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Progrès en clarification : le Cyclofloc

30 octobre 1975 Paru dans le N°2 à la page 75 ( mots)
Rédigé par : Edouard COUDERT

Un des traitements principaux que doit subir une eau de surface, soit pour répondre aux critères de potabilité, soit pour pouvoir être utilisée dans l’industrie, est la clarification, c’est-à-dire l’élimination d’une part des matières en suspension, d’autre part des matières colloïdales qui sont essentiellement la cause de la turbidité et de la couleur de l’eau.

Les matières en suspension, constituées essentiellement de sable, peuvent être éliminées par des procédés strictement physiques du type dessablage.

Par contre, les matières colloïdales ne peuvent être éliminées que si elles sont préalablement transformées par addition d’un produit coagulant, en général un sel d’acide fort et d’un métal lourd. Parmi ces coagulants, on peut citer le sulfate d’alumine, le chlorure ferrique, le polychlorure d’alumine.

Ces produits transforment l’équilibre électrochimique des matières colloïdales et permettent la formation d’un « floc », dont la densité bien que voisine de celle de l’eau permet la séparation par décantation.

Cependant, cette élimination ne touche que 80 à 90 % du floc formé et il subsiste toujours dans l’eau décantée une turbidité et une coloration résiduelles, en général supérieures aux seuils admis, en particulier par les normes de potabilité. C’est pourquoi la décantation est pratiquement toujours suivie d’une filtration rapide le plus généralement sur sable quartzique de granulométrie homogène qui permet la rétention du floc résiduel.

L’efficacité de la décantation dépend, outre le choix et le dimensionnement de l’ouvrage de décantation lui-même, des caractéristiques physico-chimiques de l’eau brute, du débit, de l’ajustement du taux de réactif coagulant, etc. L’exploitant n’est pas maître de l’ensemble de ces paramètres. Il s’ensuit que le « rendement » de la décantation n’est pas constant dans le temps.

La batterie de filtres constitue l’organe finisseur de la chaîne de clarification, permettant d’obtenir une eau de caractéristiques sensiblement constantes.

LES DECANTEURS CLASSIQUES

Il existe une grande diversité d’ouvrages de décantation. On peut cependant globalement les classer en deux grandes familles :

  • — les décanteurs « statiques » dans lesquels la sédimentation est naturelle ; la vitesse « verticale » de l’eau doit être largement inférieure à la vitesse de chute des particules floculées afin que celles-ci puissent se déposer.

On peut aussi classer dans cette catégorie la plupart des décanteurs « lamellaires » pour lesquels des astuces technologiques permettent de réduire considérablement l’encombrement au sol.

  • — les décanteurs « accélérés » dans lesquels la floculation et la décantation sont souvent combinées ; la décantation y est obtenue par passage de l’eau floculée à travers un lit de boues (ou voile de boues) dans lequel la concentration en matières en suspension est élevée. Dans ces appareils, la vitesse de l’eau peut être voisine de la vitesse de chute des particules.

Ces deux familles de décanteurs coexistent depuis plusieurs décennies. Elles ont été notablement perfectionnées au cours des années et on peut considérer qu’elles ont atteint actuellement leur point maximal de développement. Parmi les perfectionnements récents, on peut citer en particulier le décanteur lamellaire à cocourant « LAMELLA-SEPARATOR AXEL JOHNSON », construit en France par notre Société, la C.T.E.

LIMITES DES DECANTEURS CLASSIQUES

La pollution croissante des eaux de surface rend de plus en plus complexe et aléatoire la floculation, et surtout une « densification » suffisante du floc formé, et par voie de conséquence, la décantation.

L’addition à l'eau brute d'adjuvants tels que la silice activée ou, mieux, l’alginate de sodium, a permis sur certaines eaux et pendant certaines périodes de continuer à obtenir une qualité convenable d’eau décantée.

Il n’en reste pas moins que la dégradation constante des caractéristiques des eaux brutes se traduisait de plus en plus fréquemment par des « décrochements » de la qualité d’eau décantée, entraînant un accroissement considérable du travail de filtration. Le résultat en était un colmatage beaucoup plus rapide et de plus en plus profond des matériaux filtrants et, par conséquent, à la fois des lavages plus fréquents et plus poussés, et une surveillance accrue. On assistait finalement à un abaissement sérieux de la fiabilité du système « décantation-filtration ».

Il fallait donc trouver un nouveau moyen d’assurer ce travail de conditionnement de l'eau à traiter de façon à assurer en même temps :

  • — la possibilité de se libérer au maximum des variations qualitatives de l'eau brute,
  • — l’obtention d'une eau décantée de qualité sensiblement constante,
  • — l’adaptation la plus aisée aux variations de débit,
  • — la facilité de surveillance et d’emploi,
  • — la meilleure sécurité du fonctionnement.

