En raison des tensions géopolitiques qui y règnent, l'eau constitue, dans cette région du monde, un enjeu crucial. La ressource, plutôt rare, est inégalement répartie et souffre souvent de pollutions et de surexploitations. Elle bénéficie cependant d'importants soutiens financiers internationaux, dont celui de la France, pour améliorer sa gestion.
Proche-Orient
Middle East
Numerous tensions over water resources
Dossier réalisé parTechnoscope(avec le concours des missions économiques et du Centre français du commerce extérieur)
En raison des tensions géopolitiques qui y règnent, l'eau constitue, dans cette région du monde, un enjeu crucial. La ressource, plutôt rare, est inégalement répartie et souffre souvent de pollutions et de surexploitations. Elle bénéficie cependant d’importants soutiens financiers internationaux, dont celui de la France, pour améliorer sa gestion.
Given the geopolitical tensions in this part of the world, water is a crucial issue. Water resources, which tend to be scarce, are unevenly distributed and frequently suffer from pollution and overexploitation. The water sector does, however, receive considerable international financial support, including from France, to improve management of the resource.
La communauté internationale et la Banque mondiale se sont mises d’accord cet été avec l’Autorité palestinienne, Israël et la Jordanie pour relancer le projet visant à transférer l’eau de la Mer Rouge vers la Mer Morte. La Jordanie a en effet profité de la tenue sur son territoire du Forum économique mondial, au mois de juin dernier, pour relancer ce projet de liaison, vieux de 150 ans ! Il permettrait de stopper la baisse d’un mètre par an du niveau de la Mer Morte : 20 mètres de profondeur ont ainsi été perdus depuis trente ans. Et la surface de cette étendue d’eau a rétréci de 1 000 km² à 670 km².
Canal Mer Rouge-Mer Morte : projet relancé
Cette véritable catastrophe écologique est due aux pompages excessifs effectués dans le Jourdain et au développement d’activités industrielles et touristiques sur les rives de la Mer Morte. Après le traité de paix de 1994, Jordaniens et Israéliens ont étudié pour la première fois la possibilité concrète d’alimenter la Mer Morte depuis la Méditerranée ou la Mer Rouge. En 1997, une étude de préfaisabilité, supervisée par la Banque mondiale, a conduit à un projet de canal entre mers Morte et Rouge. Ce projet a été mis ensuite en sommeil jusqu’au Sommet de la Terre à Johannesburg en 2002, avant d’obtenir l’accord de principe des intéressés cet été.
Il prévoit aujourd’hui, pour un coût de 800 M$, de construire un canal de 180 km le long du Wadi Araba, qui délimite la frontière israélo-jordanienne du nord au sud. À cette conduite seraient ajoutées une centrale électrique (550 MW/an), utilisant le dénivelé de 400 m de hauteur entre le Golfe d’Aqaba et la Mer Morte, et une usine de dessalement pour fertiliser les régions avoisinantes. Ce dernier équipement permettrait une production d’eau potable d’environ 850 millions de m³ par an. Si les trois parties de ce projet se réalisaient, le coût total s’élèverait à 3 Md$. Une nouvelle étude de faisabilité est réalisée pour un coût de 10 M$.
Suez Environnement et Veolia ont déjà manifesté leur intérêt pour cette initiative dont la première phase pourrait être financée sur fonds publics. L’exploitation du canal puis la réalisation des deux usines pourraient en revanche être confiées au secteur privé.
De son côté, l’Association des Amis de la Terre au Moyen-Orient condamne fermement le projet. Elle milite pour une alternative écologique en faveur d’un développement économique durable du Bassin de la Mer Rouge-Mer Morte.
Mer Morte.
Elle propose l'inscription du site comme Réserve de la Biosphère auprès de l'Unesco, et fait un certain nombre de recommandations pour protéger le site contre la dégradation environnementale.
« Entre les deux termes de cette alternative, note Yvain Robreau, chargé de mission technologie à l'ambassade de France en Israël, le choix n'est pas simple et le temps presse : la construction d’un canal nécessite sept à dix années. Durant cette période, la Mer Morte perdra huit mètres supplémentaires ».
