Les bénéfices qu'apportent à l'humanité les produits phytosanitaires les rendent indispensables, mais de nombreuses substances présentent des dangers qui méritent d'être bien identifiés pour faire une évaluation lucide et responsable des risques encourus par les écosystèmes et la santé de l'homme. Cette démarche fondée sur la définition de dose journalière admissible (ou tolérable) permet de fixer des concentrations limites en résidus de chaque substance dans l'eau et le denrées alimentaires. Des procédés spécifiques permettent d'éliminer ces substances de l'eau. Si les procédés d'oxydation notamment radicalaire n'offrent pas la sécurité attendue, les procédés qui utilisent l'adsorption sur charbon actif et les membranes de filtration offrent des rendements qui garantissent une eau de qualité fiable.
Les produits phytosanitaires communément appelés pesticides recouvrent une réalité complexe en raison de la diversité des substances mises sur le marché et de la multiplicité des cibles et des emplois. Les bénéfices qu’ils apportent pour la protection et le confort de l’homme (destruction des vecteurs de maladies), la protection des cultures et la préservation des denrées alimentaires en cours de stockage et de transport, les rendent indispensables, notamment pour l’agriculture qui est de très loin le plus gros consommateur. Mais ils sont si largement utilisés par quelques secteurs de l’industrie (textile et bois par exemple) et les collectivités pour l’entretien des voies de circulation.
En fonction des propriétés, des caractéristiques et des emplois de ces substances, leur dispersion dans les compartiments de l’environnement (sol, air, eau) est plus ou moins accentuée, et les chaînes trophiques sont toutes concernées par la généralisation de l’utilisation des pesticides.
L’homme est exposé aux phytosanitaires à tous les stades de la vie de ces composés. L’exposition professionnelle concerne naturellement le secteur de la production, mais également, et peut-être surtout, en raison d’une moindre vigilance, tous les applicateurs. En bout de chaîne, la population générale est exposée aux résidus qui contaminent l’eau, l’air et les aliments. Ces substances peuvent en effet pénétrer dans l’organisme par la voie respiratoire, la voie dermique et la voie orale.
Identification des dangers liés à l’usage des produits phytosanitaires
L’identification des dangers liés à l’usage d’une substance donnée met à contribution différentes disciplines scientifiques, dont principalement la toxicologie et l’épidémiologie.
Les effets aigus et chroniques font l’objet d’essais sur petits mammifères (souris, rats, cobayes). On détermine ainsi la D.L.50 (dose létale qui tue 50 % de la population soumise à l’essai, dans un temps court : 14 jours). Cette grandeur n’est utile que pour évaluer le risque lié à une exposition massive accidentelle.
La population générale est surtout concernée par les effets à long terme caractérisés par les propriétés mutagène, tératogène et cancérigène des substances mises sur le marché. Bon nombre de pesticides sont potentiellement mutagènes, directement ou après activation métabolique. Les mécanismes du changement dans l’information génétique comprennent les alkylations, les substitutions de bases et les intercalations d’analogues, aussi bien que les cassures de chromosomes.
Des effets sur le développement du fœtus et de l’embryon ont été démontrés pour une large gamme de pesticides (DDT, 2,4,5 T, diméthoate).
méthyl-parathion, etc.). Les effets portent sur la progéniture : croissance anormale, développement incomplet du squelette et des viscères, anomalies biochimiques, anomalies comportementales, mais également sur la fonction de reproduction : baisse de la fécondité et augmentation des avortements. Les produits chlorés (DDT, aldrine, dieldrine, HCB, méthoxychlore) ont des effets œstrogéniques. Certains fumigants (dibromochloropropane) ont provoqué une aspermie et un taux anormal d’hormones chez des manufacturiers, et le carbaryl a été associé à des formes curieuses des spermatozoïdes chez l’homme exposé (1).
Quant aux effets cancérogènes, ils font l’objet d’un classement par le Centre International de Recherche sur le cancer, fondé sur l’évaluation de la fréquence des tumeurs malignes observées chez une ou plusieurs espèces animales, et éventuellement de données sur l’homme lorsqu’elles sont disponibles (2).
