Les pièces de voirie et émergences sont essentielles pour pouvoir accéder aux réseaux et assurer leur bon fonctionnement et leur bon usage. Leur conception doit s'adapter aux évolutions des conditions des chantiers, aux nouvelles réglementations et aux nouveaux besoins, qu'il s'agisse de sécuriser la voie publique, de se protéger du vandalisme ou d'assurer une gestion patrimoniale des réseaux et le confort des riverains.
Bouches d’égouts, regards, avaloirs, caniveaux, bouches de lavage, bornes de puisage et poteaux d’incendie sont les interfaces entre le réseau souterrain et l’espace public.
Autorisant l’entretien et les interventions d’urgence ou donnant accès aux pompiers à une ressource en eau, ces émergences sont également de plus en plus équipées de nouveaux appareils comme des détecteurs de fuites ou des puces permettant la mise à jour régulière des interventions dont chacune fait l'objet.
Le marché dans le domaine est vaste, avec de nombreux fabricants comme
Saint-Gobain PAM, EJ France (anciennement Norinco), Maec, Soval, Fondatel, Bayard, Blard, Aco, Huot, Stradal, Sainte Lizaigne, VonRoll etc.
Des pièces de voirie très techniques
Les pièces de voirie doivent satisfaire de nombreux critères hydrauliques de performance et de qualité. Peu voyantes, elles sont cependant soumises à de fortes contraintes, notamment sur la chaussée où le passage des voitures et des camions provoque des mouvements transitoires verticaux de la surface qui endommagent ces ouvrages et les canalisations auxquelles ils sont reliés. La plupart des fuites dans les réseaux proviennent en effet de la rupture des tuyaux au niveau de leur raccordement rigide. Les fabricants doivent également prendre en compte la facilité et la rapidité de mise en œuvre pour s’adapter à tout type de chantier et limiter la durée des interventions sur la voie publique. Conceptions astucieuses et nouveaux matériaux sont mis à contribution.
Spécialiste des regards en béton, l’entreprise Blard a mis au point au fil des ans un système modulaire, avec des éléments de différentes hauteurs qui, judicieusement agencés, permettent d’arriver à la cote voulue. « Le client gagne du temps car il n’a pas besoin d’intervenir sur les matériaux et il a un ouvrage durablement étanche car nous intégrons au moment de la fabrication des joints plastomères qui assurent un raccordement souple et étanche, souligne Jean-Pascal Déparrois, directeur général adjoint de l’entreprise. Ces joints permettent des mouvements de 25 à 45° selon les tuyaux, ce qui facilite le raccordement et élimine le risque de casse au niveau des raccords ».
Dernière innovation de l’entreprise : des avaloirs conçus sur le même principe et présentant un élément supérieur qui peut se régler dans tous les plans afin d’aligner parfaitement la grille sur la bordure du trottoir et celle du caniveau. Cet élément offre de surcroît des pièces d’adaptation pour différentes tailles de fermetures en fonte, ce type d’ouvrage n’étant pas normalisé. « On s’aperçoit aujourd’hui que l’absence de collecte des eaux pluviales ou leur malfaçon peut entraîner de gros dégâts en cas d’inondation, précise Jean-Pascal Déparrois. De plus, loin d’être propres comme on l’a longtemps supposé, elles drainent des polluants lors de leur ruissellement, notamment des hydrocarbures. Nous avons anticipé la normalisation qui, de
notre point de vue, finira par s’imposer avec le besoin de traiter aussi les eaux pluviales ». Ce produit est sur le marché depuis trois ans et trouve sa place sur les chantiers à haut niveau de service, comme les tramways ou le bus pour lesquels il y a dévoiement de réseaux et création de voies nouvelles, le tout assorti de délais de réalisation restreints pour limiter la gêne occasionnée pour les riverains.
