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APRÈS TRAITEMENT ET PROPOSITIONSPOUR SON AMÉLIORATION
J.C. GINOCCHIO, P. SURY et K. HILTBRUNNERSULZER-WINTERTHUR
INTRODUCTION
On sait que la formation ou la destruction de la couche protectrice, composée de calcaire et de rouille, dans les conduites en fer des réseaux de distribution d'eau potable, sont déterminées essentiellement par les paramètres suivants :
- — Dureté carbonatée,
- — Acide carbonique libre,
- — pH,
- — Oxygène en solution,
- — Vitesse d’écoulement de l'eau.
À des concentrations assez élevées, les chlorures et les sulfates jouent également un certain rôle, et l'on entend souvent des opinions contradictoires quant à l'importance de la teneur en nitrates. Des combinaisons organiques naturelles dissoutes, telles que les matières humiques, peuvent avoir leur influence, comme l'expérience l'a montré, sur la formation et le maintien de la couche de protection mentionnée plus haut (1).
Un mélange de deux ou de plusieurs eaux différentes peut devenir agressif, bien que les teneurs en calcaire/acide carbonique se trouvent en état d’équilibre. En effet, le diagramme calcaire/acide carbonique de Tillmans, qui représente la relation entre l'acide carbonique soit semi-combiné, soit équilibrant ou enfin agressif, en fonction de la température, n'est pas une droite mais une courbe (2).
On trouve d’intéressantes indications sur les valeurs-limites admissibles quant au « comportement à la corrosion des matériaux métalliques en contact avec l'eau potable », dans le projet de recueil de normes DIN 50930 d’octobre 1976.
L'agressivité de l’eau potable, dans une ville située sur les bords du Lac Léman, a fait l'objet d'un essai au cours d'une année entière (3). Les résultats obtenus ont montré qu’à un degré relativement bas de dureté carbonatée, à de faibles concentrations d’acide carbonique agressif, et à des teneurs réduites en ions sulfates, chlorures et nitrates, la formation de couches de protection stables et compactes contre les corrosions, dans des tuyaux en fonte ou en acier, sans revêtement de zinc, transportant l'eau du réseau (composée à 90 % d'eau du lac traitée), est très fortement entravée.
L'étude qui suit mentionne les mesures qui devront permettre d'abaisser ou même d'éliminer la tendance de cette eau potable à provoquer la corrosion.
BREF EXPOSÉ SUR LE TRAITEMENT DE L’EAU POTABLE
La distribution d’eau potable, dans cette ville lémanique, est alimentée en eau de la nappe souterraine et en eau du lac, mais la proportion de cette dernière est même supérieure à 90 %. L’eau du lac, captée à une profondeur de 35 à 40 m, est additionnée de chlore à un dosage de 3,52·10⁻³ mol/m³, puis filtrée dans la station de traitement, où elle reçoit encore une injection de 2,54·10⁻³ mol/m³ de chlore. Une conduite à haute pression (1 200 kPa) amène l'eau filtrée à une station de pompage et de répartition. Une conduite à basse pression (600 kPa) ramène à la station de traitement une partie de cette eau, qui contient encore une teneur en chlore de 0 à 4,22·10⁻⁴ mol/m³.
EXECUTION DES ESSAIS
Les mesures ont été faites, aussi bien dans la conduite d'eau filtrée EF que dans celle à basse pression BP, de la façon suivante : deux tubes en acier de 43 × 3 × 1 000 mm, l'un zingué et l'autre dépourvu de ce revêtement, disposés dans la station de traitement, ont été parcourus pendant une année par un courant d'eau de chaque sorte, à une vitesse d'écoulement d’environ 1 m/s.
Une sonde Corrater (de Magnachem, Santa Fé, U.S.A.) a servi à déterminer le taux de corrosion instantané sur un acier non allié et sans revêtement de zinc ; d'autre part, les produits de corrosion solides, déposés sur quelques électrodes convenablement choisies, ainsi que sur les tuyaux d’essai parcourus pendant toute l'année par l'écoulement de l'eau, ont été examinés par analyse fine aux
rayons X. On détermina de même la quantité de produits de corrosion déposés par unité de surface. De plus, le produit solide déposé sur le tuyau sans revêtement zingué fut examiné quantitativement quant à sa teneur en fer et en calcium.
