L?air comprimé est une énergie précieuse dont le coût reste trop souvent sous-estimé. Au-delà de la rationalisation des usages qui fait l'objet d'une problématique à part entière, chaque installation devrait faire l'objet d'un bilan technico-économique régulier. À la clé, des économies souvent très importantes.
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L’air comprimé est une énergie précieuse dont le coût reste trop souvent sous-estimé. Au-delà de la rationalisation des usages qui fait l’objet d’une problématique à part entière, chaque installation devrait faire l’objet d’un bilan technico-économique régulier. À la clé, des économies souvent très importantes.
Près de 70 % des secteurs industriels, tous secteurs confondus, l'utilisent dans le cadre de leur production. Le traitement de l'eau, qu’il s’agisse d’eaux brutes, d’eau potable, d'eaux usées (pour l’aération par exemple) ou d’eaux industrielles, y recourt également massivement. En traitement biologique, il représente même de 60 à 80 % de l’énergie consommée en station d’épuration ! « Il », c'est l'air comprimé produit par un compresseur, terme générique utilisé pour désigner l’équipement susceptible de satisfaire les besoins en air comprimé d'un ouvrage de gestion de l'eau. « Les besoins étant pour l’essentiel situés entre 0,5 et 1,2 bar dans le secteur de l’eau, on parlera plutôt d’air surpressé que d’air comprimé » indique Michel Leromain, responsable technique et développement chez Sulzer.
Brice Ladret, président d’Aerzen France,
distingue trois marchés bien distincts dans le secteur de l’eau : « Le premier regroupe des petits compresseurs à vis ou à pistons lubrifiés pour des utilités jusqu’à 7 à 8 bar. Un second marché concerne essentiellement les applications en filtration en production d’eau potable. Quant au troisième marché, le plus important en volume, il concerne l’insufflation en traitement d’eaux usées. Il repose sur des surpresseurs ou des compresseurs non lubrifiés dont la pression de refoulement est assez limitée. Mais les durées de fonctionnement, souvent longues, justifient que les exploitants soient soucieux de réduire leur consommation d’énergie tout en limitant leur empreinte carbone et leurs émissions de CO₂. »
Car si l’on en croit l’Association Technique Énergie Environnement (ATEE), le coût global sur cinq ans d’une installation de 100 kW se répartit approximativement ainsi : 120 000 € pour les consommations d’énergie électrique, 20 000 € pour les investissements et 20 000 € pour la maintenance.
Proportionnellement, les dépenses d’investissement et de maintenance représentent donc respectivement 12 % et 12 % du coût global, contre 75 % pour les dépenses liées à l’énergie consommée qui représente elle-même les deux-tiers du coût d’exploitation d’une station d’épuration biologique. Impossible donc, pour un exploitant de step, de chercher à optimiser ses coûts d’exploitation sans agir d’abord sur le poste « air comprimé ». D’autant que, de l’avis général, les gisements sont très importants. « De 15 à 35 %, et parfois bien davantage, » selon Michel Leromain chez Sulzer. Mais mieux vaut ne pas se tromper, car dans ce domaine plus encore que dans d’autres, le diable se cache dans les détails. Tout projet d’optimisation requiert pour commencer un état des lieux initial portant sur la conception, le fonctionnement et l’exploitation de l’installation.
Dresser un état des lieux initial
Il s’agit pour l’essentiel de réaliser un diagnostic de l’existant tel que précisé dans la norme NF EN ISO 50001 sur les systèmes de management de l’énergie. Objectif : appréhender les performances réelles de l’installation au regard des besoins en évaluant la performance énergétique et économique initiale de l’installation existante et de son environnement immédiat. Ce diagnostic doit permettre de connaître le coût initial du Normo mètre cube (Nm³) d’air comprimé produit, avant toute optimisation. Ce coût servira de référence pour évaluer au plan économique les différentes solutions techniques envisagées, leur temps de retour sur investissement et le calcul des gains réellement réalisables. Sans pour autant négliger la fiabilité : car une station d’épuration privée d’air comprimé s’arrête purement et simplement de fonctionner avec toutes les conséquences environnementales qui en découlent. Quantité d’air nécessaire (Nm³/h), plages et niveaux de pression requis, variabilité des besoins sont les critères essentiels à prendre en compte. « On ne peut réellement comparer deux compresseurs que si l’on a établi un état d’entrée en débit, pression, température, hygrométrie et après on doit juger d’un débit au refoulement et non un débit aspiré, » prévient Michel Leromain chez Sulzer, « et il ne faut pas hésiter à en établir plusieurs, car les performances sont souvent variables du fait de la variabilité des températures et de l’hygrométrie ». L’état de sortie doit procéder de la même rigueur en s’inspirant des normes ISO 5389 ou ISO 1217 qui édictent des méthodes pour les essais de performances ou de réception permettant de fiabiliser l’essai comparatif.