Jordanie : 1,7 MDS dans le secteur de l’eau en 2002
Au cours de l'année 2002, le ministère de l'eau et de l'irrigation jordanien a engagé environ 1,7 milliard $ dans le secteur de l'eau, ce qui a permis l'avancement de nombreux projets, tant dans le secteur de l'adduction d'eau potable que du traitement des eaux usées. Ce montant devrait être augmenté en 2003 d'environ 846 millions $.
Le 28 juillet 2002, le groupement franco-américain Degrémont/Morganti a signé avec le ministère de l'eau et de l'irrigation le premier accord de type Build, Operate, Transfer (BOT) jamais mis en place en Jordanie. Ce contrat, prévu pour une durée de 25 ans, porte sur la construction à As-Samra, dans la banlieue d'Amman, d'une nouvelle station de traitement des eaux usées d'une capacité journalière de traitement de 267 000 m³ pour 154,5 M$.
En août ont commencé les travaux d'extension de la station d'épuration de Ramtha visant à porter sa capacité journalière de traitement de 1 900 à 5 400 m³. Novembre a vu l'inauguration du barrage du Wadi Wala. Il permettra de recueillir environ 9 millions de m³ d'eau par an, destinés à l'agglomération d'Amman. Au mois d’août avait également été inauguré le barrage du Tannur (17 Mm³), construit par la société française Bec Frères.
La gestion de ses faibles ressources en eau est le problème environnemental principal auquel la Jordanie est confrontée. La ressource annuelle n'a cessé en effet de se dégrader au cours des dernières années, passant de 530 m³/habitant en 1960 à 224 m³/habitant en 1990, 175 m³/habitant en 1996 et 143 m³/habitant en 2000, le « seuil de pauvreté en eau » étant fixé à 500 m³/habitant.
La Jordanie fait ainsi partie des dix pays les plus « pauvres en eau » du monde. Elle est confrontée à un déficit chronique. Ses ressources renouvelables, estimées à quelque 850 millions de m³ par an, sont aujourd'hui inférieures à la consommation annuelle : plus de
1000 millions de m³ par an.
Le gouvernement jordanien est ainsi contraint, chaque été, de restreindre l'utilisation de l'eau aux fins d'irrigation. Il encourage l'utilisation agricole des eaux usées urbaines retraitées.
Un aqueduc de 325 km pour alimenter la capitale
Plusieurs projets majeurs sont par ailleurs menés pour assurer l'approvisionnement en eau potable du pays, notamment le projet d'aqueduc Disi-Amman. Ce projet permettra l'extraction depuis l'aquifère fossile affleurant à Disi, oasis proche de la frontière saoudienne, de 100 millions de m³ d'eau par an pendant 50 ans et le transport de l'eau par canalisations jusqu'à Amman (2 millions d'habitants), située à 325 km.
Il comprend le forage de 65 puits et toute une panoplie d'infrastructures annexes : stations de contrôle et de régulation, stations de pompage, réservoirs de stockage, alimentation électrique, centre de commande, etc. Mise en service : pas avant 2006. Le coût du projet, qui prendra la forme d’un BOT, est estimé à 600 M$.
Autre grand projet en cours d’appel d’offres, la construction du barrage de l'unité jordano-syrienne, sur le fleuve Yarmouk. Il pourra apporter 100 Mm³/an supplémentaires, destinés essentiellement à l'agglomération d'Irbid, deuxième ville du pays, et à l'irrigation. D'une hauteur de 100 m, il pourra contenir 225 millions de m³. D'après un accord conclu entre les deux pays, la Jordanie récupérera 75 % de l'eau retenue et 25 % de l’électricité générée. La Syrie, qui exploite déjà 24 barrages dans le bassin versant du Yarmouk, est plus intéressée par l'électricité que par l'eau.
Parallèlement, la municipalité du Grand Amman a récemment engagé un programme de réhabilitation de son réseau, qui souffrait d'un taux de fuites (techniques comme “administratives”) de 55 %. Mais les travaux ont pris un retard important, dû à des causes multiples : imprécision des études de faisabilité, lenteur des appels d'offres et cloisonnement des aides apportées par les bailleurs de fonds. En effet, chaque donneur ayant des exigences particulières, l'agglomération a été divisée en 5 zones géographiques précises et attribuées, séparément, à chacun des bailleurs. Résultat : problèmes de compatibilité entre infrastructures, de coordination spatiale et temporelle des travaux et, finalement, peu d’économies d’échelle... Les principales agglomérations du pays (Irbid, Zarqa, Aqaba) envisagent de déléguer la distribution de leur eau au secteur privé.
