Your browser does not support JavaScript!

Procédés d'oxydation du carbone organique dans l'eau

29 juillet 1983 Paru dans le N°75 à la page 59 ( mots)
Rédigé par : Guy LACOUR et Alain CARNOY

En raison de la difficulté de mettre en œuvre, en continu, des mesures telles que celle de la demande biologique en oxygène (DBO), ou de la demande chimique en oxygène (DCO), l’étude d’autres paramètres — demande totale en oxygène (DTO) ou carbone organique total (COT) — a été développée.

La mesure du carbone organique total est une excellente méthode pour détecter des fuites de composés organiques, ou pour évaluer en continu la quantité d’hydrocarbures dans l’eau en amont et en aval d’un procédé de fabrication ou d’une station d’épuration. Les premiers instruments sont apparus dans les années 60 ; depuis, de gros progrès de la mesure du COT ont été effectués et cet article se propose de faire le point sur les derniers développements relatifs à ce paramètre.

DÉVELOPPEMENT DE LA MESURE DU CARBONE ORGANIQUE TOTAL

1. Oxydation à chaud

a) Appareils de laboratoire :

Van Hall, Safanko et Stanger de Dow Chemical (1) en 1963 furent les premiers à développer un appareil de mesure du carbone organique total (figure 1). Ils injectaient un échantillon de 20 à 50 µl dans un four contenant un catalyseur à 950 °C. Tous les composés carbonés étaient transformés en CO₂, analysés par I.R., d’où un pic de surface proportionnelle à la quantité de carbone contenue dans l’échantillon. Pour obtenir le carbone organique total (COT), ils acidifiaient d’abord l’échantillon à un pH de 2 et, par barbotage, ils éliminaient le carbone minéral.

[Photo : Fig. 1 – Mesure du carbone total par combustion. Détection du CO₂ par I.R.]

Une version améliorée de ce premier appareil a ensuite permis d’effectuer la mesure de deux paramètres : carbone minéral (CM) — carbone organique total (COT).

L’échantillon était injecté à l'aide d'une micro-seringue dans un four à basse température (150 °C) contenant des billes de quartz enrobées d’acide. À cette température, les composés carbonés minéraux se convertissaient en CO₂, ce dernier étant mesuré à l’aide d’un analyseur infra-rouge.

Une seconde prise d’échantillon de 20 µl était injectée avec de l’oxygène dans un four à haute température (950 °C) contenant un catalyseur assurant une combustion complète. La quantité totale de carbone — carbone organique et carbone minéral — convertie en CO₂ était également mesurée par infra-rouge. La différence entre les valeurs obtenues lors de la détermination de la quantité totale en carbone et lors de la détermination de la quantité en carbone minéral donnait la quantité de carbone organique.

Union Carbide étudia en 1971 un appareil utilisant également une combustion catalytique (en présence d’azote à la place d’oxygène) avec mesure du CO₂ produit par infra-rouge ; l’oxygène était obtenu à partir de la décomposition catalytique de l’eau de l'échantillon.

Une nouvelle technique fut développée en 1967 par Bobbs, Wise et Dean (2), permettant la mesure du carbone organique total par oxydation de tous les composés carbonés en CO₂ sur un réacteur rempli d’oxyde de cuivre à 900 °C ; ensuite, le CO₂ produit était réduit par hydrogénation sur un catalyseur au nickel pour former du méthane analysé par un détecteur à ionisation de flamme (figure 2).

Un développement particulier de cette méthode a été réalisé par Takahashi, Morre et Joyce (3) en 1972, qui permet d’effectuer la mesure des « Carbones Volatils ».

Cette mesure comprend deux étapes (figure 3) :

1) Phase vaporisation :

– 30 µl d’échantillon acidifié sont injectés dans un petit récipient en platine contenant du dioxyde de manganèse. Ce

récipient est introduit dans un four à 110 °C, ce qui provoque l’élimination de l’eau, du CO₂, provenant des carbones minéraux et des hydrocarbures volatils. Ces derniers sont piégés dans une colonne chauffée à 60 °C contenant un polymère poreux. Une fois l’eau vaporisée, le gaz vecteur est inversé dans la colonne qui a été chauffée rapidement à 130 °C. Les hydrocarbures désorbés sont dirigés vers la zone de réduction catalytique en présence d’hydrogène dont l’entrée est à 850 °C et la sortie à 350 °C. Le méthane produit est mesuré sur un détecteur à ionisation de flamme. Il correspond au carbone volatil.

