Ce document prospectif est le résultat d'une réflexion volontaire d'un groupe d'experts issus de divers organismes soucieux de mettre leurs connaissances au service du domaine de l'assainissement non collectif. Leur objectif, choisi en pleine indépendance, est d'exprimer leur vision de l'évolution de cette forme d'assainissement sur les bases de leurs expériences complémentaires. Cette initiative se déploie dans une situation favorable du fait de progrès techniques. Ces avancées innovantes doivent être considérées comme des solutions complémentaires aux prescriptions de la réglementation actuelle. Dans le contexte d'une sensibilité du citoyen vis-à-vis de l'environnement, de l'intérêt des élus locaux, de la transposition de textes normatifs européens, ce document propose une vision du devenir de l'outil d'assainissement de 20 % des Français.
Cet assainissement représente pour la France près de quatre millions de dispositifs pour une population de 12 millions d’habitants, soit l’équivalent de la population de la région parisienne. Aussi, n’est-il pas raisonnable de considérer cette pollution diffuse comme un détail environnemental sans conséquence. Ce type d’assainissement est l’une des priorités de ce 21ᵉ siècle. Tout est prêt pour lui assurer des performances :
- adaptées aux milieux qu’il côtoie,
- contrôlées avec transparence,
- garanties par une exploitation adaptée et continue.
Notre devoir d’experts est de le promouvoir. Cet assainissement a impérativement besoin pour son développement d’un retour de terrain sur ses performances réelles. La création d’un Observatoire centré sur ces techniques est à même de répondre à ce besoin. Cet Observatoire permettra, entre autres, d’identifier les domaines défaillants de la connaissance, point de départ de futurs programmes de recherche. L’aspect économique ne peut être absent de cette démarche.
Cet assainissement ne sera viable qu’à la condition que son coût soit acceptable, toutes dépenses confondues. Aussi, il importe de fixer des axes d’évaluation des coûts de ces installations incluant, sur une période réaliste, toutes les actions à conduire pour les concevoir, les installer, les réceptionner, les exploiter, les contrôler et les réhabiliter. C’est dans cette dynamique qu’a été conduite notre réflexion.
Une évolution indispensable
C’est volontairement que le vocable juridique d’assainissement non collectif n’a pas été retenu dans l’introduction. Notre approche prospective a ciblé les aspects techniques et économiques et non les modes de gestion.
L’innovation pour les petites installations
d’assainissement est bloquée par notre réglementation centrée sur une obligation de moyens. Il est important d’élargir cette approche en adaptant, à la réalité des milieux de rejet concernés, les performances demandées à ces installations. Par ailleurs, il est indispensable de séparer les fonctions de traitement (filtration, boues activées, ...) et d’évacuation des eaux traitées (rejet par infiltration, puits d’infiltration, exutoire superficiel) afin de pouvoir s’assurer de la satisfaction des exigences des milieux.
Réduire, comme le fait la réglementation nationale, à une mission de prétraitement, les micro-stations à boues activées et à cultures fixées, est un contresens technique pour des experts. Ces installations sont aptes à satisfaire à des obligations de performances comme les autres systèmes. Le souci majeur concerne leur exploitation. Ces dispositifs sont particulièrement sensibles aux pointes de pollution et aux arrêts prolongés. Ils produisent des quantités importantes de boues nécessitant des enlèvements fréquents et coûteux. Il est patent que des micro-stations qui laissent s’échapper des boues sont aussi inadaptées en prétraitement (en venant colmater un dispositif filtrant de traitement) qu’en traitement (en rejetant des eaux traitées chargées de boues).
Techniquement, l’assainissement est défini par quatre actions :
- une collecte,
- un transport,
- un traitement,
- un rejet.
Aujourd’hui, le constat de terrain est bien souvent celui d’un assainissement imparfait généralement dû à une conception insuffisante, à une absence de réception des installations, à une exploitation absente conduisant à une protection incertaine des milieux.
Des performances pérennes indispensables
Cette performance doit répondre aux contraintes locales des milieux. Les connaissances existent pour définir les exigences compatibles avec la sauvegarde des milieux. Ces exigences réglementaires sur les milieux restent sous l’autorité des pouvoirs publics. L’assainissement des zones d’habitat dense est fondé sur de tels principes et ce retour d’expériences valide l’intérêt environnemental de cette démarche.