L’eau rationnée l’été
Concernant les eaux usées, la Jordanie traite aujourd'hui 82 millions de mètres cubes au moyen d'une vingtaine de stations d’épuration, la plupart de capacité insuffisante et de technologie vétuste. De nombreux projets de réhabilitation ou d’extension sont en cours.
Les eaux usées traitées constituent une autre ressource en eau. La Jordanie encourage la réutilisation sans restriction des eaux usées traitées dans l'agriculture et d'autres activités non domestiques.
compris la recharge des nappes phréatiques.
En 2001, près de 61 Mm³ ont été réutilisés indirectement pour l’irrigation dans la Vallée du Jourdain. Le volume des eaux usées traitées qui sera réutilisé pour le seul secteur de l’irrigation devrait atteindre 220 Mm³/an en 2020. Il représente une portion importante du volume total de l’eau d’irrigation et devra suppléer à la demande exercée sur les ressources en eaux souterraines renouvelables.
Près de 95 % des ménages sont raccordés au système d’adduction d’eau. Cependant, la Jordanie applique un programme de rationnement de l’eau depuis 1988. Pendant la saison d’été, les ménages ne reçoivent de l’eau qu’une ou deux fois par semaine, pour des durées de 12 à 24 heures. Ce programme de rationnement oblige les
Proche-Orient : « L’important, pour nous, est la structure du contrat »
Patrice Fonlladosa, Président de Veolia Water Afrique, Moyen-Orient et Sous-Continent indien (AMI)
Patrice Fonlladosa, Managing Director of Veolia Water for Africa, the Middle East and the Indian sub-continent
- Quelles sont vos références dans les pays du Levant ?
- Nous venons de commencer la construction d’une usine de dessalement d’eau de mer à Ashkelon, au sud de Tel-Aviv. Cette unité sera l’une des plus importantes usines au monde utilisant la technologie membranaire d’osmose inverse et la première de cette taille pour le groupe, avec une production de 100 millions de m³/an d’eau potable. Elle sera opérationnelle en 2006. Il s’agit d’un contrat BOT d’une durée de 25 ans que nous allons exploiter avec un partenaire israélien.
En Israël, nous sommes présents à travers les quatre métiers du groupe Veolia Environnement. Nous avons commencé avec les déchets, puis avec la désalinisation et les transports, et nous sommes actuellement le partenaire d’Alstom sur la ligne de métro léger de Jérusalem.
À Gaza, deux personnes de notre filiale Seureca étudient des projets pour l’eau potable.
Dans le reste de la région, nous sommes impliqués en Jordanie, où nous avons construit plusieurs petites unités de traitement d’eau, et au Liban. Dans ce pays, nous participons à un appel d’offres avec plusieurs partenaires pour une grosse station d’épuration à Bourj Hamoud, pour traiter les eaux usées de Beyrouth, dont l’une des particularités sera de produire du biogaz à partir des boues, et pour laquelle nous proposons un montage original notamment en matière de couverture du risque politique.
En Syrie, les affaires sont plus complexes. Bien que ce pays soit très régulé, le système bancaire reste relativement fermé.
- Le dessalement est-il une voie de développement pour vous dans cette région ?
- Tout à fait, d’autant plus que le prix du mètre cube a beaucoup diminué, notamment sous la pression des différents projets développés dans les pays du Golfe. Et grâce à la sophistication des technologies que notre groupe a développées avec Ashkelon, nous pouvons aujourd’hui offrir des coûts plus compétitifs.
- Pourtant, vous ne vous intéressez pas à l’Algérie, qui a manifesté une forte demande dans ce domaine ?
- Ce pays a des projets de dessalement qui correspondent à de vrais besoins et qui constituent une vraie solution « cost effective ». Mais les programmes qui sont lancés ne semblent pas offrir suffisamment de garanties indispensables pour un opérateur, notamment sur le plan contractuel et financier, pour que nous y répondions, et il en est de même pour l’Égypte actuellement.
