Le traitement d'effluents complexes tels que les lixiviats de centre de stockage nécessite de mettre en oeuvre le procédé d'osmose inverse afin de répondre aux normes de rejet strictes. Dans le cas de lixiviats stabilisés (peu biodégradables), ce procédé ne peut ni être couplé à un traitement biologique, ni être utilisé seul (perte de performances). Cet article présente un couplage de procédés innovant permettant le traitement de ces lixiviats. Il s'agit de mettre en oeuvre un pré-traitement à la chaux couplé à un procédé de filtration par tambour rotatif en amont de l'osmose inverse. L?ajout de chaux et la filtration sur tambour rotatif permettent d'éliminer une partie de la matière organique et minérale et ainsi de protéger l'étape d'osmose inverse. La problématique des concentrâts d'osmose inverse est également évoquée et une solution est proposée. Ce couplage de procédés se présente donc comme une alternative intéressante d'un point de vue technique et économique et a fait l'objet d'un dépôt de brevet du CEA (Commissariat à l'Énergie Atomique).
À l'aube du 21ᵉ siècle, la gestion des déchets est devenue un axe prioritaire de la politique environnementale de la France. Parmi les modes de traitement des déchets, l’enfouissement représente, de par sa rentabilité technico-économique intéressante, un créneau très développé, depuis maintenant plus de trois décennies, aussi bien en France qu’ailleurs dans le monde. Malgré la loi « déchets » entrée en vigueur au 1ᵉʳ juillet 2002 qui limite l'utilisation de l'enfouissement aux seuls déchets « ultimes » et qui favorise ainsi le développement de filières de valorisation « matière » (tri, recyclage, compostage) et « énergétique » (incinération), encore près de la moitié des déchets ménagers est dirigée vers des Centres de Stockage des Déchets Ultimes (CSDU) de classe 2. Un CSDU doit, en tant qu’installation classée pour la protection de l’environnement, permettre non seulement une gestion efficace des déchets mais aussi être irréprochable pour la gestion de ses sous-produits principaux : le biogaz et les lixiviats. Contrairement au biogaz dont l’élimination par combustion et valorisation énergétique s’avère satisfaisante, les lixiviats, qui résultent de la percolation des eaux à travers le massif de déchets enfouis, constituent, par leur composition complexe et leurs variations temporelles, un effluent délicat à traiter. Cette difficulté de traitement en fait une problématique quotidienne pour les exploitants de CSDU et une actualité scientifique.
S'il y a quelque temps déjà, les lixiviats se prêtaient bien à l’épuration biologique seule ou combinée à des procédés physico-chimiques, il semble aujourd’hui certain, en raison du caractère de plus en plus stabilisé des lixiviats, qu’avec ces seuls traitements il n’est plus possible de rejeter des effluents éco-compatibles. Et ce d’autant plus que le caractère contraignant des prescriptions de rejet ne cesse de s’accroître d’année en année sous la pression des réglementations tant française qu’européenne et mêmes internationales.
Les filières de traitement ont donc évolué avec l'intégration des nouvelles tech-
nologies pour pouvoir satisfaire ces exigences sur la qualité de l’eau produite. Parmi eux, le procédé d’osmose inverse est aujourd’hui devenu le procédé ultime indispensable. Il s’avère le plus répandu dans de nombreux pays d’Europe de l’Ouest (France, Allemagne, Italie...), d’Amérique du Nord (États-Unis, Canada) et d’Asie (Chine, Corée). Toutefois, à l’échelle industrielle, le traitement direct des lixiviats par osmose inverse connaît des limitations majeures en termes de productivité du fait de la forte salinité des effluents, qui génère des pressions osmotiques importantes, et de leur caractère particulièrement colmatant vis-à-vis des membranes. De plus, le devenir et la prise en charge des volumes de concentrat qui peuvent être importants sont à prendre en compte, d’autant que leur post-traitement reste très onéreux.
Aujourd’hui, le recours à un traitement en amont du procédé d’osmose inverse semble indispensable. Il s’agit donc de réaliser un couplage de procédés le plus efficace mais également le plus flexible possible, en terme de rejet, de productivité (rentabilité) et de variabilité de l’effluent. Aussi, conscient de cette problématique industrielle, il a été entrepris d’étudier le développement et l’optimisation d’un couplage de procédés innovant et efficace pour le traitement des lixiviats. Il s’agit de définir la meilleure combinaison possible de procédés qui permette d’optimiser le traitement de ces effluents en s’adaptant à leurs variations de charge et de composition tout au long de l’exploitation du CSDU, et de répondre à des normes de rejet de plus en plus strictes.
Le couplage de procédé retenu est constitué d’un prétraitement chimique à la chaux des lixiviats suivi d’une étape de séparation solide/liquide sur filtre à tambour rotatif sous vide à précouche de diatomées, puis un traitement final par osmose inverse. Particulièrement chargés, d’une part en pollution carbonée difficilement biodégradable et d’autre part en salinité de teneur proche de celle des eaux saumâtres, trois lixiviats stabilisés issus de CSDU du sud de la France ont été initialement choisis pour cette étude. La présente étude a été réalisée au Commissariat à l’Énergie Atomique (C.E.A.) de Cadarache (13108, Saint-Paul-lez-Durance), dans le cadre d’un doctorat de l’Université Paul-Cézanne [1], en cofinancement avec la Région P.A.C.A. Les résultats de l’étude présentés dans cet article ont abouti à un procédé qui a fait l’objet d’un dépôt de brevet par le C.E.A. [2].