2) Phase pyrolyse et mesure :

  • - L’échantillon est ensuite déplacé du four à 110 °C vers la zone de pyrolyse à 850 °C, où le carbone organique résiduel est oxydé, réduit, pour être converti en méthane mesuré par ionisation de flamme.

b) appareil industriel

Toutes ces techniques utilisent l’injection discrète, par seringue ou par récipient, de petites quantités d’échantillons de 10 à 50 μl, dans un réacteur. Tant que l’échantillon est « propre » (sans matières en suspension avec des teneurs en sel faibles), les mesures donnent de bons résultats, mais il est préférable d’effectuer des mesures sur les échantillons les plus représentatifs (donc contenant des matières en suspension et des sels). Ces échantillons bruts provoquent rapidement un encrassement et/ou une corrosion des systèmes d’injection ou des réacteurs.

En 1976, Small et son équipe (4) ont construit un analyseur de carbone organique total injectant en continu l’échantillon à l’aide d’une pompe péristaltique et de l’oxygène dans un four de gros volume (3 litres) rempli de billes d’alumine (figure 4).

[Photo : Carbone total par oxydation. Réduction et détection par ionisation de flamme.]
[Photo : Carbone organique total avec mesure du carbone organique volatil. Détection par ionisation de flamme.]

Les gaz de réaction sont refroidis et passent dans un séparateur gaz-liquide, le CO₂ produit est analysé par I.R. Cette technique permet de traiter en continu une quantité d’échantillons de l’ordre de 1 ml/mn.

2. Oxydation à froid

Toutes ces techniques d’oxydation des matières carbonées ont fait apparaître avec l’expérience acquise sur le terrain, des inconvénients :

  • — encrassement du réacteur et/ou bouchage de la ligne d’injection (1) d’où diminution du rendement d’oxydation ;
  • — corrosion importante due à la présence de gaz tel que SO₂, Cl₂, oxydes d’azote en présence de vapeur d’eau ;
[Photo : Fig. 4 – Analyseur en continu du carbone organique total. Détection par I.R.]
  • - accumulation de sels dans le réacteur (en particulier NaCl qui est un sel fondu aux températures d’oxydation).

D'autres problèmes provenaient également de la mesure du CO₂ par les analyseurs I.R. classiques, appareils avec détecteur type Luft à deux cellules. En effet, les gaz très corrosifs provoquent sur les cellules de mesure des pertes de signaux dues à la corrosion des surfaces réflectrices de la cellule de mesure, même si celles-ci sont dorées — ce qui provoque des dérives qui peuvent devenir importantes dans le temps (figure 5).

Ces différents problèmes ont accéléré les recherches entreprises sur les méthodes d’oxydation chimique :

  • - Wilson, Menzel et Vaccaro (5) ont effectué des essais d’oxydation en utilisant du persulfate de potassium : l’échantillon est acidifié et dégazé pour éliminer les carbones minéraux ; il est ensuite scellé dans une ampoule de verre et chauffé pendant une demi-heure à plusieurs heures. Le CO₂ produit est dégazé de la phase liquide et mesuré par I.R. ;
  • — Erhard Goulden et Brooksbank (6) ont utilisé cette technique en combinant avec l’action du persulfate celle d’un rayonnement U.V., mais la mesure s’effectue toujours sur des échantillons discrets ;
  • — enfin, en 1978, Jack Small et son équipe (4) ont développé, riches de leur expérience sur la mesure du carbone organique total à chaud, un appareil utilisant l’oxydation au persulfate en présence d’un rayonnement U.V. Leurs objectifs ont été les suivants :
  1. a) supprimer toutes parties métalliques en contact avec l’échantillon afin d’éviter la corrosion,
  2. b) renoncer à tout chauffage afin de pouvoir traiter des échantillons contenant des sels et des matières en suspension,
  3. c) mettre au point un nouvel analyseur infra-rouge pour éviter des problèmes de dérive et de maintenance.