- Plus largement, quelle est votre démarche face aux risques induits par l’instabilité que peut connaître le Proche-Orient ?
- Pour nous, la question n’est pas tant celle de l’opportunité que celle de la structure des contrats et de la problématique du client. La notion de tarif, sa fixation et l’identification du client final restent primordiales. Par exemple, en Israël, nous vendons le service d’eau à la Water Authority qui la distribue aux prix qu’elle décide : elle peut instaurer des tarifs sociaux, industriels, etc. Selon les pays et les cadres contractuels, nous préférons traiter avec un État ou une collectivité plutôt qu’avec le client final (l’usager). L’amortissement des investissements, sur la durée, reste un élément majeur d’appréciation. Au Maroc (Rabat, Tanger, Tétouan), par exemple, l’État a été partie prenante jusque dans la rédaction des contrats. C’est le signe d’une maturité contractuelle très en avance sur les autres pays de la zone.
- Quelles sont alors vos intentions pour ces pays du Levant ?
- En dehors de ceux que je vous ai cités, nous n’avons pas de projets identifiés. Jusqu’à présent, le modèle prédominant a été le modèle anglo-saxon du BOT dans lequel l’opérateur préfinance l’infrastructure. Nous souhaitons développer le système de l’affermage à caractère concessif dans lequel les investissements de renouvellement sont payés avec le cash-flow généré par les opérations. Nous voulons nous impliquer sur le long terme et sur notre métier d’opérateur. Nous souhaitons être jugés sur les résultats effectifs et sur les performances de nos réseaux.
- Comment caractériseriez-vous votre approche dans ces pays ?
- Nous privilégierons des contrats à long terme dans les pays bénéficiant d’un minimum de stabilité économique et monétaire – ce ne sont pas forcément des pays riches d’ailleurs – et nous cherchons des partenaires financiers pour nous adosser sur le portage des investissements. Nous envisageons, par exemple, de nous associer au cas par cas avec un fonds d’infrastructure spécialisé sur l’Afrique. Nous suivons aussi des projets identifiés comme prioritaires par les organismes internationaux comme la Banque mondiale et les différents bailleurs de fonds.
Souvent, le contrat n’est pas tout. L’approche ne peut ignorer les contextes sociaux. Par exemple, nous effectuons des programmes très importants de « branchements sociaux » au Maroc. Les opérations que nous gérons n’ont pas toutes la même rentabilité, mais en aucun cas nous ne travaillons à perte.
Propos recueillis par Jean-Luc Martin Lagardette
ménages à investir dans des citernes. Environ 30 % des ménages d’Amman s’approvisionnent en eau supplémentaire, en été, auprès de vendeurs privés et paient près de dix fois le prix de l’eau fournie par la municipalité.
L’aide internationale joue un rôle fondamental dans le financement des infrastructures d’eau. En 2002, les États-Unis sont le premier bailleur de fonds (390 M $) via l’Usaid, suivis par l’Allemagne et le Japon. La coopération française est particulièrement axée depuis 1999 sur l’optimisation des ressources pour l’irrigation.
Syrie : une aide internationale réduite Le pays souffre d’une pénurie chronique d’eau. Le niveau d’eau sou-
La Syrie souffre d'une pénurie chronique d'eau : le niveau des nappes d'eau souterraine a diminué dans l'ensemble des 7 bassins du pays ; 75 puits sont désormais à sec. Le forage de nouveaux puits a été interdit mais les captages clandestins se multiplient.
Pour répondre à l'accroissement de la demande, dont l'essentiel est dû à l'irrigation (90 % de la consommation), la Syrie a commencé à construire des barrages dès 1960. Elle possède désormais près de 160 ouvrages stockant une vingtaine de milliards de mètres cubes.
Le pays cherche également à accroître ses ressources par l'exploitation de nouvelles nappes. Une exploration par satellite, menée en collaboration avec la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations), a permis de mettre à jour l'ensemble des nappes du territoire. Des sources résurgentes ont même été identifiées à 500 m des côtes méditerranéennes (500 Mm³ à 200 m de profondeur). Un programme national de construction d'usines de traitement des eaux usées des villes est en cours : 10 stations devraient traiter près de 1400 m³/jour dans les dix ans à venir. Aujourd'hui, trois d'entre elles sont en activité, traitant 420 Mm³/an. L'objectif est de traiter 680 Mm³ représentant 15 % des besoins actuels en eau d'irrigation. Une loi est en cours d'élaboration pour imposer le traitement d'au moins 20 % des eaux industrielles.
