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Pratique des stations d'alerte et d'analyse automatique des eaux

30 novembre 1988 Paru dans le N°123 à la page 51 ( mots)
Rédigé par : L COGNET et M ODIER

L'objectif premier de cet article est de présenter et d’illustrer quelques réalités vécues dans l'exploitation et la maintenance de deux stations d'alerte et d'analyse automatique.

Dans la plupart des publications sur le sujet, le discours s'étend principalement sur la justification et la description des équipements nécessaires pour réaliser les fonctions « alerte pollution » et « suivi de la qualité des eaux ». Certains auteurs abordent quelquefois le sujet en termes de problèmes rencontrés, mais rares sont ceux qui mentionnent les coûts d'investissement et de fonctionnement et (ou) présentent un bilan de production de données ou la disponibilité des informations en temps réel.

Le présent article est structuré en trois parties :

  • — réflexions sur les stations d’alerte et d’analyse,
  • — maintenance et exploitation d'une station,
  • — conclusion.

RÉFLEXIONS SUR LES STATIONS D’ALERTE ET D’ANALYSE AUTOMATIQUE(Tableaux 1, 2, 3)

Paramètres - Fonctions - Maître d’ouvrage

Les moyens analytiques des stations d'alerte et d’analyse automatique décrits dans la littérature montrent que les fonctions attribuées aux stations sont généralement de deux sortes :

— le suivi analytique de qualité des eaux de surface : il est réalisé au moyen d'appareils de détermination de paramètres simples (pH, température...), d'appareils de mesure de paramètres organiques globaux (COT, absorption UV...). Ces équipements sont mis en œuvre par les administrations de l'eau (gestion du milieu naturel) et les distributeurs d'eau potable (surveillance et conduite de traitement) ;

— l'alerte « pollution » sur les rivières utilisées pour l'alimentation en eau potable de quelques agglomérations urbaines industrialisées ; cette fonction est assurée par des dispositifs de mesure de paramètres spécifiques (ammoniaque), quelquefois relativement complexes et coûteux (hydrocarbures, métaux lourds) et des appareils de test global de toxicité (test poisson) couplés à des préleveurs automatiques. La gamme d’appareils existant sur le marché ne permet pas de couvrir ou de détecter toutes les pollutions accidentelles. Ces équipements sont développés et installés par les distributeurs d'eau pour assurer en partie la sécurité de leurs installations de production d'eau potable. L'installation de tels dispositifs d'alerte fait suite à des études de risques de pollutions potentielles.

* Une conférence sur ce sujet a été présentée par les auteurs aux 8° Journées « Informations Eaux 1988 » de Poitiers. ** Lyonnaise des Eaux *** Agence financière de Bassin Seine-Normandie

Stations : résultats publiés

Les stations d’analyse automatique permettent d’étudier quelques-unes des incidences des pollutions chroniques d'origine urbaine et industrielle sur la qualité des eaux. Elles ont surtout contribué à mettre en évidence des phénomènes hydrologiques et climatiques.

Le développement technique de ce type de station est lié à divers facteurs :

— la justification de la mesure permanente sur le ou les sites d'observation : la fréquence d’échantillonnage est à définir en fonction de la variabilité des paramètres à mesurer dans le temps ; — l'intérêt porté à l'étude des polluants industriels organiques (ex : pesticides) et minéraux (ex : métaux lourds) : la plupart des pollutions « chroniques » industrielles sont connues par leurs faibles concentrations de produits très variés.

Les stations d’alerte mettent en évidence des pollutions d’hydrocarbures, d'ammoniaque et de métaux lourds. Elles conduisent à adopter une surveillance accrue des installations (analyses, taux de traitement) et à prendre la décision d'arrêter l'usine de production d'eau. Ces événements sont heureusement rares, mais spectaculaires dans leurs retombées. Le développement de ce type de station est lié aux moyens de sécurité mis ou à mettre en œuvre en fonction des risques potentiels existants et de leurs niveaux acceptables.

