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Production d'eau potable par couplage de l'ultrafiltration sur membranes

30 mai 1995 Paru dans le N°182 à la page 44 ( mots)
Rédigé par : Isabelle BAUDIN et Christophe ANSELME

Un procédé de traitement innovant combinant une ultrafiltration sur membranes et une adsorption sur charbon actif en poudre a été mis au point par la société Lyonnaise des Eaux. Le succès de cette combinaison nommée Cristal* est aujourd'hui reconnu et concrétisé par la réalisation industrielle de deux usines de grande capacité mettant en ?uvre ce procédé, qui est appliqué en traitement direct sur une eau de lac à Saint-Cassien en assurant une production de 27 000 m 3/j et en affinage d'eau de Seine à Vignieux-sur-Seine à raison de 55 000 m3/j. Des résultats concernant les qualités des eaux brutes et traitées par Cristal, les paramètres de dimensionnement ainsi que les coûts de revient des deux stations sont présentés ci-après. *Cristal : Combinaison de Réacteurs Intégrant une Séparation par membranes et un Traitement d'Adsorption en milieu Liquide

* Cristal : Combinaison de Réacteurs Intégrant une Séparation par membranes et un Traitement d’Adsorption en milieu Liquide.

L’utilisation de la technologie des membranes pour la production d’eau potable est devenue une variante aux traitements conventionnels. La généralisation de leur emploi est liée, d’une part à une diminution du nombre des ressources dont la potabilisation est facilement réalisable par des traitements conventionnels, et d’autre part à l’anticipation de normes de potabilité plus sévères. Le type de membrane ainsi que le choix des traitements associés (adsorption sur charbon actif, oxydation, traitement biologique) dépendent de la composition de la ressource (matières organiques, micropolluants, ammoniaque, sels dissous…) et de la qualité souhaitée de l'eau traitée. La capacité nominale de l’installation, l’investissement et les coûts de production jouent également un rôle important dans la détermination de la place optimale des membranes dans une chaîne de traitement d'eau.

Il y a dix ans la société Lyonnaise des Eaux a décidé d’appliquer les techniques membranaires à la production d’eau potable et s’est lancée dans un programme de recherche et développement d’une membrane spécifiquement adaptée à l’eau potable. Ainsi, ayant débuté en 1985 dans le cadre d’un programme Eureka, la recherche sur les procédés membranaires de la Lyonnaise des Eaux a débouché sur la mise au point d’une fibre d’ultrafiltration (UF) (seuil de coupure 0,01 µm) mise en œuvre dans des modules industriels développant 50 ou 74 m² de surface filtrante (figures 1 et 2).

[Photo : figures 1 et 2]

La réussite de ce programme s’est illustrée dès 1988 par la construction de la première unité de production d’eau potable par ultrafiltration, à Amoncourt (Haute-Saône, 200 m³/j). Depuis cette date 29 projets, concernant des eaux souterraines ou des eaux de surface, ont abouti à la réalisation d’usines représentant plus de 125 000 m³/j de capacité de production. De 1989 à 1992 le CIRSEE, en liaison avec la Direction Générale de la Santé, définit ce nouveau procédé afin d’obtenir en décembre 1992 un accord du Conseil Supérieur d’Hygiène pour l’obtention de l’Agrément clarification / désinfection physique.

La Lyonnaise des Eaux et Degrémont ont concrétisé cette réussite de leur programme de Recherche/Développement par la création en 1991 d’une filiale commune : Aquasource, chargée de commercialiser les modules et les systèmes d’ultrafiltration Lyonnaise des Eaux.

[Photo : Fig. 1 : Classification des différents procédés de filtration selon leur seuil de coupure.]
[Photo : Fig. 2 : Module de filtration équipé de fibres creuses à peau interne.]
[Photo : Fig. 3 : Schéma de la mise en œuvre du procédé Cristal : combinaison adsorption/ultrafiltration.]