Parmi les grands projets du secteur : réhabilitation des réseaux d'eaux usées d’Alep ; près de 10 M€ accordés par l'Union européenne pour des projets d’adduction et d’assainissement de Bseira et Hama ; protocole français pour la construction de deux usines de traitement (Tartous et Lattaquié), un marché attribué à OTV. L’eau traitée doit pouvoir être réutilisée pour l'irrigation ; projets d’assainissement à Damas.
La Syrie est le pays de la région qui est le moins soutenu par l'aide internationale, essentiellement en raison de son isolement politique. Cependant, l'Europe a contribué à hauteur de 100 M€ en 2002 pour des projets du secteur de l'eau.
Égypte : encore peu ouverte au privé
98 % de l'eau consommée en Égypte, soit 65,6 MD m³, proviennent du Nil. Le pays ne connaît donc pas de pénurie d’eau, bien que subissant un climat désertique. Et l’eau des oasis est puisée dans un grand aquifère transrégional de 4800 km³.
La gestion de l’eau est très centralisée. L’exploitation s'effectue sans véritable préoccupation d’équilibre financier. Une future loi sur l'eau envisage la modernisation du cadre juridique et institutionnel. En attendant, le secteur est peu ouvert au secteur privé et la gestion demeure archaïque. Le prix moyen de l'eau est très en deçà du niveau nécessaire à l’équilibre d’exploitation.
La présence française est dominée par Degrémont (Ondeo) qui a réalisé, depuis 1948, plus de 70 usines de traitement, autant dans les traitements des eaux potables que résiduaires ou industrielles.
Au Caire, la capacité théorique de production des stations d’eau potable est de 5,8 millions de m³/jour pour une population d’environ 15 millions d’habitants.
En matière d’assainissement, un projet vise à moderniser et accroître la capacité de l'usine de traitement des eaux résiduaires de la rive Ouest du Nil, près de la commune d'Abou Rawach. La station existante a été mise en service en 1992. Elle comporte uniquement un traitement primaire. D'une capacité de 400 000 m³/jour, elle reçoit
Quel partage de l'eau entre les belligérants ?
Depuis l'indépendance d'Israël en 1948 jusqu'à 1955, les États du bassin du Jourdain ne sont pas parvenus à s'entendre sur un plan quelconque d'exploitation ou de répartition des eaux. Les propositions des différents gouvernements reflétaient seulement les intérêts nationaux. Et l'acceptation des propositions internationales aurait exigé la reconnaissance, par la Ligue arabe, de l'existence de l'État d'Israël.
En 1955, le Plan Johnson, synthèse des propositions arabes et israéliennes, sert enfin de guide officieux pour l'allocation et l'utilisation de l'eau. Mais chaque État du bassin a mis en œuvre ses propres plans d'aménagement hydraulique sans tenir compte des clés de répartition du plan. Devant l'augmentation de la population liée à l'afflux de réfugiés juifs européens, Israël lance en secret un projet d'approvisionnement en eau à partir du Jourdain vers le désert du Néguev. Un premier canal est mis en service en 1964. La Syrie et la Jordanie réagissent en commençant la construction d'un barrage destiné à détourner les eaux du Yarmouk et du Banias. Ces tensions ont contribué à la guerre de 1967 durant laquelle Israël a bombardé et détruit le barrage. Il prend également le contrôle de toutes les sources du Golan, de la rive droite du Jourdain, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
Grâce à ces nouveaux territoires, Israël augmentait de près de 50 % son volume d'eau douce. Aujourd'hui, les Israéliens sont toujours les exploitants majoritaires des aquifères de Cisjordanie et de Gaza. La quantité d'eau réservée aux Israéliens est huit fois supérieure à celle fournie aux Palestiniens. Toute initiative dans le domaine de l'exploitation de nouvelles ressources doit être soumise à l'approbation du Joint Water Committee israélo-palestinien.
