Rendre l'eau potable, c'est éliminer les substances indésirables, parfois en ajouter pour produire une eau équilibrée, respectant les normes et les goûts des consommateurs. Le procédé se conçoit à partir de la ressource disponible en assemblant différentes étapes unitaires en vue d'atteindre un objectif de qualité d'eau. Problème : parfois, la qualité de la ressource varie. Tout l'art du traiteur d'eau consiste alors à conduire au quotidien ses procédés au plus près de ces variations. Le charbon actif est de plus en plus utilisé pour fixer les molécules indésirables ; les membranes sont également de plus en plus demandées.
Réalisé par , Technoscope
Rendre l’eau potable, c’est éliminer les substances indésirables, parfois en ajouter pour produire une eau équilibrée, respectant les normes et les goûts des consommateurs. Le procédé se conçoit à partir de la ressource disponible en assemblant différentes étapes unitaires en vue d’atteindre un objectif de qualité d’eau. Problème : parfois, la qualité de la ressource varie. Tout l’art du traiteur d’eau consiste alors à conduire au quotidien ses procédés au plus près de ces variations. Le charbon actif est de plus en plus utilisé pour fixer les molécules indésirables ; les membranes sont également de plus en plus demandées.
Année après année, les traiteurs d'eau voient converger la concentration urbaine, la dégradation des ressources en eau et l’augmentation des exigences de qualité. Dans ce contexte, ils doivent produire une eau dont la qualité doit être assurée et constante jusqu’au robinet du consommateur. Les procédés mis en œuvre au sein des stations d’eau potable sont très divers : du simple pom-
…qualité jusqu’à des procédés complexes traitant des eaux de surface. « Aujourd’hui, il est important de ne pas dissocier la ressource en eau de l’usine qui va la traiter. Pour pouvoir anticiper les traitements à mettre en œuvre, il faut connaître les risques qui existent sur le bassin-versant, venant des activités industrielles, agricoles, des stations d’épuration avec leurs rejets médicamenteux, etc. » explique Fabrice Nauleau, directeur Recherche Développement de Saur.
Une obligation, comme le précise Bénédicte Welte, Directrice Adjointe Recherche développement et qualité de l'eau d’Eau de Paris : « Tout dossier d’autorisation d’usine de contient des pièces justificatives sur la ressource, en quantité et en qualité, et ses variations, étudiées sur plusieurs années. »
Des études qui s’affinent selon Fabrice Nauleau : « Nous menons actuellement en collaboration avec l'Institut d’aménagement de la Vilaine et le LERES (laboratoire de l’EHESP) une étude sur le bassin de la Vilaine en réalisant un profil en long des polluants rencontrés et de leur évolution. »
Gilles Boulanger, directeur technique de Lyonnaise des Eaux, indique : « L’usine est conçue pour le “pire moment”. L’important pour une usine d’eau potable est de ne pas subir une dégradation de la ressource, il faut l’anticiper afin de prendre les mesures adéquates. » Les stations de mesure et d’alerte à l’amont (cf. EIN 333), leur mise en réseau pour informer les différentes sociétés donnent quelques heures pour anticiper, voire quelques jours ou semaines lorsqu’il s'agit de bloom algal.
« En cas de pollution accidentelle, un traiteur d’eau peut décider d’arrêter momentanément son pompage pour éviter d’introduire dans l’installation des substances en trop grandes quantités », explique Gilles Boulanger.
Laurence Durand-Bourlier de Degrémont complète : « Les traitements et les réactifs associés mis en œuvre dans les usines devant faire face à des variations de qualité de la ressource sont conçus pour gérer à la fois les aspects bactériologiques récurrents ou ponctuels tout en maîtrisant la génération de sous-produits, la sécurité sanitaire et la préservation des qualités organoleptiques de l’eau (goûts et odeurs) dans des enveloppes budgétaires de construction et d’exploitation maîtrisées. »
Une problématique multiforme
Le problème se pose différemment selon la nature des ressources utilisées. L’arrêté du 11 janvier 2007 et la circulaire du 23 janvier 2007 précisent les critères sur les eaux brutes destinées à la concernant des teneurs en substances naturelles ou non (sels minéraux, molécules organiques) et en microorganismes ou produits émis par des microorganismes (microcystines…). On distingue trois types de ressources.
- Les eaux souterraines en nappe alluviale ou profondes, généralement de bonne qualité.