ANALYSES DE L'EAU
Ces analyses, qui ont été faites par les Services Industriels municipaux, entre janvier 1977 et décembre 1977, sont compilées dans le tableau 1 sur lequel sont portés la température, le pH, le degré total de dureté ainsi que celui de la dureté carbonatée et non carbonatée, la quantité d'oxygène dissous, l'index de Langelier de même que le pH d'équilibre. Tout au cours de l'année, l'eau ne présente pas de variations notables quant à sa dureté ; exception faite de la température, on n'a pu constater que de minimes différences dans les caractéristiques de l'eau entre les échantillons pris aux points EF (eau filtrée) et BP (basse pression). L'eau est saturée en oxygène à un taux d'au moins 80 %, de sorte qu'à une dureté carbonatée constante et à une vitesse d'écoulement admissible, son degré d'agressivité devrait être déterminé avant tout soit par son pH, soit par sa teneur en acide carbonique agressif.
RESULTATS
La figure 1 donne dans son ensemble l'allure de la courbe de Corrater au cours d'une période de 2 mois, ce qui suffit pour permettre de donner sur les caractéristiques de l'eau d'importantes indications quant à son effet corrosif ; cette figure contient également la courbe hypothétique que l'eau devrait suivre pour favoriser clairement la formation d'une couche de protection.
La figure 2 donne une représentation de la corrélation qui existe entre la rapidité de la corrosion et l'indice de saturation de Langelier égal à la différence entre le pH mesuré de l'eau et son pH calculé (pHs = pH d'équilibre) : Is = pH — pHs. Si Is est négatif, l'eau est agressive, elle fait ressortir une corrélation très nette entre le taux de corrosion et
Tableau 1. — Analyses de l'eau / valeurs mensuelles janvier 1977 à décembre 1977.
Endroit de prise | T (°C) | pH | TH (mol/m³ s⁻¹) | TAC (mol/m³ s⁻¹) | TH-TAC (mol/m³ s⁻¹) | O₂ (mol/m³ s⁻¹) | pHs | Indice de Langelier |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Janvier BP | 6,3 | 8,09 | 1,40 | 0,88 | 0,52 | 0,353 | 8,21 | -0,12 |
Février BP | 6,9 | 8,08 | 1,40 | 0,90 | 0,50 | 0,347 | 8,21 | -0,13 |
Mars EF | 5,9 | 7,97 | 1,39 | 0,90 | 0,49 | 0,356 | 8,21 | -0,24 |
Avril EF | 6,5 | 8,20 | 1,40 | 0,90 | 0,50 | 0,359 | 8,21 | -0,01 |
Mai BP | 10,6 | 8,02 | 1,41 | 0,90 | 0,51 | 0,334 | 8,08 | -0,06 |
Juin BP | 12,9 | 7,96 | 1,40 | 0,89 | 0,51 | 0,303 | 8,04 | -0,08 |
Juillet EF | 8,3 | 7,83 | 1,38 | 0,88 | 0,50 | 0,278 | 8,14 | -0,31 |
Août EF | 9,0 | 7,85 | 1,41 | 0,90 | 0,51 | 0,269 | 8,12 | -0,27 |
Septembre BP | 14,1 | 7,91 | 1,41 | 0,90 | 0,51 | 0,256 | 8,01 | -0,10 |
Octobre BP | 12,1 | 7,76 | 1,39 | 0,88 | 0,51 | 0,253 | 8,06 | -0,30 |
Novembre EF | 7,4 | 7,84 | 1,35 | 0,90 | 0,49 | 0,263 | 8,19 | -0,35 |
Décembre EF | 7,2 | 8,20 | 1,34 | 0,85 | 0,49 | 0,338 | 8,19 | -0,01 |
Cet index. C'est en automne que l'effet agressif de l'eau se manifeste le plus intensément : en effet, même si l'eau du réseau contient alors une concentration d’acide carbonique agressif qui, à première vue, peut bien paraître assez faible, il convient toutefois de remarquer que des quantités même minimes peuvent avoir une action agressive d'autant plus intense que la dureté au carbonate est plus faible.
Les figures 3 et 4 illustrent l'aspect des éprouvettes de tuyaux qui sont restées installées durant l'année entière dans le système de conduites d'eau filtrée EF (fig. 3) et dans celui à basse pression BP (fig. 4). On remarque immédiatement que, sur les tuyaux sans revêtement protecteur zingué, la couche de rouille est très épaisse et irrégulière, comme parsemée de grumeaux. Sur les tuyaux zingués, les produits de corrosion se déposent en une couche régulière et compacte que l'on peut considérer comme un bon revêtement de protection.