L’application du procédé d’ultrafiltration seul au traitement de l’eau potable est limitée aux eaux de bonne qualité en termes de contenu en matière organique. En effet, cette dernière est responsable de la majeure partie des phénomènes de colmatage qui conduisent à une diminution du flux de production et une augmentation des coûts. De plus, la faible rétention des matières organiques réalisée par l’UF ne permet pas de garantir une qualité d’eau conforme aux normes pour les eaux de surface de plus mauvaise qualité. L’élargissement du potentiel d’application de l’UF passe alors par la mise en œuvre de traitements combinés (adsorption, oxydation, biologie) et l’intégration dans une chaîne complète de traitement. Le procédé Cristal qui fait l’objet de cet article constitue l’une de ces applications.

Ce procédé couple une adsorption sur charbon actif en poudre (CAP) à une ultrafiltration (UF) sur membranes à fibres creuses (figure 3). La boucle de recirculation de l’ultrafiltration y est utilisée comme un réacteur pour réaliser le mélange entre l’eau et le CAP. La membrane constitue une barrière physique au passage du CAP, ce qui permet la rétention des composés organiques adsorbés sur le CAP et qui, normalement, ne sont pas parfaitement retenus par la membrane (matières organiques, pesticides, composés responsables de goûts et odeurs, précurseurs de sous-produits de désinfection). Ce procédé peut être mis en œuvre directement sur l’eau brute : c’est le cas de l’usine de l’Apier Saint-Cassien (27 000 m³/j) près de Cannes, mais peut être aussi utilisé en traitement d’affinage comme ce sera le cas à Vigneux-sur-Seine (55 000 m³/j). Ces deux stations sont présentées dans le cours de cet article. Les avantages de Cristal combinent ceux de l’ultrafiltration et de l’adsorption sur CAP.

Avantages de l’ultrafiltration

De par son seuil de coupure (10 nm en taille et 100 000 daltons en masse moléculaire) la membrane d’UF Aquasource constitue une barrière absolue, efficace pour la rétention de toutes pollutions particulaires : matières en suspension, colloïdes, micro-organismes, bactéries, virus. Cette rétention est totale et indépendante des variations de qualité de la ressource. Cette membrane clarifie donc tout type d’eau sans ajout de réactif. En comparaison, les procédés conventionnels de clarification et de désinfection ont une efficacité et une fiabilité limitées qui dépendent de la qualité de la ressource et des conditions de mise en œuvre sur la station (concentration en réactifs, pH, température, temps de contact, hydraulique de l’écoulement dans les réacteurs et les contacteurs).

Par ailleurs les stations de traitement d’eau basées sur le procédé d’ultrafiltration sont compactes, automatisables et de fiabilité totale.

Avantages de l’adsorption sur CAP

Les avantages de l’adsorption sur CAP mis en œuvre dans une boucle d’UF sont les suivants :

  • - limitation de l’effet de compétition entre la matière organique et les micropolluants organiques ;
  • - cinétique d’adsorption des micropolluants plus rapide que dans un filtre à charbon actif en grain ou un clarificateur à lit de boue ;
  • - souplesse du traitement en CAP : le dosage et le type de CAP peuvent être adaptés aux variations de qualité de la ressource et aux pointes de pollutions spécifiques ;
  • - le CAP dosé en continu sur l’eau d’alimentation est concentré dans la boucle de recirculation d’UF durant les cycles de filtration entre deux séquences de rétrolavage pendant lequel le système est purgé ;
  • - la circulation dans la boucle de filtration assure une énergie de mélange importante qui favorise le transfert et la diffusion des molécules organiques vers les particules de CAP ;
  • - les phénomènes de percées ou de relargages souvent observés à la sortie des filtres à CAG avant régénération ne sont pas observés ici avec le CAP qui est dosé neuf en continu sur la ressource.

Applications industrielles du procédé Cristal

Cristal a été expérimenté depuis cinq années sur différents types d’eaux à

[Photo : Fig. 4 : Vigneux-sur-Seine. Comparaison de l’efficacité des traitements d’affinage par O3 + CAG et par O3 + Cristal pour éliminer une pollution d’atrazine (1,8 µg/l).]
[Photo : Fig. 5 : Usine de Vigneux-sur-Seine. Élimination des goûts et odeurs par traitements conventionnels et par Cristal.]
[Photo : Fig. 6 : Usine de Vigneux-sur-Seine. Élimination du COD sur la chaîne de traitement. Comparaison de l’affinage par O3 + CAG et par O3 + « Cristal ».]
[Photo : Fig. 7 : Chaîne de traitement de Vigneux-sur-Seine.]

Tableau I

Anomalies de qualité constatées sur l’eau traitée à Vigneux de 1991 à 1993.

Paramètres Nombre d’analyses annuelles Nombre de hors normes ou anomalies % Anomalies
Bactériologie 91 : 88 0 0 %
92 : 90 3 3 %
93 : 83 3 3 %
Saveur 91 : 267 23 7,5 %
92 : 257 9 3,5 %
93 : 263 0 0 %
Turbidité 91 : 363 1 0,3 %
92 : 353 0 0 %
93 : 361 0 0 %
THM 91 : 1 1 100 %
92 : 1 1 100 %
93 : 1 1 100 %
Triazines 91 : 5 2 40 %
92 : 4 2 50 %
93 : 2 1 50 %

Échelle des pilotes avec des chaînes de traitement plus ou moins complexes. Deux réalisations industrielles illustrent aujourd’hui la réussite de ce procédé dans de grandes stations de production d’eau potable :

  • la rénovation de l’usine de Vigneux-sur-Seine (Essonne) : application en affinage d’eau de Seine pour une production de 55 000 m³/j dès le mois de mai 1996 ;
  • l’usine de Saint-Cassien (Alpes-Maritimes) : application en direct sur une eau de barrage pour obtenir une production de 27 000 m³/j dès l’été 1995 et de 108 000 m³/j en 2001.

Tableau II

Usine de Vigneux/Seine. Comparaison de l’efficacité des filières de traitement.

PARAMÈTRES EAU BRUTE (Seine) EAU TRAITÉE CONVENTIONNELLE (Clar.+O3+CAG) EAU TRAITÉE MEMBRANES (Clar.+O3+CAP/UF)
Particules > 5 µm (n/litre) 10⁵ – 10⁶ 4·10⁴ – 10⁴ 0
Turbidité (NTU) 5 – 50 0,1 – 0,2 < 0,1
Coliformes totaux (n/100 ml) 10³ – 10⁴ 0 0
Phytoplancton (n/litre) 5·10⁵ – 2·10⁶ 5·10² – 2·10⁴ 0
Germes 22 °C (n/litre) 10² – 3·10⁶ 20 – 1,5·10² 0
COT (mg/l) 3,2 – 4 < 1 – 1,5 < 1
Atrazine (ng/l) 80 – 150 < 20 – 80 < 20
Saveurs (dilution) 5 – 12 < 1 – 2 < 1

Vigneux-sur-Seine

L’usine de traitement d’eau de Vigneux-sur-Seine, située à 20 km au sud-est de Paris, a été construite en 1994 dans sa configuration actuelle. D’une capacité de 55 000 m³/j, elle peut alimenter environ 400 000 habitants à partir de l’eau de Seine. La chaîne actuelle de traitement avant l’application du procédé Cristal comporte quatre étapes : prétraitement de préchloration ; coagulation-floculation-décantation ; filtration sur charbon actif en grain ; désinfection au chlore.

L’usine produit une eau traitée de qualité acceptable. Toutefois les problèmes suivants sont épisodiquement observés (tableau I) :

  • présence dans l’eau traitée de composés organohalogénés liés à l’action du chlore sur les composés organiques de l’eau brute et de l’eau traitée ;

Tableau III

Usine de Vigneux/Seine. Projet d’affinage retenu : procédé « Cristal ».