Toutefois, la performance ne se décrète pas. À partir d’un objectif réglementaire exigé pour la conservation de l’état environnemental, avoir une installation prête à fonctionner, revient à mettre bout à bout des maillons de bonne qualité. Le produit utilisé sera fabriqué selon des normes à la pertinence reconnue, comme par exemple la norme européenne EN 12566 parties 1 et 3. L’ouvrage appelé à assurer l’assainissement sur un site donné sera conçu à partir de produits qualifiés. La réalisation de l’installation de l’ouvrage sera faite par du personnel qualifié pour la mise en place des produits choisis. Le dispositif d’assainissement sera mis en route, après réception de l’ouvrage par un organisme tiers officiellement accrédité, indépendant des autres acteurs. Cette opération de validation, avant mise en fonctionnement, est indispensable pour assurer une longue vie à l’ouvrage. Dès cette validation, l’assainissement est prêt à recevoir des eaux usées de la maison individuelle, du gîte rural ou du hameau, dans les mêmes conditions que celles exigées pour une agglomération.
La performance, c’est aussi prendre en compte le fait qu’aucune technique, même la plus rustique, ne saurait fonctionner sans exploitation. Exploiter, c’est anticiper sur tout ce qui peut venir obérer la performance et sa pérennité ; c’est optimiser les conditions d’entretien et de maintenance ; c’est aussi suivre un ouvrage au cours de sa vie pour identifier et corriger d’éventuelles défaillances. L’exploitation est un acte essentiel à l’obtention continue de la performance.
Des contrôles indispensables
Le contrôle de la performance constitue une phase importante. Pour réussir ce contrôle, il convient d’adopter une démarche réaliste. Il est possible :
- d’identifier des paramètres sensoriels simples, attestant d’un fonctionnement correct (observation visuelle du rejet et des boues, odeur, transparence, ...), assurant une vérification rapide (tous les ans par exemple),
- de définir des analyses rapides de contrôle sur un paramètre indicateur, comme l’azote ammoniacal, dans la mesure où aucun signal d’alerte n’est identifié (tous les deux ans par exemple),
- de réaliser une analyse normalisée de performances sur des paramètres définis par les exigences réglementaires (par exemple tous les six ans).
Ces exemples de contrôles semblent adaptés aux contraintes technico-économiques réelles.
Le contrôle technique de l’état des ouvrages, à l’instar de ce qui est réalisé pour les automobiles, est une proposition innovante issue des constats de terrain. Ce contrôle technique pourrait intervenir au moins au bout de dix ans pour tous les dispositifs et être répété tous les cinq ans, voire à des périodicités plus réduites en fonction des résultats obtenus. Effectué par une instance responsable, apte à s’engager sur son expertise, ce contrôle technique serait à même d’apprécier le moment opportun pour la réhabilitation de tout ou partie de l’installation.
L’évolution de la politique réglementaire nationale doit s’inscrire totalement dans la vérification des performances.
Un retour d’informations indispensable
Actuellement, le retour de terrain d’informations concernant cet assainissement est insuffisant. En présence de savoirs souvent empiriques, de technologies paraissant simples sans l’être, d’innovations qu’il convient d’apprécier complètement sur site, il nous semble pertinent de proposer la création d’un Observatoire de cet assainissement. Cet Observatoire aura pour mission :
- de rassembler les informations sur ces dispositifs,
- de les traiter,
- de les valider,
- d’en tirer les éléments majeurs, pour en faire bénéficier l’ensemble des acteurs de cet assainissement.
Structuré au niveau du territoire de chaque agence de l’eau, financé par les cotisations des adhérents et par prélèvement, par exemple d’un euro sur chaque dispositif mis en place ou réhabilité, l’Observatoire sera près du terrain pour obtenir des informations de qualité. Consolidé nationalement, l’Observatoire permettra d’améliorer les pratiques pour accroître continûment la qualité de cet assainissement.
Par ailleurs, l’Observatoire sera à même de faciliter l’émergence des insuffisances de savoir et de contribuer à définir les axes de recherche à partir de réalités concrètes de problèmes vrais rencontrés sur le terrain.
Une approche technico-économique indispensable
Un ouvrage s’installe pour longtemps. Le choisir parmi plusieurs réponses à un cahier des charges est une opération délicate. Afin de faciliter ce choix, nous proposons de retenir la méthode suivante :
- la vérification du respect effectif du cahier des charges,
- l’examen des critères économiques au plan de l’investissement et du fonctionnement.
Pour les critères économiques, le premier concerne le coût d’acquisition incluant les opérations d’installation et, le second est relatif au coût de fonctionnement, incluant les opérations d’entretien (vidanges de boues, dépenses énergétiques, matériels à renouveler et dépenses générales d’exploitation).
Pour chacun des coûts, il sera calculé sa valeur annuelle. Pour le coût annuel d’investissement, la durée d’amortissement déclarée sera retenue avec un maximum de 20 ans (nul aujourd’hui ne peut offrir une assurance de fonctionnement au-delà de cette limite). L’addition de ces deux coûts annuels sera à faire pour chacune des solutions encore en compétition et il sera alors possible de choisir la solution retenue sur des bases objectives en fonction des priorités recherchées.