Tendances actuelles(figure 2 et tableaux 1, 2, 3)

Ces deux types de stations présentent aussi de plus en plus l'image de vitrines technologiques :

— au niveau de la mesure : développement d’analyseurs de plus en plus sophistiqués (métaux lourds, pesticides...) ; — au niveau des équipements de communications et traitements de données : établissement de réseaux et de modèles d’aide à la décision ; — au niveau des réalisations : les stations sont complétées ou renouvelées en assurant les deux fonctions « alerte » et « analyse automatique » ; le nombre de ces stations est faible, mais il s'accroît dans quelques zones urbaines et industrielles.

Coûts (tableau 1 et figure 1)

Tableau 1 : Quelques réalisations de stations d’alerte et d’analyse automatique à travers le monde.

Le coût des investissements nécessaires à la réalisation de stations d’alerte et d'analyse automatique dépend de nombreux paramètres et, parmi ceux-ci :

  • — le prix des analyseurs, très variable suivant qu’il s’agit :
    • • de matériels français à petite diffusion ou de matériels étrangers à diffusion mondiale,
    • • d’appareils rudimentaires ou d’appareils à auto-étalonnage dans une baie d’assemblage,
    • • d’un prototype ou d’un appareil industriel commercialisé,
    • • d’un analyseur de paramètre simple ou d’un analyseur sophistiqué ;
  • — le coût des moyens de transmission : local ou satellite ;
  • — le coût des moyens de traitements de données : informatique et automatisme (« hard et soft ») ;
  • — le coût des équipements annexes et de génie civil :
    • • le « strict nécessaire » (Algeco) et le « grand luxe »,
    • • le « très utile » (protection anti-foudre, isolation de la terre de chaque appareil, climatisation...),
    • • l’« obligatoire » (filtration autonettoyante).

Les coûts de maintenance et d’exploitation inhérents au fonctionnement de la station sont généralement peu connus (tableau 1) ; ils dépendent bien sûr du nombre de paramètres mesurés, mais aussi de multiples détails omis ou prévus initialement par le client, les fabricants et l’ensemblier... et de l’âge de la station (maximum 10 ans). Une estimation globale du coût de fonctionnement annuel d’une station d’alerte et d’analyse automatique peut être donnée à partir de la valeur de l’installation : 10 à 25 %.

Les diverses tâches à réaliser nécessitent un savoir-faire certain et font appel à plusieurs disciplines (chimie, hydraulique, électrotechnique, automatisme, informatique, statistique…) et une gestion de l’ensemble.

  • — maintenance des analyseurs (réactifs, dépannage, pièces détachées, étalonnage, nettoyage),
  • — maintenance des transmissions et collectes de données (dépannage, pièces défectueuses, contrôles des signaux transmissions...),
  • — analyses de contrôle au laboratoire,
  • — interprétation des données,
  • — rapport d’exploitation.

PRÉSENTATION DE DEUX STATIONS

D'ALERTE

ET D'ANALYSE AUTOMATIQUE

Description

de la station d’analyse automatique

(et d’alerte) de l’AFBSN

à Chatou

La station automatique de l’Agence Seine-Normandie (figure 3) a été installée sur la Seine en aval de Paris, à l’amont du barrage de Chatou (Yvelines) en 1984 ; elle peut être considérée comme étant de troisième génération, après les deux stations précédemment installées au pont de Bir-Hakeim à Paris, en 1974 et 1980.

Le but poursuivi par l’Agence, à travers l’acquisition et la gestion d’une station automatique, était tout d’abord d’acquérir l’expérience de ce type de matériel et de mesure ; en tant qu’organisme financier, l’Agence voulait pouvoir, à une époque où de telles stations n’avaient pas encore beaucoup d’ancienneté, connaître les problèmes liés à leur investissement, à leur exploitation et à leur fonctionnement et cela dans la perspective d’instruire ultérieurement des dossiers de demandes d’aide pour des stations d’alerte aux pollutions accidentelles ou des stations de mesures permanentes sur effluents industriels. D’autre part, il était intéressant pour l’Agence, dont le laboratoire était installé sur les rives de la Seine à Paris, de se doter d’un outil de mesure permanent de la qualité de l’eau, et de disposer ainsi d’indicateurs de l’évolution de la qualité de l’eau de la Seine, dans ses variations saisonnières et interannuelles.

