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Production industrielle d'eau destinée à la consommation publique par filtration biologique rapide

30 juillet 1979 Paru dans le N°36 à la page 64 ( mots)
Rédigé par : R. VILAGINES, P. LEROY et A. MONTIEL
[Photo : L'Etablissement Filtrant d’Orly de la Ville de Paris — Vue d'ensemble des décanteurs. La Seine coule vers la gauche et la darse est visible, s'étendant de la Seine vers la droite.]

par R. VILAGINES, P. LEROY, A. MONTIELService de Contrôle des Eaux de la Ville de Paris

1ʳᵉ PARTIE : ÉTUDES PRÉLIMINAIRES

FILTRATION BIOLOGIQUE LENTE ET FILTRATION BIOLOGIQUE RAPIDE

Le principe actif de la filtration lente mise en œuvre au début du siècle repose sur la formation à la surface de filtres à sable d'une membrane biologique fort complexe (4-17) d’environ 10 cm d’épaisseur seulement. Les deux conséquences aisément prévisibles de ce type de culture en couche mince à deux dimensions sont essentiellement de deux ordres : nécessité de mettre en œuvre de grandes surfaces de filtration et obligation de n’adopter que des vitesses de filtration lentes. D'autres conséquences, moins immédiatement perceptibles, n’en sont pas moins aisément déductibles comme par exemple la formation à l'intérieur même de la membrane biologique d’un gradient à forte pente de concentration d’oxygène conduisant à une diversification obligatoire de la population bactérienne préjudiciable à son rendement.

Dans l'état actuel de notre technologie du traitement des eaux, sinon de nos connaissances, l'alternative la plus à même d'éviter les plus importantes contraintes traditionnelles de la filtration lente consiste donc à donner à la membrane biologique la condition de développement qu’on lui a refusée jusqu’à présent en l’étouffant dans l'anaérobiose de sa propre masse : le développement dans les trois dimensions de l'espace.

Une première approche intuitive de ce problème a été tentée par la mise en œuvre de supports poreux comme les argiles (16), ou de charbon actif en grains (14-16). Les résultats obtenus, très encourageants, sont venus renforcer les espoirs que nous fondions sur la membrane biologique tridimensionnelle. Cependant, si l'on fait abstraction des avantages inhérents à ce type de méthode pour ne s'intéresser qu’à leur rendement en biomasse, on ne peut s'empêcher, par analogie avec les cultures cellulaires ou bactériennes effectuées en laboratoire, de considérer que le rendement d'une culture sur support sera toujours inférieur à celui d'une culture en suspension. C'est pourquoi il nous a paru intéressant de déterminer les capacités de traitement biologique offertes par les lits de boues fluidisés de l’établissement filtrant d'Orly, qui présentent le plus d'analogies avec les cultures en suspension.

COUPE SCHÉMATIQUE DE L’ÉTABLISSEMENT FILTRANT D’ORLY

[Photo : Situation des points de prélèvement : A : Eau de Seine tamisée, B : Eau de la sortie de la darse, C : Eau décantée, D : Eau filtrée, E : Eau ozonée.]

CONDITIONS EXPÉRIMENTALES MISES EN ŒUVRE À L’ÉTABLISSEMENT FILTRANT D’ORLY DE LA VILLE DE PARIS

L'étude qui a débuté le 5 mars 1979 a été effectuée sur l'un des quatre décanteurs Pulsators de l’Établissement Filtrant d'Orly ajusté à un débit de 50 000 m³/jour (fig. 1) et alimenté par une darse d'eau de Seine d'un volume de 150 000 m³. Le temps de séjour de l'eau de rivière dans la darse est estimé à 30 heures. La préchloration de celle-ci a été interrompue dès le début de l'expérience. Les échantillons ont été prélevés à des temps variables au niveau de la prise d'eau en Seine : A, à l'entrée du décanteur : B, à la sortie du décanteur : C, à la sortie des filtres : D, et après ozonation : E. Nous avons étudié sur chacun d'entre eux l'évolution de leurs caractéristiques physiques, chimiques et microbiologiques.

I. — ÉVOLUTION DES CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES

Nous avons étudié le devenir des paramètres physiques jouant un rôle prépondérant dans le traitement des eaux : pH et potentiel Zéta. Nous nous sommes également intéressés à l’évolution de la résistivité.