Les solutions apportées :

  1. a) pas de parties métalliques en contact avec l’échantillon :
  • — utilisation de tubes vitton, tygon ou silicone ;
  • — pompes péristaltiques qui permettent d’injecter des débits précis et constants sans que le liquide soit en contact avec une paroi métallique ;
  • — réacteur en tube de verre ;
  • — dégazeur en téflon.
  1. b) pas de chauffage de l’échantillon :
  • — le réacteur est constitué de trois lampes U.V. qui sont plongées directement dans l’échantillon, d’où perte minimale d’énergie U.V. à travers les parois. Toutes les parties en contact avec l’échantillon sont en verre, en quartz ou en téflon. La température de l’échantillon ne dépasse jamais 80 °C, ce qui évite des dépôts de sel et le colmatage du réacteur.
  1. c) analyseur infra-rouge :
  • — nouvel analyseur infra-rouge monofaisceau spécialement étudié pour la mesure du CO₂ dans les gaz corrosifs provenant du réacteur (figure 6).

Cet analyseur I.R. utilise la technique des filtres interférentiels à bandes étroites, l’un calé sur l’ab-

[Photo : Fig. 5 – Analyseur I.R. avec détecteur type Luft.]
[Photo : Fig. 6 – Analyseur I.R. monofaisceau.]

Sorption du CO₂, l’autre dans une zone où il n’y a pas d’absorption de ce gaz. La cuve de mesure ainsi que les tubulures et les raccords sont réalisés en matériaux résistant à la corrosion. Le bloc émetteur/détecteur ainsi que le miroir sont protégés des gaz corrosifs par des fenêtres en saphir.

N’utilisant pas les propriétés réflectrices de la cellule pour effectuer la mesure, celle-ci n’est pas dorée ; elle est réalisée en monel et sa forme conique évite les réflexions parasites provoquées par des dépôts de cristaux salins.

Les dépôts se produisant sur les fenêtres ne provoquent pas de dérives, aussi longtemps qu’un niveau d’énergie I.R. suffisant atteint le détecteur. Le dispositif de correction automatique de gain de l’analyseur compense les éventuels encrassements. Si les fenêtres deviennent trop encrassées, une alarme automatique (visuelle et fermeture d’un relais) est déclenchée. L’appareil peut être nettoyé sans l’aide d’aucun outil, en quelques minutes et la mesure peut s’effectuer sans aucun réétalonnage.

[Photo : Analyseur de carbone type Process, modèle 1800.]
[Photo : Analyseur de COT à froid par photocatalyse UV — schéma de principe]

À partir de ces solutions, deux analyseurs ont été fabriqués :

  • - un modèle « industriel » qui effectue une mesure en continu d’un effluent en injectant l’échantillon à l’aide d’une pompe péristaltique, et qui fournit un signal proportionnel à la quantité en ppm C contenue dans l’échantillon (figure 7) ;
  • - un modèle « laboratoire » où l’on peut injecter à l’aide d’une seringue sans aiguille des échantillons de 0,1 à 8 ml. L’appareil délivre un ticket donnant la concentration en ppm C de l’échantillon injecté. Ce modèle est commandé par un micro-calculateur qui converse avec l’opérateur à l’aide de l’imprimante et lui indique les manipulations à effectuer. Il peut également être couplé à un distributeur d’échantillons pouvant traiter automatiquement jusqu’à 200 échantillons (figure 8).

CONCLUSION

La technique d’oxydation à froid en présence d’U.V. ainsi que le nouvel analyseur I.R. éliminent la plupart des inconvénients rencontrés lors de la mesure du

COT par les méthodes à chaud avec l’analyseur I.R. à détecteur type Luft.

Ces progrès, améliorant de façon très importante la fiabilité et diminuant le coût de maintenance des appareils, vont permettre un fort développement des mesures de COT en laboratoire ou dans l’industrie pour contrôler et mieux maîtriser les effluents.

BIBLIOGRAPHIE

(1) Van HALL C., SFRANCO J., et STENGER V. Anal. Chem. 35, 315 (1963).

(2) DOBBS R.-A., WISE R.-H., et DEAN R.-R. Anal. Chem. 39 (1967).

(3) TAKAHASHI Y., MOORE R., et JOYCE R.-J. Amer. Lab. 4, 31 (1972).

(4) SMALL J.-W. Pollution Engineering 12, 9 (1980).

(5) WILSON R.-F. Limnol. Oceanog. 6, 259 (1961).

(6) ERHARDT M., Deep Sea Res. 16, 393 (1969). GOULDEN P.-D., BROOKSBANK P. Anal. Chem. 47, 1943 (1975).

[Photo : Analyseur de COT à froid de laboratoire. Commande par microcalculateur.]
[Publicité : BESTOBELL MOBREY]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements