Le développement du nucléaire dans la Vallée du Rhône à été considérable et aucun pays au monde n'a concentré dans un même bassin hydrographique le traitement chimique de l'uranium, la production de plutonium, la séparation isotopique (UF6), la fabrication des combustibles, les différents types de réacteurs (graphite-gaz plutonigènes, réacteurs tritigènes, réacteurs de puissance de type eau légère, réacteurs à neutrons rapides expérimentaux ou de puissance, ...). Dès la création du premier centre nucléaire (Marcoule) dans cette région, une politique de rejets radioactifs liquides a été développée par l'établissement de conventions avec la Santé Publique s'inspirant des recommandations de la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique). A ces dispositions contractuelles, sont venues se substituer des prescriptions réglementaires. Grâce au développement des techniques d'épuration, les exploitants ont pu maintenir les activités rejetées à un niveau aussi bas que possible selon le principe de l'ALARA (" Aslow as reasonably achievable ")
Le développement du nucléaire dans la Vallée du Rhône a été considérable et aucun pays au monde n’a concentré dans un même bassin hydrographique le traitement chimique de l’uranium, la production de plutonium, la séparation isotopique (UF6), la fabrication des combustibles, les différents types de réacteurs (graphite-gaz plutonigènes, réacteurs tritigènes, réacteurs de puissance de type eau légère, réacteurs à neutrons rapides expérimentaux ou de puissance, ...). Dès la création du premier centre nucléaire (Marcoule) dans cette région, une politique de rejets radioactifs liquides a été développée par l’établissement de conventions avec la Santé Publique s’inspirant des recommandations de la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique). À ces dispositions contractuelles, sont venues se substituer des prescriptions réglementaires. Grâce au développement des techniques d’épuration, les exploitants ont pu maintenir les activités rejetées à un niveau aussi bas que possible selon le principe de l’ALARA (« As low as reasonably achievable »).
Dans la période de début de l'industrie nucléaire, il n’existait pas de cadre juridique permettant de fonder en droit des autorisations de rejet. Les organismes chargés du développement du nucléaire ont très rapidement ressenti le besoin de couvrir leur responsabilité par une autorité extérieure, dont l'indépendance et la vocation spécifique, permettraient de garantir aux yeux de l’opinion l’innocuité des activités industrielles en cause.
C’est tout naturellement avec les autorités de Santé Publique que des conventions ont été passées. C'est ainsi qu'au cours de la période s’étendant à peu près sur la décennie des années 60, les rejets liquides des centres nucléaires français, en particulier celui de Marcoule, ont été réglés par voie de conventions entre l’exploitant et le Ministère de la Santé Publique. Ces conventions, reconduites annuellement, comportaient notamment une formule de rejet, fondée sur le respect des concentrations maximales admissibles (CMA) établies suivant les recommandations de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR), relatives soit à chaque élément dosable séparément soit, à défaut, à des mélanges inconnus, compte tenu éventuellement de certaines exclusions. Il convient de rappeler que la CIPR étudie les problèmes de radioprotection depuis 1928.
Le développement industriel de l’énergie nucléaire avec la multiplication des sites, le nombre et la puissance des centrales ont conduit à substituer à ces dispositions contractuelles de portée limitée, des prescriptions réglementaires permettant de cou-
(*) Inspecteur en Chef Honoraire de la Santé, Ex-Chef du service de protection contre les radiations et de l’assainissement radioactif au Centre de Marcoule, Ex-Chef de la Division Régionale du Sud-Est du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants.
(**) Ex-Chef du Service de Protection contre les Radiations au Centre de Marcoule.
ouvrir l'ensemble des rejets liquides et gazeux et intéressant la totalité des installations nucléaires.
Les décrets n° 74-945 du 6 novembre 1974 (rejets gazeux des installations nucléaires de base) et n° 74-1181 du 31 décembre 1974 (rejets liquides) et leurs arrêtés d’application du 10 août 1976 fixaient les conditions des études préalables, de l’enquête publique et de l'autorisation des rejets radioactifs. Ces décrets ont été abrogés et remplacés par le décret n° 95-540 du 4 mai 1995 relatif aux rejets d’effluents liquides et gazeux et aux prélèvements d’eau des installations nucléaires de base.