A) RÉSISTIVITÉ

La résistivité a été déterminée par la méthode AFNOR NF T 90-031. Nous avons constaté (tableau 1) qu'elle était pratiquement identique à celle obtenue lors du traitement faisant appel à la préchloration, l'augmentation observée tout au long de l'expérience n'excédant pas 100 Ω/cm soit une augmentation moyenne de l'ordre de 5 %.

B) pH - ÉQUILIBRE CALCO-CARBONIQUE

Il est bien connu qu’après préchloration et ajout de sulfate d’alumine, le pH et le T.A.C. de l'eau diminuent dans des proportions non négligeables (0,88 unités pH et 4,9 °F respectivement), rendant nécessaire l'addition de soude pour corriger son agressivité (1-6). L'arrêt de la préchloration de la darse étant indispensable dans le cadre de notre expérience pour permettre aux lits fluidisés de servir de support à un développement de micro-organismes, il nous est apparu intéressant de déterminer dans ces conditions le devenir du pH et de l'équilibre calco-carbonique de l'eau traitée.

Le pH (méthode : AFNOR NF T 90-008) et l'équilibre calco-carbonique (méthode : LEGRAND-POIRIER) ont été déterminés trois fois par jour aux différentes

TABLEAU 1

Évolution des caractéristiques physiques de l’eau au cours du traitement (minéralisation, équilibre calco-carbonique et traitement correctif). Comparaison des résultats obtenus avec les deux types de traitements.

étapes du traitement. Les résultats (tableau 1) montrent, comme il fallait s'y attendre, que le pH et le T.A.C. de l'eau non préchlorée sont supérieurs à ceux de l'eau chlorée. La conséquence immédiate de cette moindre diminution du pH a donc été l’ajout d'une quantité de soude moins importante pour ramener l'eau traitée à l'équilibre calco-carbonique. Les économies de ce réactif ont été dans ces conditions de l'ordre de 25 %. Deux autres conséquences, moins perceptibles, découlent de ce type de traitement : tout d'abord, la soude utilisée contenant des traces de micropolluants comme le mercure, la diminution des taux de ce réactif ne peut être que bénéfique à la qualité de l'eau produite ; de plus, la diminution de pH étant susceptible de solubiliser au niveau de l'eau brute des éléments minéraux toxiques adsorbés sur les matières en suspension, le non-traitement au chlore évite, au moins partiellement, cette solubilisation. L’utilisation de W.A.C. ou de P.C.B.A. ne modifiant pas le pH de l'eau devrait permettre de supprimer complètement l'ensemble des inconvénients précités.

C) POTENTIEL ZETA

Il a déjà été montré que le traitement de l'eau brute par le chlore facilitait la floculation en abaissant les taux de traitement par le sulfate d'alumine déterminés par la méthode du potentiel Zéta (2). De plus, le traitement par le chlore permettant d’éliminer la prolifération d'algues dans la darse d'eau brute, il était possible de mettre en œuvre des doses inférieures d'environ 5 % au potentiel Zéta nul.

L'absence de traitement au chlore ayant entraîné la multiplication d’algues dans la darse, nous avons été contraints, en attendant que se crée un écosystème équilibré, d'employer des doses de sulfate d’alumine supérieures d’environ 5 % au potentiel Zéta nul. Les doses de ce réactif ont donc été portées à un niveau identique à celui qui aurait été directement mis en œuvre sur l'eau brute de Seine (soit environ une augmentation moyenne de l’ordre de 10 %).

Parallèlement à ces déterminations, nous nous sommes intéressés au devenir des principales caractéristiques chimiques des eaux traitées.

II. — EVOLUTION DES CARACTERISTIQUES CHIMIQUES

Nous avons étudié l'action du traitement biologique rapide en lits fluidisés sur les principaux paramètres chimiques classiques des eaux et sur les principaux micropolluants minéraux et organiques.

A) PARAMETRES CLASSIQUES

Nous n’avons retenu, dans le cadre de cette étude préliminaire, que deux d’entre eux : l'ion ammonium et son corollaire, le point de rupture.