Matériels et méthodes
Procédé d’osmose inverse
La configuration du procédé d’osmose inverse retenue est celle d’un système en mode discontinu (batch) mono-étagé avec recirculation du concentrat. La filtration est menée à flux de perméat constant. Une seule pompe est utilisée comme pompe de gavage et de recirculation. Le couple vitesse-pression peut aussi être réglé en agissant sur la vanne placée en sortie du module membranaire ainsi que sur la fréquence de rotation du moteur de la pompe. Le principe de fonctionnement est présenté en figure 2.
Le lixiviat est introduit dans un bac d’alimentation (30 L). L’utilisation d’une pompe à piston (POM004) assure l’alimentation en fluide du module et permet d’atteindre des pressions d’entrée maximales de l’ordre de 60 bar. Le réglage de la pression transmembranaire est géré via un déverseur (VAN029) en sortie du module membranaire. La température du fluide est maintenue constante à 20 °C par un système d’échangeur thermique (bain thermostaté BAI004). Des capteurs de pression placés en amont et en aval du module membranaire (MAN017 et MAN018) permettent d’accéder à la pression transmembranaire. Pour les essais menés à facteur de concentration volumique constant, la configuration du pilote offre la possibilité d’évoluer vers un fonctionnement en continu du système. Pour cela, le bac d’alimentation est alimenté en effluent brut à partir d’une
Cuve de stockage via la pompe POM005, et le concentrat est extrait de la boucle de recirculation grâce à la pompe POM006. Deux types de module ont été utilisés : un module de géométrie spiralée (2540 SW) développé par Koch Membrane Systems et un Disc-Tube Module (ou DT-Module) de chez Pall (cassette FM16011). Les essais se déroulent suivant les protocoles ci-dessous en fonction du mode de fonctionnement souhaité :
- régime de concentration : pas de recyclage du perméat dans la boucle de recirculation,
- fonctionnement à Facteur de Concentration Volumique (FCV) constant : pas de recyclage du perméat et extraction du concentrat.
Des échantillons de perméat et de concentrat sont prélevés au cours de l’essai afin d’évaluer, par analyses, le taux d’abattement des matières organiques et minérales. À la fin de l’essai, un lavage acido-basique de la membrane est effectué, puis la perméabilité de la membrane propre est comparée à la perméabilité initiale préalablement mesurée avec de l’eau propre.
Filtre à tambour rotatif sous vide à précouche (FRVP)
Les filtres à tambour rotatif à précouche sont utilisés dans les cas de filtrations difficiles, principalement lorsque l’effluent à traiter contient des particules extrêmement fines et compressibles qui colmatent quasi immédiatement les filtres sous pression quels que soient les médiums utilisés. Ainsi la séparation de la phase solide est effectuée non plus par un médium permanent, mais sur un médium consommable constitué par une couche de produit pulvérulent qui est initialement introduit dans une auge à une concentration de 2 à 5 % en masse. L’action du vide et la rotation du tambour permettent alors de déposer et de maintenir sur le tambour une précouche d’adjuvant très homogène, généralement de 5 à 10 cm d’épaisseur. L’auge est ensuite alimentée en produit à filtrer. Sous l’action du vide, le liquide filtrant passant à travers le gâteau dépose un film mince d’impuretés et de sédiments, pénétrant légèrement la surface de la précouche. Un couteau racleur à avance micrométrique coupe et élimine de façon continue cette fine pellicule pour laisser une surface propre continuellement régénérée, permettant d’éviter le colmatage du médium filtrant. Les cycles de filtration cessent dès l’élimination complète de la précouche. Les qualités d’adjuvants de filtration employées avec ce type de filtre sont très souvent des diatomées (Tableau 1). Pour cette étude un adjuvant fritté est utilisé. Comme son nom l’indique, le minerai a été calciné en présence d’un agent frittant (sels de soude) qui augmente l’effet
Tableau 1 : Caractéristiques chimiques de la diatomite frittée
SiO₂ | 89,6 % |
Al₂O₃ | 4 % |
Fe₂O₃ | 1,5 % à la calcination |
CaO | 0,5 % |
MgO | 0,6 % |
P₂O₅ | 0,5 % |
Humidité | 0,2 % |
pH solution 10 % eau distillée | 9,5 |
Tableau 2 : Composition moyenne des lixiviats prélevés en juillet 2006