Fondements réglementaires des autorisations de rejet
Les prescriptions réglementaires ont été établies à partir d'un ensemble très structuré de recommandations élaborées par la CIPR, traduisant un risque calculé raisonnable, afin d’éviter tout effet biologique nuisible de l’exposition aux rayonnements ionisants soit pour l'individu (effets somatiques), soit pour sa descendance (effets génétiques). Elles ont été reprises au niveau européen dans des directives fixant des “normes de base”. Les risques présentés par les substances radioactives impliquent la limitation de l’exposition des individus aux rayonnements ionisants. Des limites réglementaires d’exposition sont fixées pour les travailleurs et les populations.
Dès 1958, la CIPR avait défini des critères d'exposition professionnelle qui ont été repris dans la réglementation française par le décret n° 66-450 du 20 juin 1966 précisant les principes généraux de protection contre les rayonnements ionisants et par le décret n° 67-228 du 15 mars 1967 relatif à la protection des travailleurs.
Ces valeurs (équivalents de dose maximaux admissibles) ont permis, en faisant intervenir des facteurs adéquats, de recommander pour les individus et les groupes de population, des niveaux admissibles tenant compte de la radiotoxicité spécifique de chaque radioélément et fondés sur des considérations génétiques et somatiques. À partir des valeurs données comme teneurs maximales admissibles de l’organisme, ont été calculées des concentrations maximales admissibles des radioéléments dans l’eau de boisson ou dans l’air inhalé ; à ces concentrations, l’ingestion quotidienne de l’eau ou le séjour continu dans l’air sont susceptibles de délivrer, à l’équilibre, les équivalents de doses maximaux admissibles.
Sur les mêmes bases, en 1988, ont été fixées des limites annuelles d’incorporation (LAI) par inhalation et par ingestion intégrant tous les vecteurs alimentaires (eau de boisson, aliments d’origine végétale ou animale). À partir de ces LAI, peuvent être déduites des limites dérivées de concentration dans l’eau de boisson sur la base d’une consommation journalière de deux litres d’eau par jour. La LAI est l’activité incorporée en un an qui entraîne un équivalent de dose égal à 5 mSv (0,5 rem) pour le public (somme des équivalents de dose engagés au niveau des différents organes ou tissus pondérés par des coefficients) (Annexe I du décret n° 66-450 du 20 juin 1966 modifié par le décret n° 88-521 du 18 avril 1988).
Étude d’impact préalable aux autorisations de rejet
Dans le cas particulier du rejet ou de l’élimination des résidus radioactifs dans le milieu, des recherches sont préalablement entreprises pour déterminer le comportement ultérieur des radioéléments qui seront rejetés, tout au moins en ce qui concerne les plus dangereux d’entre eux.
Le problème est complexe car si l’air et l’eau de boisson sont des facteurs importants d’exposition, les denrées alimentaires peuvent être, très souvent, des vecteurs de contamination. Les substances radioactives rejetées dans les eaux de surface peuvent se retrouver directement dans les eaux de boisson mais peuvent aussi être fixées par la faune et la flore aquatique ainsi que par les sédiments et les cultures irriguées par ces eaux. Dans le milieu aquatique, le contact continu des organismes biologiques et minéraux avec les éléments dissous favorise les “reconcentrations”, phénomène qui doit d’ailleurs être apprécié par rapport à la concentration des isotopes stables correspondants.
Il est donc essentiel avant de rejeter des effluents radioactifs dans l'environnement de connaître les mécanismes biologiques et physico-chimiques qui président à la dissémination ou à la reconcentration des radioéléments dans le milieu et à leur introduction dans les chaînes biologiques jusqu’à l’homme.
Ces facteurs sont multiples et font notamment intervenir :
- * les sources de contamination : type d’effluents, modalités de rejet, …
- * la présence de l’homme : utilisation du milieu, répartition de la population, habitudes de vie, …
- * l’existence de la faune et de la flore,
- * la sédimentation,
- * le milieu : caractéristiques naturelles et artificielles, comportement des radionucléides, …
La confrontation des données théoriques, des études expérimentales et des résultats des contrôles effectués a permis de définir la capacité d’acceptation radiologique d’un milieu récepteur, c’est-à-dire la quantité maximale de radioactivité admissible dans le milieu sans que les niveaux d’exposition qui en résulteraient pour l’homme ne puissent être supérieurs aux normes établies. L’évaluation de la capacité radiologique ne se limite pas aux zones situées en amont et en aval immédiat de l’établissement nucléaire mais considère la totalité des rejets de tous les utilisateurs, dans l’ensemble du bassin hydrologique.
