L?emploi intensif d'engrais et de produits phytosanitaires depuis plus d'un demi-siècle a contribué à améliorer la productivité de l'agriculture européenne mais s'est accompagné de la dégradation des ressources en eau, notamment celles destinées à la production d'eau potable. Afin de renforcer la lutte contre les pollutions diffuses, la France s'est dotée d'un nouveau dispositif de protection des ressources en eau permettant la création de zones de protection des Aires d'Alimentation de Captage (AAC) d'eau potable, sur lesquelles doivent être mis en oeuvre des programmes d'action vis-à-vis des pollutions diffuses, notamment celles d'origine agricole. Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, 507 captages prioritaires ont été identifiés sur le territoire national sur lesquels le nouveau dispositif devra être mobilisé en priorité.
Les pollutions diffuses affectant la qualité des eaux sont principalement dues à l’usage de produits phytosanitaires et de fertilisants azotés.
État des lieux
L’activité qui contribue le plus à la contamination des eaux est de loin l’agriculture puisque les activités agricoles représentent la vaste majorité des nitrates et des produits phytosanitaires utilisés en France. La situation est d’autant plus préoccupante qu’un grand nombre de captages d’eau potable se situe en zone rurale, souvent au sein de territoires faisant l'objet de fortes pressions agricoles. D’après les statistiques du Service de l’observation et des statistiques de l’environnement (SOeS), la qualité en nitrates des eaux brutes superficielles s’est dégradée de façon constante entre le début des années 1970 et la fin des années 1990 et tend à se stabiliser depuis. Aujourd’hui, la France apparaît coupée en deux, comme l’illustre la figure 1, avec une qualité plutôt médiocre (malgré une évolution en baisse) pour les cours d’eau sur le quart nord-ouest, et une qualité plutôt bonne (malgré une évolution en hausse) sur le reste du territoire excepté pour les régions de culture intensive du Sud-Ouest. Pour les eaux souterraines, toujours selon le SOeS, on observe le même découpage géographique que les cours d’eau : les eaux souterraines du quart nord-ouest de la
Évolution des nitrates sur la période 1998-2007
France montrent des teneurs en nitrates plus élevées et ont connu entre 1992 et 2001 une augmentation de plus de 5 mg/l en moyenne de leur teneur en nitrates. En 2006, 10 % des points du réseau de connaissance générale se situaient au-dessus des 50 mg/l. Pour mémoire, le fond géochimique des eaux souterraines pour le nitrate est estimé entre 5 et 25 mg/l, une valeur moyenne de 10 mg/l étant généralement admise comme témoignant de l'absence de fertilisation. En ce qui concerne les pesticides, 25 % des points du réseau de connaissance générale sont classés en qualité mauvaise ou médiocre (cf. figure 2). La concentration en produits phytosanitaires en l’absence d’activité anthropique est évidemment nulle puisque les pesticides sont des produits de synthèse.
Quelques repères historiques
La préoccupation pour la protection des ressources en eau vis-à-vis des pollutions diffuses n’est pas récente à la fois en France et en Europe, comme l'illustre le tableau 1. Depuis le début des années 90 et notamment avec l'adoption par l'Union européenne de la Directive « Nitrates » en 1991, un certain nombre d'initiatives sur le plan local et national ont été menées pour protéger les ressources en eau avec plus ou moins de succès. Quelques exemples, parmi les opérations passées de lutte contre les pollutions diffuses les plus connues en France, sont présentés dans l’encadré 1. Malgré ces efforts, la France aura beaucoup de difficultés à se mettre en conformité avec les objectifs de la DCE puisque le premier état des lieux réalisé en 2004 indique que 50 à 75 % des masses d’eau superficielles et souterraines sont gravement dégradées, et que, dans l'hypothèse la plus optimiste, moins de 50 % des masses d'eau pourront atteindre le bon état écologique d'ici 2015. Selon le SOeS, l’évolution des nitrates doit impérativement être maîtrisée car ils sont responsables de plus du tiers des déclassements des masses d’eau en Loire-Bretagne et Adour-Garonne. Les Français sont d’ailleurs bien conscients des enjeux liés à l'usage intensif d’intrants puisque, selon la consultation nationale sur l'eau de 2008, les pollutions agricoles constituent leur préoccupation principale dans le domaine de l’eau (54 % contre 47 % pour les pollutions industrielles et 19 % pour les pollutions urbaines).