Ainsi, les substances chimiques sont classées en cinq groupes :
- groupe I : l’agent est cancérogène pour l’homme (par exemple, benzène, arsenic, amiante, etc.) ; ne sont classés dans cette catégorie que les agents pour lesquels les résultats épidémiologiques permettent de conclure à l’existence d'une relation de cause à effet ;
- groupe II a : l’agent est probablement cancérogène pour l’homme (par exemple : PCB, cadmium, etc.) ;
- groupe II b : l’agent est peut-être cancérigène pour l’homme. Cette catégorie concerne les agents et circonstances d’exposition pour lesquels on dispose de preuves limitées de cancérogénécité chez l’homme, mais sans preuves suffisantes de cancérogénicité chez l’animal de laboratoire. On y classe également les substances pour lesquelles les preuves de cancérogénicité chez l'homme sont insuffisantes s'il existe des preuves limitées de cancérogénicité chez l’animal ;
- groupe III : l'agent ne peut pas être classé quant à sa cancérogénécité pour l'homme ;
- groupe IV : l’agent n’est probablement pas cancérogène pour l’homme.
Aucune substance phytosanitaire n’est classée en I ou II a. On rencontre, par contre, plusieurs d’entre elles dans le groupe II b (DDT, lindane, atrazine, etc.).
On ne dispose, comme le souligne l’OMS, que de peu de données épidémiologiques pour évaluer les effets des pesticides sur la santé humaine.
Cependant, quelques investigations menées auprès de populations d’agriculteurs américains font apparaître un risque plus élevé de développer chez ce groupe professionnel certains types de cancers : cancer du système lymphatique et hématopoïétique, de la peau, de la prostate, du cerveau, etc. (3).
Une démarche d’évaluation des risques pour établir les limites en résidu de pesticides dans l’alimentation
Pour la population générale exposée à de faibles doses, quels sont le risque et la fréquence d’apparition d’une pathologie donnée au sein de cette population, pendant une période de temps qui est alors la vie entière ? La réponse à cette question conduit à la fixation de dose journalière admissible, molécule par molécule, en s’appuyant sur une démarche d’évaluation des risques (4), dont la première étape est celle que nous venons de présenter (identification des dangers).
Relation dose-effet
La seconde étape est l’estimation des probabilités de survenue de ces dangers. Pour cela, il faut tenir compte de la probabilité individuelle et des relations entre la dose et l’effet. L’étude de ces relations a pour objet de définir des niveaux de doses « virtuellement sûrs ». C’est sur eux que l’on s’appuiera pour établir des normes d’exposition. Une des difficultés majeures de cette démarche réside dans la nécessité d’extrapoler la relation dose-effet, généralement établie pour de fortes doses chez l’animal, au domaine « quasi » non observable des faibles ou très faibles doses.
En matière de cancérogenèse, il est admis conventionnellement que la dose « virtuellement sûre » est celle qui entraîne au plus, dans la population générale, un supplément de risque pour une exposition durant la vie entière d'un millionième par rapport au risque qualifié de « spontané » ou encore de « bruit de fond ».
Selon le mode d'action du toxique, deux approches sont utilisées pour déterminer cette dose.
L’approche toxicologique utilise les données obtenues lors de l’expérimentation animale : ces études permettent en effet de définir, soit un « niveau de dose le plus élevé sans effet pathologique observé » (no observed adverse effect level ou NOAEL) ou, ce qui est plus puissant, le niveau de dose le plus faible ayant entraîné l’effet observé (lowest observed adverse effect level ou LOAEL).
Dans les deux cas, on divise cette dose exprimée en µg/kg de poids corporel par un facteur de sécurité « F », pour extrapoler à l’homme les données obtenues sur l’animal de laboratoire. Le facteur F est au minimum de 10 × 10, pour intégrer la variabilité inter-espèce compte tenu des fluctuations lors des essais sur animaux (10) et permettre l’extrapolation de l’animal à l’homme (10 également). Un coefficient supplémentaire est généralement introduit pour tenir compte de la gradation des dangers que fait courir à l’homme l’exposition à la substance considérée.
Prenons le cas de l’atrazine pour illustrer cette démarche.