Mêmes préoccupations chez le spécialiste des infrastructures de drainage ACO qui a lancé cette année un avaloir en polypropylène injecté Combipoint PP : un fond et des rehausses circulaires de différentes tailles, avec emboîtement télescopique et joint étanche pour ajuster la hauteur de l’ouvrage. La partie supérieure est inclinable jusqu’à 10° pour se positionner parfaitement par rapport au niveau de la chaussée. La grille et son cadre en fonte coulissent sur le dernier élément (pose flottante). Solidaire du béton de pose et des couches structurantes de la chaussée, la grille suit les mouvements de la chaussée sans transmettre les efforts au regard, évitant ainsi les détériorations au niveau de la chaussée et des raccordements aux canalisations. « Ce système permet de réduire les opérations de maintenance et de remise en état qui sont lourdes et coûteuses pour les maîtres d’ouvrage et les municipalités, explique Joseph Miquel, directeur marketing et R&D chez ACO. Un autre avantage est que ces éléments en plastique sont très légers, entre 2 et 3 kg chacun, ce qui les rend très facile à manipuler ».
Augmenter la sécurité et se protéger du vol et du vandalisme
Les grilles en fonte qui coiffent regards et avaloirs ont été adaptées par les fabricants pour répondre aux décrets 2006-1657 et -1658 du 21 décembre 2006 relatifs à l’accessibilité de la voirie aux personnes handicapées, en réduisant les trous et fentes à 20 mm pour que les roues des fauteuils roulants et les extrémités de canne ne puissent se coincer dans les fentes. Cette amélioration bénéficie à beaucoup d’autres usagers : utilisateurs de poussettes, vélos de courses, rollers, etc. Les grilles d’ACO sont conformes à cette réglementation tout comme les nouvelles grilles Squadra PMR (personnes à mobilité réduite) pour bordures et chaussées de Saint-Gobain PAM qui offrent, malgré un faible écartement, de grandes performances d’absorption grâce à un profilage spécial des barreaux et aux facettes d’orientation permettant le décollement des feuilles par la pluie.
Les grilles et plaques d’égout s’équipent également de systèmes plus ou moins sophistiqués pour éviter ou limiter l’impact du vol. Ainsi, Saint-Gobain PAM propose un système simple de pion enfoncé en force au niveau des rotules de regard, empêchant l’extraction du tampon de son cadre sans en gêner l’ouverture, et aussi des kits antivol et anti-intrusion mécanique. ACO propose un verrouillage de grilles par un système d’ergo en polyamide (Drainlock) qui présente l’avantage d’être facile à ouvrir lorsque l’on connaît l’astuce. Ce constructeur applique aussi la stratégie consistant à supprimer l’objet de convoitise. Il a lancé sur le marché, il y a un an et demi, les caniveaux Monoblock P100V et P200V, coulés d’une seule pièce en béton polyester résistant à la corrosion avec des fentes de 8 ou 15 mm. « Ce sont les versions urbaines
Fondatel
« Des déclinaisons lancées il y a près de cinq ans et destinées aux autoroutes, sites industriels ou aéroports, souligne Joseph Miquel. L'absence de grille amovible limite le vol et a l'avantage d’éliminer les cliquetis provoqués par le passage des véhicules. Des regards espacés de 25 à 50 mètres sont munis d'une grille fixée par un boulon sécurisé nécessitant un outil spécial pour leur ouverture ».
Gestion patrimoniale
Le développement de l'informatique embarquée ouvre la voie à de nouvelles façons de gérer les émergences. La solution IVOIRE® (Identification des Pièces de Voiries et Réseaux Enterrés) de Saint-Gobain Pam a fait figure de pionnier dans la transformation des éléments de voirie en objets communicants (voir EIN n° 300). Une puce RFID (identification par radio fréquence) est insérée dans la pièce de voirie et permet de l'identifier, de consulter et de mettre à jour les données la concernant : nature des interventions réalisées, inspections programmées, etc.
Ces informations sont lues et actualisées par un terminal mobile de type Pocket PC. Lancé en 2007, le système a été adopté par quelques clients dont la commune de Saint-Maur-des-Fossés, près de Paris. Cette commune a équipé de puces Ivoire quelque 2 000 équipements sensibles sur les 30 000 émergences de son réseau afin d’être en mesure de limiter les visites systématiques. « Nous bénéficions aujourd'hui d’un recul qui nous permet de constater la pérennité du système, se félicite Marc Barbion, chef de projet chez Saint-Gobain Pam. Les puces posées en 2006 sur la chaussée fonctionnent toujours sans manifester d’usure ».