Mise en service été 1996.

OZONATION : 2 tubes en U ; ajout H₂O₂ possible. Dimensionnement : 2,2 g/m³. Traitement : 1 g/m³.

ADSORPTION SUR CAP : Dimensionnement : 30 g/m³. Traitement : 15 g/m³.

ULTRAFILTRATION : 2 300 m³/h à 20 °C. 8 blocs de 28 modules de 74 m² chacun. 160 l·m⁻²·h⁻¹ à 20 °C ; cycles de filtration : 30 minutes ; 6 régénérations annuelles. Recyclage des eaux de rétrolavage en tête de clarification.

DÉSINFECTION : Dimensionnement : 0,5 g/m³. Traitement : 0,2 g/m³. Résiduel : 0,1 g/m³.

Tableau IV

Vigneux/Seine. Comparaison des coûts des filières d’affinage.

ELEMENTS FILIÈRE CLASSIQUE (O₃/CAG) FILIÈRE MEMBRANE (O₃/CAP)
INVESTISSEMENT
Ozone27 MF27 MF
CAG20 MF
CAP/UF49,5 MF
TOTAL47 MF76,5 MF
F/m³·jour855 F/m³·jour1 390 F/m³·jour
FONCTIONNEMENT
Ozone7 c/m³5 c/m³
CAG13 c/m³
CAP13 c/m³
Lessives1 c/m³
Énergie10 c/m³
Membranes13 c/m³
TOTAL20 c/m³42 c/m³

Tableau V

Usine de L’Apier-Saint-Cassien. Caractéristiques de l’eau brute.

PARAMÈTRES VALEURS EAU BRUTE (moyennes / maximales) OBJECTIFS DU TRAITEMENT NORMES EAU POTABLE
Turbidité (NTU)10 / 50< 0,12
Saveur à 25 °C (dilution)2 / 6< 13
Couleur (Un PtCo)4 / 10< 515
Température (°C)14 / 21
T.M. eau instantanée25 / 35Équilibre calco-carbonique
COT (mg)1,5 / 4< 11
Coliformes totaux (o/100 ml)100 / 40000
Streptocoques (o/100 ml)2 / 000
Algues (nb)210 / 4·10⁸0

– apparition périodique de goûts et odeurs souvent associés aux proliférations alguales ;

– présence de micropolluants organiques dans l’eau traitée (notamment l’atrazine) ;

– concentration résiduelle de matières organiques dans l’eau traitée responsables de la dégradation de la qualité de l’eau dans le réseau de distribution.

La modernisation de la filière de traitement d’eau potable de Vigneux-sur-Seine, décidée en 1991, correspondait aux objectifs ambitieux suivants :

  • Distribuer une eau potable répondant au-delà des normes les plus contraignantes en termes de micropollution, notamment pour les paramètres suivants : triazines, métaux lourds, ammonium, particules, microbiologie, stabilité de l’eau traitée dans le réseau.
  • Éliminer de façon très poussée les matières organiques (objectif sur l’eau traitée d’un COD < 1 mg/l) et satisfaire ainsi l’exigence de qualité des usagers, particulièrement sur l’élimination des goûts et odeurs.
  • Disposer d’un outil flexible adapté aux variations de qualité et de débits dans les meilleures conditions de fiabilité.
  • Mettre en œuvre un procédé innovant, respectueux de l’environnement et facilement automatisable.

Compte tenu des objectifs mentionnés, deux chaînes de potabilisation de l’eau de Seine ont été testées en parallèle durant une année sur des unités-pilotes :

Chaîne 1 « conventionnelle » : Clarification existante + Oxydation (O₃/H₂O₂) + Filtration sur charbon actif en grain + Désinfection au chlore.

Chaîne 2 « membranes » : Clarification existante + Oxydation (O₃/H₂O₂) + Cristal (CAP/UF) + Désinfection au chlore.