Le nouveau dispositif de protection des Aires d’alimentation de captages (AAC)
Afin d’apporter un nouvel élan à la lutte contre les pollutions diffuses dans les eaux et notamment celles utilisées pour l’ali-
Tableau 1 : Historique de la lutte contre les pollutions diffuses d'origine agricole
1975 | Adoption d'une directive européenne qui limite le taux de nitrates à 50 mg/l dans les eaux de surface destinées à la production d'eau potable |
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1984 | Création du Comité d’orientation pour des pratiques respectueuses de l’environnement (CORPEN) |
1991 | Adoption de la Directive « nitrates » |
Lancement des opérations Ferti-Mieux | |
Adoption de la Directive « produits phytosanitaires » (homologation et mise sur le marché) | |
1992 | Réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) : introduction des mesures agro-environnementales |
Programme de maîtrise des pollutions agricoles (PMPOA). Ce programme accorde des aides financières aux éleveurs pour financer des ouvrages de stockage, l'imperméabilisation d'aires bétonnées, la séparation des eaux pluviales et des eaux souillées. | |
Définition du code des bonnes pratiques agricoles dans le cadre de la Directive « Nitrates » | |
Création de l'association interprofessionnelle « Forum de l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement » (FARE) | |
1995 | « Bretagne Eau Pure » Ce programme multipartenarial de reconquête de la qualité de l'eau spécifique à la Bretagne visait à l'origine à lutter contre la pollution par les nitrates. Ses objectifs ont été élargis à d'autres types de pollutions (notamment phytosanitaires) et à l’ensemble des acteurs agricoles ou non agricoles. |
1997 | Définition des zones vulnérables dans le cadre de la Directive « Nitrates » |
1999 | Réforme de la PAC et création du second pilier qui concerne le développement rural |
Mise en place des Contrats territoriaux d’exploitation (CTE) | |
Mise en place du plan national phytosanitaire qui préconise la délimitation de bassins versants prioritaires où des actions visant à réduire les pollutions d'origine phytosanitaire doivent être conduites. | |
2000 | Lancement des opérations PhytoMieux, analogues aux opérations Ferti-Mieux. |
Mise en place de la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour les produits phytosanitaires | |
Mise en place des Contrats d’agriculture durable (CAD) en remplacement des CTE | |
2002 | PMPOA 2 |
Initiation de la démarche Re-Sources | |
2003 | Réforme de la politique agricole commune avec l’accord de Luxembourg : introduction de la conditionnalité environnementale |
Fin des opérations Ferti-Mieux et début des opérations AgriMieux | |
2006 | Création du Plan végétal environnement (PVE) |
Adoption de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) et de son article 21 concernant les Aires d’Alimentation des Captages (AAC) | |
2008 | Grenelle de l’environnement : le dispositif de protection des alimentations d’aire de captage doit être mobilisé en priorité pour les 507 captages prioritaires menacés par des pollutions diffuses d'origine agricole |
Lancement d’Ecophyto 2018 |
En matière d’alimentation en eau potable, la France s’est récemment dotée d’un nouveau dispositif réglementaire de protection des ressources en eau à travers l’article 21 de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 novembre 2006 (LEMA) (codifié par l’article L.211-3, II-5° du code de l’environnement) et le décret d’application du 14 mai 2007 concernant les Zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE) (codifié dans le code rural par les articles R.114-1 à R.114-10). Ce nouveau dispositif permet la délimitation de zones de protection des Aires d’alimentation de captage (AAC) d’eau potable, sur lesquelles seront mis en œuvre des programmes d’action vis-à-vis des pollutions diffuses, notamment celles d’origine agricole. Ce dispositif répond aussi à certaines exigences de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) qui fixe comme objectif l’atteinte du bon état des masses d’eau à l’horizon 2015. La démarche de protection des captages telle qu’elle est détaillée dans la circulaire du 30 mai 2008 s’articule en trois phases :
- • Phase 1 : étude et délimitation de l’AAC, zonage de la vulnérabilité,
- • Phase 2 : diagnostic territorial des pressions,
- • Phase 3 : définition et mise en œuvre du programme d’action.