En ce qui concerne le Rhône, les autorisations de rejets délivrées à chaque centre ont pris en compte l’ensemble de la capacité radiologique du bassin, de telle sorte que l’eau utilisée pour l’irrigation ne pose pas de problème, quelles que soient les cultures, respecte les normes de potabilité pour la consommation humaine et soit acceptable pour la faune, la flore et les sédiments.
Principes généraux des autorisations de rejet
Le but de toute action d’hygiène publique étant la sauvegarde de la santé des individus, c’est donc aux services spécialisés de la Santé Publique qu'il appartient de déterminer les conditions auxquelles doit être soumise notamment l’industrie nucléaire pour qu’aucune atteinte ne soit portée à la santé de l’homme.
Des arrêtés interministériels propres à chaque centre fixent des limites d’activité annuelles à ne pas dépasser. Sont également fixées des limites quotidiennes d’activité volumique ajoutée, calculées après dilution totale dans le milieu récepteur.
Il est à noter que les arrêtés d’autorisation
de rejet stipulent que dans tous les cas, l'exploitant doit prendre les dispositions nécessaires pour étaler les rejets liquides en vue de leur dilution la plus grande possible et que les limites fixées ne représentent qu’un maximum en deçà duquel il y a lieu de maintenir l’activité rejetée toujours aussi basse que possible.
L’exploitant est tenu à une obligation de moyens techniques, de résultats, ainsi que d'enregistrement, d'information et d'intercomparaison :
- - Il doit disposer des moyens qui lui permettent de respecter les limites fixées dans l’autorisation de rejet (cuves de stockage avant rejet) et de contrôler le respect de ces limites (moyens de prélèvements et de mesures). Aucun rejet radioactif n'est effectué au fil de l'eau, tous les effluents doivent obligatoirement être stockés, analysés et traités, s’il y a lieu, avant rejet.
- - Il doit s'assurer, avant de procéder à tout rejet, que l’activité et les quantités d'effluents radioactifs qu’il envisage de rejeter respecteront les dispositions de l’autorisation ; il vérifiera ses prévisions par des mesures pratiquées dans l'environnement.
- - Il doit aussi transmettre pour analyse au SCPRI(*) des échantillons prélevés dans les réservoirs de stockage avant rejet des effluents liquides, tenir à jour des registres des rejets mensuels et des résultats de mesures de surveillance de l'environnement, et signaler immédiatement tout incident ou accident de fonctionnement des installations susceptible de modifier les conditions de rejet des effluents.
Contrôles réglementaires
Pour le contrôle de la Santé Publique, qui doit être permanent et rigoureux, l’important est de faire respecter les conditions de rejet telles qu’elles sont établies dans les arrêtés d’autorisation.
Les rejets radioactifs font l'objet d'une surveillance régulière tant de la part de l'exploitant que du service de contrôle. Des analyses sont effectuées sur les effluents et également dans l'environnement.
Pour le contrôle, outre les mesures d’intercomparaison réalisées sur les effluents liquides, des vérifications périodiques sont effectuées sur les paramètres suivants : eaux de surface, eaux souterraines, eaux potables, eaux de pluie, eaux de mer, boues et sédiments, denrées alimentaires (lait, thyroïdes de bovins, poissons), végétaux, poussières atmosphériques, ... soit environ 50 000 prélèvements annuels à l’échelon national.