L’équipement de la station permet la mesure de neuf paramètres : pH, T °C, O₂, Cond, Turb, NH₄, NO₃, PO₄, COT. Récemment, la mesure de l’UV 254 nm et la mise en place d’un extracteur liquide-liquide (CLEOR®) sont venues compléter le dispositif analytique.

La station automatique de l’AFBSN a été un lieu d’expérimentation, d’évaluation et de mise au point de matériel (20). Depuis 1988, sa maintenance et son exploitation ont été confiées contractuellement à la Lyonnaise des Eaux. La station constitue maintenant une station de surveillance de la qualité de l’eau de Seine en aval de Paris pour l’AFBSN, mais aussi pour l’exploitation (usines de production d’eau potable de Croissy, du Pecq). Le schéma de la station réactualise ses fonctionnalités. Un bilan de fonctionnement détaillé est proposé ci-après.

Station Paramètres Coût d’investissement Coût de fonctionnement % mesures réalisées Fonctions
ARMENTIÈRES (France) Stations fixes et mobiles, TURB, pH, T °C, Cond, COT (DCO), NH₄, NO₃ ­– 8 paramètres 525 000 FF (1977) 50 000 FF (1977) ? Station d’analyse automatique – eau de surface
CHATOU (France) Seine Aval Paris AFBSN – Réf. 9, 13 – 1986 TURB, pH, Cond, T °C, O₂, PO₄, NO₃, NH₄, COT, 254, CLEOR® 1 500 000 FF (valeur 1988) 1986 : global 40 % – 500 000 FF / 1988 : 540 000 FF Station d’analyse automatique. Évaluation de systèmes de traitement croisé et de systèmes de traitement de l’usine d’eau de surface – AEP. Réalisation de systèmes intégrant des seuils.
MONT-VALÉRIEN Seine aval Paris CEB – Réf. 8, 11, 12, 14 – 1988 Test poisson, TURB, NH₄, pH, NO₃, HC, CCl, PO₄, Cr, Ni, Cu, Zn, CLEOR®, T °C, O₂d, condensé 450 000 FF (valeur 1988) 400 000 FF (moitié AEP) ≈ 80 % Station d’alerte
MORSANG-SUR-SEINE – Lyonnaise des Eaux – Réf. 1977-1988 1977 : Test poisson, NH₄, pH, T °C, Cond – 1989 : Cd, Pb, Cu, Cr, Ni, Zn, CLEOR®, COT, UV 254, Vis, pH, T °C, O₂, Cond, TURB, NH₄, Test poisson ? 350 000 FF (estimation 1989) Station d’analyse automatique. 1989 : station d’alerte permanente en région parisienne – Seine.

Tableau 2 : Exemples de fonctionnalités des stations d’alerte et d’analyse automatique : objectifs recherchés et/ou réalisés et remarques particulières.