La mise en œuvre de la démarche de protection des AAC selon le dispositif ZSCE nécessite en premier lieu l’identification d’un maître d’ouvrage, généralement une collectivité territoriale, un groupement de collectivités ou syndicat mixte, chargé du bon déroulement des différentes phases. Le maître d’ouvrage peut ensuite faire appel à des prestataires externes pour réaliser certains aspects de la démarche (études, animation et suivi du programme d’action). Un Comité de pilotage est généralement formé pour assurer le suivi du projet.
Des études pour mieux cibler la zone d’action
Un des principaux apports du nouveau dispositif réglementaire de protection des AAC est de distinguer la zone porteuse d’un enjeu environnemental et la zone de protection sur laquelle le programme d’action doit être appliqué. Cette distinction implique la réalisation de deux phases d’études distinctes :
- 1. Délimitation de l’AAC (c’est-à-dire les surfaces sur lesquelles l’eau qui s’infiltre ou ruisselle participe à l’alimentation du champ captant) et zonage de la vulnérabilité intrinsèque de l’AAC (voir exemple figure 3). Un guide méthodologique applicable aux bassins d’alimentation des captages d’eau souterraine a été publié par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM).
Tableau 2 : Les différentes mesures composant le programme d’action du 14 mai 2007 pour les AAC
Les différentes catégories de mesures du décret | Exemples concrets de ces mesures |
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Couverture végétale du sol, permanente ou temporaire | • Remise à l'herbe de parcelles• Enherbement des interrangs• Mise en place de cultures intermédiaires piège à nitrates (CIPAN) |
Travail du sol, gestion des résidus de culture, apports de matière organique favorisant l'infiltration de l'eau et limitant le ruissellement | • Achat d’une désherbineuse grâce à la mobilisation du Plan végétal environnement (PVE) pour diminuer l'usage de produits phytosanitaires grâce à un désherbage en partie mécanique• Analyse des résidus de culture• Réalisation de plans de fumure |
Gestion des intrants, notamment des fertilisants, des produits phytosanitaires et de l'eau d’irrigation | • Substitution moléculaire• Réduction et fractionnement des doses• Mesures agroenvironnementales territorialisées (MAET) FERTI et PHYTO |
Diversification des cultures par assolement et rotations culturales | • Mesure agroenvironnementale (MAE) « rotationnelle » qui augmente le temps de retour d'une même culture et diversifie les assolements |
Maintien ou création de haies, talus, murets, fossés d'infiltration et aménagements ralentissant ou déviant l’écoulement des eaux | • Mise en place de bandes enherbées |
et Minières (BRGM) afin de fournir une trame méthodologique commune pour cette phase de la démarche.
2. Diagnostic territorial des pressions, notamment des pressions agricoles.
Ce diagnostic caractérise à l’échelle du territoire les pratiques et permet d’identifier et de spatialiser les pratiques à risques au regard des enjeux environnementaux.
C'est la confrontation des caractéristiques physiques de l'AAC, notamment en termes de vulnérabilité, et des pressions dues aux activités humaines à l'issue des phases 1 et 2 qui permet de définir la zone stratégique sur laquelle la protection doit être localisée en particulier. Les zones à forte vulnérabilité et subissant des pressions fortes représentent en effet des zones d'action particulièrement pertinentes pour mettre en œuvre des mesures de protection. La compilation des résultats des deux phases d'études permet donc de cibler les zones d'action où la mise en œuvre de mesures de protection des ressources en eau sera la plus efficace et ainsi de concentrer les moyens financiers sur les zones particulièrement sensibles. Cette spécificité du nouveau dispositif devrait ainsi contribuer fortement à améliorer l’efficacité des actions de protection des ressources en eau.