1° Ion ammonium

Les dosages ont été effectués 3 fois par jour (méthode : AFNOR NFT 90-015) à chacun des points de prélèvements (fig. 1). La moyenne des résultats obtenus (fig. 2 A et 2 B) montre qu'il a fallu environ trois semaines pour que l’élimination de l’ammoniaque se passe dans les conditions que nous nous étions fixées (concentration maximale de 0,1 mg/l dans l'eau filtrée) afin de n’avoir à utiliser en postchloration que des doses de chlore correspondant à

[Photo : Figure 2 A. — Évolution de l'ion ammonium au cours des essais. Résultats obtenus sur l'eau aux différents stades de traitement]
[Photo : Évolution de l'ion ammonium au cours des essais. Courbes de régression.]

celles habituellement utilisées pour la stérilisation finale de l'eau refoulée. Bien qu'apparemment long, ce temps doit être considéré comme remarquablement court, compte tenu de la faible température de l'eau qui est restée comprise entre 6 et 8 °C pendant toute la durée de l'expérience et de la relative stérilité de la darse dont le traitement de préchloration au point de rupture a été arrêté le jour même du début de l'expérience.

Par ailleurs, les résultats obtenus montrent (fig. 2 A et 2 B) que :

1° La nitrification se fait dans le décanteur et non, comme on aurait pu en préjuger, sur les filtres.

2° La darse joue un rôle triple en matière d’ammoniaque. Tout d'abord, elle présente un « effet retard » mis en évidence par le décalage des fortes concentrations observées dans la darse par rapport à celles observées dans la Seine. Ensuite, un « effet tampon » matérialisé par l'apparition de concentrations moins élevées que celles qui avaient été mesurées en Seine et, finalement, elle joue également un rôle « épurateur » par élimination d'ions ammonium nettement perceptible dès le dixième jour de l'expérience. Ce rôle épurateur devrait sans aucun doute aller en s'amplifiant au fur et à mesure de la colonisation de la darse par les bactéries nitrifiantes.

2° Point de rupture

Les points de rupture ont été déterminés trois fois par jour aux différents points de prélèvement. Les résultats (fig. 3) montrent que le point de rupture de la postchloration (fig. 1 ; E) a une valeur moyenne de 1,68 mg/l correspondant aux doses de chlore utilisées lors d'une simple stérilisation. Si l’on considère que la préchloration de l'eau de Seine à l'entrée de la darse aurait eu une valeur moyenne de 5,8 mg/l, l'économie de chlore ainsi réalisée peut être estimée à 206 kg par jour au débit considéré. D'autre part, les résultats obtenus (fig. 3) permettent d'affirmer que le traitement biologique rapide en lits fluidisés permet d'éviter nombre de réactions secondaires entre le chlore et les matières organiques dissoutes ou en suspension pouvant conduire à des sous-produits indésirables susceptibles de présenter un inconvénient pour la Santé Publique. En effet, lorsque le chlore est utilisé pour traiter l'eau de Seine au point de rupture, le rapport est de l'ordre de

[NH₄⁺]
────────
[Cl₂] 10

Lorsqu’il est utilisé au stade ultime du traitement biologique en lits fluidisés (fig. 1 : E), il n’est plus que

1
─
6

correspondant aux concentrations stœchiométriques en chlore et en ammoniaque du point de rupture d’une eau ne contenant que de l’ammoniaque. La différence de consommation en chlore correspond donc bien à l'élimination par ce type de traitement de molécules susceptibles de réagir et de former, ou non, des composés secondaires indésirables avec le chlore.

B) Micropolluants

Nous n’avons retenu, dans le cadre de cette étude préliminaire, que les principaux micropolluants minéraux et organiques.

[Photo : Figure 3. — Évolution de la demande en chlore aux différentes phases du traitement.]

1° Micropolluants minéraux

Parmi les micropolluants minéraux, nous avons étudié l'élimination au cours du traitement biologique rapide en lits fluidisés du manganèse, cobalt, aluminium, zinc, plomb, nickel, cuivre, chrome, cadmium et fer. La concentration de chacun de ces micropolluants a été déterminée une fois par jour par absorption atomique sans flamme (8-11), cinq fois par semaine aux différents points de prélèvement. Les résultats obtenus ont été identiques à ceux obtenus lors de la marche normale de l'établissement filtrant faisant appel à la préchloration de la darse au point de rupture. Nous devons cependant souligner que le traitement biologique rapide en lits fluidisés permet sans aucun doute une meilleure élimination du chrome que la préchloration qui a pour conséquence de le faire passer de la valence III à la valence VI, le rendant de ce fait très difficilement éliminable. De même, comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire (§ I. B), l'absence de préchloration entraînant une moindre diminution du pH de l'eau, la résolubilisation de micropolluants minéraux adsorbés sur les matières en suspension ne peut être que moins importante (9).