Lixiviat | Norme de rejet09/09/1997 | |||
---|---|---|---|---|
MC | VP | FB | ||
pH | 8,5 | 8,05 | 8,20 | 5,5-8,5 |
MES (mg·L⁻¹) | 40 | 62 | 45 | 35 |
Conductivité (µS·cm⁻¹) | 16 810 | 34 920 | 12 950 | — |
Résidu sec organique (mg·L⁻¹) | 3 350 | 2 950 | 3 590 | — |
Résidu sec minéral (mg·L⁻¹) | 7 100 | 14 110 | 4 820 | — |
DCO (mg·L⁻¹) | 3 046 | 2 223 | 3 518 | 125 |
DBO5 (mg·L⁻¹) | 180 | 110 | 230 | 30 |
COT (mg·L⁻¹) | 1 200 | — | — | 70 |
N-NO₂ (mg·L⁻¹) | <0,4 | 4,4 | <0,4 | — |
N-NO₃ (mg·L⁻¹) | 0,53 | 6,83 | 0,86 | — |
N-NH₄ (mg·L⁻¹) | 430 | 720 | 684 | — |
NTK (mg·L⁻¹) | 428 | 705 | 680 | 30 |
TAC (°f) | 422 | 549 | 334 | — |
Sulfates (mg·L⁻¹) | 239 | 443 | 321 | — |
Chlorures (mg·L⁻¹) | 2 400 | 7 426 | 3 015 | — |
Calcium (mg·L⁻¹) | 115 | 28,4 | 410 | — |
Magnésium (mg·L⁻¹) | 412 | 60,3 | 65,4 | — |
Sodium (mg·L⁻¹) | 1 950 | 4 630 | 4 190 | — |
Métaux totaux (mg·L⁻¹) | 5,564 | 3,633 | 28,105 | 45 |
Fe (mg·L⁻¹) | 3,40 | 2,67 | 23 | — |
Al (mg·L⁻¹) | 0,475 | 0,194 | 4,47 | — |
Mn (mg·L⁻¹) | 0,666 | 0,132 | 41,25 | — |
Cr (mg·L⁻¹) | 0,295 | 0,268 | 0,389 | — |
Pb (mg·L⁻¹) | 0,040 | 0,021 | 0,030 | 0,5 |
Zn (mg·L⁻¹) | 0,150 | 0,051 | 0,091 | — |
Cu (mg·L⁻¹) | 0,147 | 0,062 | 0,052 | — |
Ni (mg·L⁻¹) | 0,271 | 0,204 | 0,111 | — |
Cd (mg·L⁻¹) | <0,010 | <0,010 | <0,010 | 0,2 |
As (mg·L⁻¹) | 0,138 | 0,019 | 1,70 | 0,1 |
Hg (mg·L⁻¹) | 0,002 | <0,002 | <0,002 | 0,05 |
de calcination sur la surface et l’agglomération des particules. L’unité pilote utilisée pour cette étude a été développée par la société Filtres Philippe en 1987 (figure 3). Elle se compose principalement d’un tambour en acier inox supporté par deux paliers qui se composent de cellules successives formant un cylindre horizontal supportant la toile filtrante et offrant une surface de filtration de 0,143 m², d’une auge en acier inox équipée d’un agitateur oscillant qui permet de maintenir l’homogénéité de la suspension à filtrer, d’un couteau racleur conçu pour être utilisé en filtration sur précouche (couteau à avance micrométrique), de 2 ballons d’extraction des filtrats et d'une pompe à vide à anneau liquide.
Lixiviats
Cette partie est consacrée à la présentation et à la caractérisation des différents lixiviats utilisés pour l’étude. Trois CSDU implantés dans le sud de la France ont été retenus pour étudier la traitabilité des lixiviats par un couplage de procédés. L’intérêt majeur est de pouvoir étudier le traitement de lixiviats de diverses origines. Le tableau 2 récapitule à titre d’exemple la composition physico-chimique de chaque lixiviat. Ces premiers résultats permettent de mettre en évidence les grandes orientations suivantes :
- - une grande variabilité d'un CSDU à l’autre qui provient principalement de la nature des déchets enfouis. À titre d’exemple, le lixiviat VP est issu d’un site qui admet essentiellement des mâchefers d’incinération ce qui génère un lixiviat à caractère fortement minéral,
- - une charge organique oxydable relativement importante d’après les valeurs de DCO et COT,
- - un faible rapport DBO/DCO (< 0,1) qui traduit la présence de composés organiques peu biodégradables,
- - des teneurs en sels dissous très importantes, surtout pour le lixiviat VP, comme le montrent les valeurs de conductivité élevées. Les principaux sels sont les suivants : chlorures, sulfates, magnésium, calcium, sodium et hydrogénocarbonates,
- - des teneurs en métaux lourds assez faibles, surtout pour les lixiviats MC et VP.
Tableau 3 : Répartition en pourcentage de l’absorbance UV à 254 nm et de la DCO apportée par chaque fraction (%)
Pour le lixiviat FB, l’analyse montre une valeur qui dépasse la prescription de rejet de 15 mg L⁻¹ en métaux totaux. Ces faibles valeurs s’expliquent en partie par le caractère alcalin des lixiviats (forte teneur en carbone minéral) qui conduit à la formation d’hydroxydes métalliques peu solubles. Il faut également noter que pour chaque CSDU, le fer représente entre 60 et 80 % de la concentration en métaux lourds totaux. Il semblerait qu’il provienne en partie des ordures ménagères. Les autres métaux que l’on trouve à l’état de traces sont le manganèse et l’aluminium,
- - des teneurs en azote total Kjeldahl élevées. Il faut noter que la quasi-totalité du NTK est sous forme d’azote ammoniacal, les teneurs en nitrates et nitrites restant très faibles.