« Attention toutefois aux normes qui diffèrent, » prévient Michel Leromain. « En ISO 5389, les Nm³/h sont généralement jugés à 0 °C alors qu’en ISO 1217, ils sont jugés à 20 °C. Si l’on ne se méfie pas et que l’on compare les débits annoncés pour la même valeur numérique, il y a un écart réel de 7,3 % du débit. Ainsi, 1 000 Nm³/h à 0 °C deviendront 1 000 × 293/273 = 1 073 à 20 °C, soit un affichage de + 7,3 % alors que ce sont les mêmes volumes. Simplement, quand on juge à une tempéra-
Méthanisation - biogaz : des besoins diversifiés
Le développement, en France, de la méthanisation et de la production de biogaz, voire de biométhane, élargit le champ d’application des compresseurs : brassage de digesteurs, captation et transport du biogaz, purification du biométhane... Sur ces applications, l’efficacité énergétique mais aussi la sécurité et la fiabilité répondent à des exigences strictes. Plusieurs fabricants ont donc développé des gammes de machines spécialement dédiées au marché du biogaz à destination des exploitants mais aussi des spécialistes de la cogénération ou des centrales de production d’énergie comme Eneria ou MWM par exemple. Atlas Copco développe ainsi depuis 1980 une expertise particulière dans ce domaine, de même que Aerzen qui propose des compresseurs ou des surpresseurs pour les applications biogaz et biométhane pour une gamme de pression s’étalant de 200 mbar jusqu'à 20 bar.
À température plus élevée, le volume augmente (PV/T = cste).
Armé de ces paramètres essentiels, l’exploitant devra se pencher sur les différentes technologies sur lesquelles reposent les compresseurs pour choisir la plus adaptée à ses besoins.
Choisir la technologie la plus adaptée à ses besoins
Il existe deux grandes familles de compresseurs. La première regroupe les compresseurs volumétriques qui reposent sur une compression obtenue par une réduction du volume de l’air aspiré. Les surpresseurs à lobes rotatifs, très répandus en station d’épuration, se caractérisent par une absence de compression interne. Parmi leurs avantages, la polyvalence et un prix d’achat avantageux. Contrepartie : leur rendement est faible, autour de 60 %, pour un taux d'utilisation se situant entre 60 et 100 %. Ces équipements ont longtemps profité d'un coût de l’énergie suffisamment bas pour que leur faible rendement soit relativisé. Ils restent cependant proposés par de nombreux fabricants comme Atlas Copco, Airflux Energies, Busch, Compair, Elmo Rietschle, Howden, Kaeser Compresseurs ou encore Robuschi. Car, malgré leur rendement modeste, ils conservent un réel intérêt dans certaines situations : plages de fonctionnement courtes, pressions basses, process à fonctionnement intermittent, ou bien machines d’appoint ou de secours par exemple. La station de production d’eau potable Jagersburg qui alimente la ville de Francfort et ses environs exploite par exemple trois surpresseurs à pistons rotatifs Kaeser de type EB 420 C pour assurer le rétrolavage des huit filtres rapides d'une surface filtrante de 420 m². Sur ce type de process intermittent, les roots restent légitimes.