- Les eaux souterraines issues de milieux karstiques (massifs calcaires) dont l'eau est bonne en général sauf lors d’épisodes pluvieux importants.
- Les eaux de surface subdivisées en eau de rivière ou fleuve et eaux de retenues.
Ces différentes ressources n’ont pas les mêmes dynamiques de variation. Les eaux souterraines sont assez constantes. L’accroissement de concentration d'un polluant sera généralement lent et pourra durer plusieurs mois, le traiteur d’eau dispose de temps pour trouver des solutions.
Les eaux karstiques varient en quelques heures en cas de pluie : les forts débits dans le réseau karstique mettent en suspension beaucoup de matières argileuses et microorganismes, leur turbidité peut varier d'un facteur 100.
Les eaux de retenue ont des variations lentes vu l’effet tampon du réservoir. « La température a une grosse influence sur les retenues, et l'on peut constater en deux ou trois jours une augmentation du COT (carbone organique total) de 2 à 10 mg/L » note Bénédicte Welte.
Des retournements de couches au sein de la retenue peuvent entraîner une variation rapide en manganèse.
Les eaux de rivière présentent…
Les variabilités journalières en raison des précipitations (augmentations des débits, apports d’eaux de ruissellement). La turbidité de la Marne peut passer en une journée de 10 à 100 NFU et mettre plusieurs jours à retrouver une valeur de base. Des variations plus saisonnières sont liées au débit plus faible en été, au développement d’algues généralement à l'automne en raison des variations de température et d’éclairement. « Le bloom algal de fin de saison est bien connu même si sa régularité est moindre ces dernières années ; il faut s’y préparer notamment en mesurant certains paramètres dans des endroits représentatifs du cours d’eau ou de la retenue : mesures des algues (fluoroprobe), de température, de pH, de nutriments », selon Fabrice Nauleau.
Les traitements agricoles par des phytosanitaires (herbicides, pesticides, fongicides...) n’interviennent qu’à certaines périodes, avec une dynamique relativement lente, sauf pluies intenses. Tous les traiteurs d'eau le reconnaissent : pour fournir une eau de qualité constante, malgré les variations de la ressource, il faut bien connaître la dynamique de sa ressource, anticiper et savoir régler en conséquence l’exploitation, sachant que le temps de passage (traitement) de l’eau dans une usine est de 2 à 3 heures.
« Les nouveaux tests d’analyse sur site par immunologie de certains risques préalablement identifiés : pic de pesticides après lessivage des sols, insecticides en période de traitement, production de microcystines en cas de prolifération algale amont... aident le gestionnaire dans ses décisions de pilotage du process et mise en œuvre d'outils de traitement complémentaire », précise Sylvain Enguehard de Novakits.
De nombreuses substances à éliminer
L'analyse chimique et biologique d’une eau révèle une multitude de substances différentes. Il n'est pas pensable de réaliser des mesures spécifiques en continu. Si l'on excepte les stations d’alerte qui mesurent cinq à dix paramètres, la mesure clé en entrée d’usine est la turbidité. Toute augmentation entraînera un ajustement de la quantité de coagulant (chlorure ferrique, sels d’aluminium, autre produit). « La turbidité est aussi un indicateur en différentiel. »
Coagulants aluminium/fer : polémique ou pas ?
Au printemps dernier, un reportage télévisé controversé relatait des teneurs trop élevées en aluminium dans l'eau distribuée de certaines communes françaises. Est-ce la nature du coagulant utilisé qui est en cause ou seulement la manière de s’en servir ? Pour certains, cette affaire d’aluminium est un marronnier, un sujet qui revient périodiquement.
« Pour traiter des eaux peu minéralisées, riches en matière organique comme en Bretagne, nous utilisons du chlorure ferrique, plus efficace que les sels d’aluminium. Pour des eaux très minéralisées nous utiliserons indifféremment du chlorure ferrique ou des sels d’aluminium. La norme OMS en aluminium est de 200 µg/L, valeur facile à respecter si une usine est bien conçue et exploitée correctement. L'important est de bien contrôler le pH », explique Fabrice Nauleau de la Saur.
« Pour de faibles turbidités, des températures basses, il vaut mieux utiliser l'aluminium ; en plus les sels aluminium polymérisés sont moins sensibles au pH d'utilisation », affirme de son côté Abdelkader Gaid de Veolia Eau.