Un dépôt de rouille qui est formé sur le tuyau zingué du système BP est une preuve de l'apparition d'eau rouillée dans le réseau.
Le tableau 2 donne la quantité de produits de corrosion décelés, par unité de surface, dans un tuyau zingué, d'une part, et un tube sans revêtement de zinc, d'autre part.
Tableau 2.
Tuyau | Quantité de produit de corrosion (mg·cm⁻²) | Analyse quantitative (% de masse) | Résultat de l'analyse aux rayons X | Taux de corrosion calculé (1 + 2) |
---|---|---|---|---|
Acier sans revêtement | 46 | 53,2 Fe + 1,3 Ca | CaCO₃ (3,2 %) – FeOOH (84 %)* | 0,031 mm/a |
Acier zingué | 1,7 | — | — | 0,001 mm/a |
* Part massique calculée de 2.
POSSIBILITÉS D'ÉLIMINATION DE L'ACIDITÉ
On dispose, pour éliminer l'acide carbonique agressif, de divers procédés qui peuvent se répartir en trois groupes : les procédés physiques ou mécaniques d'une part, la neutralisation chimique d’autre part, et enfin des systèmes combinés avec phase physique et phase chimique.
En considération de la loi de Henry-Dalton et vu le degré relativement faible de dureté carbonatée, il n'est guère possible de recommander une désorption de l'acide carbonique agressif, dans l'eau du Lac Léman, par simple aération de l'eau potable (4). Il est donc nécessaire de stabiliser cette eau par neutralisation chimique de l'acide carbonique agressif. Il existe, pour l'élimination chimique de l'acidité, deux procédés principaux (5) :
- Réaction de l'acide carbonique agressif sur une masse filtrante granuleuse.
- Réaction de l'acide carbonique agressif par action de produits chimiques avec dosage déterminé.
1. Filtration sur masse granuleuse
Une construction en béton ou en acier possède, étendue sur un fond pourvu de tuyères, une couche d'un agent filtrant et en plus neutralisant l'acidité. Au passage de l'eau, à travers cette couche, de haut en bas, les réactions chimiques qui se produisent retiennent l'acide carbonique agressif dans la masse granuleuse. Il en résulte une certaine consommation de cette masse, qu'il faut donc compléter ou même remplacer de temps en temps. Conjointement à ces phénomènes de réaction, il y a la formation de petites particules dans la couche filtrante, dont la conformation initiale, quant à sa granulation, est modifiée avec, pour conséquence, une augmentation des pertes de charge. Pour l'éviter, il est nécessaire d'éliminer ces particules au moyen d'un lavage effectif, de bas en haut, par injection d'air ou d'eau, ou encore d'un mélange de ces deux fluides.
La figure 5 représente la disposition d'une installation pour l'élimination de l'acidité sur le principe de la filtration. À partir d'une cuve d'eau brute (4) l'eau est amenée en quantité suffisante aux bassins filtrants (6) où l'agent actif est constitué d'une masse neutralisante étalée en une couche d'un mètre d'épaisseur. À travers ce lit filtrant, la vitesse de l'eau peut varier de 7 à 13 m³/m²/h. L'eau privée de son acidité excessive passe à travers l'espace libre ménagé sous le filtre, sur un déversoir destiné à maintenir le niveau de l'eau constant, puis dans une cuve ouverte d'où elle s'écoule dans le réservoir d'eau propre (7). Par le dispositif d'amenée et le déversoir de maintien mentionné plus haut, le débit de filtration est réglé de façon telle que la quantité d'eau amenée passe en entier à travers le lit filtrant, la perte de charge dans ce dernier provoquant, au fur et à mesure du colmatage, une élévation correspondante du niveau d'eau à la partie supérieure du bassin. La quantité d'agent actif consommée est remplacée, à partir d'une cuve de réserve, suivant le principe de l'injection : on procède à cette opération aussitôt que la consommation de l'agent filtrant a atteint environ 10 % de la masse initiale.
1.1. Masse filtrante en dolomie
Les lits filtrants de ce type sont faits essentiellement de carbonate de calcium et d’oxyde de magnésium. L’élimination de l’acidité se produit, par réaction de l’acide carbonique agressif sur la dolomie de la façon suivante :
CaCO₃ · MgO + 3 CO₂ + 2 H₂O → Mg(HCO₃)₂ + Ca(HCO₃)₂,
pendant que la dureté carbonatée s’élève. Cette augmentation de la dureté, pour 10 mg/l d’acide carbonique traité, se monte à 1,79 °F environ. La quantité d’agent filtrant consommée, y compris les pertes normales dues aux opérations de lavage, atteint 1,3 g par gramme d’acide carbonique traité.