Application pratique au bassin du Rhône
Rejets radioactifs liquides du Centre de Marcoule
La première installation nucléaire importante, créée dans le bassin du Rhône, a été le Centre de Marcoule où ont été installées des piles plutonigènes et tritigènes ainsi qu'une usine de traitement du combustible irradié. Depuis la création de ce Centre, ses activités conduisent à la production d’effluents radioactifs liquides qui sont soumis à des traitements spécifiques de décontamination. Les facteurs de décontamination, fonction des dispositifs techniques mis en place, ont été perfectionnés au cours du temps. Seul le tritium, de par ses caractéristiques spécifiques, ne peut faire l’objet des traitements habituels et se retrouve donc presque intégralement dans les rejets. Des dispositifs très élaborés ont été mis en place pour assurer une dilution satisfaisante dans le fleuve. Les différentes études, effectuées à l’aide de traceurs, ont confirmé cette situation.
Formule de rejet initiale
À la création du Centre de Marcoule, les rejets ont été réglementés par un protocole conclu entre le Commissariat à l’Énergie Atomique et le Ministère de la Santé Publique. L’autorisation de rejet d’un bassin ne pouvait être accordée par le Service de Protection contre les Radiations du Centre de Marcoule que lorsque les concentrations des radioéléments dans les eaux du fleuve après dilution restaient inférieures aux concentrations maximales admissibles pour les populations (CMAP), soit au dixième de la concentration maximale admissible pour les travailleurs (168 h/semaine).
Cette règle s'exprimait par la formule générale de rejet suivante :
a) Mélange dont la composition quantitative est connue.La concentration (Ci) de chacun des éléments devra être telle que la somme des rapports :
∑ Ci / (CMA)i ≤ 1
b) Mélange dont seule la composition qualitative est connue.La norme à appliquer sera celle de l'élément dont la CMA est la plus sévère. Toutefois, si la concentration de certains éléments est connue, on pourra appliquer la formule des mélanges indiquée plus haut, en adoptant pour l’ensemble de l’activité des éléments dont la concentration est inconnue la CMA de celui d’entre eux dont la norme est la plus sévère.
c) Mélange dont la composition est inconnue.La norme à appliquer est celle d'un mélange quelconque d’émetteurs α, β, γ.
En utilisant les concentrations des radioéléments dans l'effluent rejeté, la formule appliquée s'écrivait :
∑ Bi / [D (CMAP)i] ≤ 1
(d : débit du rejet, D : débit du Rhône, Bi : concentration du radioélément i dans l'effluent, (CMAP)i : concentration maximale admissible du radioélément i applicable aux populations)
Pour tenir compte des possibilités des méthodes analytiques, quatre termes seulement étaient explicités : la concentration des émetteurs α autres que ²³⁹Pu, la concentra-
(*) L’Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants (OPRI), créé par le décret 1994-604 du 19/07/1993, s’est substitué au Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI).
…tion des émetteurs β autres que *Sr, la concentration du *Pu, la concentration du *Sr.
À l’origine, la formule de rejet utilisée était fondée sur les CMA de la circulaire du 3 juin 1957 et s’écrivait donc :
α / 2·10⁻⁷ + β / 6·10⁻⁶ + *Pu / 3·10⁻⁷ + *Sr / 8·10⁻⁷ ≤ D / 5
dans laquelle α, β, Pu et Sr représentaient le nombre de curies rejetés et D, le débit du Rhône.
* 2·10⁻⁷ Ci/m³ était la CMA de l’uranium naturel car les analyses avaient montré que les variations de radioactivité α dans le milieu aquatique pouvaient être attribuées à l’uranium présent dans les effluents rejetés.
* 6·10⁻⁶ Ci/m³ était la CMA de l’iode 131. En effet, si les couples ruthénium-rhodium 103 et 106 étaient les principaux responsables de la radioactivité rejetée (85 à 95 % de la radioactivité totale), ces radioéléments ayant des périodes relativement courtes (41 j et 1 an), les risques de reconcentration étaient limités. Dans l’application de la formule de rejet, ils étaient donc considérés comme des émetteurs inconnus et la CMA qui leur était attribuée était celle de l’iode 131, beaucoup plus sévère que celle du ruthénium-rhodium 103 et 106 (8·10⁻⁶ et 1·10⁻⁵ Ci/m³). L’iode 131, dont la période est de 8 jours, n’était présent dans les rejets qu’à l’état de traces infinitésimales car les combustibles irradiés n’étaient retraités qu’après un temps de décroissance suffisant pour qu’il ait pratiquement disparu.
* 3·10⁻⁷ Ci/m³ était la CMA du *Pu.