Ces exigences sont celles qui sont réalisées avec le « CYCLOFLOC » dont la conception est basée sur l'application de principes entièrement différents de ceux des décanteurs classiques.

LE PROCÉDÉ « CYCLOFLOC »

Le procédé « CYCLOFLOC » concerne un nouveau type d'unité de clarification pouvant fonctionner convenablement à des vitesses de passage de l'eau brute nettement supérieures à celles autorisées par les décanteurs accélérés classiques.

Dans son principe, ce procédé consiste à ajouter à l'eau brute une importante charge de matières actives en suspension, en l’occurrence un microsable de quartz.

Cette adjonction s’effectue dès l’entrée de l'eau brute dans le clarificateur. Celui-ci, de forme circulaire, comprend une première zone centrale de « réaction » où l'eau décrit un mouvement descendant, et une seconde zone périphérique de « décantation » où l'eau suit un trajet ascendant (comme dans nombre de décanteurs accélérés classiques).

Le rôle du microsable peut, a priori, être assimilé à celui d’un alourdisseur de floc, dont l'emploi autorise l’augmentation très importante des vitesses de fonctionnement.

En fait, le phénomène est plus complexe ; malgré l’injection en eau brute d’un réactif floculant comme dans le procédé classique, il ne se produit pas, à proprement parler, de formation de floc en présence du microsable.

Tout se passe comme si la charge de l'eau en matières colloïdales était fixée à la surface du microsable par l'intermédiaire des hydroxydes complexes de floculant dès l'introduction de ce dernier. Ce phénomène persiste jusqu’au début de la zone ascendante de l'eau.

La haute concentration en microsable créée à cet endroit parachève la clarification.

RÔLE DU MICROSABLE

Le microsable doit être considéré comme un adjuvant de floculation et de décantation.

Cas d’une eau peu chargée.

Pour une eau peu chargée et difficilement « floculable », le microsable provoque la formation rapide de microfloc. Ce microsable accélère considérablement le processus classique de décharge puis d’agglomération des matières colloïdales par le floculant.

La vitesse de réaction est d’autant plus rapide que le microsable est introduit dans l’eau brute sous agitation violente. La décantation, difficile avec ce genre d’eau, ne pose ainsi plus de problème.

Cas d’une eau très chargée.

Pour une eau très chargée et facilement floculable, le microsable permet surtout d’élever considérablement la vitesse de décantation, en transformant le floc volumineux en amalgame microsable/boue.

Cette action d’alourdisseur est particulièrement mise en valeur quand il est introduit en agitation lente sur un floc déjà amorcé.

Ces deux modes d’action du microsable font qu’en floculateur de laboratoire, on obtient après cinq minutes et en cours d’agitation lente, le même résultat qu’en trente minutes avec un essai de floculation classique comportant quinze minutes de décantation statique.

En pratique, la vitesse usuelle de sortie de l’eau traitée dans un clarificateur « CYCLOFLOC » est de 7 à 8 m/h, soit deux à trois fois celle que permet d’obtenir un décanteur accéléré classique dans les meilleures conditions.

Il en résulte bien entendu une diminution importante du volume des ouvrages à construire.

[Photo : Cyclofloc en cours de montage]

RECUPERATION DU MICROSABLE

Le procédé « CYCLOFLOC » comporte un recyclage permanent du microsable utilisé qui, après avoir été nettoyé des matières colloïdales agglutinées qui l’enrobent, est réintroduit en tête de l’installation de clarification.

Ce nettoyage s’effectue par cyclonage dans un ou plusieurs hydrocyclones classificateurs.

HYDROCYCLONES

Ceux-ci sont constitués par une capacité cylindro-conique dans laquelle la suspension microsable/boues est injectée tangentiellement par une buse sous une pression de 1 à 2,5 bars.

À l’intérieur du cyclone, la suspension est soumise à un mouvement de rotation très rapide, dû à l’accélération centrifuge élevée.

L’énergie ainsi mise en œuvre provoque, dans la suspension en cours de cyclonage, la séparation du microsable du floc de boues. Le microsable se trouve ainsi nettoyé et régénéré.

L’alimentation du système de cyclonage étant continue, le soutirage de la boue est donc permanent.

AVANTAGES D’EXPLOITATION

Il en découle d’importants avantages d’exploitation :

• évacuation continue des boues formées, donc moindre pollution due à la dilution des rejets de l’usine ;

• suppression des boues stagnantes dans le clarificateur ;

• pas de chasses brutales ni de vidanges périodiques, cause de forte pollution ponctuelle.