Des essais-pilotes comparatifs ont mis en évidence l’intérêt de la filière intégrant le procédé Cristal en termes de qualité d’eau traitée (tableau III). En effet, les particules sont parfaitement éliminées et l’adsorption sur CAP garantit une élimination constante des matières organiques et des micropolluants contrairement à celle obtenue par un filtre à CAG qui peut percer avant régénération. Les figures 5 et 6 illustrent les qualités d’eau ainsi obtenues, comparées à celles obtenues par l’autre filière conventionnelle pour l’élimination de l’atrazine des goûts et des odeurs.

L’avantage du CAP mis en œuvre dans ce procédé est illustré sur la figure 4. Une pollution d’atrazine sur la Seine (1,8 µg/l) est éliminée en partie par la clarification suivie de l’oxydation (1 µg/l après oxydation par O₃+H₂O₂). Cristal en affinage permet, avec 10 mg/l de CAP dosé en continu, d’atteindre une concentration en atrazine sur l’eau traitée inférieure à la limite de détection (< 20 ng/l). Sur cette figure est mis en avant l’inconvénient d’un filtre à CAG en affinage, qui peut, après passage de 20 000 m³ d’eau/m³ de CAG, percer en atrazine et donc n’abattre que partiellement la pollution sur la ressource.

La figure 5 illustre l’efficacité comparée des filières d’affinage O₃/CAG ou O₃/Cristal pour éliminer les goûts et odeurs (valeurs de seuil de dilution). L’intérêt de cette dernière est mis en avant ici : son efficacité pour l’abattement des goûts et odeurs a influencé fortement le choix de l’ozonation dans la définition de la filière de traitement. Le recyclage dans le décanteur en tête de station des eaux chargées en CAP non saturées issues des rétrolavages des blocs d’ultrafiltration a permis d’optimiser l’adsorption des matières organiques sur le CAP et d’économiser 25 % de la quantité de réactif nécessai-

Tableau VI

Usine de L’Apier-Saint-Cassien. Dimensionnement de la chaîne de traitement.

ACIDIFICATION : H₂SO₄ : dimensionnement : 20 g/m³ ; traitement : 15 g/m³ ou CO₂ : dimensionnement : 20 g/m³ ; traitement : 13 g/m³

AJOUT DE CAP : dimensionnement : 30 g/m³ ; traitement : 15 g/m³

ULTRAFILTRATION : Tranche 1 : 1 200 m³/h à 20 °C 8 blocs de 20 modules de 50 m² chacun 80 à 140 l·m⁻²·h⁻¹ à 20 °C ; cycles de filtration : 20 à 30 minutes 4 à 8 régénérations annuelles selon qualité de la ressource Extrapolation : 4 tranches : 4 800 m³/h

DÉSINFECTION : Chloration : dimensionnement : 1 g/m³ ; traitement : 0,5 g/m³

en absence de recyclage pour une même qualité d’eau traitée.

La figure 6 illustre l’avantage du recyclage : deux ans d’essais ont permis de suivre la qualité de l’eau traitée sans, puis avec recyclage des eaux de rétrolavage pour le même dosage de CAP appliqué sur l’eau clarifiée.

Le procédé de traitement avec recyclage appliqué pour la première fois à Vigneux-sur-Seine a fait l’objet d’un brevet Lyonnaise des Eaux.

La chaîne de traitement avec recyclage des eaux de rétrolavage en tête de station a donc été retenue pour le projet définitif de la filière de traitement. L’objectif de qualité sur l’eau traitée en termes d’abattement des matières organiques (COD < 1 mg/l) est ainsi obtenu pour un dosage en continu sur l’eau clarifiée ozonée de 10 mg/l d’un CAP de haute capacité d’adsorption.

Les spécifications techniques du projet retenu pour la rénovation de l’usine de Vigneux-sur-Seine sont données dans le tableau III.