2° Micropolluants organiques

Nous nous sommes attachés dans un premier temps à l'étude de paramètres globaux, comme par exemple, la dégustation ou le carbone organique total permettant d'appréhender le devenir de l'ensemble des matières organiques présentes lors du traitement biologique rapide en lits fluidisés. Dans un second temps, nous nous sommes intéressés au devenir, dans les mêmes conditions, de paramètres plus spécifiques de la pollution organique naturelle ou induite comme les pesticides organochlorés ou les haloformes.

a) Paramètres globaux

Nous avons étudié le devenir à différents stades du traitement des caractères organoleptiques des eaux (méthode : AFNOR NFT 90-035), du carbone organique total (appareil BECKMAN) et de l'oxydabilité au permanganate (méthode : AFNOR NFT 90-018).

TABLEAU II

Évolution des micropolluants organiques (seuil de goût, oxydabilité au permanganate de potassium en milieu carbone organique total).

Comparaison des résultats obtenus avec les deux types de traitement.

Les résultats (tableau II) montrent qu'en ce qui concerne le goût, le traitement biologique rapide en lits fluidisés n'a pas entraîné de dégradation de cet important caractère organoleptique. De même, en ce qui concerne le carbone organique total et l'oxydabilité au permanganate, nous n'avons pu mettre en évidence de différence significative par rapport au traitement faisant appel à la préchloration. Un point mérite cependant d'être souligné : la demande en

[Figure 4 : Évolution de la concentration en précurseurs d’haloformes aux divers stades du traitement.]

Le chlore de l’eau ozonée a toujours été trouvé identique à celle de l’eau filtrée, alors que dans le cas du traitement faisant appel à la préchloration, la demande en chlore de l’eau filtrée était toujours inférieure de 1 à 2 mg/m³ à celle de l’eau ozonée. Ceci signifie qu’une partie des matières organiques susceptibles de réagir avec l’ozone a pu être éliminée par le traitement biologique rapide en lits fluidisés et confirme le fait illustré par le D.D.T. (3) que les matières organiques non chlorées sont plus aisément biodégradables que les matières organiques chlorées.

b) Précurseurs d’haloformes

Les précurseurs d’haloformes ont été déterminés suivant une méthode précédemment décrite (10) et dont le principe consiste à ajouter aux prélèvements effectués aux différents stades du traitement un excès de chlore (concentration finale : 10 mg/l). Les précurseurs d’haloformes présents dans les échantillons conduisent ainsi à une formation de chloroforme proportionnelle à leur concentration. Le chloroforme obtenu est ensuite dosé (10).

Les résultats obtenus (fig. 4) montrent que, dans le cas du traitement biologique rapide en lits fluidisés, la darse élimine environ 10 % des précurseurs d’haloformes présents dans l’eau de Seine. L’élimination est maximale au niveau du décanteur biologique, atteignant des valeurs de l’ordre de 50 à 60 %. Des expériences en laboratoire ayant montré que la simple floculation d’une eau non chlorée éliminait seulement 30 % des précurseurs d’haloformes (7), l’activité biologique du décanteur double donc pratiquement sa capacité d’élimination de ces composés liée à la seule floculation. Comme il fallait s’y attendre (15), nous avons observé, après ozonation (1,91 mg/l), une augmentation de l’ordre de 10 % des précurseurs d’haloformes.

Le bilan général des résultats obtenus est très en faveur de la filtration biologique rapide en lits fluidisés, puisque cette méthode de traitement permet d’assurer l’élimination de 60 % des précurseurs d’haloformes contre 10 % seulement lors de la mise en œuvre de la méthode faisant appel à la préchloration de l’eau brute au point de rupture.

c) Haloformes

Les haloformes présents dans l’eau brute ou formés en cours de traitement ont été évalués par dosage aux différents points de prélèvement du plus représentatif d’entre eux : le chloroforme (7). Dans un précédent article (15), nous avons montré que la préchloration de la darse conduisait à la formation dans celle-ci d’haloformes à une concentration de l’ordre de 60 à 100 μg/l, leur élimination par jour de stockage à ce niveau étant estimée à 10 % par jour. Nous avons également montré que la floculation n’éliminait au maximum que 5 % des haloformes résiduels avec des concentrations de charbon en poudre de l’ordre de 10 à 20 g/m³. Quant à l’ozonation, elle s’est révélée sans effet sur l’élimination des

[Figure : Évolution de la concentration en chloroforme aux divers stades du traitement.]