STATIONS OBJECTIFS RECHERCHÉS ET/OU RÉALISÉS – INTÉRÊTS DES MESURES REMARQUES PARTICULIÈRES
ARVE (Suisse) – Ville de Genève – Réf. 1 Réalimentation de nappe par traitement de nappe. Éviter une pollution de nappe. Arrêts pour turbidité (rivière en crue), pollutions hydrocarbures et chrome de l’usine. Entretien et exploitation exigent du personnel spécialement formé et entièrement dévoué à cette tâche.
PALO ALTO (USA) – NASA/EPA – Réf. 2 – 1980-1981 Mesure de qualité d’eau pour recyclage de rejet de station d’épuration urbaine. Application spatiale, transfert de technologie vers le civil, évaluation de matériel. Conclusion sur le matériel utilisé dépendant de la situation d’étude de projet et du type de matériel (prototype).
RÉSEAU SACQUE (Belgique) – Réf. 3 – 1973-1981 Gestion quotidienne et simple de la qualité des eaux de surface. Étude de la gestion du bilan flux chlorures. Effet potentiel photosynthèse, effet saisonnier (O₂). Avenir technique : augmenter le nombre de paramètres mesurés, l’autonomie des stations. Diminuer le coût d’exploitation. Intégrer les résultats dans les décisions gestionnelles de l’eau.
VENISE (Italie) – A.S.P.I.V. – Réf. 4 – Publication 1987 Monitoring d’eau de surface à l’entrée et la sortie d’un canal en temps réel. Déterminer l’origine de la pollution mesurée. Protection vis-à-vis de l’usine de production. Définition de ratios à partir de valeurs analytiques pour déterminer l’origine de la pollution mesurée.
RÉSEAU KOKEN MAENJUKI et KYMIJOKI (Finlande) – Réf. 5 – 1976-1983 Mesure des variations et stabilités des paramètres de qualité d’eau de surface. Mise en évidence de rejets industriels et urbains et d’ouvrages hydrologiques. Les stations d’analyses automatiques doivent être utilisées comme une partie des larges moyens de surveillance de l’environnement. Certains cours d’eau doivent être surveillés en permanence, d’autres par des stations mobiles pendant de courtes périodes.
LUMLEY (UK) – Réf. 6 – 1978-1983 Alerte en cas de pollution accidentelle. Conduite du traitement de l’usine de production d’eau. Variation naturelle de la qualité de l’eau de surface. Équipement analytique de type industriel dans la mesure du possible. Besoin le plus important : système de préparation d’échantillon auto-nettoyant pour l’analyse en ligne.
[Photo : Fig. 1 : Ordre de grandeur de prix de quelques matériels analytiques utilisés dans les stations d’alerte et d’analyse automatique.]
[Photo : Fig. 2 : Évolution des techniques de mesures (paramètres mesurés) et des systèmes d’utilisation des données, dans les stations d’alerte et d’analyse automatique.]
[Photo : Fig. 3 : Schéma de la station de Chatou. AFBSN, 1988.]
[Photo : Fig. 4 : Schéma de la station du Mont Valérien.]
[Photo : Fig. 5 : Production de données de la station de Chatou (1er semestre 1988).]
[Photo : Fig. 6 : Nombre de mesures disponibles et validées en mars 1988 sur la station d’analyse de Chatou (AFBSN) et sur divers appareils installés.]
[Photo : Fig. 7 : Efficacité de la filtration en ligne : évolution des turbidités de l’eau de Seine brute et filtrée à 10 µm pendant 3 mois. Station Mont Valérien (1988).]
[Photo : Fig. 8 : Production de données de l’analyseur de métaux lourds. Station Mont Valérien (1988).]
[Photo : Fig. 9 : Suivi d’une pollution accidentelle sur la Seine – Mesures de l’ammonium à la station de Chatou sur 28 heures (4, 5, 6 février 1988).]
[Photo : Fig. 10 : Évolution de l’oxygène dissous et de la température. Station de Chatou (octobre et novembre 1987).]
[Photo : Fig. 11 : Analyseur de métaux lourds (CNRS – LE) : exemple d’évolution des concentrations en ppb de Hg, Cr, Ni, Cd dans l’eau de Seine. Station Mont Valérien (novembre 1987).]

Description de la station d’alerte(et d’analyse automatique)du Syndicat intercommunalde la presqu’îlede Gennevilliers/CEBau Mont Valérien

La fréquence des pollutions accidentelles constatées sur l'eau de Seine ces dernières années conduisirent le Syndicat à réaliser en 1985 au Mont Valérien, à l'aval de Paris, une station d’alerte automatique sur la qualité de l'eau brute, bénéficiant de toutes les innovations récentes (figure 4). Ces installations ont été réalisées sous le contrôle de la Compagnie des Eaux de la banlieue de Paris, concessionnaire du Syndicat des communes, avec l'aide financière de l'Agence de Bassin Seine-Normandie. Cette station d’alerte vise à détecter les pollutions accidentelles rencontrées dans l'eau de Seine et à permettre l’adaptation du traitement aux variations de la qualité de l’eau brute.

Elle utilise deux principes complémentaires : la mesure automatique de paramètres spécifiques considérés comme des toxiques ou des facteurs primordiaux du traitement, et la mesure de paramètres globaux qui, bien que ne faisant pas partie des normes d’eaux brutes, vont, sur dépassement d'un point de consigne, déclencher une alarme et un prélèvement d’échantillon pour analyses.