L’élimination de l’acidité par filtration permet une technique de traitement simple et en toute sécurité de marche.
Il est toutefois important de tenir compte des points suivants :
- — Immédiatement après la mise en activité d’un lit filtrant de ce genre, destiné à éliminer l’acidité de l’eau, celle-ci, après traitement, accuse une valeur de pH alcaline excessive souvent supérieure à 10, pendant que la concentration de magnésium dans l’eau augmente fortement. En même temps, la proportion de calcaire/acide carbonique s’abaisse au-dessous de l’état d’équilibre, ce qui conduit à une précipitation de carbonate de calcium qui se dépose au-dessus de la masse filtrante. Avec le temps, la dureté MgO diminue, tandis que la dureté CaO augmente (figure 6) (7).
- — Une diminution de plus de 30 % de la charge de l’installation de neutralisation entraîne également un passage en dessous de l’état d’équilibre avec, par conséquent, une précipitation de carbonate de calcium risquant de provoquer un colmatage de la masse filtrante dolomitique ; ce risque est, dans ce cas, bien plus grand que lors de l’arrêt de l’installation. En même temps, la marche à charge insuffisante provoque une diminution temporaire de la teneur en oxyde de magnésium dans la masse filtrante.
- — À des valeurs du pH supérieures à 8,5, il faut neutraliser les eaux de lavage avant de les déverser dans un cours d’eau quelconque.
- — La masse filtrante en dolomie ne convient pas pour le traitement des eaux accusant des duretés en sulfates élevées (plus de 150 mg/l de SO₄).
1.2. Masse filtrante en carbonate de calcium
L’élimination de l’acidité au moyen de matériaux filtrants en carbonate de calcium permet également une technique de traitement simple et en toute sécurité de marche. Ces masses filtrantes ont les propriétés suivantes :
- — Leur emploi n’implique aucune mesure de préparation préalable.
- — Aucun dépassement de l’état d’équilibre du pH ne se produit, même à charge trop faible de l’installation ou en service intermittent.
- — Les lits filtrants en carbonate de calcium permettent d’élever au maximum la dureté carbonatée.
- — Les eaux de lavage n’accusent pas de valeurs du pH aussi élevées qu’avec les masses filtrantes en dolomie. Le gain réalisé est d’environ 2,29 °F par 10 mg/l d’acide carbonique neutralisé. L’usure de la masse filtrante, y compris les pertes normales par les opérations de lavage, est de 2,5 g par gramme d’acide carbonique traité, ce qui correspond, par rapport aux lits filtrants en dolomie, à une consommation d’environ 90 % plus importante.
L’acide carbonique réagit avec le carbonate de calcium suivant l’équation connue :
CaCO₃ + CO₂ + H₂O → Ca(HCO₃)₂
Le tableau 3 donne, quant à la variation de la valeur du pH de l’eau, une comparaison grossière entre les deux masses filtrantes, l’une en dolomie et l’autre en carbonate de calcium (granulation de 1 à 3 mm).
À cet effet, 100 ml de la masse filtrante examinée ont été mis en contact, dans un Erlenmeyer de 500 ml, à l’aide d’un appareil agitateur à secousses, avec 200 ml d’eau du réseau. L’hydrolithe Ca accuse à cet égard une meilleure sécurité de service.
Tableau 3.
Variations du pH de l'eau.
Temps en mn | MAGNO-DOL pH | HYDROLITHE Ca pH |
---|---|---|
5 | 10,2 | 8,0 |
10 | 10,6 | 8,1 |
20 | 10,7 | 8,1 |
30 | 10,7 | 8,15 |
2. Élimination de l’acidité par addition d'ingrédients chimiques
Il est possible de bloquer l'acide carbonique agressif par l'addition dans l'eau de substances chimiques inorganiques, telles que la chaux, la soude et le carbonate de sodium, substances qui sont fréquemment utilisées à cet effet. L’acide carbonique est bloqué par ces ingrédients suivant les équations connues :
1. Ca(OH)₂ + 2 CO₂ → Ca(HCO₃)₂ 2. NaOH + CO₂ → NaHCO₃ 3. Na₂CO₃ + CO₂ + H₂O → 2 NaHCO₃
2.1. Élimination de l'acidité au moyen de la chaux
L'hydroxyde de calcium (chaux, hydrate de chaux) est en général dosé à partir d'une solution aqueuse (eau de chaux) ou d'une suspension (lait de chaux : de 1 à 5 %). Il est plus rare qu'on procède à l'élimination de l'acidité par adjonction d'hydroxyde de calcium sous forme solide.