Depuis, l'ergonomie du système a été améliorée avec l’ajout d'une canne télescopique permettant de lire la puce sans se baisser et une fonctionnalité GPRS qui autorise l'agent de terrain à échanger en temps réel avec le donneur d’ordre pour parer de façon plus efficace aux urgences par exemple. Saint-Gobain Pam a étendu dernièrement le domaine d’application du système aux métiers de la défense incendie. « Nous avons conclu des partenariats avec des SDIS, des collectivités et des exploitants pour définir leurs besoins spécifiques et faire en sorte que l'information soit partagée de la façon la plus intelligente possible entre les différents acteurs ».
La défense incendie, c’est le cœur de métier de Bayard, un des plus gros fabricants de poteaux d’incendie. Le dispositif Tempo®, un capteur intégré dans le
Bayard présente aujourd'hui une innovation qui sera commercialisée d'ici mars prochain et a déjà été présentée au congrès des pompiers à Chambéry en octobre : le système T'Agua, conçu pour faciliter la maintenance du parc des poteaux incendie.
Le système, sous forme d’une puce posée sur chaque poteau, permet de surveiller leur utilisation et les volumes consommés, et de détecter, par la même occasion, les utilisations frauduleuses. L'entreprise a adopté récemment la technologie de communication développée par la start-up française SigFox et adaptée à l'internet des objets. Les performances radio exceptionnelles de l'antenne mise au point par cette société permettent de s'affranchir des nombreux répétiteurs, indispensables sans cela pour transmettre l'information à longue distance. « Cette solution nous permet de faire communiquer de nombreux produits à un coût très bas puisque trois antennes suffisent pour couvrir une ville, explique Patrice Philippe, responsable produits chez Bayard. Les informations Tempo®, auparavant relevées à proximité par un terminal Walk-by, sont remontées automatiquement sur un serveur d'alerte et d’usage. La surveillance est globale et s’effectue en temps réel ». Le constructeur envisage d’intégrer par la suite le suivi de la consommation de bouches de lavages des caniveaux à ce produit.
Une puce posée sur chaque appareil permet aux agents de terrain d'identifier clairement l’équipement sur son PDA afin de disposer de l’historique des interventions en temps réel, de préconisations pour la maintenance et de liens pour repérer les références correctes des pièces à changer. Il peut fournir des indications concernant l'environnement du poteau (position de la vanne d'isolement, emplacement du poteau dans une zone privée ou publique...) et ses limites d'usage, en particulier en cas d’équipements anciens qui peuvent mettre en danger le réseau s'ils sont malmenés. Il permet également de planifier automatiquement les tâches récurrentes et obligatoires, comme le pesage des poteaux, et d’estimer ainsi la charge de travail.
Les données actualisées sur le terrain alimentent automatiquement une plateforme web accessible aux différents acteurs impliqués (évitant ainsi les ressaisies) : le maire qui doit valider les investissements envisagés par le responsable de la maintenance et les pompiers qui les utilisent. « Connaître à l’avance l’état des poteaux et ses capacités en volume et en débit est essentiel pour les pompiers afin d’être en mesure de mettre en place des stratégies adaptées, note Patrice Philippe. C’est pourquoi nous avons développé une plateforme qui s’adapte aux systèmes d'information géographiques utilisés par les autres intervenants. L’interface est transparente et les utilisateurs bénéficient des nouvelles fonctionnalités au fur et à mesure de leur développement ».
Dans le même esprit de faciliter le travail sur le terrain et la communication entre les acteurs, le constructeur prévoit de développer une application pour tablette ou PC de terrain durci qui permettra d'intégrer des outils de dessin. Il sera ainsi possible de réaliser sur place des schémas de fonctionnement, en positionnant des icônes et en les dimensionnant, afin de compléter la description du patrimoine.
Dans un futur proche, Bayard étendra cette solution à d'autres produits comme les vannes de régulation.