L’analyse de l'ensemble des paramètres physico-chimiques (pH alcalin, faible rapport DBO/DCO...) permet de conclure que les lixiviats MC, VP et FB ont un caractère stabilisé important. La nature de la pollution carbonée des 3 lixiviats étant très peu biodégradable, leur traitement par voie biologique n’est donc pas envisageable. Il apparaît aussi que les lixiviats sont particulièrement chargés en sels, ce qui peut évidemment limiter la productivité du traitement par osmose inverse.
Outre la mesure de paramètres globaux tels que DCO, DBO et COT, des techniques d’identification ou d’analyses plus spécifiques peuvent être utilisées pour caractériser plus finement la fraction organique d’un lixiviat. La répartition de la DCO peut être réalisée en fonction de la masse molaire des composés (tableau 3). L'étude des profils obtenus montre que pour les 3 lixiviats la majorité de la charge organique (44 à 60 % de l’absorbance UV) est apportée par des composés dont le poids moléculaires est compris entre 1 000 et 50 000 g mol⁻¹. Les lixiviats FB et MC sont caractérisés par un pic d’exclusion intense qui représente près de 1/4 de l’absorbance UV et qui traduit une présence importante de composés à haut poids moléculaires. Au contraire, la charge organique du lixiviat de VP est principalement due à des composés de faibles poids moléculaires. À noter également que les composés à faibles poids moléculaires sont présents de manière significative sur les deux autres.
Analyses
Au vu de la complexité des lixiviats, les analyses menées sur les lixiviats bruts puis traités sont primordiales pour apprécier les performances des procédés étudiés. Afin de connaître et de suivre l’évolution de la composition physico-chimique des lixiviats, plusieurs paramètres analytiques ont été sélectionnés : il s’agit de la DCO par spectrophotométrie, de la DBO par la méthode manométrique Oxitop, du pH (pH-mètre Hanna), de la conductivité selon les protocoles respectivement décrits dans les normes indicées NF T 90-008 et NF EN 27888, et des cations majeurs (NH₄⁺, Ca²⁺, Mg²⁺...) par chromatographie ionique (colonne cationique à haute capacité Ion Pac CS16). Par ailleurs, les procédés de filtration sur membrane 0,45 µm (AP 2004700, Millipore) et d’évaporation lente ont été utilisés afin d’évaluer les teneurs en MES, le résidu sec et le résidu calciné des divers effluents. Ainsi les teneurs en matières minérales et organiques en phase solide et dissoute des lixiviats étudiés ont pu être déterminées. Le microscope électronique à balayage (MEB), de type PHILIPS XL 30, avec filament W est un appareil d’analyses pouvant fournir rapidement des informations sur la morphologie et la composition chimique d'un objet solide. L’analyse de la fraction organique des lixiviats est réalisée par chromatographie de perméation sur gel. Elle permet la séparation des composés organiques selon leur poids moléculaire.
Résultats
Pré-traitements
Les doses de chaux sont exprimées, dans toute la suite de l’étude, en gramme de
Ca(OH)₂ par litre de solution. Des essais préliminaires de précipitation chimique à la chaux sont réalisés en Jar-test sur les trois lixiviats. L’introduction de chaux dans le lixiviat est systématiquement réalisée sous forme d’un « lait de chaux » à 200 g/L pour permettre une meilleure dispersion et dissolution du réactif dans le lixiviat. Les doses de chaux sont croissantes jusqu’à 10 g/L. Les durées et vitesses d’agitation sont : 5 min d’agitation rapide à 300 tr/min suivies de 30 min d’agitation lente à 30 tr/min puis décantation. Un exemple de résultats est présenté dans le tableau 4. Les courbes représentant les variations de la conductivité en fonction de la dose de chaux pour chaque lixiviat ont une allure présentant un minimum pour lequel le taux d’abattement de la pollution minérale est maximal. Au-delà de cette dose de chaux optimale, la conductivité du surnageant augmente rapidement. Les taux d’abattements maximaux de la conductivité atteignent respectivement 22,6 %, 37,3 % et 20,9 % pour les lixiviats du MC, de FB et VP. Il est également intéressant de noter que ces optimums sont obtenus pour des doses de chaux différentes d’un lixiviat à un autre, à savoir 6 g/L, 5 g/L et 8 g/L respectivement pour MC, FB et VP. Pour ce dosage optimal, la totalité des ions Mg²⁺ et Ca²⁺ présents initialement ont quasiment disparu. Ces derniers suivent les mêmes variations que la conductivité en passant par une teneur minimum en solution pour la dose de chaux optimale. Toutefois, il est intéressant de constater qu’il existe une forte élimination du Ca²⁺ initialement présent bien avant que le dosage optimal soit atteint (90 % d’élimination dès 3 g/L de chaux ajoutée pour les trois lixiviats). Les évolutions des teneurs en Ca²⁺ et Mg²⁺ et de la conductivité lors de l’ajout de chaux révèlent un adoucissement progressif du lixiviat. Les ions Ca²⁺ sont alors précipités de manière massive sous forme de carbonate de calcium, CaCO₃, et les ions Mg²⁺ sous forme d’hydroxyde de magnésium, Mg(OH)₂.