La consommation d'hydrate de chaux se monte à 0,84 g par gramme d'acide carbonique éliminé tandis que l’augmentation de la dureté carbonatée atteint environ 1,15 °f pour 10 mg/l d’acide carbonique traité.
Lors de l'emploi de lait de chaux, il faut tenir compte du fait que l'hydroxyde de calcium en suspension doit être préalablement dissous dans l'eau en traitement, avant que cette matière ne puisse réagir avec l'acide carbonique agressif. C’est pourquoi il est nécessaire de disposer d'un système de mélange efficace, pour pouvoir mélanger rapidement et à fond le lait de chaux et l'eau. À cet effet, les éléments mélangeurs statiques, qui peuvent s'incorporer directement dans la conduite, rendent superflus les récipients volumineux et les appareils de brassage mécaniques coûteux.
Pour l'exploitation, l'emploi de suspensions d’hydrate de chaux a l'inconvénient de provoquer le risque de décantations et d'obstructions, tandis qu’aucun de ces problèmes n'existe avec le remplacement de la suspension d’hydrate de chaux par une solution de cette substance. Toutefois, tandis que, dans les suspensions d'hydrate de chaux, les concentrations à l'emploi peuvent atteindre environ 100 g/l, la teneur en hydrate de chaux n’atteint dans les solutions saturées, à une température de l'eau de 10 °C, qu’environ 1,76 g/l.
Outre l'inconvénient de cette teneur relativement basse en hydrate de chaux dans les solutions de cet agent, on dispose actuellement d’installations d'une capacité simplement trop faible, et ces deux facteurs élèvent les coûts de production de la solution d'hydrate de chaux et en limitent sensiblement l'application. Actuellement, les capacités de production des saturateurs usuels se montent à environ 1,1 jusqu’à 1,6 kg/m³·h en Ca(OH)₂, avec l'emploi d'appareils statiques, et à 3,0 jusqu’à 4,0 kg/m³·h de Ca(OH)₂ dans les appareils de saturation avec dispositif de mélange mécanique.
C'est une augmentation importante de la capacité, et par conséquent des avantages économiques, que la Maison Sulzer Frères S.A., à Winterthur, a pu apporter avec une installation étudiée spécialement pour cet usage, et par laquelle il est possible d'obtenir des capacités atteignant jusqu’à environ 30 kg/m³·h de Ca(OH)₂.
Outre la haute capacité de charge superficielle, ce saturateur d'un genre nouveau permet une élimination efficace et sans aucune complication des impuretés, qui dans certaines régions du monde peuvent être contenues dans la chaux en quantités assez importantes : on obtient en même temps une élimination des matières indésirables contenues dans l'eau de préparation de la solution.
Cette installation nouvellement mise au point peut fonctionner aussi bien avec de la chaux éteinte qu'avec de la chaux vive. Il ne faut pas oublier que l'emploi d'oxyde de calcium (chaux vive) comme produit de base pour la préparation de l'eau de chaux ou du lait de chaux permet de réaliser des économies sur les frais de production.
2.2. Élimination de l'acidité par la lessive de soude
La lessive de soude est utilisée en Suisse, d'une façon générale, avec une concentration d’hydroxyde de sodium d’environ 50 % (correspondant à environ 766 g/l de soude) ou d’environ 30 % (soit environ 400 g/l de NaOH). Ces deux sortes de lessive de soude appartiennent à la classe de toxicité 2. Avec l'emploi de la lessive de soude de 50 %, il est important d’empêcher la production, à la suite d'une baisse de la température, d'un phénomène de recristallisation. À cet égard, la lessive de soude à 30 % présente une plus grande sécurité.
Le traitement d’élimination de l'acidité par la lessive de soude ne provoque aucune augmentation de la dureté de l'eau, ce qui est un avantage dans les cas où il importe d’éviter ce phénomène de durcis-
sement. La consommation d’hydroxyde de sodium par gramme d'acide carbonique traité est de 0,91 g ; cette quantité est contenue dans 1,20 ml environ de lessive de soude à 50 %, ou dans environ 2,28 ml de lessive à 30 %.