Au cœur du dispositif : le programme d'action
Le programme d'action qui découle des études reste le cœur du dispositif de protection des ressources en eau. Chaque plan d'action se définit par la combinaison de mesures spécifiques à la problématique de l’AAC concernée et se fait en cohérence avec les dispositions du Schéma directeur d’aménagement et de gestion de l’eau (SDAGE). L'article R.114-6 du code rural, créé par le décret du 14 mai 2007, explicite les différentes mesures que les propriétaires fonciers et les exploitants agricoles peuvent adopter (cf. tableau 2).
Les mesures disponibles pour rendre opérationnel le programme d'action doivent s'inscrire autant que possible dans le cadre du Plan de développement rural hexagonal (PDRH). Le PDRH émane du second pilier de la Politique agricole commune (PAC), qui vise à promouvoir la multifonctionnalité de l'agriculture et le développement des territoires ruraux. Le plan végétal environnement (PVE), les mesures agro-environnementales (MAE) ainsi que la mesure « préservation et mise en valeur du patrimoine naturel » sont les mesures du PDRH les plus mobilisées en vue de la reconquête de la ressource en eau. Le PVE est une aide qui porte sur l'investissement de matériel agricole permettant une utilisation moindre d'intrants. La contractualisation d’une MAE engage les agriculteurs à adopter sur une surface donnée des pratiques agricoles plus respectueuses de l'environnement pour une durée de cinq ans moyennant une rémunération qui permet de compenser les surcoûts et les manques à gagner liés à la mise en œuvre d'itinéraires techniques et de pratiques plus respectueuses de l’environnement. Quant à la mesure « préservation et mise en valeur du patrimoine naturel », elle concerne entre autres le financement de l’animation nécessaire en vue de la mise en place de MAE à l’échelle d'un territoire.
Une fois les actions de protection des ressources définies en fonction des problématiques de l’AAC, le programme d'action liste les mesures ou les aménagements nécessaires à l'atteinte des objectifs environnementaux. Sa rédaction se fait généralement en concertation avec le maître d’ouvrage et la proposition est ensuite étudiée et adaptée si besoin par le Comité de pilotage. Une fois approuvé, le programme d’action est officiellement établi à travers un arrêté préfectoral. Cet aspect du nouveau dispositif est intéressant car il permet d’officialiser
L'existence du programme d'action, lequel reste le principal levier pour améliorer la qualité des ressources en eau en pratique, comme l'illustre bien l'encadré 2.
Une nouveauté : l'obligation de résultats
Une autre particularité importante du nouveau dispositif est la possibilité qu’a le préfet de rendre obligatoire la mise en œuvre de certaines mesures de prévention passé un délai donné après la publication du programme d'action, lorsque les moyens mis en œuvre par les différents acteurs sont jugés insuffisants par rapport aux objectifs initialement fixés. Cette décision se concrétise par la promulgation d'un nouvel arrêté préfectoral rendant obligatoire tout ou partie du programme d'action en vigueur. Hormis le cas des sites bretons concernés par le contentieux nitrates (cf. encadré 3) et pour lesquels des programmes d'action ont été rendus obligatoires, mais dans un cadre antérieur au dispositif ZSCE, il est encore trop tôt pour apprécier comment cette nouvelle disposition sera appliquée en pratique. Il est néanmoins probable que les 507 captages prioritaires identifiés dans le cadre de la loi « Grenelle 1 », sur lesquels le dispositif ZSCE doit être mobilisé en priorité pour que soient définis puis mis en œuvre les programmes d'action d’ici 2012, soient les premiers à faire l'objet d'une telle mesure.
Lorsqu’un programme d'action est rendu obligatoire par arrêté préfectoral, il n’est plus possible de mettre en œuvre sur le territoire des mesures répondant aux mêmes enjeux et dont le niveau d’exigence ne dépasserait pas celui des prescriptions définies par l’arrêté. Les exploitants agricoles doivent alors se soumettre au plan d'action défini auparavant et peuvent être contrôlés sur la base des indicateurs de mise en œuvre des mesures du plan d’action. En outre, l'article R114-10 du Code rural établit qu'une amende de 1 500 € est prévue pour les propriétaires ou les exploitants qui ne respectent pas les mesures d'un programme d'action rendu obligatoire. En cas de récidive, le montant de l'amende est doublé.