Sur cette usine, seront installés des blocs d’ultrafiltration de capacité non encore obtenue jusqu’alors. Ces blocs de 28 modules (2 lignes de 14) de 74 m² de surface filtrante unitaire ont été mis au point par la société Aquasource qui fabrique, assemble et commercialise les modules. Chaque bloc est autonome et la gestion de l’ensemble des huit blocs est assurée par un automate central. Un contrôle en continu de l’intégrité des modules d’UF sera assuré par la mise en œuvre de compteurs de particules placés sur l’eau ultrafiltrée issue d’un bloc.

La figure 7 représente cette chaîne de traitement. L’ozonation est aujourd’hui en service, le génie civil de la partie Cristal est pratiquement achevé, et l’usine sera mise en eau en mai 96 pour atteindre sa production nominale avant l’été 1996. Les coûts d’investissement et de fonctionnement de la filière d’affinage comparés à ceux obtenus par la filière O₃ + CAG sont donnés dans le tableau IV. La chaîne de traitement par Cristal est d’un prix de revient plus élevé que celui obtenu par une filière classique (la part du coût de fonctionnement lié au remplacement des membranes est basée sur un renouvellement des modules tous les cinq ans), quoi qu’il en soit les avantages multiples du procédé justifient largement cette différence de prix. Un choix technique portant sur la qualité du traitement, sa fiabilité et l’anticipation sur les futures normes a ainsi été opéré à juste raison par le groupe Lyonnaise des Eaux.

Conclusion

La mise en place du procédé Cristal sur le site de Vigneux va permettre de produire une eau potable d’excellente qualité répondant, au-delà des réglementations européennes et françaises, aux normes sur la qualité des eaux distribuées.

L’usine de Vigneux avec une production de 55 000 m³/j est la plus grande station d’ultrafiltration au monde. Elle est la première application de ce procédé en affinage d’eau de surface. Elle permet de distribuer une qualité d’eau constante indépendamment des variations de la ressource. Le traitement mis en œuvre est flexible et adaptable aux variations de débits et de qualité.

Cette station sera totalement automatisée et garantira une sécurité absolue du traitement. Ce projet a bénéficié du label et des aides financières de l’AESN (Agence de l’Eau Seine Normandie) et de la CEE (projet Life).

Saint-Cassien

L’autre application industrielle du procédé est celle en cours de réalisation à Saint-Cassien sur l’usine de l’Apier, où il est appliqué en traitement direct sur une eau brute (le lac du barrage de Saint-Cassien).

Le projet de Saint-Cassien répond aux forts besoins estivaux en eau de cette région de la Côte d’Azur, qui correspond à une vingtaine de communes (dont Cannes, Grasse, Sophia-Antipolis, …) soit environ 250 000 permanents et jusqu’à 450 000 résidants en pointe estivale. Cela équivaut à une demande en eau de 44 Mm³ par an avec une pointe journalière de plus de 220 000 m³.

Demain, dès l’été 1995, l’usine d’ultrafiltration de l’Apier-Saint-Cassien permettra de produire 27 000 m³ (et 108 000 m³ d’ici à l’an 2000).

La ressource disponible, peu vulnérable en période de sécheresse, est le lac du barrage dont les caractéristiques sont données dans le tableau V (les variations de qualité correspondent aux périodes d’orages).

Les objectifs de qualité visés (tableau V) étaient de produire une eau dépourvue de toutes particules, sans micropolluants, sans problèmes de goûts et odeurs, et cela indépendamment des variations de qualité de la ressource. Une année d’essai-pilote en 1992/1993 a permis de tester deux chaînes de traitement capables de répondre aux objectifs de qualité visés. Une filière « classique » comprenant une acidification, une coagulation sur filtre bicouche, une ozonation, une filtration sur CAG et une désinfection finale a été testée en parallèle de la filière basée sur Cristal comprenant une acidification, la combinaison CAP/UF et une désinfection, solution qui est apparue comme l’outil le plus adapté aux objectifs de qualité visés.