Le problème de la ressource (déjà insuffisante) va s'accroître avec l'augmentation prévue des populations israéliennes et palestiniennes. Cette évolution a conduit Israël à signer un accord en août 2002 avec la Turquie. Il prévoit l'importation de 50 Mm³ d'eau par an jusqu'en 2024. Le mètre cube devrait être vendu 0,26 $ à l'État hébreu.
L'eau va être pompée en Turquie, sur le fleuve Manavgat, puis transportée par deux cargos-citernes jusqu'au port d'Ashkelon. Un pipeline de 13 km devrait être construit à partir du port pour acheminer l'eau jusqu'à la conduite qui relie le lac de Tibériade au désert du Néguev.
Nombre d'habitants | Quantité d'eau (en Mm³) | Consommation (m³/habitant/jour) |
---|---|---|
Territoires palestiniens/2001 : 3 381 700 | 244,1 | 84,3 |
Israël/2000 : 4 639 000 | 1 996 | 288,4 |
La gestion reste archaïque. Le prix moyen de l'eau est loin de permettre la pérennité financière.
La présence française est dominée par Degrémont (Ondeo) qui, depuis 1948, a construit 70 stations de traitement d'eau potable ou d'eaux usées urbaines ou industrielles.
Au Caire, la capacité théorique de production des stations de traitement d'eau potable est de 5,8 millions de m³/jour pour une population d'environ 15 millions.
En matière d'assainissement, un projet vise à moderniser et à étendre la capacité de la station d'épuration des eaux usées de la rive gauche du Nil, à proximité d'Abou Rawach. L'installation actuelle a été mise en service en 1992 et n'offre qu'un traitement primaire. D'une capacité de 400 000 m³/jour, elle reçoit actuellement un débit de près de 700 000 m³/jour.
Le maître d'ouvrage est Cairo Wastewater Organisation (CWO). Les études, financées sur fonds Metap', ont été confiées au cabinet finlandais « Soil and Water ». La capacité de la station devrait être portée à 1,2 million de m³/jour. Le budget global du projet est évalué à plus de 150 millions d'€. La BEI pourrait participer au financement. Les appels d'offres ne devraient pas être lancés avant le début de l'année 2005.
Dans les banlieues ouest d'Alexandrie (Mex, Dekheila et Agami), la situation s'est gravement dégradée sur le plan sanitaire comme sur le plan environnemental. Le problème est aggravé par la présence d'une zone industrielle fortement polluante.
L'Agosd (Alexandria General Organisation for Sanitary Drainage) s'est vue confier, au début des années 1990, la mise en œuvre d'un important projet d'assainissement portant sur cette zone urbaine. Il prévoit notamment, cofinancé par la France et la BEI, la construction d'une station de retraitement (primaire et secondaire) des eaux usées, d'une capacité de 145 000 m³/jour pouvant être portée à 290 000 m³/jour.
La France a eu un rôle précurseur en finançant les premières études, dès 1993 (14 MF, contrat attribué à Sogreah). Par la suite, elle a joué
Metap : Mediterranean Environmental Technical Assistance Program. Programme lancé en 1990 et financé notamment par la Commission européenne, la BEI, le PNU et la Banque mondiale.
un rôle moteur en fournissant une assistance technique à l'AGOSD pour le lancement du projet.
Au cours des années 2002 et 2003, la Mission économique française a organisé des réunions entre les bailleurs (DREE, BEI et l'organisme allemand d'aide au développement, KFW) et les autorités égyptiennes pour favoriser l'adoption d'une politique tarifaire apte à pérenniser les investissements.
Liban : une situation hydrologique privilégiée
Compte tenu de son relief et de son climat, le Liban bénéficie d'une situation hydrologique relativement privilégiée. Cependant, ses ressources ne sont pas actuellement gérées de façon optimale. Au total, les ressources annuelles en eau disponibles sont évaluées à 2.600 millions de m³, dont 400 à 1.000 millions de ressources en eau souterraine. De ce total, seuls 2.000 millions de m³ seraient économiquement exploitables.
Les scientifiques s'accordent à prédire une situation de pénurie d'eau d'ici 10 à 15 ans, si rien n'est fait pour préserver la ressource. En effet, la demande actuelle est estimée à 1.400 millions de m³, mais elle pourrait augmenter dans des proportions importantes dans les prochaines années, notamment en raison des besoins du
secteur de l'irrigation.