Haloformes formés. Le bilan général de l’opération se soldait par une concentration d’haloformes à l’entrée du décanteur de l’ordre de 60 à 100 µg/l et une concentration de l’ordre de 50 à 80 µg/l au niveau de l’eau refoulée.

Les résultats obtenus dans le cas du traitement biologique rapide en lits fluidisés montrent que la concentration de chloroforme après post-chloration n’est que de l’ordre de 10 à 20 µg/l. Lors des périodes de crues, bien que les eaux de Seine aient été dans ces conditions particulièrement riches en précurseurs d’haloformes, les concentrations maximales en haloformes de l’eau refoulée n’ont jamais excédé 55 µg/l, alors que, dans ces conditions, la mise en œuvre de la préchloration aurait conduit à des concentrations de l’ordre de 200 µg/l.

d) Pesticides organochlorés

Les pesticides organochlorés ont été déterminés par la méthode mise au point au Service de Contrôle des Eaux de la Ville de Paris (13) sur les différents points de prélèvement. Comme dans le cas du traitement mettant en œuvre la préchloration au point de rupture, leur élimination par filtration biologique en lits fluidisés ne s’effectue qu’au stade de la floculation. Ce résultat n’a rien de surprenant, car ces molécules ne sont pas rapidement biodégradables (3).

TABLEAU III Évolution des caractéristiques microbiologiques de l’eau au cours du traitement (colimétrie, streptocoques fécaux, bactéries sulfito-réductrices). Comparaison des résultats obtenus avec les deux types de traitement.

e) Hydrocarbures polycycliques aromatiques

Ces composés ont été dosés sur les différents points de prélèvement (12). Nous avons pu constater qu’ils étaient éliminés à 100 % au niveau de la floculation. Ce résultat prend toute sa valeur si l’on considère que le prétraitement par le chlore conduit à leur transformation sans assurer pour autant leur élimination.

III. — ÉVOLUTION DES CARACTÉRISTIQUES MICROBIOLOGIQUES

Parallèlement à l’évolution des caractéristiques physico-chimiques, nous avons étudié le devenir des caractéristiques microbiologiques des eaux de Seine lors du traitement biologique rapide en lits fluidisés.

Nous avons donc déterminé aux différents points de prélèvement les quantités de streptocoques fécaux (5), la colimétrie (AFNOR NF T90-413) et le nombre des bactéries sulfito-réductrices (5).

Les résultats montrent, comme il fallait s’y attendre, que les bactéries étudiées se trouvent éliminées aux mêmes étapes du traitement : environ 90 % d’entre elles sont éliminées au niveau de la darse et 99,9 % au niveau du décanteur biologique. On ne retrouve plus, dans l’eau filtrée, que de l’ordre de 10 à 20 bactéries dans 100 ml, la stérilité de l’eau étant d’ores et déjà assurée après ozonation (1,91 mg/l).

L’ensemble de ces résultats souligne l’importance de la floculation-décantation dans l’élimination des micro-organismes présents dans les eaux de surface.

DISCUSSION – CONCLUSION

L’ensemble des résultats obtenus permet de dégager plusieurs notions que nous considérons comme essentielles en matière de traitement des eaux de surface destinées à la consommation publique.

La première d’entre elles concerne le prétraitement par oxydation. L’hypothèse, ou plutôt le lieu commun, qui consiste à supposer que l’oxydation d’une eau brute riche en précurseurs conduit inéluctablement à la formation de nombreux composés secondaires indésirables, connus ou non, alors que l’oxydation d’une eau déjà débarrassée de la plus grande partie des précurseurs ne peut que conduire à la formation de très peu de composés secondaires, a été pleinement vérifiée. Donc, dans le cas considéré, et contrairement à une tendance qui a pu se faire jour à la suite de la mise en évidence de la formation d’halométhanes dans les eaux traitées par le chlore, ce n’est pas la chloration des eaux qu’il convient de condamner en général, mais le point d’application du chlore à l’intérieur même de la chaîne de traitement.