Sur des applications qui supposent des plages de fonctionnement plus longues, ils sont désormais remplacés par les compresseurs à vis qui permettent de réaliser des économies appréciables et résistent mieux à la chaleur que les classiques surpresseurs. « Cette technologie a été introduite par Atlas Copco en 2008 », souligne Stéphane Carrion, directeur de division Oil free air chez Atlas Copco. « Les compresseurs à vis constituent une rupture technologique par rapport aux “roots” », ajoute Brice Ladret chez Aerzen qui a déposé pas moins de sept brevets à l'occasion du développement de sa gamme Delta Hybrid. Parmi ses points forts, Brice Ladret cite un rendement énergétique amélioré d’environ 15 à 25 % par comparaison avec le rendement d’un surpresseur traditionnel et surtout un concept modulaire qui permet de combiner les cylindrées de compresseurs et les moteurs pour une même taille nominale. Objectif : calquer les performances du compresseur en fonction des besoins du process et de leurs évolutions. La gamme se compose de huit cylindrées ayant des débits volumiques aspirés compris entre 110 m³/h et 9000 m³/h pour des pressions différentielles jusqu’à 1500 mbar en surpression (selon la cylindrée) et jusqu’à –700 mbar en dépression. De même, la gamme de compresseurs à vis Delta Screw d’Aerzen permet de combiner plusieurs types de compresseurs et de moteurs pour s’adapter au point de fonctionnement de l’utilisateur. « Le choix de la bonne machine par rapport aux besoins en pression et au mode d’utilisation est essentiel, souligne Brice Ladret. Il faut sans cesse veiller à mettre la technologie au service de l’utilisation. »
Sur sa gamme ZS, Atlas Copco avance une consommation qui serait, en moyenne, 30 % inférieure à celle des surpresseurs à lobes, un chiffre attesté par l’organisme allemand TÜV. Le surcoût de cette technologie, par rapport aux roots, d’environ 20 %, serait absorbé en deux ans, une durée très courte au regard de la durée de vie de ces machines. Robuschi, avec sa gamme Robox Screw, avance des chiffres analogues, de l’ordre de 25 à 30 % d’économie sur les technologies à pistons rotatifs.
Chez Kaeser Compresseurs, les nouveaux surpresseurs à vis basse pression EBS (10 à 38 m³/min pour une pression différentielle). Elmo Rietschle produit et commercialise une gamme de compresseurs à bec, de technologie sèche, permettant une pression de sortie jusqu’à 3 bar abs. Pression qui correspond aux utilisations de brassage dans les digesteurs.
C’est aussi le cas de MPR Industries qui a équipé de nombreux digesteurs de boues de stations d'épuration et de digesteurs anaérobies en méthanisation. L’entreprise fabrique des compresseurs de brassage de digesteurs à palettes ou à anneau liquide d'une capacité de 150 m³/h à plus de 10 000 m³/h et d’une pression de 4,2 à 45 bar. Elle propose également des soufflantes à canal latéral (de 20 à 1200 m³/h et de 100 à 300 mbar) ainsi que des roots pour les débits/pressions supérieurs (jusqu’à 12 000 m³/h et 4,6 bar) destinés au transport du biogaz.
Différentielle de 1,1 bar) et FBS (67 m³/min) affichent jusqu’à 35 % d’économies par rapport aux classiques surpresseurs à pistons rotatifs. Ils bénéficient de la commande intégrée Sigma Control 2 qui intègre des fonctions de surveillance et facilite la connexion du surpresseur à des réseaux de communication et de la commande prioritaire Sigma Air Manager (SAM) qui ouvre la voie à l’interconnexion, au cœur de l’industrie 4.0.
Pour des besoins plus importants, qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers de m³/h, il faut se tourner vers la famille des compresseurs dynamiques, souvent bien placée lorsque de gros débits sont requis.