Des justifications indispensables
Il faut dans le cadre de notre prospective préciser ce que veut dire le marquage CE d’un dispositif. Il s’agit d’une déclaration de performances par un fabricant, en fonction d’un référentiel décrit dans une norme européenne harmonisée. Ce marquage CE permet à un produit de circuler librement dans l’espace européen mais ne constituera jamais, à lui seul, la garantie de fonctionner pour un ouvrage.
Pour atteindre cet objectif de garantie de fonctionnement, il est souhaitable soit :
- de tester des ouvrages en plateforme selon des protocoles à définir en fonction des contraintes imposées, tant sur les eaux usées admises, que sur les performances requises,
- de fournir des justifications équivalentes.
Un ouvrage sera, ainsi vérifié, apte à remplir sa mission d’assainissement dans des conditions directement liées à sa conception, son dimensionnement, ses conditions d’installation et d’exploitation.
Assainir avec des systèmes utilisant des plantes est une solution alléchante. Toutefois, cette solution doit être validée tout comme ses solutions concurrentes, dans le même souci de pérennité des performances.
En tout état de cause, il est indispensable, au plan sanitaire, qu’aucune eau usée ne puisse se trouver au contact des usagers.
Une traçabilité des matières de vidange et des boues indispensables
Parler d’assainissement décentralisé sans envisager le devenir des matières de vidange et des boues constituerait une approche incomplète. Un aspect majeur concerne leur traçabilité depuis le site de leur pompage jusqu’au site de leur élimination finale. Le propriétaire, ou son délégataire, doit détenir la preuve du traitement de ces déchets. Pour atteindre cet objectif, il convient de vérifier que les solutions de traitement des matières éliminées sont mises en place, respectées et signifiées aux clients.
Une redéfinition des rôles et des responsabilités indispensable
Sur le terrain les rôles et les responsabilités des acteurs apparaissent flous. Le contexte actuel de ces petites installations laisse un propriétaire, généralement sans connaissance technique suffisante de ce sujet, sans garanties contractuelles détaillées, totalement démuni vis-à-vis d’un dysfonctionnement de son installation. Sans qu’il en soit conscient, le propriétaire se retrouve seul responsable des divers problèmes liés à son installation, et il est indispensable de redéfinir les rôles et les responsabilités des divers acteurs.
Cette situation est très dévalorisante pour l’image de cet assainissement. Notre proposition de réception de l’installation par un organisme tiers indépendant, d’exigences de garanties adéquates (fabricant et installateur) est une assurance de meilleur fonctionnement.
Sur le terrain les rôles et les responsabilités des acteurs apparaissent flous. Le contexte actuel de ces petites installations laisse un propriétaire, généralement sans connaissance technique suffisante de ce sujet, sans garanties contractuelles détaillées, totalement démuni vis-à-vis d'un dysfonctionnement de son installation.
Néanmoins, pour le futur, les contrôles réels et adaptés proposés, les exigences d’exploitation professionnelle suggérées, sont autant de protections pour améliorer l'efficacité de cet investissement.
Conclusion
L'ouverture sur l'obligation de performance dans l’assainissement des petites installations va libérer l’innovation. L’assainissement complète ainsi sa palette de solutions contrôlables, gages de garanties pour l’environnement. De la sorte va exister, pour un même résultat environnemental et un même confort de l'utilisateur, la possibilité d’un véritable choix, entre différentes techniques d'assainissement.
Il faut une redéfinition des rôles et des responsabilités des divers acteurs pour mieux protéger le propriétaire d’un investissement qu’il ne peut maîtriser et dont il ne peut jamais vérifier l'efficacité.
La réalisation d’un ouvrage d’assainissement, quelle que soit la forme de sa gestion, doit s'accompagner d'une conception, suivie après travaux d'une réception assurant au dispositif mis en place la garantie de son installation conformément aux règles de l'art.
Le contrôle adapté de ces installations va permettre un suivi de leur fonctionnement tant sur les performances de traitement exigées pour la préservation des milieux que sur leur état.
L’exploitation de ces petites unités d’assainissement est une nécessité absolue. Optimiser les conditions d’exploitation, pour assurer les performances nécessaires en fonction du milieu, revient à assurer une maîtrise des coûts.
La création de l'Observatoire de l'assainissement décentralisé est une priorité dont la mise en place, le financement et le fonctionnement sont réalistes.
Cet Observatoire va permettre par la remontée des informations du terrain d’assurer :
- - l'amélioration des conditions d'installation des ouvrages,
- - la progression dans la connaissance du fonctionnement des dispositifs,
- - l'acquisition de savoir-faire sur les opérations d'exploitation des dispositifs,
- - la définition des priorités d’acquisition des nouveaux savoirs.
Ces quelques principes et propositions illustrent que l'assainissement est, quelle que soit sa taille, apte à remplir sa mission de protection sanitaire et environnementale. Ce que nous proposons ici est une déclinaison pratique de ce qui nous semble relever du Développement Durable.