Par ailleurs, concernant l'aluminium, Alain Benazra de Feralco, producteur de sels de fer et d’aluminium, rappelle que les nombreuses études de l'OMS indiquent que l'eau potable est un contributeur minoritaire à l'exposition globale tous aliments, boissons et médications confondus. L’apport d’aluminium via l'eau du robinet est inférieur en moyenne à 4 % de l'exposition globale, quels que soient les sous-groupes de la population considérée. Les résultats des études de l'OMS et de l'Afssa sont disponibles en accès libre sur le site internet de l'Afssa. La polémique sur la nature des coagulants n'a donc pas lieu d’être. Seules les pratiques peuvent éventuellement être discutées.
« Tester toutes les étapes du procédé pour s’assurer que tout fonctionne bien, c'est une garantie d’une bonne désinfection finale », précise Bénédicte Welte. C'est une mesure en continu et l’on peut rencontrer une trentaine de turbidimètres sur une seule usine.
Un autre paramètre global simple, mesuré en continu, est l’absorption UV qui donne une idée de la teneur en carbone dissous ; les plus grosses stations peuvent s’équiper de COT-mètre. Ces mesures globales sont adaptées au caractère global des procédés utilisés en potabilisation. Il n'est pas pensable de développer des procédés spécifiques à l'élimination de chaque substance indésirable, d’autant qu’un procédé est à même d’éliminer toute une classe de substances, et même plusieurs simultanément vu les synergies que l'on peut développer.
Éliminer des matières en suspension se fait classiquement par décantation et filtration. Pour rendre la séparation plus rapide on utilise des floculants qui forment des flocs (précipités floconneux) que l'on peut agglomérer avec un autre réactif pour décanter plus facilement. De nombreux appareils sont développés par les constructeurs pour optimiser la décantation et travailler à des débits élevés. Tout l'art est de précipiter le plus de substances possibles avec un minimum de réactifs.
On peut modifier légèrement certaines substances pour les rendre floculables, le plus souvent par oxydation qui altère de nombreux polluants : fer, manganèse, composés organiques naturels ou synthétiques, microorganismes. On utilise le plus souvent l’ozone qui accroît l’efficacité de la clarification et du traitement biologique ultérieur s'il y en a un. « L’ozone tue les micro-algues qui deviennent des particules inertes décantables, il modifie des molécules et les rend biodégradables », explique Abdelkader Gaid, chef de département à la direction technique de Veolia Eau.
« L'apport d’ozone est automatisé, il est asservi à un paramètre mesuré en continu comme le débit ou l'ozone résiduel dissous », précise Sven Bressmer, directeur Process Applications de Degrémont Technologies.
« Lorsqu’une élévation des taux de substances polluantes, matières en suspension mais aussi microorganismes et algues est annoncée, il faut augmenter les doses d'agents coagulants et floculants, mettre la clarification à son optimum », indique Fabrice Nauleau. Cette optimisation de la clarification doit s’accompagner d'une élimination rapide des boues car elles contiennent les microalgues, qui en se dégradant relarguent des toxines et des odeurs. La conduite est donc assez pointue, ce que résume Vincent Chastagnol, Directeur Process & Technologies de Ste-
Arsenic et fluor : L’Eau Pure propose des solutions spécifiques
L'Eau Pure propose des équipements et solutions traditionnelles clés en main pour les petites et moyennes collectivités ainsi que pour les industriels, pour le traitement des matières en suspension et de la turbidité dans l'eau potable : filtration rapide, en batterie, membranaire, etc.
Mais l'entreprise propose également des solutions spécifiques pour le traitement de l’arsenic dans l'eau potable, par exemple. Elle dispose aujourd'hui de plus d'une centaine de références en France comme à l’étranger sur le traitement de l'eau potable (Chili, Vietnam, Maroc, Algérie, etc.) ainsi qu'une quinzaine de références en France et quatre à l’étranger, sur le traitement de l'arsenic. Quatre nouvelles installations ont vu le jour cette année dans le Sud de la France et une demi-douzaine à l'export avec des projets menés à bien au Chili et bientôt au Mexique. « L’Arsepur® a donc fait ses preuves, et nous avons accumulé un savoir-faire sur le process, les équipements utilisés, la sécurité et son exploitation », indique Julie Grimonpont, Ingénieur Projets/Réalisations chez L'Eau Pure.