Les compresseurs dynamiques : lorsque de gros débits sont requis
Contrairement aux compresseurs volumétriques, leurs performances ne se déduisent pas directement de leur géométrie. Les compresseurs centrifuges, équipés d’une turbine, reposent sur une vitesse élevée de l’air qui crée la compression : l'air est accéléré par une roue et l’énergie cinétique obtenue se transforme en pression. Cette famille intègre les soufflantes à canal latéral, appréciées pour leur simplicité, leur compacité et leur fiabilité de fonctionnement liée à un nombre de pièces en mouvement limité : la roue fonctionne sans contact avec les pièces environnantes, ce qui élimine le besoin en lubrification et l'usure. Utilisables indifféremment en vide ou en pression, elles permettent d’obtenir un débit d’air important avec une pression suffisante à la plupart des applications de bullage. On les trouve donc en stations d’épuration mais aussi en captation et transport de biogaz, en traitement des graisses, en dépollution des sols et des nappes, ou encore en installations de compostage. Elles sont proposées par des fabricants tels que Busch, Elmo Rietschle, Enerfluid, FPZ Blower Technology ou MPR Industries par exemple.
Les surpresseurs centrifuges multi-étagés permettent d’ajuster le débit sur une grande plage de fonctionnement tout en étant capables d’assurer une pression élevée et constante. Ces machines rotatives permettent d’augmenter la pression d’un gaz par le biais de la force centrifuge transmise par un moteur électrique. L'énergie consommée est proportionnelle au débit fourni. Leur fiabilité est liée à l’absence de friction entre le rotor et le corps, les paliers étant l'unique point de contact avec l'arbre. Capables de produire une pression supérieure à la contre-pression créée par la hauteur d’eau, elles sont utilisées en stations d’épuration, en unités de flottation, sur des applications de dewatering, ou encore en transport et en mise en pression de biogaz. Dans ce dernier domaine, Continental Industries a par exemple développé une gamme capable de travailler à des pressions différentielles allant jusqu’à 10 000 Nm³/h et à des pressions pouvant atteindre 400 mbar.
Les turbocompresseurs accélèrent dynamiquement la vitesse de l'air grâce à une turbine montée sur l’arbre moteur qui génère ainsi la pression attendue. Développés par Aerzen, Atlas Copco, Howden ou encore Sulzer, ils peuvent fournir des débits volumiques importants tout en offrant des standards intéressants en matière d’efficacité énergétique mais aussi de maintenance, considérablement allégée. Leurs rendements sont aujourd’hui parmi les plus élevés. Mais plus chers à l'achat, ils sont réservés à des applications d'un certain volume, autour de 1 000 m³/h. « Sur certaines applications, on peut descendre sur des seuils voisins de 500 m³/h, indique Michel Leromain chez Sulzer, mais les temps de retours sur investissement sont plus longs ». Au-delà des volumes, Brice Ladret, Aerzen, souligne la nécessité, pour l’exploitant, de s’approprier une technologie plus complexe à mettre en œuvre que celles sur lesquelles reposent les surpresseurs classiques. « Ces machines sont sans entretien ce qui ne signifie pas qu'elles ne nécessitent pas de suivi, explique-t-il. Il faut les apprendre, les comprendre, les intégrer dans le process et apprendre à bien les exploiter pour en tirer le meilleur parti ». La technique requiert une base d’expert
installée suffisamment solide pour se révéler bénéfique.
Chez Sulzer, les turbocompresseurs HST 2500 et HST 6000 sont équipés d’un moteur asynchrone triphasé tandis que les HST 9500, 40 et 20 intègrent un moto-variateur synchrone à aimants permanents capable de monter à des vitesses de 48 000 tours/minute. L’arbre est maintenu par un système de paliers magnétiques garantissant l'absence de tout contact en fonctionnement comme à l'arrêt. « Les paliers magnétiques permettent à nos turbocompresseurs de fonctionner de façon sûre avec des jeux contrôlés et optimisés », explique Michel Leromain. Les roues sont usinées dans la masse pour assurer une haute précision de forme et de rendement. Chez Aerzen, les turbocompresseurs « Génération 5 » se composent d’une ou de deux turbines montée(s) directement sur l'arbre moteur pourvu de roulements aérodynamiques sans contact. La vitesse de la turbine (jusqu’à 65 000 tr/min) obtenue grâce au moteur synchrone à aimants permanents piloté par un variateur de vitesse permet de délivrer 800 à 13 200 m³/h d’air de 200 à 1 200 mbar. Chez Atlas Copco, les surpresseurs basse pression ZB 100-250 VSD associent des paliers magnétiques à une technologie turbo à faibles vibrations et à un entraînement par un moteur synchrone à aimant permanent. Le rendement élevé du moteur (faibles pertes au niveau du rotor) est maintenu sur l'ensemble de la plage de vitesses, à pleine charge comme à charge partielle.