Les résultats présentés dans le tableau 4 montrent que la précipitation chimique à la chaux a également un impact sur la fraction organique des lixiviats de l’étude. Le taux d’abattement de la DCO du surnageant augmente au fur et à mesure de l’ajout de chaux dans l’effluent. Pour des concentrations de 10 g/L, cet abattement peut atteindre jusqu’à 50 % de la DCO initiale. Pour les doses de chaux optimales, l’élimination de la matière organique atteint 24,6 %, 30,5 % et 19,2 % de la DCO respectivement pour les lixiviats MC, FB et VP. Pour déterminer plus précisément l’action de la chaux sur la fraction organique, les trois lixiviats traités par précipitation chimique à la chaux ont été analysés par chromatographie de perméation sur gel. L’ensemble de ces analyses a été réalisé sur les surnageants issus du traitement à la dose optimale de chaux. Les résultats sont représentés pour un lixiviat MC (figure 4). L’absence de pic d’exclusion entre 9 et 10 min sur les profils chromatographiques des lixiviats prétraités montre une action très nette du traitement à la chaux sur les composés à hauts poids moléculaires (> 50 000 g/mol) qui sont totalement éliminés : les acides humiques. Si quelques molécules organiques de faibles poids moléculaires (PM < 1 000 g/mol) semblent également faiblement éliminées comme en témoigne la légère diminution de la réponse entre 14 et 15 min, le traitement à la chaux n’a en revanche aucun effet sur les composés intermédiaires ayant des poids moléculaires compris entre 50 000 et 1 000 g/mol. Les acides humiques sont aussi reconnus comme étant responsables de la coloration brune/noirâtre du lixiviat.
Tableau 4 : Résultats de la précipitation à la chaux du lixiviat MC
met de comparer les différences de teintes des lixiviats bruts et des surnageants. Les différences de coloration des lixiviats bruts sont cohérentes avec les intensités des pics d’exclusions révélés par chromatographie de perméation sur gel. La cinétique d’élimination des matières organiques lors de la précipitation chimique à la chaux a été déterminée grâce à une série d’essais Jar-test. Plusieurs échantillons de lixiviat sont placés sous forte agitation (300 tr·min⁻¹) et à t = 0 la dose optimale de chaux est ajoutée. La figure 6 montre que la précipitation à la chaux de l’effluent permet d’éliminer la plupart de la matière organique concernée durant les premiers instants de la réaction. Près de 91 % de l’élimination totale de la matière organique a lieu durant les 30 premières secondes et plus de 99 % après 5 minutes.
Des visualisations au MEB sont réalisées afin de valider le fait que la matière organique est piégée dans la structure cristalline. Pour être en possession d’une base de comparaison, des cristaux de calcite pure ont été synthétisés. Dans le cas du lixiviat, la précipitation du carbonate de calcium semble influencée par la présence des composés organiques. Ces molécules entraînent une modification importante de la morphologie de la phase précipitée. La phase solide recueillie est toujours de la calcite (déterminée par DRX) mais les grains sont amorphes, d’apparences plutôt arrondies. La co-précipitation apparaît comme le mécanisme prépondérant lors de l’élimination de substances humiques, telles que les acides humiques et fulviques, suite à un traitement chimique à la chaux.
Le couplage à la chaux ayant été réalisé, il est nécessaire de réaliser une filtration pour éliminer la séparation des matières en suspension. Lors de la filtration sur FRVP, le principal paramètre opératoire à prendre en considération est la pression de vide. La vitesse de rotation du tambour a été réglée à 40,8 tr·min⁻¹. Dans ces conditions, la vitesse d’avance micrométrique du couteau permet un renouvellement efficace de la surface de filtration pour une consommation limitée du gâteau de diatomée.
Tableau 5 : Résultats des essais de filtration sur tambour rotatif à précouche — pression de vide de 300 mbar — lixiviat FB, VP et MC
Les performances de la filtration ont été étudiées pour différentes pressions de vide (figure 8). Il apparaît que le flux de filtration compris entre 780 et 1 200 L·h⁻¹·m⁻² augmente linéairement avec la pression de vide appliquée dans la gamme de 200 à 550 mbar. Dans le même temps, la siccité de la boue se stabilise rapidement autour de 50 % à partir d'une pression de vide de 300 mbar. Au-delà de 300 mbar, l’augmentation de la pression n’a plus d’influence sur la siccité de la boue. Par conséquent, pour obtenir une déshydratation maximale des boues à des coûts de fonctionnement minimum, il paraît donc judicieux de filtrer sous une pression de vide de 300 mbar. Des essais de filtration sur FRVP ont été réalisés sur les différents lixiviats MC, FB et VP prélevés sur plusieurs années de manière à évaluer les per-
performances de la séparation solide-liquide. Les résultats (tableau 5) montrent que les flux de filtration sont relativement élevés quel que soit le lixiviat (> 650 L·h-1·m-2). La siccité de la boue produite demeure proche de 50 % pour les trois lixiviats. Pour des doses de chaux variant de 3 à 4 g·L-1, le procédé de filtration par FRVP permet de récupérer, en moyenne sur une année de traitement, une masse d’environ 10 g de boue humide par litre de lixiviat traité, qui représente 5 g de boue sèche par litre de lixiviat traité. Enfin, les analyses réalisées sur les différents perméats issus de la filtration montrent une absence totale de MES en sortie du prétraitement. Le filtre permet donc de séparer la totalité de la phase précipitée de la phase liquide aqueuse.