L'Eau Pure a également développé Fluorpur, une unité de traitement du fluor qui repose sur son adsorption par réaction électrique entre l'alumine et le fluor. L’alumine activée utilisée se régénère, soit en appliquant un pH alcalin (ajout de soude), soit en pH acide. Avantages du procédé : des coûts d'investissement et d’exploitation réduits, une exploitation simplifiée au maximum et adaptée aux petites collectivités, des produits et procédés agréés par le ministère de la santé, aux résultats prouvés, une installation compacte avec une faible emprise au sol et des délais de mise en place très réduits.
Une première station de défluorisation en cours de construction à Domgermain (54) pour le compte du Syndicat Intercommunal des Eaux du Toulois Sud devrait être opérationnelle avant l'été prochain.
Ce qui préoccupe le plus les traiteurs d'eau aujourd'hui, ce sont les phytosanitaires dont la limite de potabilité est très basse : 0,1 µg/L. Des quantités infimes ! Une station de 1 000 m³/j qui éliminerait 1 µg/L (concentration très élevée) ne récupérerait que 1 g par jour ! Le moyen le plus efficace pour traiter des concentrations de cet ordre, et à condition que la molécule s’y prête, est l’adsorption sur charbon actif. Au passage, d’autres substances dissoutes formant le COD (carbone organique dissous) sont aussi retenues et le charbon actif se révèle particulièrement efficace. Ceci est d’autant plus important que le COT (carbone organique total), fixable en partie par adsorption, ne doit pas dépasser 2 mg/L en sortie de traitement.
Le charbon actif : de plus en plus utilisé
Le charbon actif est une substance bien connue, il en existe différentes qualités, issues des charbons minéraux (houille) ou de matières organiques (bois, écorces de noix de coco) fournies par Pica, Norit, Chemviron Carbon, Desotec, Afig Foesel ou Oxbow. Elles se distinguent par leur taille de pores (microporeux, mésoporeux, macroporeux) et des activations qui rendent la surface plus sensible à certaines molécules. Leur caractère commun est une très grande surface spécifique de l’ordre de 1 000 m²/g. « Avec les préoccupations montantes sur les perturbateurs endocriniens, les matières organiques (COT), les goûts et odeurs, les toxines algales, on utilise des charbons actifs en poudre issus du bois ou de la houille, à la porosité ouverte, bien adaptés à ces problématiques comme nos références Activ’ O P W 3 et Activ' O P 3, indique Hugo Tiberghien d’Oxbow CarbonPlus. Grâce à ces charbons fortement micronisés, on obtient une meilleure cinétique d'adsorption et une réduction du
Procédés : vers des méthodes physiques
Bénédicte Welte, Directrice adjointe à Eau de Paris, résume la tendance observée en matière de potabilisation. Les années 1970 étaient dominées par la chimie : chloration, floculation, décantation… Les produits chimiques étaient omniprésents. Puis sont arrivées les études mettant en évidence les sous-produits de la chloration, les fameux THM (trihalométhanes). On a pensé réduire le problème avec l’ozone, avant que n’apparaisse le problème des bromates. En parallèle sont apparues les méthodes biologiques pour réduire l’ammonium. Les procédés s’orientent alors vers la biologie, avec des supports charbon actif sur lesquels se développent des réactions biologiques. Mais là encore, on s’apercevra vite que des sous-produits sont relargués. On s’oriente donc maintenant vers des séparations purement physiques : de l’adsorption pure sur du charbon et l’utilisation de membranes d’ultrafiltration. Mais la chimie ne disparaîtra pas totalement : le chlore est indispensable à la désinfection finale pour la distribution. La priorité en potabilisation est le risque microbiologique !
Elle permet de réduire le colmatage des modules de filtration et des membranes particulièrement. Globalement, les taux de traitement en CAP sont optimisés vers un rendement épuratoire supérieur et une diminution globale des coûts d’exploitation.
Le charbon actif est utilisé sous deux formes, en grain (CAG) dans des filtres (genre filtre à sable ou en bidon sous pression) et en poudre (CAP) introduit sous forme de barbotine dans le procédé. Si le CAG est utilisé de manière statique, en se saturant progressivement au fil du temps, le CAP l’est de manière plus dynamique. Lorsqu’une pollution, ou une suspicion de pollution par des matières toxiques comme les phytosanitaires s’annonce (période de traitement agricole), les traiteurs d’eau procèdent souvent à une injection préventive de charbon en poudre en tête de traitement avant la décantation ou de manière plus ciblée quand les ouvrages le permettent, après une première floculation-décantation qui élimine la majorité des matières et avant une deuxième floculation et un passage sur filtre ou sur membranes. C’est une utilisation ponctuelle, de manière perdue, à des doses de l’ordre de 2 à 5 mg/L, voire 10 mg/L en pointe, ce qui représente des quantités conséquentes, donc un coût, pour des usines qui traitent des dizaines de milliers de mètres cubes par jour.