Au-delà du dispositif réglementaire : quelques facteurs de succès
L’implication des acteurs locaux
L’implication des acteurs locaux est une condition essentielle du succès d’une démarche de protection de la ressource en eau. L’implication des collectivités locales est notamment indispensable. En effet, ce sont les élus locaux qui sont responsables de porter politiquement le projet de protection de la ressource au sein de leur territoire et de convaincre leurs adminis-
[Encart : texte : Des solutions alternatives pour pérenniser les démarches de protection des ressources en eau L'acquisition foncière par la collectivité locale d'un certain nombre de parcelles situées sur l'AAC est une autre façon d'assurer la pérennité du dispositif. L'acquisition foncière peut avoir lieu dès la mise en place du plan d'action ou progressivement en fonction des opportunités d'achat. Les démarches foncières étant relativement longues, il peut être judicieux de mettre en œuvre des mesures compensatoires pour trouver par la suite une solution foncière qui convient au plus grand nombre. La collectivité ayant acquis des parcelles peut ensuite louer ou mettre gratuitement à disposition le terrain agricole sous réserve du respect d'un cahier des charges visant à la protection pérenne de l'AAC. L'acquisition collective de matériel agricole permettant de changer la nature des pratiques agronomiques sans aller à l'encontre de l'intérêt des exploitants est une autre façon de tendre vers la pérennisation de la reconquête de la qualité de l'eau. L'exemple du captage de la Beaumette dans le Doubs où une désherbineuse a été achetée par le Syndicat des eaux de la vallée du Rupt afin de réduire les doses de produits phytosanitaires sur les parcelles de maïs en est une bonne illustration. Le coût de la prestation étant pris en charge par le Syndicat des eaux, les agriculteurs sont censés ne pas subir de perte de revenus. La pérennisation peut également être assurée par la poursuite des financements agroenvironnementaux en répercutant sur le prix de l'eau les coûts générés par la démarche. En effet, certaines collectivités prennent directement en charge le financement de la protection des AAC sans passer par les schémas de financement nationaux ou communautaires tels que le PDRH. Certains auteurs considèrent que ces contrats passés entre collectivités et agriculteurs sont équivalents à un achat de service de non-pollution de l'eau et utilisent l'expression « arrangement coopératif » pour désigner ce type d'accord (Barraqué, 2008). Lorsqu'un arrangement coopératif est envisagé, la collectivité doit cependant veiller à la compatibilité de son projet avec les règles communautaires qui garantissent le respect du principe de libre concurrence et doit notifier son projet au niveau communautaire.très de la pertinence de cette démarche. L'adhésion et la participation des agriculteurs à la mise en œuvre du plan d'action est aussi décisive, à défaut, la démarche est souvent vouée à l'échec. Dès le départ, un dialogue doit s'établir entre d'un côté tous ceux, agriculteurs, industriels, particuliers, qui doivent faire évoluer leurs pratiques selon la feuille de route établie dans le programme d'action, et de l'autre, les élus qui sont responsables de porter politiquement le projet au sein de leur territoire.
Certaines collectivités ne disposent pas en interne des ressources nécessaires pour le suivi de la démarche de protection des captages (montage des cahiers des charges, recherche de financements, participation au pilotage technique des opérations, ingénierie de projet...). C'est le cas en particulier des petites communes et des syndicats ruraux dont les moyens humains et techniques pour faire face à une telle démarche sont souvent limités. Dans un tel contexte, des partenariats avec des structures spécialisées, publiques ou privées (association, délégataire, chambre d'agriculture, bureau d'études, ...), peuvent être développés dans le cadre d'une assistance à maître d'ouvrage. Cette expertise mise à disposition des collectivités doit permettre à celles-ci d'assurer leur rôle essentiel au sein de la reconquête de la qualité de l'eau. À Gorze, par exemple, Veolia Eau est fortement impliqué dans la démarche de protection des sources de la ville, via sa filiale la Mosellane des Eaux, laquelle participe à des actions de reconquête de la qualité de l'eau, assiste aux Comités de pilotage et a mis en place un réseau de surveillance de la nappe de Gorze.