Quant à la gamme HSD proposée par Howden, elle se compose de quatre tailles de machines avec une ou deux hélices montées directement en bout d’arbre. La spécificité de ces machines réside dans le fait qu’elles n’utilisent pas seulement la vitesse de rotation pour varier le débit d’air généré mais aussi les ventelles positionnées en aval de l’hélice.
L'intérêt des turbocompresseurs ne se limite pas à leur consommation d’énergie : globalement, ils sont environ 25 % plus légers qu’un compresseur classique et leur emprise au sol est de 30 à 50 % plus faible, ce qui peut constituer un atout intéressant en cas de contraintes au niveau du génie civil. Autre point crucial, la maintenance, allégée, qui se limite au changement périodique des filtres à air et des batteries de sécurité. « Les premiers turbocompresseurs livrés en 1995 fonctionnent encore aujourd'hui parfaitement » souligne Michel Leromain.
Mais quelle économie peut-on espérer réaliser sur les applications concernées par les turbocompresseurs ? Michel Leromain, Sulzer, avance une économie d’énergie de 23 % en moyenne lorsque les appareils remplacés sont des « roots ». « Sur les stations d’épuration de Troyes, de Laon ou de Thionville, elle est même de 30 % ». Sur un turbocompresseur d’ancienne génération, l'économie se situe autour de 10 à 15 %. Sur des compresseurs à vis, elle varie sensiblement en fonction du point de fonctionnement et de la pression de sortie. Globalement, les professionnels avancent des retours sur investissement allant de trois mois à trois ans avec des temps très réduits dès lors que les débits deviennent variables.
Soigner la régulation et l’environnement immédiat du compresseur
Amonit® chez Veolia, Ammonair® chez Saur, Greenbass® chez Suez, Liquidcontrol d'Endress+Hauser ou encore RTC-N chez Hach... L’arrivée de sondes ISE pour la mesure de l’ammonium et du nitrate ou de l’oxygène dissous associée à des procédés permettant un pilotage plus fin et plus réactif de l’aération pour ne produire que la quantité d’oxygène nécessaire au traitement de la pollution azotée et carbonée se développent, renforçant ainsi l’importance de la régulation en matière de production d’air comprimé. « Ces procédés modifient en profondeur les besoins des exploitants »
En matière d’air comprimé, souligne Brice Ladret chez Aerzen. Un point de vue partagé par Michel Leromain, Sulzer, pour qui « l’utilisation de ces procédés peut générer des gains très importants dès lors que ces process, qui nécessitent un suivi permanent et très précis, sont pris en charge par une équipe dédiée ». Une exigence qui ne s’harmonise pas toujours bien avec l’automatisation et la diminution, sur le terrain, du nombre des agents d’exploitation. « Si l’on arrive à bien optimiser les process de régulation avec ces outils, on peut espérer un gain supplémentaire d’environ 10 % », indique Brice Ladret, Aerzen. Soit un gain total de 25 à 30, voire 35 %.
Ces outils conduisent à revoir les stratégies de régulation, jusqu’à remettre en cause la nature ou le nombre de compresseurs utilisés. Il peut, par exemple, s’avérer plus judicieux de multiplier le nombre de machines d'un débit plus faible qui permettront une plage de régulation plus grande que d’installer une machine de grosse capacité qui n’offrira pas une plage de régulation suffisante sans mise à l’atmosphère. Également plus souple au niveau de la maintenance, une option de ce type, dans le cas de compresseurs volumétriques, permet aussi de faire reposer la modulation sur un seul de ces compresseurs, par exemple un compresseur à vis, bien adapté aux variations de débit.
Par ailleurs, la stratégie de régulation qui peut porter sur un compresseur ou sur un ensemble de compresseurs doit être d’autant plus réfléchie que les différents modes de régulation peuvent avoir des impacts techniques et économiques différents selon le type de compresseur utilisé.