L'origine du lixiviat semble jouer un rôle sur les performances du FRVP. La phase précipitée formée lors du traitement chimique à la chaux possède des propriétés colmatantes beaucoup plus prononcées dans le cas du lixiviat FB que pour MC et surtout VP. Ces observations sont à rapprocher des conclusions émises sur l'efficacité du traitement à la chaux vis-à-vis de la fraction organique des différents lixiviats. En effet, les essais de précipitation chimique à la chaux/décantation, réalisés en Jar-test ont permis de montrer que l’élimination de la DCO était respectivement de 30,5 %, 24,6 % et 19,2 % pour les lixiviats FB, MC et VP. Les matières organiques co-précipitées lors du traitement à la chaux agissent donc sur la filtrabilité de la phase précipitée et la rendent plus ou moins colmatante vis-à-vis de la filtration sur précouche de diatomée. Les boues générées à l’issue de l’étape de prétraitement sont constituées essentiellement d’un précipité de carbonate de calcium, de molécules organiques de type acide humique co-précipitées, de diatomée et à moindre mesure de précipités d’hydroxydes métalliques et de magnésium.
Une solution très intéressante pour le devenir de ces boues serait d’être stockées directement sur le site du CSDU. Toutefois l'intérêt d’un tel choix ne se comprend que dans le cas où les matières colmatantes co-précipitées ne seraient pas relarguées dans le massif de déchets et donc de nouveau lixiviées. Pour étudier cette possibilité, un test de lixiviation, selon la norme X 31-210 a été effectué. À l’issue de ce test, l’analyse de la composition physico-chimique de l’éluat récupéré est réalisée. Les résultats de ces tests de lixiviation sur les boues issues du prétraitement des lixiviats montrent de manière avantageuse que la totalité des espèces qui ont précipité ou co-précipité lors du traitement chimique à la chaux ne sont pas ou peu relarguées (moins de 10 %).
Impact du prétraitement sur le procédé d’osmose inverse
Étape de concentration : FCV croissant
Des essais d’osmose inverse sans soutirage ont été menés sur les 3 lixiviats de l’étude, sans aucun prétraitement puis avec prétraitement. Le flux de perméat initial J₀ est fixé à 10 L·h-1·m-2 : valeur industriellement utilisée. La figure 9 représente les variations de PTM en fonction du FCV pour les 3 lixiviats bruts et pour les mêmes lixiviats prétraités. Ces résultats montrent que la pression initiale obtenue pour les lixiviats prétraités est plus faible que pour les effluents bruts. Cette diminution de pression constatée dès le début du cycle de filtration est de l’ordre de 2 à 3 bar (soit 10 à 20 %). Pour les 3 lixiviats prétraités l’augmentation de la pression transmembranaire en fonction du FCV se révèle également moins rapide que pour les 3 lixiviats bruts. Les FCV limites atteints pour une PTM de 55 bar sont alors plus élevés que lors de la filtration directe du lixiviat par osmose inverse. Pour les lixiviats MC et VP, les limites de fonctionnement sont respectivement repoussées à des valeurs de FCV de 7,7 (+50 %) et 4,4 (+30 %). Pour le lixiviat FB, l’augmentation est beaucoup plus spectaculaire, avec un FCV limite de 19,3, soit un facteur 3 par rapport à l’absence de prétraitement.
Tableau 6 : Performances du procédé d’OI pour le traitement des lixiviats : Influence du prétraitement à la chaux, TC = 100 %, J = 10 L·h⁻¹·m⁻², 20 °C, lixiviats MC, FB et VP
Lixiviat |
---|
PTM initiale (bar) |
d(PTM)/d(FCV) (bar) |
FCV limite à 55 bar |
DCO (mg·L⁻¹) |
Ca²⁺ (mg·L⁻¹) |
Mg²⁺ (mg·L⁻¹) |
HCO₃⁻ + CO₃²⁻ (mg CaCO₃·L⁻¹) |
Conductivité (µS·cm⁻¹) |
Taux d’abattement du paramètre analysé suite au prétraitement (%) |
Rapport au même lixiviat brut (FCVmax = 6,9). Les performances avec et sans prétraitement sont résumées dans le tableau 6. Les raisons de cette amélioration sont liées aux effets de la chaux sur le lixiviat. L’élimination des espèces minérales conduit à un abaissement de la pression osmotique qui se traduit par une diminution de la PTM initiale (à FCV = 1) et une augmentation moins rapide de la PTM avec le FCV, ce qui permet d’atteindre au final des FCV limites plus élevés.
Toutefois, l’impact du prétraitement reste dépendant de la composition physico-chimique du lixiviat. Pour un effluent peu salin, comme le lixiviat FB, le prétraitement entraîne une augmentation importante des performances du procédé d’osmose inverse (tableau 6). En revanche, pour un lixiviat très salin, les effets sont plus modérés.
