Les équipements de pompages des effluents chargés sont fortement sollicités. Ceci a pour conséquence des pannes répétées et souvent une usure prématurée des équipements. Les industriels du pompage font de gros efforts pour développer des équipements robustes capables de travailler longtemps sans intervention, et coûtant moins cher à l'usage.
Dossier réalisé par Christian Guyard et Marie-Odile Mitzier, Technoscope
Le transfert et le traitement des eaux usées nécessitent l'utilisation de nombreuses pompes. Ces équipements gourmands en énergie sont fortement sollicités par les effluents très chargés en matières fibreuses et en matières sèches.
Et cela devrait aller en empirant puisque les Européens tendent à consommer de moins en moins d'eau, entraînant une augmentation de la concentration en matières sèches et fibreuses. Ce problème est particulièrement aigu en période estivale lors de l'ex-
Exploitation par temps sec. Pendant ces périodes, les fibres et les matières solides se déposent dans les canalisations. Et lors des orages ou pendant les fortes pluies, ces dépôts parviennent sous forme de paquets de détritus jusqu’à la station de pompage. Et là, souvent, tout se gâte puisque les pelotes de fibres tendent à boucher les pompes, avec tout ce que cela entraîne : usure prématurée, surchauffe, casse… Notamment dans les installations avec exploitation sans grille. De telles conditions imposent des exigences très sévères en matière de résistance au bouchage des pompes.
Éviter le bouchage des pompes
Pour éviter les problèmes d’occlusion ou les problèmes d’usure prématurée, les constructeurs ont beaucoup travaillé sur la géométrie des roues. Bien dessinées, elles permettent de limiter le dépôt des déchets fibreux dans le jeu existant entre la roue et le corps de la pompe, ou encore sur l’arête de l’aube à l’entrée et l’ouïe d’aspiration de la roue. Pour faciliter le nettoyage des pompes, Flygt a développé la pompe N, une nouvelle génération d’équipements aux formes arrondies. Au cœur de cet hydraulique anticolmatage, la roue semi-ouverte à deux canaux et une rainure de dégagement dans le fond de volute. Cette géométrie originale limite le besoin d’intervention de maintenance. KSB a également beaucoup travaillé sur la géométrie de la roue et propose aujourd’hui différents concepts de roues ouvertes et de roues fermées permettant de s’adapter à toutes les situations.
« Un critère d’évaluation de la résistance au bouchage des roues de pompes à eaux usées est ce qu’il est convenu d’appeler le passage libre », explique-t-on chez KSB, « il est défini par le diamètre d’une bille pouvant franchir la roue ». Le passage libre est fonction de la roue et du nombre d’aubes. Les passages libres d’au moins 80 mm, voire 100 mm exigés par l’exploitant pour le transport des eaux usées brutes ne peuvent être réalisés qu’avec certaines géométries de roues. Les roues Vortex, les roues monocanal, présentent des passages libres relativement importants sur toutes les tailles de roue. Elles ont fait leur preuve depuis de nombreuses années pour le transport des eaux usées brutes chargées de particules solides de grandes tailles. Chaque géométrie pos-
Tableau 1 : Caractérisation des roues en fonction de leur géométrie (d’après des documentations KSB)
• Roue Vortex : passage libre relativement important sur toutes les tailles de roues. |
• Roue bicanal ouverte ou fermée : bonne résistance au bouchage. Dimensions du passage libre comparables à celles des roues monocanal. |
• Roue monocanal ouverte ou fermée : passage libre relativement important sur toutes les tailles de roues, passage libre légèrement plus réduit que dans le cas de roue Vortex, mais supérieur à 75 mm sur toutes les tailles. |
• Roue multicanal : bonne résistance au bouchage. |
Chaque effluent possède ainsi ses caractéristiques qui sont décrites dans le tableau 1. Les particules et fibres en suspension ainsi que la composition chimique de l’effluent peuvent entraîner des corrosions ou une usure anormale du bloc de pompage. Il est donc important d’en tenir compte au moment du choix de l’équipement.