Les plus courants sont le « marche/arrêt » : le compresseur fonctionne ou non. La méthode peut être efficace énergétiquement (consommation 0 % à l’arrêt et 100 % en fonctionnement) mais peut causer des problèmes en cas de redémarrage trop fréquent du moteur. Le « tout ou rien » consiste à fermer une vanne à l’aspiration lorsque la pression monte au-delà d’un certain niveau, alors que le compresseur continue de fonctionner, mais à vide, ce qui diminue l’effort à fournir et donc la puissance absorbée. Lorsque la pression redescend en deçà d'un seuil prédéfini, la vanne s’ouvre à nouveau pleinement et le compresseur fonctionne alors à charge nominale. Une variante peu intéressante au plan énergétique consiste à faire tourner à vide le compresseur et à le remettre à comprimer lorsque la pression tombe sous un certain seuil.
Un autre mode de régulation concerne plus particulièrement les compresseurs centrifuges qui doivent fonctionner à leur débit nominal : une vanne de mise à l’atmosphère permet de faire varier le débit nominal. Cette solution, qui ne demande pas d’investissement, peut s’avérer intéressante dans le cadre d'une régulation « tout ou rien » de l’un des compresseurs ou bien d'une régulation de faible ampleur de tous les compresseurs de façon à générer une modulation suffisante.
Le recours à la variation électronique de vitesse (VEV) est l’option la plus répandue quand le moteur est asynchrone, synchrone ou à aimants permanents. Le compresseur fonctionne autour d’un index de pression et la régulation fait varier la vitesse de la machine pour qu'elle produise le débit souhaité. Lorsqu’une installation comporte plusieurs compresseurs, un ou plusieurs compresseurs à vitesse fixe assurent la demande de base, un compresseur à vitesse variable répondant alors aux demandes d’air variables ou momentanées.
Gare, cependant, aux abus motivés par la chasse aux certificats d’économies d’énergie (CEE) : l'installation d'un varia-
teur, qui consomme, en permanence de 3 à 4 % supplémentaires, doit répondre à un vrai besoin. Dans bien des cas, un simple démarreur suffit.
Au-delà de la régulation, la maintenance du compresseur et l’attention apportée à son environnement immédiat sont deux autres points qui peuvent influer sur le bilan énergétique d'une installation. Les professionnels estiment en effet que les compresseurs peuvent perdre jusqu’à 30 % de l'air généré à cause de fuites, d'un mauvais contrôle ou d'une maintenance insuffisante. C’est d’autant plus important qu’en règle générale, plus la machine est ancienne, plus son rendement diminue.
Les fabricants proposent donc plusieurs types de contrats de maintenance pour garantir l’efficience opérationnelle de l’équipement 24 h/24.
Elle englobe le plus souvent une maintenance réactive, c’est-à-dire de dépannage, mais aussi une maintenance planifiée, voire prédictive. Le développement des méthodes de modélisation et d’analyses ouvre la voie à une maintenance prédictive de compresseurs même si le secteur de l'eau n’est pas prioritaire. Kaeser Compresseurs a ainsi développé une solution permettant de connecter ses produits en fonctionnement chez ses clients à son système d'information de manière à proposer des services à distance tels qu'un monitoring ou une maintenance préventive pour anticiper les pannes.
Atlas Copco a développé de son côté un module GSM baptisé Smartlink qui permet de connecter la machine pour une surveillance à distance. « SmartLink permet aux exploitants d'avoir une vue complète de leur mais aussi de prévoir certains problèmes et donc de les anticiper, explique Stéphane Carrion. Les données sont recueillies, comparées, analysées en permanence et des alarmes sont envoyées si nécessaire. Cela permet aux équipes de maintenance de planifier et préparer leurs interventions. L'efficacité de la maintenance s’en trouve améliorée ce qui génère des gains de temps et d'argent précieux. »
Sulzer se lance également dans le pilotage à distance mais avec prudence. « Dans la mesure où les systèmes d’épuration et les installations de production d'eau potable sont des opérateurs d’importance vitale (OIV), il nous semble délicat d'avoir un réseau OIV connecté directement au travers d’Internet, du moins de façon permanente », souligne Michel Leromain.