Le second point qui mérite d’être souligné est le triple rôle joué par la darse. En effet, au cours de ce stockage de l’eau brute avant traitement, nous avons pu constater un effet retard mis en évidence par le décalage des fortes concentrations par rapport à celles observées dans la Seine et un effet tampon matérialisé par l’apparition dans la darse de concentrations moins élevées que celles observées dans la Seine. Ces deux effets peuvent apparaître comme très utiles, sinon indispensables, pour éviter des variations brusques de concentration susceptibles de perturber, voire de dépasser les capacités de traitement biologique des lits fluidisés. Quant au rôle épurateur joué par la darse, nous ne doutons pas qu’il puisse aller en s’amplifiant au fur et à mesure de la création d’un équilibre biologique au sein de celle-ci.

Le troisième point est d’intérêt pratique et économique. Le traitement biologique rapide en lits fluidisés peut en effet être appliqué à nombre d’établissements filtrants existants sans autre modification qu’un simple renforcement, par mesure de sécurité, de la capacité postchloration. En ce qui concerne les économies de réactif, la suppression de la préchloration et la diminution, voire la suppression complète dans certains cas du traitement correctif à la soude, doivent conduire à une réduction fort intéressante du prix de revient de l’eau traitée.

Le quatrième et dernier point est essentiel à nos yeux, car d’intérêt sanitaire. En effet, malgré les économies de réactif, nous avons été à même de distribuer une eau de qualité supérieure à celle que nous aurions pu distribuer en appliquant le traitement faisant appel à la préchloration.

En conclusion, le traitement biologique rapide s’avère, comme nous le supposions depuis longtemps déjà (16), une voie d’abord très prometteuse pour le traitement des eaux de surface destinées à la consommation publique. Cette constatation prend toute sa valeur si l’on considère les importantes améliorations que l’on est à même de lui apporter soit aisément, comme par exemple par la mise en œuvre d’une filtration en deuxième étage sur lits de charbon actif en grains, soit encore à la suite de travaux préliminaires à la portée de nos connaissances et de notre technologie, par la mise en œuvre de souches bactériennes présélectionnées.

Ces études sont d’ores et déjà en cours et feront l’objet de communications successives ultérieures dans L’EAU ET L’INDUSTRIE.

REMERCIEMENTS

Nous remercions M. P. CALLARD, Ingénieur en Chef de la Section des Machines, et plus particulièrement M. L. LEGRAND, Ingénieur Général, Chef du Service Technique des Eaux de la Ville de Paris, sans l’aide desquels ce travail n’aurait pu être effectué.

R. VILAGINES — P. LEROY — A. MONTIEL.

12. MONTIEL A., FOURRET G.  
Dosage des hydrocarbures polycycliques aromatiques dans les eaux.

13. MONTIEL A.  
Dosage des pesticides organochlorés à l’état de trace dans les eaux. À paraître.

14. SCHALEKAMP M.  
Nouveaux progrès dans la filtration lente en Gaz et Eaux, n° 6, 1976.

15. VILAGINES A., MONTIEL A., DERREUMAUX A., LAMBERT M.  
Étude comparative de la formation des halométhanes lors du traitement de l’eau potable par le chlore et ses dérivés dans les usines de traitement d’eaux potables et d’eaux usées, L’EAU ET L’INDUSTRIE, n° 18, p. 30, 1978.

16. VILAGINES R.  
Projet de recherche proposé à l’Agence de Bassin Seine-Normandie.

JOURNAL OFFICIEL – RÉGIME DE L’EAU  
Recherche et numération des clostridiums sulfito-réducteurs, p. 477, 1974.

LEGRAND L., POIRIER G.  
Livre : Chimie des eaux naturelles.

WAUTIER J.  
Contribution à l’étude du peuplement d’un milieu particulier, le filtre à sable submergé. Thèse doctorat ès Sciences, Université Paris, 26 juin 1947.

BIBLIOGRAPHIE

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Pratique du calcul de l’équilibre calco-carbo-

2. DEGREMONT  
Livre MEMENTO. Technique de l’eau. Ville Édi-

3. EICHELBERGER J. W., LICHTEMBERG J. J.  
Persistance of pesticides in river water, Environ. Sci. Technol. 5, n° 6, pp. 541-544, 1971.

4. GOMELLA C., GUERREE H.  
Livre : Le traitement des eaux publiques industrielles et privées.

5. EYROLLES, éditeurs, p. 108-112, 1978.
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