Un équilibre entre conseil agricole et mesures compensatoires
Les actions de support pures, basées sur du conseil agricole et le raisonnement agronomique des pratiques, ne sont en général pas suffisantes à elles seules pour parvenir à une réelle amélioration de la qualité de l'eau. Il est en effet difficile de faire concorder les pratiques courantes des exploitants avec les exigences de protection de la ressource sur la seule base du volontariat et de l'optimisation agronomique. Aussi, la mise en œuvre de MAE pour lesquelles les agriculteurs reçoivent une compensation financière proportionnelle aux efforts consentis est une incitation pour entreprendre rapidement des changements de pratiques grâce à la partie compensatoire du contrat environnemental. La contractualisation de mesures compensatoires doit cependant être accompagnée d'un suivi régulier et/ou d'une formation afin d'être la plus efficace possible. Or, le PDRH comprend à la fois des financements pour les MAE et des financements liés à l'animation des MAE (conseil, formation, suivi) ; le financement des plans d'action via le PDRH semble donc permettre de combiner conseil agricole et mesures compensatoires.
La pérennité de la reconquête de l'eau
Un des enjeux les plus cruciaux de la démarche de protection des AAC consiste à veiller à ce que les efforts réalisés pour l'obtention d'une meilleure qualité de l'eau perdurent au-delà des premières années de mobilisation. Les retours d'expérience chez Veolia, comme dans le cas de Gorze, illustrent souvent l'importance du système de suivi de la qualité de l'eau qui permet de valoriser les efforts des acteurs du programme d'action et d'encourager à la poursuite des mesures. Mais la tentation de cesser d'appliquer les mesures du plan d'action dès que les compensations financières s'arrêteront risque d'être forte (pour les MAE actuelles, la durée de compensation est de 5 ans). Afin d'éviter cette situation qui aboutirait systématiquement à l'inefficacité de la démarche, d'autres solutions peuvent être envisagées (cf. Encadré 4).
Vers une nouvelle dynamique ?
Le nouveau dispositif de protection des AAC décrit ci-dessus donne un nouvel élan à la reconquête de la qualité des ressources en eau en France, notamment celles utilisées pour la production d'eau potable. Même s'il reste en contradiction avec le principe du « pollueur-payeur », le dispositif semble plutôt prometteur puisqu'il propose une approche à la fois structurée sur le plan technique et relativement complète sur le plan des instruments de politique environnementale mis en œuvre (cf. Encadré 5).
D'un point de vue technique, le dispositif de protection des AAC permet notamment de bien cibler une zone d'action en fonction des caractéristiques physiques du milieu et des pressions exercées par les activités agricoles. Cela permet de concentrer les efforts de protection et évite ainsi que des actions soient mises en œuvre sur des zones où le risque de contamination de la ressource par les pollutions diffuses agricoles est faible. D'un point de vue des instruments, la principale nouveauté du dispositif réside dans la possibilité de rendre la démarche obligatoire lorsque les moyens
mis en œuvre sont jugés insuffisants. Dans ce cas c’est l'instrument de « contrainte », principalement à travers la réglementation et la prescription, qui deviendra prépondérant. Plus de recul est cependant nécessaire pour apprécier comment cette disposition novatrice sera mise en œuvre en pratique.
Plus généralement, il reste encore à déterminer si le nouveau dispositif des protections des AAC présenté ci-dessus est capable de lever d'autres points de blocage identifiés à partir des nombreux retours d'expérience aujourd'hui disponibles sur les démarches de protection des ressources en eau vis-à-vis des pollutions diffuses, comme par exemple :
- Le possible refus d’une partie des exploitants agricoles de prendre part à une démarche volontaire entraînant le changement de leurs pratiques.
- L'incertaine efficacité des opérations menées malgré les efforts importants consentis par les acteurs.
- L'impossibilité de contractualiser des MAE compte tenu de l’éventuelle incertitude foncière et de l'incompatibilité entre le dispositif des MAE et les caractéristiques territoriales.
- L'importance des coûts à la charge de la collectivité et l'incertitude quant à la pérennité des aides des partenaires financiers.
- L'arrêt brutal des aides compensatoires aux exploitants agricoles au terme du contrat.
- Les différences de point de vue qui peuvent exister entre les acteurs impliqués dans la démarche de protection des AAC.