Étape de filtration industrielle : FCV constant
Théoriquement, en l’absence de tout colmatage et en imposant un facteur de concentration volumique FCV (ou un taux de conversion Tc) constant grâce à un soutirage de concentrat, une stabilisation de la pression transmembranaire doit être observée. Dans ce contexte, l’intérêt de cette série d’essais se porte davantage sur l’évolution de la PTM lorsque le FCV est constant : les éventuelles variations de PTM ne pourront alors être attribuées qu’à un seul colmatage ou encrassement de la membrane et non plus à la modification de la salinité de l’effluent. Ces essais doivent donc permettre de déterminer plus précisément l’intensité et la nature du colmatage lors du traitement des lixiviats par osmose inverse. Les résultats seront alors examinés en fonction des conditions opératoires de flux de perméation et de FCV pour le module spiralé. Les figures 10 à 12 présentent l’évolution de la PTM en fonction du volume de perméat produit et du temps à FCV fixé pour les trois lixiviats prétraités. Il apparaît clairement que pour les trois lixiviats prétraités à la dose optimale de chaux, la PTM ne varie plus dès stabilisation du FCV et ce pour toute la durée de la filtration (3 à 5 heures). L’augmentation de la PTM est inférieure à 0,001 bar·L⁻¹ de perméat recueilli dès que le FCV est maintenu constant. Ce résultat est valable même pour des FCV plus élevés. Pour preuve, des essais ont été menés pour le lixiviat MC à des FCV de 4 et de 6 (figure 13). Quel que soit le lixiviat, la stabilisation instantanée de la pression transmembranaire traduit l’absence quasi totale de colmatage de la surface membranaire, même après plusieurs heures de filtration et pour des FCV relativement élevés. Le prétraitement chimique à la chaux permet l’élimination quasi complète des espèces responsables du colmatage des membranes d’OI lors du traitement des lixiviats stabilisés. La régénération complète de la membrane par simple rinçage à l’eau même après plusieurs heures de fonctionnement permet de confirmer l’absence de colmatage.
Conclusion
Les filières de traitements traditionnelles, qui ont longtemps consisté en une dégradation biologique du lixiviat et/ou à des traitements physico-chimiques, ne parviennent plus à traiter suffisamment ces effluents. L’explication est liée d’une part au vieillissement de la plupart des centres de stockage, ce qui entraîne la formation de lixiviats de plus en plus stabilisés et donc de moins en moins biodégradables, et d’autre part au durcissement permanent des exigences réglementaires de rejet vers le milieu naturel. L’examen de l’état de l’art réalisé montre que les filières de traitement ont dû évoluer en tenant compte de l’intégration de technologies nouvelles. En particulier, le procédé d’osmose inverse s’impose aujourd’hui comme le procédé final indispensable au traitement des lixiviats, dans l’objectif de satisfaire aux normes de rejet. Toutefois, le procédé d’osmose inverse est très souvent appliqué seul et connaît deux
Principaux facteurs limitants propres aux procédés membranaires :
- la forte salinité de l’effluent qui engendre des pressions osmotiques importantes au niveau du procédé, et donc un coût énergétique important,
- le colmatage non négligeable des membranes, essentiellement par des molécules organiques à hauts poids moléculaires et qui proviennent principalement de la stabilisation des lixiviats. Ces molécules sont en grande majorité les substances humiques.
L'amélioration des performances de l’osmose inverse et la lutte contre ces limitations majeures passent alors par la définition et la mise en place d’une chaîne de traitements adaptée aux lixiviats stabilisés. Cette chaîne de traitements doit inclure, à minima, une étape de prétraitement en amont de l’osmose inverse qui permette une élimination significative des molécules organiques à hauts poids moléculaires et de la salinité.
Il a été montré l’intérêt de coupler un traitement chimique à la chaux et une filtration en amont de l’étape finale d’osmose inverse pour le traitement des lixiviats stabilisés. En ce qui concerne le traitement chimique à la chaux, une étude détaillée de la réactivité chaux/lixiviat a permis de mettre en évidence un impact très avantageux de la chaux sur la composition physico-chimique du lixiviat. Tout d’abord, l’ajout de chaux permet d’initier un mécanisme de décarbonatation du lixiviat. Cela se traduit par une précipitation des ions hydrogénocarbonates et carbonates initialement présents sous forme de CaCO₃. Il existe une dose de chaux optimale de traitement, comprise entre 2 et 6 g·L⁻¹, pour les lixiviats utilisés durant l'étude, et pour laquelle un abattement maximal moyen de 90 % du carbone minéral est atteint. L’impact sur la fraction minérale est important, avec une diminution de la salinité de 20 à 40 % lorsque la dose de chaux ajoutée est optimale. Parallèlement à ce mécanisme de décarbonatation, le prétraitement à la chaux permet également d’éliminer 20 à 30 % de la DCO. Une analyse par chromatographie a permis de montrer qu’il s’agissait de composés à hauts poids moléculaires (> 50 000 g·mol⁻¹), surtout reconnus comme étant à l’origine du colmatage de la plupart des procédés membranaires, à savoir les acides humiques.