* 8·10⁻⁷ Ci/m³ était la CMA du *Sr-*Y.
En ce qui concerne le débit, il était fixé à 7·10⁷ m³/j ( = 810 m³/s) lorsque le débit réel était supérieur ou égal à 800 m³/s.
Entre 450 et 800 m³/s, il était tenu compte du débit réel.
Entre 400 et 450 m³/s, l’activité maximale susceptible d’être rejetée était ramenée aux deux tiers de la valeur trouvée en appliquant la formule de rejet.
En dessous de 400 m³/s, la valeur était ramenée à la moitié de la valeur calculée.
La formule présentait des possibilités assez larges de rejets car les performances des systèmes d’épuration étaient alors peu connues.
À titre d’exemple, l’application de cette formule de rejet pour un radioélément dont la CMAP (fixée par le décret n° 67-228 du 15 mars 1967) était une des plus restrictives, telle celle du strontium 90 (4·10⁻⁷ Ci/m³), conduisait, pour un débit du Rhône estimé à 4,41·10¹⁰ m³/an, à une possibilité de rejet de 17 640 Ci/an ( = 653 TBq/an).
En ce qui concerne le tritium dont la CMAP était de 3·10⁻³ Ci/m³, les possibilités annuelles de rejet étaient de 132 300 kCi (4 895 100 TBq).
Dans la pratique, les rejets réels se sont toujours situés très en dessous de ces possibilités. De plus, au fil du temps, quelle qu’ait été l’évolution des programmes et des quantités de combustibles traités, le centre de Marcoule a procédé à une réduction de ses rejets par une adaptation technologique des traitements et le développement des systèmes de recyclage. Les figures 4 et 5 présentent les rejets en émetteurs α et émetteurs β sur une période de 35 ans, de 1958 à 1993.
En 1970, les diverses vérifications effectuées par le SCPRI, en étroite collaboration avec la Compagnie Nationale d’Aménagement de la Région du Bas-Rhône Languedoc, sur l’incidence des radioéléments pour les problèmes d’irrigation, ont montré qu’après plus de dix ans de rejets, il n’existait pas de problème du point de vue agricole.
Autorisations de rejet
Les arrêtés d’autorisation de rejet du Centre de Marcoule datent du 20 mai 1981 (J.O. du 21 mai 1981) (voir tableau 1).
Pour ce Centre, il a été tenu compte de l’utilisation de l’eau du Rhône comme eau brute servant à l’alimentation des populations, notamment de la ville d’Arles, ainsi que du développement pour l’irrigation du canal du Bas-Rhône Languedoc.
Rejets radioactifs liquides et limite annuelle d’incorporation pour une personne du public
Si l’on considère la formule suivante :
A = (C × Q) / D
avec une consommation annuelle d’eau potable estimée à 1 000 L par personne et un débit annuel du Rhône égal à 4,41·10¹¹ L, dans le cas du centre de Marcoule, les acti-
Les activités maximales autorisées pour l’ensemble des radioéléments rejetés représentent 1,35 % de la LAL. En 1993, les activités rejetées par ce centre ont représenté 0,021 % de la LAL.
Rejets radioactifs liquides des différentes installations nucléaires du bassin du Rhône
Les figures 1, 2 et 3 présentent le cumul des limites réglementaires de rejet ainsi que le cumul des activités totales rejetées dans le Rhône (de 1985 à 1993) par les différentes installations, en ce qui concerne les émetteurs α, les émetteurs βγ et le tritium. Ces tableaux font apparaître très nettement que les efforts conjugués des constructeurs et des exploitants ont permis une limitation des activités rejetées, celles-ci représentant au maximum 30,8 % de l’autorisation pour les émetteurs α, 37,2 % pour les émetteurs βγ et 25,1 % pour le tritium.