Les résultats des études montrent que l’atrazine n’est pas génotoxique, mais on détient la preuve qu’elle peut induire les formations de tumeurs mammaires chez le rat au-delà d’une dose de 0,5 mg/kg. Le CIRC a conclu que les preuves de cancérogénicité de cette substance sont insuffisantes chez l’homme et limitées chez l’animal de laboratoire, ce qui explique son classement dans le groupe II b.
En appliquant à la dose sans effet indésirable observé un coefficient de sécurité de 1000 (100 pour les variations intra et inter-espèces et 10 pour tenir compte du risque de néoplasie), on obtient une dose journalière tolérable de 0,5 µg/kg de poids corporel, ce qui donne une DJA de 30 µg par jour pour l'humain, dont le poids moyen retenu est de 60 kg.
L’approche probabiliste
L’approche probabiliste utilise des modèles de calcul de survenue des effets indésirables en fonction de la dose à laquelle est exposée une population nombreuse. Pour établir les plus élaborés d’entre eux, on émet l’hypothèse que pour une population il existe une distribution des probabilités d’effets à chaque dose, et l’on fait intervenir les probabilités de transformation vers la malignité à chaque étape : temps de latence observé entre l’exposition et la survenue de la tumeur, physiologie de l’organe touché, etc. Compte tenu des très faibles probabilités mises en œuvre dans ces modèles, leur validation expérimentale est pratiquement impossible. Cela reste un bon sujet de polémique !
Il ne reste pas moins vrai que leur principal mérite est de donner une alternative à la notion philosophiquement et pratiquement intenable de risque nul. Ils autorisent en outre une comparaison quantitative des risques liés à dif-
…férents dangers et permettent ainsi d’éclairer des choix de santé publique.
Cette approche est par exemple utilisée par l’OMS pour l’alachlore. Les données expérimentales disponibles ne permettent pas d’affirmer avec certitude que l’alachlore soit génotoxique, mais la mutagénicité d’un de ses métabolites a été démontrée. Les résultats de deux études effectuées sur le rat indiquent clairement que l’alachlore est cancérogène. Il est responsable de tumeurs bénignes et malignes du cornet nasal, de tumeurs malignes de l’estomac et de tumeurs bénignes de la thyroïde (5).
Compte tenu de ces propriétés cancérogènes, une valeur guide a été calculée en appliquant le modèle linéaire à étapes, aux données sur l’incidence des tumeurs nasales chez le rat. La valeur guide qui correspond à un risque additionnel de cancer sur la vie entière de 10-6 est de 2 µg/l dans l’eau alimentaire.
Les descripteurs d’exposition
Les niveaux d’exposition doivent s’apprécier en intensité, fréquence et durée. Il faut également tenir compte des groupes particuliers (enfants par exemple), des différentes voies d’exposition et de la possibilité de transformation partielle ou totale en dérivés dont la toxicité propre peut se trouver atténuée ou au contraire renforcée. Si pour les pesticides on prend en considération deux voies d’exposition : l’eau et les aliments, on néglige la contamination de l’atmosphère et la transformation des molécules mères en métabolites dans l’environnement et les organismes vivants. Dans ces conditions, pour passer d’une dose journalière tolérable (DJA ou admissible DJT) à une concentration maximum, il faut fixer le pourcentage de la DJA attribuée à chaque source d’exposition. L’OMS limite par exemple à 10 % de la DJA les apports d’origine hydrique, à l’exception des substances qui sont les plus liposolubles (organochlorés par exemple) pour lesquelles elle ne retient que 1 %. Appliquée à la simazine, la démarche complète de l’OMS est la suivante :
Dose sans effet sur le rat : NOAEL = 0,52 mg/kg p.c./jour pour la cancérogénicité et la toxicité à long terme (NOAEL = no observed adverse effect level).
Facteurs d’incertitude :
- 10 pour les variations intra-espèces,
- 10 pour les variations inter-espèces,
- 10 pour l’effet carcinogène possible chez le rat.
NOAEL DJA = ────────────── = 0,52 µg/kg p.c./jour F F = 10 × 10 × 10 = 1000
Allouant 10 % de la DJA à l’eau de boisson, on obtient, pour 60 kg de poids corporel et une consommation standard de 2 litres d’eau par jour, une concentration maximale acceptable (CMA) dans l’eau de 1,5 µg/l pour la simazine.