Ainsi, le « CYCLOFLOC » permet par l’utilisation d’un voile de microsable, pratiquement infranchissable même aux matières colloïdales, de résoudre les problèmes résultant de la mauvaise qualité de l’eau de surface.

Le « CYCLOFLOC » est peu sensible aux variations de qualité et de débit de l’eau à traiter, le taux de microsable introduit étant fixé une fois pour toutes ; seul le taux de floculant est à adapter à ces deux paramètres, à l’exclusion de tout autre.

Le « CYCLOFLOC » délivre en permanence une eau de qualité pratiquement constante.

L’expérience montre, en effet, que l’on obtient selon que les eaux sont peu ou très chargées :

• une réduction de turbidité variant de 90 à 96 % ;

• une réduction de 30 à 90 % du taux moyen de matière organique ;

• une réduction de 90 % en moyenne de la couleur.

[Photo : Jupe en P.V.C. en cours de montage]

L’eau clarifiée est donc constamment d'excellente qualité.

La filtration finale se trouve ainsi considérablement soulagée, n’ayant plus à subir les variations pratiquement inévitables avec les autres types de décanteur.

Son exploitation en devient régulière, sans à-coup, économique du fait que les cycles de lavage des filtres peuvent être programmés sans risque d'encrassement de la masse filtrante.

DESCRIPTION DU « CYCLOFLOC »

Le schéma ci-contre décrit les différents circuits du clarificateur « CYCLOFLOC » (circuit d’eau à traiter et circuit de microsable, installation de régénération de celui-ci).

Le « CYCLOFLOC » se présente sous forme d’une cuve cylindro-conique, avec radier à très faible pente.

L'homogénéisation de l'eau brute et du microsable en recirculation se fait par une tulipe avec déversement par le dessus.

Le fond de cette tulipe est perforé de manière à pouvoir maintenir la recirculation en marche continue, sans risque d'obstruction.

À l'intérieur de cette cuve est monté un cône suspendu qui reçoit, dans sa partie supérieure, l'arrivée d’eau brute. Ce cône détermine la « zone de réaction ».

La partie extérieure forme la « zone de décantation ».

Une jupe réglable permet de faire varier la section de passage entre la zone de réaction et la zone de décantation.

Un racleur balaie le radier et concentre le microsable chargé de boues à la partie centrale, d’où il est repris par pompage pour être refoulé sur l’installation de cyclonage.

Tout l'équipement intérieur du « CYCLOFLOC » est suspendu, soit sur un portique, soit sur des appuis latéraux.

L’ensemble en est fabriqué en plastique et ne nécessite aucun entretien.

La partie soumise à la plus grande usure est le cyclone : après de nombreux essais, ce dernier a été réalisé en fonte, avec revêtement intérieur de caoutchouc. La tenue à l’abrasion s’en est révélée excellente.

Le reste de l’équipement est constitué de matériel classique, avec toutefois un revêtement caoutchouc de la pompe de circulation de la suspension microsable/boues.

CONCLUSION

Le premier CYCLOFLOC construit par la C.T.E. (à Villeneuve-sur-Lot) fonctionne depuis maintenant cinq ans ; sa fiabilité et l'excellence de ses performances sont amplement prouvées.

Depuis, une vingtaine de CYCLOFLOC de capacités différentes ont été progressivement mis en service, tant en France qu’à l’étranger, permettant de clarifier des eaux potables ou des eaux industrielles pour un volume global approchant 500 000 m³/jour.

Le procédé CYCLOFLOC a incontestablement apporté une contribution importante aux progrès de traitement des eaux contre la pollution et son efficacité dans le domaine complexe de la clarification permet d’élaborer une eau traitée de qualité toujours meilleure.

E. COUDERT.

La marque « CYCLOFLOC » appartient à la C.T.E., licenciée de la Société Nikex de Budapest (Hongrie) – Brevet n° 1411792 pour la France et les principaux pays d'Europe occidentale.

[Figure : Circuit de clarification et circuit de régénération du microsable – légende CIRCUIT DE CLARIFICATION 1. Eau à traiter additionnée de ses réactifs floculants. 2. Diffuseur. 3. Zone de réaction. 4. Zone de décantation. 5. Eau clarifiée. 6. Goulottes de reprise. 7. Départ d'eau clarifiée. CIRCUIT DE RÉGÉNÉRATION DU MICROSABLE A. Racleur. B. Dispositif d’entraînement du racleur. C. Fosse d'extraction des boues et du microsable. D. Pompe de recyclage. E. Hydrocyclone. E1 Surverse. E2 Souverse. F. Tuyauterie de réinjection de sable régénéré. G. Évacuation des boues.]
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