Choisir le matériau pour limiter usure et corrosion
Pour une utilisation dans un milieu corrosif, les pompes Grundfos Sarlin sont construites en acier inoxydable. Cependant depuis quelques années, des équipements sont proposés en aciers spéciaux offrant une meilleure résistance aux contraintes d’exploitation. Ainsi, depuis plusieurs années on voit apparaître des paliers en carbure de silicium pour mieux résister à l'usure et à la corrosion. Malgré tout, ce matériau présente quelques faiblesses notamment avec de l'eau surchauffée : une corrosion peut apparaître avec formation de silice et corrosion intergranulaire sur 10 à 20 µm. KSB, qui a travaillé en collaboration avec un producteur de matière, vient d’améliorer le carbure de silicium entrant dans la fabrication des pompes en jouant sur la microstructure (obtention de structure de grains bimodale). Ainsi, les nuances Ekasic C et Ekasic G (avec graphite) ont une résistance multipliée d’un facteur 2 à 2,8 par rapport à l’Ekasic D (à grains fins). Cette amélioration du matériau est totalement mise à profit dans une nouvelle conception de palier que KSB a breveté à l’automne dernier (avec centrage par cône et compensation de la dilatation différentielle acier/carbure). Ces nouveaux paliers sont maintenant disponibles.
Mais la meilleure façon de résoudre un problème de contact est bien de le supprimer ! En collaboration avec la société Levitec, KSB développe un groupe de pompage avec paliers magnétiques actifs. Un prototype de pompe centrifuge à moteur asynchrone est opérationnel. La puissance du moteur est de 4 kW. Les paliers magnétiques exercent une force radiale de 300 N (consommation inférieure à 5 W) et axiale de 960 N (consommation inférieure à 20 W). Les avantages sont nombreux : tous les problèmes dus au contact sont supprimés (usure, pertes, défaillances, lubrification…), le fonctionnement est silencieux, possibilité de prise d’informations (grandeurs électriques), grande vitesse de rotation etc. Il ne s'agit pour l’instant que d’un projet mais d’ici quelques années, ce genre d’équipement pourrait être commercialisé.
Ces progrès vont de pair avec l'intégration de capteurs à l’intérieur même de la pompe.
Ils permettent notamment de surveiller un certain nombre de paramètres.
Surveiller différents paramètres de la pompe
La surveillance d’un certain nombre de paramètres de la pompe permet par exemple d'éviter, ou tout au moins de limiter, la surchauffe de l’équipement et/ou un éventuel grippage. Ainsi, chez Grundfos, des capteurs thermiques placés dans les bobinages du stator permettent de protéger le moteur contre la surchauffe. Lui aussi placé dans le moteur, le capteur d’humidité détecte les fuites dans le moteur et coupe la pompe avant que le moteur ne subisse de dommage. Une approche similaire est adoptée par
Flygt sur sa pompe N qui est équipée en série d’un système de détection de fuite. Quant à KSB, ces capteurs sont implantés depuis plusieurs années dans la pompe pour améliorer la détection des points chauds et des fuites. L’objectif est d’optimiser le fonctionnement de l’équipement pour éviter la surchauffe.
Réduire la consommation d’énergie
Le service continu est fréquent dans une station de pompage en entrée de station d’épuration. En fonctionnement normal, la consommation d’énergie représente 80 % des coûts globaux. L’intégration de l’électronique dans les moteurs asynchrones et le développement d’automatismes spécifiques aux stations de pompage devraient permettre de réduire les coûts d’exploitation en limitant la consommation d’énergie au strict besoin de l’installation. Une autre approche consiste à mettre en service deux ou trois pompes plus petites permettant de couvrir l’ensemble de la gamme de pompage, plutôt que de prendre un équipement plus gros, plus difficile à conduire et qui, en cas de problème grave, laisse la station en arrêt total. Ce point est intéressant car les équipements sont souvent dimensionnés pour une puissance maximum qui est peu sollicitée.
Or, si les pompes sont adaptées de manière optimale aux besoins et qu’elles sont conduites par une régulation électronique de vitesse, il est possible de réduire sensiblement la puissance consommée par les moteurs. Le nec plus ultra est d’équiper un des postes de la variation de vitesse. Cet outil permet d’accéder au plus juste à la puissance de pompage nécessaire et de n’utiliser que ce qui est requis.
Par exemple, Leroy Somer propose le Varmeca 20. Cet équipement, qui se monte sur le moteur d’électropompe, n’engendre aucune modification du tableau électrique ni limitation du nombre de démarrages. Varmeca 20 possède des fonctions internes permettant de réguler une pression, un débit, une hauteur d’eau… La régulation s’effectue à partir d’un capteur extérieur auto-alimenté par le variateur et d’un régulateur PI intégré. Une liaison série permet de communiquer avec un bus de terrain de type Profibus DP, Interbus S ou encore Devicenet.
La vitesse de la pompe est alors régulée en fonction des besoins réels et l’arrêt géré si nécessaire. La détection de surcharge permet à l’ensemble de s’auto-adapter en cas de surcharge et signale les états de fonctionnement tels que marche automatique, débit maximum, désamorçage, défauts du capteur…