Cette démarche sert de base à la gestion des risques et à la réglementation dans les pays d’Europe et d’Amérique du Nord, notamment pour les produits cancérogènes. Mais jusqu’alors la communauté européenne a ignoré cette démarche, en fixant de manière uniforme à 0,1 µg/l par substance la concentration limite en résidus de phytosanitaires dans les eaux d’alimentation.
Elle ne crée pas de connaissances, mais elle offre un cadre clair à partir duquel il est plus facile de proposer une conduite à tenir, globale et réfutable. Il faut cependant souligner qu’elle ne prend pas en considération la multiplicité des substances auxquelles nous sommes quotidiennement exposés. Cette observation doit nous rendre moins optimistes sur le surdimensionnement des facteurs de sécurité qui sont généralement adoptés.
Procédés de traitement utilisables pour éliminer les phytosanitaires des eaux destinées à l’alimentation
On peut classer en deux catégories les procédés utilisés de manières spécifiques ou complémentaires pour réduire la concentration en résidus de substances phytosanitaires dans les eaux d’alimentation.
- Les procédés qui utilisent l’adsorption ou la rétention sur matériaux permettent de retirer les pesticides contenus dans l’eau brute. Ces procédés mettent en œuvre du charbon actif pour les premiers, ou des membranes pour les seconds, avec ou sans le concours du charbon actif en poudre (membranes de nanofiltration et d’ultrafiltration).
- Les procédés qui mettent en œuvre des oxydants (ozone) ou l’oxydation par radicaux libres (O3 + H2O ou O3 + UV) conduisent à une série de transformations des substances contenues dans l’eau et l’oxydation, qui n’est que très rarement totale.
Ainsi, nous verrons que l’atrazine est pour une part importante transformée en dééthylatrazine et déisopropylatrazine.
Procédés utilisant du charbon actif
Le charbon actif est formé d’un matériau carboné dont on brûle les matières organiques en atmosphère contrôlée, en présence de vapeur d’eau : il ne reste que le squelette carboné. À l’intérieur de ce squelette, il subsiste un réseau de pores plus ou moins volumineux : les plus gros (> 100 Å) représentent la macroporosité, alors que les plus petits définissent la microporosité (< 20 Å). Le tableau I donne les principales caractéristiques dimensionnelles des pores. Les macropores ne jouent pas de rôle particulier dans le processus d’adsorption. Leur fonction principale est de servir de voies d’accès aux mésopores et aux micropores. L’adsorption définit la propriété de certains matériaux à fixer sur leur surface des molécules d’une manière plus ou moins réversible.
L’interaction entre l’adsorbant et l’adsorbat met en jeu des forces de natures différentes :
- l’adsorption physique (non spécifique) qui fait intervenir des forces de type Van der Waals, réversibles (énergie < 20 kJ/mol),
- l’adsorption chimique (spécifique).
Tableau I – Caractéristiques des pores d’un charbon actif
Pores | Diamètre (Å) | Volume poreux (cm³/g) | Aire massique (m²/g) |
---|---|---|---|
Micropores | 0 – 20 | 0,2 – 0,6 | 400 – 900 |
Mésopores | 20 – 100 | 0,02 – 0,1 | 206 – 70 |
Macropores | 100 – 2000 | 0,2 – 0,8 | 0,5 – 2 |
qui dépend des fonctions chimiques de surface du charbon. L’énergie est élevée (entre 250 et 400 kJ/mol). Elle correspond à la formation d’une liaison chimique entre l’adsorbat et un groupement fonctionnel de l’adsorbant. Il s’agit d’une fixation quasi irréversible. Parmi les fonctions de surface acides on définit quatre groupes : les fonctions acides relativement fortes telles que les fonctions acides carboxyliques (groupe I), la fonction lactone (groupe II), les fonctions de type phénol (groupe III) et la fonction carbonyle (groupe IV). La surface du charbon actif peut également contenir des fonctions basiques.