Le choix entre CAP et CAG oblige l’utilisateur non seulement à se pencher sur les problématiques de qualité de sa ressource mais aussi à se projeter sur la durée pour l’utilisation d’un réactif dans la totalité de son cycle de vie. Un des avantages de l’utilisation des CAG dans les filières de traitement d’eau potable est la possibilité qui est offerte aux exploitants de réutiliser les matériaux saturés. La prise en compte de la réactivation dès la conception de l’installation permet de garantir l’utilisation d’un matériau performant au moindre coût et à un dosage de matière première minimum. L’utilisation d’un filtre à CAG pour le traitement de 150 000 volume/volume avant d’être réactivé revient à consommer moins de 3 mg/L de charbon actif. Couplé avec sa réactivation, le CAG ne génère pas de déchet pour l’utilisateur tandis que l’utilisation de 1 kg de CAP entraîne la production de 3 kg de boues qu’il faut gérer. « L’association des producteurs de charbons actifs, sous l’égide du CEFIC, a développé une classification des CAG saturés. Il s’agit d’un outil qui permet de définir avec le client une stratégie de réactivation », indique Franck Honoré, responsable des ventes en France pour Chemviron Carbon. « En ajoutant le choix du matériau pour le complément ou des pré ou post-traitements à appliquer sur les CAG, nous établissons une solution sur mesure conjointement avec chaque client. »
En fait, il y a complémentarité entre ces deux types. Une usine qui n’a pas de filtre CAG utilisera le CAP ponctuellement. Mais une usine qui a du CAG souhaite faire durer le plus possible ses filtres CAG utilisés pour retenir au fil du temps ces phytosanitaires. « Il y a donc tout intérêt à retenir un pic de pollution transitoire grâce à du CAP pour ne pas saturer prématurément le CAG », indique Laurence Durand Bourlier, ingénieur procédé à la direction technique et innovation de Degrémont.
CAP ou CAG, le paramètre important pour adsorber les polluants est le temps de contact entre l’eau polluée et le charbon. Dans le cas du CAG, il est peu variable, car fonction de la vitesse de passage de l’eau.
sur le filtre, et aussi du degré de saturation du charbon. À l'inverse, le CAP peut être dosé facilement, on peut multiplier le dosage par deux, par dix s'il le faut, et ceci avec un charbon neuf, donc très réactif. Il est donc le mieux placé pour faire face à une pollution transitoire. Hugo Tiberghien, responsable du marché de l’eau chez Oxbow, fournisseur de charbon actif, note : « avec les préoccupations montantes sur les résidus médicamenteux, les perturbateurs endocriniens, les toxines algales, les odeurs, on utilise de plus en plus des charbons issus du bois, de la porosité ouverte, bien adaptés à ces problèmes comme notre référence Activ’o P W3 ».
Les différences de qualité dans les charbons existent et certains traiteurs d’eau se méfient des “golden samples”, autrement dit d’échantillons aux performances élevées qu’on ne retrouve pas dans les livraisons ultérieures. L’engouement pour le charbon actif, la disponibilité du produit plus ou moins grande rendent le marché très concurrentiel et il est difficile de connaître un prix.
Une autre manière d'utiliser le CAP apparaît, impulsée par Saur depuis une dizaine d’années avec son réacteur à lit fluidisé de CAP dénommé Carboflux et son évolution en cours de développement industriel le Carbo Plus, plus compact et plus économique. L’idée est de disposer en permanence d'une masse importante de CAP en contact avec l'eau et de le recycler. « La concentration importante de l’ordre de 3 g/L, le temps de contact d’environ 20 min procurent des performances d’adsorption très importantes et un effet tampon vis-à-vis des pics de pollution. Le charbon est renouvelé en continu ce qui correspond à une consommation de l'ordre 5 ppm. Avec le Carboflux et le Carboplus, Saur se distingue de ses concurrents par le niveau des performances d’adsorption et la faible consommation de charbon actif » explique Vincent Chastagnol.