Le service de l'eau est de façon générale en mauvais état, en raison notamment de la guerre. 40 % de l'eau des systèmes d'irrigation sont perdus. Dans les réseaux d’eau potable, le taux de fuite varie entre 35 et 50 %.
Plusieurs stations de traitement des eaux usées fonctionnent, mais une seule a une capacité importante : Ghadir (36 000 m³/jour). La capacité et la qualité de traitement de cette station doivent être prochainement augmentées.
Un second programme de réhabilitation urgente relative à l'eau potable (Nerp) a été lancé. Le Protocole français a financé, dans cet objectif, une aide technique au ministère de l'Énergie et de l'Eau. Plusieurs projets sont en cours.
Dans la zone du Grand Beyrouth, les eaux usées sont collectées et acheminées vers un ensemble de collecteurs côtiers qui doivent, à terme, converger vers deux stations de traitement :
- au nord, le réseau d'égouts entre Manara et Dbaye transportera les eaux usées vers Dora, où une station de traitement des eaux et un émissaire côtier doivent être construits. Les travaux sur les collecteurs nord se sont achevés en 2001. Mais ils ne seront mis en service que lorsque la station de Dora sera opérationnelle, c'est-à-dire pas avant plusieurs années en raison de problèmes de conception et de financement qui ont retardé le lancement de sa construction (le marché n'est toujours pas attribué). L'appel d'offres pour la construction de la station d'épuration des eaux de Dora est sorti en avril 2003.
- au sud, de Manara et jusqu'à Naameh, les eaux usées seront acheminées vers la station de Ghadir. Au total, le réseau est dimensionné pour une population de 1,67 million de personnes.
Bien que l'État soit favorable à une participation privée accrue dans le secteur de l'eau, le cadre légal et institutionnel est encore imparfait. D'autres projets de délégation au privé sont cependant en cours : pour l’Office des eaux de Tripoli (financement Agence française de développement) ; Office de l'eau et de l'irrigation de Baalbeck-Hermel (Banque mondiale) ; Office des eaux du Liban sud, Office des eaux et de l’assainissement du Grand Beyrouth.
Territoires palestiniens : ressource rare et polluée
Dans les Territoires palestiniens, les pertes en eau varient de 30 à 50 %. À Gaza, les teneurs en nitrates de l'eau distribuée sont très élevées (presque tous les puits ont des teneurs supérieures à
'Nerp 1 avait été financé par la Banque mondiale et la BEI. Nerp 2 est soutenu par un fond koweïtien.
50 mg/l). Les taux de chlorure dépassent 250 mg/l dans 90 % de la zone, en raison d’intrusions d’eaux saumâtres et salines. L’Autorité palestinienne de l'eau a préparé un programme d'actions pour améliorer la gestion de la ressource.
Depuis 1995, Lyonnaise des eaux assure la gestion des services d'eau dans la bande de Gaza. Veolia, présent depuis 1999 dans le sud de la Cisjordanie, s’en est retiré début 2003 en raison des mauvaises conditions de travail dans la région.
Entre 1999 et 2001, plus de 400 M$ ont été alloués par la communauté internationale au traitement et à l’assainissement. La France et l’Autriche ont construit chacune une petite unité de dessalement d’eau de mer (1 250 m³/jour) dans la bande de Gaza.
Plusieurs projets sont en cours. L’Allemagne finance deux projets de construction de step en Cisjordanie et à Gaza. Trois autres stations de traitement dans la ville de Gaza sont financées par l'Union européenne, les États-Unis et le Japon.
Les Territoires, comme la Jordanie, sont dotés de techniques modernes d'irrigation. Le goutte-à-goutte est utilisé dans 65 % des terres irriguées à Gaza et 56 % en Cisjordanie.
Selon le Plan national élaboré pour les 20 prochaines années, 1,5 MDS seront nécessaires pour financer tous les projets du secteur de l'eau. Les pays donateurs se sont engagés à assumer 30 % du montant total (450 MDS). La France a fait de l’eau la priorité de son aide bilatérale : le tiers de notre aide sur protocole y a été affecté depuis 1994.