Il convient de tenir compte aussi de la dilution isotopique par les éléments stables. La minéralisation transportée par le Rhône est très importante. On peut estimer qu’annuellement près de 5,2 × 10³ tonnes de calcium et 1,8 × 10³ tonnes de potassium sont transportées par le fleuve. La reconcentration des radioéléments sera rendue plus difficile par la présence de ces éléments stables. Ainsi, il est intéressant de rapprocher, à titre d’exemple, les teneurs en strontium et césium des effluents rejetés par le Centre de Marcoule, des concentrations élevées de calcium et de potassium des eaux du Rhône. Les valeurs atteintes par les rapports de dilution isotopique sont un élément favorable des rejets. Elles sont, en effet, égales à :
Sr = 10⁴ Cs = 10⁵ Ca K
Conclusions
Le développement du nucléaire dans la vallée du Rhône a été considérable et aucun pays au monde n’a réuni dans un secteur géographique aussi limité le traitement chimique de l’uranium, la production de plutonium, la séparation isotopique (UF₆), la fabrication des combustibles, les différents types de réacteurs (graphite-gaz plutonigènes, réacteurs tritigènes, réacteurs de puissance de type eau légère, réacteurs à neutrons rapides expérimentaux ou de puissance…), des centres de recherche nucléaire… Tout au long de ces développements, de sévères précautions de sécurité ont été mises en œuvre dans le respect des normes en vigueur et en particulier pour la protection des ressources en eau. La politique de rejets des effluents radioactifs dans le milieu a nécessité d’énormes investissements et des centaines de milliers de contrôles.
Dans la pratique, les objectifs de qualité en matière de rejets d’effluents radioactifs liquides sont :
- – le respect des autorisations de rejet dont les prescriptions sont établies selon les recommandations de la CIPR qui sont d’une extrême sévérité (à risque comparable) par rapport aux normes de sécurité relatives aux autres nuisances ;
- – le maintien des activités rejetées à un niveau le plus bas possible selon le principe de l’ALARA (“As Low As Reasonably Achievable”). Les pourcentages des activités réellement rejetées par rapport à celles autorisées, pour les installations nucléaires de la vallée du Rhône, montrent que l’application de ce principe est respectée par les exploitants. Depuis l’origine des rejets, il n’y a jamais eu aucun dépassement des autorisations de rejets.
Les différents contrôles de surveillance des rejets radioactifs dans le milieu récepteur permettent de s’assurer qu’ils ne représentent qu’une partie infime des limites annuelles d’incorporation. Ainsi, les analyses effectuées sur l’eau du Rhône aux stations de Vallabrègues et de Pichegu, situées dans le département du Gard, en aval de toutes les installations nucléaires de la vallée du Rhône, indiquent que les activités susceptibles d’être ingérées en une année sont inférieures à 1 % de la limite annuelle d’incorporation. La présence dans la flore et la faune aquatique et dans les sédiments d’éléments radioactifs à des teneurs extrêmement faibles ne présente pas de risque pour la santé publique mais permet aux « pêcheurs de lune » de solliciter les médias avec plus ou moins de bonheur.
Au fil des années, la radioprotection en matière de rejets radioactifs liquides a constitué une création continue tenant compte avec pragmatisme des recommandations de la CIPR et de l’évolution technologique.
En fait, aucun rejet industriel n’a suscité autant d’intérêt que les rejets radioactifs et n’a fait l’objet d’une politique de contrôle et de limitation aussi rigoureuse et exemplaire. Cependant, l’évolution de la technologie et de la réglementation ne pourra jamais conduire à un risque nul, une contamination et une irradiation nulles, un rejet zéro.
De plus, avec le développement de méthodes analytiques affinées et la mise en œuvre de moyens sophistiqués qui permettent d’abaisser les seuils de mesure et de perfectionner les identifications, tout se retrouve dans tout. Encore faut-il apprécier qualitativement et quantitativement le risque sanitaire et le bénéfice sans négliger d’autres facteurs techniques et écono-
L’objectif est de rendre le risque insignifiant en le limitant à un certain niveau.
Les pressions qui s’exercent actuellement pour une réduction des autorisations de rejet délivrées aux installations nucléaires ne reposent sur aucun fondement sanitaire ; des autorisations très restrictives pourraient conduire, en cas de rejets accidentels, à des dépassements qui susciteraient certainement des polémiques très médiatiques. Il est regrettable que les dernières avancées scientifiques en matière de radiobiologie et de génétique moléculaire ne soient pas prises en considération. Une réglementation contraignante a un coût économique et social qui ne mérite d’être engagé que s’il se justifie par un intérêt sanitaire significatif.