La figure 4 décrit les différentes mesures en cause. Le test poisson (Ichthyotest – société Degrémont) permet la détection immédiate des toxiques par le comportement anormal de truites nageant à contre-courant. L’alerte spécifique aux hydrocarbures est fournie par un oléomètre (Seres) basé sur l'extraction au tétrachlorure de carbone et une détection par infrarouge.

L’extraction liquide/liquide assure la concentration en continu, dans un solvant organique, de paramètres importants cités dans les normes (pesticides et polycycliques aromatiques). L’appareil (CLEOR®) est déclenché manuellement ou automatiquement à partir d'une alarme de dépassement de seuil des autres analyseurs. L’analyse de l’extrait est effectuée au laboratoire. Ammoniaque et phénols sont mesurés de façon discontinue par des colorimètres automatiques séquentiels (Seres) ; mais l’innovation principale de cette station repose sur la mesure automatique des métaux lourds suivants : Hg, Cd, Pb, Cu, Cr, Ni et Zn (CNRS-SCA, Lyonnaise des Eaux). Dans l’automate de mesure, l’échantillon est minéralisé par irradiation UV. Le dosage du mercure est obtenu par la méthode dite de la vapeur froide. La détermination du Ni, Cr et Zn est réalisée par polarographie à impulsion constante en milieu ammoniacal.

Tableau 3 : Divers intérêts de l’analyse des eaux de surface suivant les paramètres mesurés et les objectifs recherchés.

PARAMÈTRES ANALYSÉS QUELQUES INTÉRÊTS DE LA MESURE INDIVIDUELLE EN CONTINU
ALERTE POLLUTION
Conductivité– Pollution minérale importante
Métaux lourds– Pollution spécifique (trait. de surface, chimie fine)
CLEOR® Extraction-concentration sur prélèv. intégré– Produits organiques inconnus= Analyse des traces organiques (mg/l, µg/l, ng/l) en CG rapide= Prélèvement sur dépassement de seuil pesticides, HPA...
Préléveurs rejeteurs– Echantillonnage perpétuel
Test poisson (par extension tests biologiques)– Eau toxique pour les poissons détectée. Reste à savoir pourquoi et le niveau de concentration
Débit (vitesse, hauteur)– Temps de transfert des nappes de pollution
SUIVI DE QUALITÉ DU MILIEU NATUREL
pH– Pollution rejet industriel– Forte photosynthèse
T°C– Variations saisonnières– Activité piscicole et biologique en général
O₂– Pollution organique importante– Rejets organiques– Activité photosynthèse
Conductivité– Pollution minérale importante– Variations saisonnières
Turbidité (270°, 90°, 180°)– Déversement de réseau pluvial– Rejet industriel– Variations saisonnières– Régimes hydrologiques
COT– Fortes pollutions organiques d'origines diverses– Variations d’activité flux– Demande en oxydant (COD)
NH₄– Pollution spécifique ind. eaux résiduaires, urbaines– Qualité de l'eau– Activité biologique– Pollutions chroniques
NO₃– Pollution spécifique et agricole– Transformation de l’azote ammoniacal (NO₂, NO₃)
UV 254– Pollution dérivés benzéniques– Poll. d’origine agricole– Indication semi-qualitative des matières organiques
Métaux lourds– Pollution spécifique (trait. de surface, chimie fine)– Rejets poll. chroniques industriels– Lessivage des infrastructures routières
Hydrocarbures, indices CH₄– Déversement d’hydrocarbures, interférence détergent forte conc.– Pollution chronique
– Étude des micropolluants organiques– Campagne d’analyses en laboratoire– Prélèvements sur dépassement de seuil
CONDUITE DU TRAITEMENT
ClarificationAdsorption
Traitements biologiques
Clarification (sels d’Al)
Clarification
Clarification (∑)Pré-oxydation (COD)Demande en oxydantChloration
Filtration biologique lente (NO₃)
ClarificationOzonationAdsorption
Clarification (sels d’Al)AdsorptionPré-oxydation (de complexage métaux)
ClarificationPré-oxydationAdsorption
Dose traitement pour élimination des composés toxiques (normes)Problèmes de goûts
Arrêt de la station de traitement
Volumes prélevés

celle du Cd, du Pb et du Cu par redissolution anodique sur nappe de mercure en milieu tampon acétique. Il est à noter que sur toute alarme de l'une de ces mesures, deux litres d’eau sont prélevés par l'échantillonneur pour confirmation ultérieure des niveaux de concentration atteints.