La capacité d’adsorption d'un charbon actif dépend de la nature et des caractéristiques de l’adsorbat (masse molaire, polarité, solubilité, concentration ...), de la nature de l’adsorbant (surface spécifique, répartition poreuse, fonctions de surface, ...) et des conditions expérimentales (pH, température, force ionique, ...). Mesurée au laboratoire sur des solutions ne contenant que de l’atrazine ou de la simazine, la capacité d’adsorption d’un charbon actif se situe aux environs de 10 à 30 mg/g, cela pour une concentration à l'équilibre de 0,1 µg/l, correspondant à la C.M.A. (6). Mais, en réalité, les capacités sont beaucoup plus faibles à cause de la compétitivité entre les diverses molécules organiques adsorbables contenues dans les eaux de surface. Le charbon actif peut être utilisé sous deux formes :
Le charbon actif en poudre (CAP)
Il est formé de grains de diamètre de 50 à 200 µm. Le choix du charbon actif à utiliser se fait au laboratoire en « jar test », par injection de dose croissante de suspension de CAP dans une série de 5 ou 6 béchers contenant 1 litre d’eau à traiter.
Il est utilisé principalement pour faire face aux pointes de pollution. Son utilisation doit donc être limitée dans le temps, c’est un réactif dont le but est d’amortir les variations brutales de concentration en pesticides dans les eaux brutes. Il est intéressant dans le traitement des pollutions accidentelles.
L’efficacité du traitement dépend des conditions de mise en œuvre : dose (10 à 50 g/m³ généralement), temps de contact, point d’introduction dans l’étage de clarification, caractéristiques de l’eau brute (teneur en Carbone Organique Total en particulier). Il n'est pas régénérable. L’efficacité d’un CAP dépend de la granulométrie et de sa nature (bois ou coco).
Le charbon actif en grains (CAG)
Il a d’abord été mis en œuvre en premier étage de filtration en remplacement d’un filtre à sable. Il cumulait filtration et adsorption. Aujourd’hui, il est surtout utilisé en second étage de filtration, après le filtre à sable : la chaîne filtration sur sable-ozonation-filtration sur CAG constitue un procédé d’affinage que l’on rencontre de plus en plus souvent, l’avantage premier étant d’augmenter la durée d'utilisation du filtre à charbon. La rétention des polluants se fait par adsorption, mais aussi par biodégradation, grâce à la population bactérienne qui se développe dans les macropores du matériau. Ces filtres doivent être lavés régulièrement. Le CAG est régénérable, mais l’opération doit se faire dans des unités spécialisées.
Mastui et son équipe (7) ont mis en évidence les paramètres régissant l’efficacité d’un filtre à CAG :
- une teneur élevée en matière organique inhibe l’adsorption des micropolluants (il est donc préférable d’éliminer le COT au maximum lors de la clarification),
- plus la solubilité d’un micropolluant est grande, plus le rendement d’adsorption est faible,
- l’efficacité de la rétention ne dépend pas de la concentration initiale du pesticide.
Enfin, les paramètres définissant le fonctionnement du CAG sont la capacité d’adsorption exprimée en mg/g CAG et le taux de travail (volume traité/h/volume de CAG).
Les membranes de filtration
Avec la mise au point d’unités modulaires d’ultrafiltration et de nanofiltration, on dispose de nouvelles technologies pour réduire efficacement les concentrations en résidus de pesticides dans les eaux destinées à l’alimentation. Si la nanofiltration suffit à elle seule pour retenir avec des rendements élevés de l’ordre de 90 à 95 % des substances qui posent problème (triazines ou urées substituées), il est nécessaire avec l’ultrafiltration d’ajouter à l’eau avant le passage sur membrane du charbon actif en poudre. Ce dernier procédé récemment agréé par le Ministère chargé de la Santé devrait prochainement être installé sur l’usine de Vigneux-sur-Seine. Il faut, par ailleurs, souligner leur efficacité pour réduire simultanément la concentration en matières organiques des eaux ainsi traitées.
