan est donc très positif. La qualité de l'eau desservie va bien au-delà des exigences de la nouvelle directive.
De la conception d’une usine nouvelle. Une trentaine de cas ont déjà été traités dans le monde. La simulation est particulièrement intéressante en réhabilitation par l’économie de temps qu'elle apporte dans le choix d'une stratégie de réhabilitation, le choix d'un traitement et de ses paramètres ; elle évite des phases d’essais pilotes toujours longues et coûteuses. Elle apporte aussi des économies en fonctionnement (efficacité) et une plus grande fiabilité pour l’exploitation (exploration de différents régimes de fonctionnement et de situations critiques). Cet outil informatique reste encore aux mains des experts mais il a généré d’autres outils dédiés à des centres opérationnels, en service dans quelques usines aujourd'hui. À moyen terme d'autres centres pourraient être équipés. « La simulation, par sa capacité de visualisation est un puissant outil de compréhension des phénomènes et de communication avec les exploitants et les clients », affirme Z. Do Quang.
Un point sur lequel les traiteurs d’eau sont devenus très vigilants est la qualité des matières premières utilisées dans les traitements comme l'explique Jean-Luc Guinamant, directeur du laboratoire central de Vivendi Water. « Les bromates proviennent de l’oxydation du bromure, mais ils peuvent être aussi apportés par l’hypochlorite utilisé selon sa provenance. Nous avons donc mis sur pied toute une procédure d’analyse des produits utilisés dans le groupe Vivendi (floculants, neutralisants...) et nous sommes d’ailleurs le seul laboratoire accrédité Cofrac sur ce type d’analyses. Actuellement le laboratoire travaille à établir une procédure similaire sur les charbons actifs. Nous collaborons avec les laboratoires de nos fournisseurs sur ces problèmes. »
La nouvelle législation concerne la qualité au point de consommation et non en sortie d'usine, ce qui change tout : il faudra faire plus d’analyses, et surtout, en cas de litige, démontrer d’où vient le dysfonctionnement. La collaboration entre réseaux intérieur et extérieur devient une obligation, particulièrement dans le cas de gros ensembles immobiliers et collectifs. Les réseaux sont parfois très longs et autorisent donc de très longs temps de contact, laissant le temps aux espèces chimiques et biologiques de se rencontrer. « Comment garantir des valeurs de paramètres dans ces conditions ?, déclare Jacques Moles ; il faut contrôler de nouveaux paramètres de stabilité comme la matière organique dissoute, l'agressivité de l'eau, l'équilibre calcocarbonique. » Faudra-t-il reminéraliser dans certains cas, réduire la dureté dans d'autres ? Là encore, la simulation informatique des réseaux aide les exploitants. Plusieurs logiciels sont en service pour calculer les temps de séjour dans les canalisations, estimer l’évolution du chlore et d’autres paramètres y compris biologiques, simuler des dépôts, anticiper l’impact d’un nettoyage, etc.
Une chose est sûre, régler le problème du plomb coûtera cher. Le traitement de l'eau à l’orthophosphate, dans l'usine, semble acquis sur Paris pour une période transitoire. Cet ajout à des doses de l'ordre de 0,5 mg/L réduit fortement la dissolution du plomb des canalisations. Il a au moins l’avantage d’être actif jusqu’au robinet et de ne pas coûter cher. Un autre moyen, testé actuellement par Vivendi Water, est le robinet anti-plomb développé en collaboration avec deux laboratoires de Nancy et Culligan. « Un moyen transitoire avant un changement de canalisation », déclare Alain Boireau. Les essais seront terminés à l’automne pour un début de commercialisation début 2002.