L'emploi de lessive de soude concentrée peut se recommander pour des raisons d’économie, car il conduit à un volume de stockage moindre.
L'adjonction de lessives de soude à forte concentration provoque toutefois, par excès d’alcalinisation locale, des dépôts de calcaire et des incrustations. Ces excès locaux d'alcalinisation se présentent aussi, il est vrai, avec l'addition de lessive moins concentrée, mais ils ne sont pas, à forte dilution, aussi intenses, et la réaction de précipitation intervient beaucoup plus lentement.
Il est possible d’empêcher ces phénomènes d’entartrage par l'adjonction de méta ou de polyphosphates. D'après notre propre expérience, cette solution n'est toutefois pas satisfaisante, car elle constitue en quelque sorte une charge polluante et peut même être d’une efficacité insuffisante.
Il ne faudra donc pas négliger les points suivants :
— Il faut que la concentration de phosphate permettant d'empêcher le dépôt de calcaire, jusqu'à assurer l'état d’équilibre, suffise aussi pour les excès irréguliers de l'alcalinisation. Mais la plus forte quantité d'appoint admissible est limitée dans de nombreux pays. C'est ainsi qu'en Suisse, la circulaire N° 44 du Service Fédéral d'Hygiène, en date du 25 août 1976, interdit l'adjonction de mono ou de polyphosphates dans l'eau froide, pour les installations individuelles, mais elle laisse aux chimistes officiels compétents la possibilité d'autoriser exceptionnellement l’adjonction de phosphates dans de grandes installations centrales. — Avec l'utilisation de métaphosphate, il faut procéder de telle façon qu'une hydrolyse du produit, provoquée par le fort réchauffement en cours de mélange de la lessive de soude concentrée avec l'eau, puisse être évitée ou tout au moins fortement réduite. L'emploi de mélangeurs statiques devrait ici se révéler utile.
On a mis au point un système de mélange simple par lequel il est possible d’éliminer l’acidité par la lessive de soude, sans phosphates, tout en ne provoquant pas de dépôt de calcaire ou seulement à très faible mesure.
Les organes principaux de ce système sont d'une part les mélangeurs statiques Sulzer, et d’autre part un dispositif inséré en conduite (« in-line ») pour dilution à 1 : 40 de la lessive de soude concentrée avec de l'eau adoucie ; deux mélangeurs statiques assurent un effet complet et très rapide. Dans une station de traitement d'une capacité journalière maximum de 3600 m³/h, et avec une eau brute contenant une teneur de 5 mg/l d'acide carbonique agressif, le traitement demande environ 21 l/h de lessive de soude à 50 %, et 855 l/h d'eau adoucie ; la lessive de soude est diluée, directement en conduite, avec de l’eau adoucie jusqu’à une concentration d'environ 20 g/l de NaOH, pour passer ensuite dans le courant principal, où la lessive déjà fortement diluée est immédiatement répartie régulièrement au moyen d'un deuxième mélangeur statique inséré directement dans la conduite principale.
La lessive de soude est souvent préparée par le procédé au mercure ; il peut donc arriver qu'une certaine quantité de cet élément passe dans le produit. La norme DIN 19615 (projet 1961) prescrit pour la lessive de soude destinée à la préparation d'eau potable une teneur maximum en Hg de 0,001 % en poids de la teneur en NaOH.
C'est pourquoi il est indispensable, lors de l'emploi de soude pour l’élimination de l’acidité de l'eau potable, d'exiger du fournisseur toute garantie à ce sujet.
BIBLIOGRAPHIE
(1) RUDEK (R.) et SONTHEIMER (H.) : « Vom Wasser » (« De l'eau »), 47 (1976), 421.
(2) GINOCCHIO (J.C.) : « Revue Technique Sulzer N° 2 » (1976), p. 79.
(3) SURY P. : « Rapport interne Sulzer, non publié », 1978.
(4) GINOCCHIO (J.C.) : « Wasserwirtschaft » (« Applications de l’Eau ») (1978), p. 184.
(5) MORGELI (B.) et GINOCCHIO (J.C.) : « Tirage à part du Bulletin de l'Association Suisse des Spécialistes du Gaz et de l’Eau », n° 854 (1977), p. 51.
(6) LIPP (F.) : « Revue Technique Sulzer », numéro spécial « Pro Aqua - Pro Vita » (1971), p. 41.
(7) FLICK (G.) et BUTTNER (H.) : NDZ, 5 (1967).