Les procédés d’oxydation
Ces procédés font appel à l’action directe de l’ozone et à la formation à partir d’ozone d’entités radicalaires. Les radicaux sont produits par les couples O₃-H₂O, ou O₃-UV. On obtient ainsi les espèces OH°, HO°, l’ion radical ozonide O₃⁻°, l’ion radical superoxyde O₂°⁻. Le radical hydroxyle est celui qui présente la plus grande réactivité sur les molécules organiques (8). Il a cependant une grande réactivité sur les molécules avec l’ion HCO₃⁻, et les radicaux libres étant peu sélectifs, il s’attaque également à toutes les matières organiques contenues dans les eaux de surface. Dans ces conditions, l’efficacité de l’oxydation radicalaire est souvent limitée. On observe généralement des dégradations incomplètes des substances libres. C’est ainsi que l’oxydation de l’atrazine et de la simazine n’ouvre pas l’hétérocycle azoté, mais conduit à la formation d’autres triazines parmi lesquelles on trouve majoritairement :
- la dééthylatrazine (2-chloro, 4-amino, 6-isopropyl amino 1,3,5 triazine)
- la déisopropylatrazine (2-chloro, 4-ethylamino, 6-amino 1,3,5 triazine).
Nous avons par exemple sur une eau de surface après décantation (pH = 6,85, TAC = 4,1°f, COT = 4,8 mg/l) obtenu les résultats suivants en appliquant une dose d’ozone de 3,8 mg/l m³ d’eau et un ratio H₂O₂/O₃ = 0,4 g/g.
On notera que si dans l’eau décantée le total des triazines est de 2240 ng/l, après intervention de l’oxydation radicalaire, il subsiste un total de triazines identifié dans l'eau traitée de 1430 ng/l, ce qui constitue un piètre résultat !..
Tableau II
Exemple d’évolution des triazines au cours de l’oxydation radicalaire.
Triazine (ng/l) | Atrazine | Simazine | Dééthylatrazine | Déisopropylatrazine |
---|---|---|---|---|
Eau décantée | 1540 | 80 | 420 | 200 |
Eau traitée | 400 | 10 | 650 | 370 |
Évolution % | -74,0 | -87,5 | +54,8 | +85,0 |
Conclusion
Les effets aigus et chroniques de nombreuses substances autorisées pour la formulation de produits phytosanitaires font apparaître des dangers pour les utilisateurs et la population générale, qui est exposée aux résidus par la voie respiratoire, la voie dermique et la voie orale.
Une démarche d’évaluation de risque permet, molécule par molécule, de fixer une dose journalière admissible (ou tolérable) qui, en offrant des garanties sérieuses pour la santé des consommateurs, permet de fixer des concentrations limites dans l'eau et les aliments. On ne sait cependant toujours pas tenir compte des cocktails de produits ou de résidus, que l’on trouve aujourd'hui aussi bien dans certains aliments que dans l'eau à de faibles concentrations.
Enfin, parmi les procédés disponibles pour éliminer des eaux d’alimentation les résidus de phytosanitaires, seuls apparaissent comme fiables les procédés d’adsorption sur charbon actif couplé éventuellement pour l’un d’entre eux avec l’ultrafiltration sur membrane.
Références bibliographiques
1. PERIQUET A., de SAINT BLANQUAT G., 1991, Les pesticides dans l’alimentation humaine. La Revue du Praticien, Nutrition et diététique n° 11, avril, p. 977-984.
2. IARC, Monographie, 1987 – (suppl. 7) – 322.5.
3. Agricultural Health : Pesticides et Cancer – Health et Environment Digest, 1992 septembre Vol. 6, n° 5.
4. DAB W., SEUX R., 1992, La démarche d’évaluation des risques : principes et applications en nutrition humaine à partir de l’exemple des phytosanitaires. Revue de nutrition pratique, p. 74-78.
5. Directives de qualité pour l’eau de boisson, 1994, OMS, Genève, deuxième édition.
6. RICHARD Y., DUGUET J.P., HUBELE C., MUELLER P., 1992, Pesticides et eau potable. La Tribune de l’eau, 44, 552, 25-28.
7. MATSUI Y., KAMEI T., KAWASE E., SNOEYINK V.L., TAMBO N., 1994, GAC adsorption of intermittently loaded pesticides. Journal of the American Water Works Association, 86, 9, 91-102.
8. DORE M., 1990, Chimie des oxydants et traitement de l’eau. Éd. Technique et Documentation Lavoisier. Paris, 505 p.