Laurence Durand-Bourlier cite l'usine d’Apremont en Vendée, construite par Degrémont, où la flottation rapide sur Aquadaf couplée au contacteur CAP Pulsazur permet de réduire le COT de l’eau brute de 13 mg/L à 2 mg/L avec seulement 5 mg/L de CAP. Le Pulsazur qui nécessite très peu de maintenance et d’énergie (0,01 kWh/m³), et pas de polymère de floculation présente des coûts d’exploitation très attractifs.
Abdelkader Gaid de Veolia Eau mentionne les développements en CAP avec les réacteurs Multiflo et Actiflo couplé à Actiflocarb (à flocs lestés par du microsable). Ces technologies répondent à la demande des traiteurs d’eau pour une réelle capacité à bloquer de manière sûre et globale ces molécules en très faibles concentrations. Un souci qui se comprend puisqu’il n’existe pas d’appareils d’analyse en continu.
La mesure UV peut donner la capacité d’adsorption restante estimée d'un filtre CAG (différence d’absorption UV entre entrée et sortie de filtre) mais n'indiquera pas quelles molécules sont présentes. Les analyses de pesticides et autres perturbateurs endocriniens, bien que certaines soient maintenant disponibles par technique ELISA sur site et plus accessibles, ne sont souvent possibles qu’au laboratoire et coûtent cher.
Les membranes : une solution à bien des problèmes
Autre effet barrière, celui des membranes d’ultrafiltration dont la demande va croissante auprès de fournisseurs tels que Aquasource, Pall, Polymem ou encore Alting. Celles-ci répondent parfaitement aux besoins des eaux karstiques. Quelle que soit la turbidité en entrée, la qualité d’eau en sortie est constante. « Pour répondre aux variations de la turbidité, l’ultrafiltration peut être intégrée directement dans une filière plus complexe, par exemple en affinage, indique Frantz Coelho, ingénieur projet chez Aquasource. Les membranes UF et MF sont aussi couplées avec des filtres CAG ou du CAP. En CAG on reste en filtration frontale alors qu’en CAP il faut pratiquer la filtration tangentielle ce qui augmente les coûts d’énergie en raison du pompage plus important ». Frantz Coelho souligne aussi les demandes de plus en plus fréquentes de membranes dans les appels d’offres et plus seulement en variante.
Elles sont aussi utilisées dans les grandes usines comme barrière ultime avant la distribution. Avec un seuil de coupure à 0,01 µm, la turbidité devient constante à 0,1 NTU, et toutes les bactéries sont arrêtées (7 log), ce qui évite le biofilm en réseau, et accroît de fait la rémanence de la chloration. On n’hésite plus à construire de grosses usines : depuis 2007, Moscou utilise par exemple l’eau de la Moskova. Sa turbidité varie de 1 à 500 NTU, la température de 0 à 26 °C. 168 000 m² de membranes d’UF d’Aquasource sont installés en aval d’une double coagulation avec ozonation et utilisation de permanganate et éventuellement de CAP, pour un débit journalier de 275 000 m³.
« L’ultrafiltration peau externe 0,01 µm est également de plus en plus utilisée pour les grandes usines en traitement d’eau de surface » indique Jean-Michel Espenan, PDG de Polymem. Ce fabricant de membranes français indépendant constate d’ailleurs une nette augmentation de ses ventes de modules sur cette application, et notamment à l’export (USA, Australie, Inde...).
Le raccord Straub est l’un des moyens utilisé pour raccorder facilement les membranes en facilitant leur maintenance. Straub a développé au fil du temps des raccords spéciaux pour chaque fabricant de membranes comme Aquasource, Polymem, Inge, GE Water, Membratec... etc. La plupart des grosses usines ont des goûteurs d’eau ; le consommateur habituel est sensible aux variations et les pics de pollution peuvent générer des variations. Sur le côté technique, le traiteur d’eau doit livrer une eau équilibrée voire légèrement incrustante, mais pas agressive qui attaquerait les matériaux. Pour cela, les eaux trop douces sont reminéralisées grâce à des injections de gaz carbonique et de chaux : on corrige à la fois le pH et la teneur en calcium et carbonates. Le bon dosage est délicat à réaliser car l’équilibre calco-carbonique dépend de multiples variables. Luc Derreumaux, de Cifec, annonce la sortie de la version 5 du logiciel LPLWin destiné à calculer l’équilibre calco-carbonique et surtout donne la possibilité de calculer rapidement les quantités de réactifs à ajouter. Ce qui apporte une aide au traiteur d’eau dont la connaissance fine de l’installation reste indispensable pour réaliser au mieux l’ajout des réactifs.