Les principales entités techniques de la chaîne de traitement sont données dans le tableau VI. La réalisation de la partie ultrafiltration est prévue en quatre phases : la première phase (mise en eau à l’été 95) comprend 8 blocs de 20 modules de 50 m² de surface filtrante unitaire ; les autres phases prévues mettront en œuvre : 8 blocs de 20 modules dès 1997, 8 blocs de 24 modules dès 1999, 8 blocs de 24 modules dès 2001.

Les blocs fonctionneront en filtration tangentielle, chaque bloc étant équipé de 2 pompes de circulation. Un compteur de particules pour chaque unité de 4 blocs scrutera automatiquement chacun des blocs en permanence pour confirmer l’intégrité des fibres d’ultrafiltration.

Une unité de capteurs de suivi de la qualité de la ressource permettra d’adapter en continu le fonctionnement des blocs d’ultrafiltration (flux de production, fréquence des rétrolavages) aux variations de turbidité et de concentration en matières organiques (COT, absorbance UV).

[Photo : Fig. 8 : Usine de l’Apier-Saint-Cassien. Filière de traitement.]

totalement automatisée grâce à un automate programmable installé sur chaque bloc et un automate-maître pour l’ensemble des blocs.

Le schéma porté sur la figure 8 préfigure la future Usine de L’Apier en construction.

Conclusion

L’usine de L’Apier sera la première station à distribuer en 1995 de l’eau traitée par le procédé Cristal à échelle industrielle pour une capacité de production élevée.

Ce projet s’est concrétisé dans la mise au point du mode de fonctionnement automatisé des blocs de 20 et 28 modules d’ultrafiltration. Ce travail mené en parallèle avec le projet de Vigneux/Seine a permis de faire passer le traitement d’ultrafiltration de petite échelle à l’échelle industrielle de grande capacité (supérieure à 25 000 m³). Le projet de L’Apier-Saint-Cassien est soutenu par l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse.

Conclusion Générale

Le procédé de traitement par ultrafiltration mis au point par la société Lyonnaise des Eaux pour la production d’eau potable est aujourd’hui adapté aux stations de traitement de grande capacité.

Le développement du procédé Cristal a permis de traiter des ressources de qualité variée et ainsi d’étendre le champ d’application du traitement d’UF pour produire de l’eau potable. Le développement de blocs de filtration de 20 et 28 modules a permis de réaliser le saut industriel vers les grandes stations.

La conception de Cristal en tant que traitement direct ou de traitement d’affinage permet d’envisager de futures applications de l’UF aussi bien dans le sens de la rénovation de stations que de construction de nouvelles stations. La qualité d’eau produite est excellente et répond au-delà des exigences de potabilité appliquées aujourd’hui. Cette qualité permet d’envisager sans crainte les évolutions de normes appliquées à l’eau traitée.

Les deux réalisations industrielles de Saint-Cassien et Vigneux/Seine, références françaises, aideront le Groupe à promouvoir dans un proche avenir l’essor international de l’ultrafiltration en matière de production d’eau potable.

Remerciements

Les auteurs remercient de leur collaboration Guy Gelas et Stéphane Cornu, ingénieurs d’exploitation responsables des projets de Vigneux et Saint-Cassien.

Les deux projets ont reçu le soutien et l’aide financière des agences de l’Eau Seine-Normandie et Rhône-Méditerranée-Corse. Le projet de Vigneux a reçu le label européen Life. Ces organismes sont ici remerciés pour leur aide.

Références bibliographiques

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  • Bersillon J-L. ; Cécille L. (ed.), Toussaint J-C. ; Elsevier Applied Science Publishers (1989).
  • Cornu S. et al. ; Proc. IWSA-AIDE ; Paris (1995).
  • Duguet J-P. et al. ; L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances ; 153, 41-44 (1992).
  • Duguet J-P. et al. ; Water Supply ; 11, 1, 141-148 (1993).
  • Mallevialle J. ; Filtech Conf., 187-220 (1993).
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