En 1988, on a étendu le nombre de paramètres mesurés (pH, T°C, O₂, Cond, UV 254 nm), afin de compléter la fonction d’alarme par une fonction d’analyse automatique de la qualité d’eau de Seine. L'informatisation complète l’équipement pour la gestion et le traitement des données.

Cette station est ainsi devenue un lieu privilégié d'expérimentation, de mise au point et d’évaluation de matériel pour l'analyse en continu, comme on peut le voir dans le paragraphe suivant.

MAINTENANCE ET EXPLOITATION D'UNE STATION

Nous examinerons quelques points particuliers concernant les deux stations susvisées.

Production de données : l’exemple de la station d’analyse automatique de Chatou

La production de données est un paramètre qui permet de définir l'état de fonctionnement d'une station. Dans le cas de la station de Chatou, on retrouve des valeurs comparables aux indications qui sont publiées dans la littérature étrangère. La différence de productivité de janvier à juin 1988 (figure 5) est liée à la période hivernale, à la prise en main de la station, à la réalisation de modifications sur l'installation et à l'acquisition du savoir-faire par une nouvelle équipe.

D’autre part, le nombre de valeurs disponibles (produites, transmises et validées) n'est pas constant au cours d'une journée (figure 6), ce qui s’explique par l'immobilisation du matériel (intervention, réception de pièces de rechange, défauts de transmissions et collecte de données (mise au point d'un nouveau programme) et aussi par les erreurs de mesures dues à l’analyseur (mauvais auto-étalonnage, parasites) ou à des difficultés d’échantillonnage (blocage de pompes par sacs plastiques, passages et amarrages de péniche...).

Préparation d’échantillon pour analyse en ligne : exemple de la filtration tangentielle à la station du Mont Valérien

L’analyse en ligne doit au moins être prise en compte à partir du point de prélèvement jusqu’à l'exploitation du signal : il convient alors d’adapter un prétraitement tel qu'une décantation, un hydrocyclonage, une filtration, suivant l'analyse à effectuer.

Le cahier des charges d'une filtration comporte deux points analytiques principaux : pas de contamination de l’échantillon et pas d’élimination de l'élément à doser, c’est-à-dire résoudre le problème du colmatage. La mise en œuvre nécessite l'obtention d'un système simple, peu onéreux, fournissant des résultats 24 heures sur 24, sept jours par semaine, etc.

L’équipe du laboratoire du Pecq a donc mis au point un système de microfiltration tangentielle (120 l/h à 10 μm) satisfaisant pour l’alimentation en eau des analyseurs de métaux lourds, de phénols et d’ammoniaque. Après un bilan de longue durée la solution a été jugée satisfaisante par l’exploitant et le laboratoire ; une à deux heures de maintenance préventive du système s’avèrent nécessaires par semaine.

La figure 7 indique l'efficacité de la filtration sur le paramètre turbidité néphélométrique. De plus, des comptages de tailles de particules ont montré un seuil de coupure à 10 μm à plusieurs reprises. Mais, le « vrai résultat » obtenu est surtout celui qui se traduit quotidiennement par le fonctionnement correct de l’analyseur : à titre d’exemple, la production de données (figure 8) de l’analyseur de métaux lourds par polarographie impulsionnelle varie entre 70 et 90 % sur une période de six mois.

[Photo : Fig. 12 - Exemple d'analyses CG-SM d'un extrait volatil réalisé par CLEOR sur 100 litres d'eau de Seine. Station Mont Valérien]

Interprétation directe des données obtenues sur des paramètres simples : cas d’une pollution accidentelle et observation de la relation « température-oxygène dissous » à la station de Chatou

Cas de la pollution accidentelle

Le 4 février 1988 à 12 h, un déversement de 20 tonnes d’urée et d’ammoniaque a eu lieu à Melun en amont de Paris. L'enregistrement et le stockage des données ont permis de visualiser la vague de pollution à Chatou, à l'aval de Paris (figure 9).