Pour la séparation de cette phase précipitée composée en majorité de carbonate de calcium, le filtre à tambour rotatif sous vide à précouche de diatomées s’avère particulièrement adapté et efficace. Le décolmatage continu de la surface de filtration par couteau racleur permet d’atteindre sur ce type d’installation des flux de production élevés, compris entre 650 et 1 000 L·h⁻¹·m⁻², soit 15 à 40 fois plus élevés que ceux obtenus par ultrafiltration. La filtration assure également une parfaite séparation et élimination des matières en suspension et permet d’atteindre des siccités proches de 50 % pour une pression de vide de 300 mbar, ce qui rend cette boue facilement pelletable et transportable. Les quantités de boues humides générées par le filtre à tambour rotatif avoisinent 10 à 15 grammes de boue pelletable (humide) par litre de lixiviat traité. Une analyse de cette boue après séchage a montré que la boue sèche est composée à près de 90 % de CaCO₃. La fraction de la matière organique co-précipitée représente seulement 2 à 9 % de la production totale de boue sèche. Enfin, la quantité de boue supplémentaire générée par le raclage de la précouche de diatomées reste également faible (de 2 à 9 % de la masse totale de boue produite, en fonction du lixiviat traité) et équivaut à une consommation en diatomées de
[Figure 13 : Évolution de la PTM en fonction du temps à FCV constant, procédé continu mono-étagé, module spiralé Koch, 20 °C. FCV = 4 (Tc = 75 %), J = 12,4 L·h⁻¹·m⁻² et FCV = 6, J = 13,8 L·h⁻¹·m⁻². Lixiviat MC prétraité à 3,0 g·L⁻¹ de Ca(OH)₂.]
L'ordre de 0,2 gramme par litre de lixiviat traité. Une attention particulière a été portée sur le devenir des boues générées. Un stockage direct sur site semble très avantageux, d'autant plus que des tests de lixiviation ont montré une très bonne stabilité de cette boue. D'un point de vue économique, le coût global d'un tel prétraitement se montre très avantageux. Il s'élève entre 0,5 et 1 € par m³ de lixiviat traité. Le coût d'investissement pour traiter un débit journalier de 100 m³ a été estimé à 30-40 k€.
Du fait de son impact sur la fraction minérale du lixiviat par l'élimination de certains sels, le prétraitement à la chaux permet de réduire la pression osmotique de l'effluent de 10 à 25 %, ce qui se traduit au niveau du procédé par une diminution de la pression transmembranaire initiale à FCV = 1. Pour des salinités du lixiviat de 32 et 8 mS·cm⁻¹, cet effet sur la pression osmotique entraîne une augmentation respective de 30 à 170 % du FCV maximum atteint à 55 bar, ce qui permet de réduire jusqu'à trois fois le volume de concentrat produit. Le prétraitement à la chaux permet également d'éliminer la quasi-totalité du colmatage membranaire. Les essais réalisés à Facteur de Concentration Volumique ou taux de conversion constants ont effectivement montré que le prétraitement du lixiviat permet de maintenir stable la pression transmembranaire sur des cycles de traitement de 3 à 5 heures et pour des FCV allant jusqu'à 6. Cette limitation dans le temps est liée aux contraintes expérimentales et une stabilité des pressions plus longues dans le temps peut être envisagée. Toutefois, la très faible variation dans ce laps de temps laisse présager d'un fonctionnement identique sur plus long terme.
Il semblerait que la suppression du colmatage soit due en grande partie à l'élimination par coprécipitation des molécules organiques à haut poids moléculaires que sont les acides humiques.
La majorité de ces résultats ont été obtenus avec un module d'osmose inverse spiralé, mais les mêmes conclusions s'appliquent au DT-module plus spécifiquement utilisé pour le traitement des lixiviats, et testé aussi au cours de cette étude.
Enfin, l'étude des performances du couplage des procédés autour des conditions optimales du prétraitement a montré la flexibilité de la chaîne de traitement. Seul un surdosage de chaux peut s'avérer rédhibitoire pour les performances du procédé d'osmose inverse.
Le développement du prétraitement proposé [1] a permis d'entraîner une nette amélioration des performances du procédé d'osmose inverse en luttant efficacement contre les limitations majeures évoquées précédemment. Le couplage des procédés : traitement chimique à la chaux + filtration sur filtre à tambour rotatif sous vide à précouche + séparation membranaire par osmose inverse apparaît comme une solution prometteuse dans un avenir proche. Au final, la proposition de couplage mise en œuvre dans cette étude permet d'envisager un coût global de traitement de l'ordre de 5 €/m³ de lixiviat traité pour 10 €/m³ en moyenne actuellement lors du traitement direct des lixiviats par osmose inverse seule (et en considérant un traitement externe des concentrats). Cette nette diminution du coût global de fonctionnement s'explique par la réduction importante de la fréquence des lavages chimiques de la membrane puisqu'il n'y a plus ou peu de colmatage, mais elle s'explique aussi par une baisse de plus de 50 % du coût de retraitement des concentrats.
À plus long terme, une augmentation de la durée de vie des membranes peut encore permettre d'envisager une réduction des coûts. Cette chute du coût de traitement peut paraître très importante et le passage à l'échelle industrielle peut minimiser ce gain. Toutefois, la volonté initiale de minimiser ces risques par l'utilisation d'effluents réels, de membranes d'osmose inverse et de filtres industriels durant la thèse, permet d'arriver à des coûts réalistes. La prise en compte de la variabilité saisonnière des effluents donne encore plus de crédit au couplage de procédés présenté.