Cas de la relation température-oxygène dissous

Cette relation a été très nette sur une période de deux mois (octobre et novembre 1987) : une diminution de 8 °C est concomitante avec une augmentation de 4 mg O₂/l (figure 10).

Suivi des micropolluants organiques et minéraux de l’eau de Seine en aval de Paris à la station du Mont Valérien

Évolution des teneurs en métaux lourds

L'exemple d’évolution des concentrations en μg/l de Hg, Cr, Ni et Cd dans l'eau de Seine en aval de Paris en novembre 1987, indique des teneurs ne dépassant pas 1/5 des valeurs guides imposées par les normes européennes (figure 11) ; néanmoins, il apparaît, lors des week-ends prolongés ou non, un doublement du bruit de fond pour le Cr et le Ni, lié vraisemblablement à l'activité industrielle.

Analyse de traces organiques

L’analyse par chromatographie phase gazeuse-spectrométrie de masse des traces organiques a été réalisée sur un extrait solvant (dichlorométhane). Celui-ci a été obtenu avec un automate d’extraction liquide-liquide en continu (CLEOR®) sur 100 litres d’eau de Seine. Les polluants présents majoritairement sont les hydrocarbures aliphatiques (figure 12). D’autres micropolluants communément trouvés dans les eaux de surface à ces concentrations sont présents : hydrocarbures aromatiques, aldéhydes, alcools, acides, esters. L’utilité de telles analyses se trouve justifiée dans le cas de pollutions accidentelles par des produits « inconnus » ou des « mélanges » dont le niveau de concentration à mesurer est souvent inférieur ou de l’ordre de quelques µg/L.

CONCLUSION

Les réflexions conduites à partir de divers exemples bibliographiques et des deux cas présentés montrent que les stations d’alerte et d’analyse automatique sont utiles, nécessaires et justifiées. Des progrès soutenus et quotidiens accompagnent les besoins et sont généralement pris en charge par l’utilisateur (un service instrumentation, une recherche, un développement…) ; néanmoins, les aspects financiers et de productivité méritent d’être clairement appréhendés et exposés. Ils mettent en valeur les « servitudes et contraintes de l’instrumentation » (R. Quagliaro), et révèlent les problèmes moins techniques de l’instrumentation « environnement ».

Le développement des stations de mesures automatiques est actuellement limité dans le domaine de l’eau par l’étroitesse du marché. Dans le contexte actuel (situation économique, attentisme des différents acteurs), alerte aux pollutions accidentelles et acquisition de mesures pour constituer des banques de données, sont deux domaines qui ne peuvent suffire pour dynamiser le marché de l’instrumentation « environnement ».

Deux leviers peuvent être envisagés pour dégeler la situation actuelle :

— le levier « réglementation » : imposer la mesure sur les rejets industriels et favoriser l’autosurveillance. Les fabricants d’instrumentation bénéficieraient ainsi d’un réel marché et les industriels disposeraient d’outils de contrôle de rejet qui peuvent dans bien des cas se traduire par un meilleur contrôle de production et permettre d’éviter des « fuites » de produits au cours du process (mesure NH₄, PO₄, COT, …), voire même par une aide à la régulation de la chaîne de production ;

— le levier « communication » : diffuser l’information et l’adapter aux divers acteurs : fonction alarme en temps réel, directement auprès des traiteurs d’eau ; information plus synthétique et en temps différé, pour les autres interlocuteurs intéressés et pour le grand public. Il s’agit d’utiliser des techniques statistiques voire d’intelligence artificielle pour présenter de manière fiable et intelligible les informations provenant des stations de mesure.

Le déblocage de la situation actuelle pourrait aussi venir de l’extérieur, suivant deux processus :

— nouvelles conceptions de capteurs et du traitement de l’information mises au point dans des domaines de haute technologie (applications militaires, aéronautiques…),

— prise de conscience des associations de consommateurs à la suite d’une série de catastrophes écologiques du type « Tchernobyl » et « Bâle ».

Nota : Les références bibliographiques seront fournies par les auteurs aux lecteurs intéressés.

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