par Isidor ALMIRALL, chef des services techniques
DIA-PROSIM S.A.
I. INTRODUCTION
Dans les installations industrielles, il est nécessaire de connaître la perte de charge d’un lit de résines échangeuses d'ions constituant le garnissage d'une colonne, ceci permettant le calcul des pompes nécessaires à la circulation des fluides à traiter. Les facteurs influençant les pertes de charge sont les suivants :
- — vitesse de passage du fluide à traiter ;
- — diamètre des particules ;
- — viscosité du fluide à traiter ;
- — masse spécifique du fluide ;
- — température du fluide à traiter ;
- — hauteur de la couche de résine ;
- — porosité du garnissage.
D’autres facteurs plus difficiles à évaluer viennent encore modifier les pertes de charge :
- — nature de la résine ;
- — géométries particulières des bidons ;
- — matières en suspension de l'eau ;
- — précipitation sur la résine.
Les pertes de charge en milieu poreux ont fait l’objet de nombreuses études.
II. CALCUL THÉORIQUE DES PERTES DE CHARGE
1. Vitesse de passage
Les pertes de charge sont directement proportionnelles à la vitesse moyenne du fluide traversant le lit de résines.
La figure 1 représente pour des conditions particulières les variations des pertes de charge en fonction de la vitesse dans un système de coordonnées logarithmique. Cette courbe va servir de figure de base pour le calcul des pertes de charge, les courbes suivantes permettant la détermination des facteurs multiplicatifs liés aux différents paramètres.
Il faut noter que les vitesses de passage particulièrement élevées seront responsables d'un tassement important des résines, donc d'une augmentation supplémentaire des pertes de charge.
2. — Diamètre des particules
Les pertes de charge sont inversement proportionnelles au carré du diamètre des particules sphériques.
La figure 2 donne une estimation du facteur multiplicatif résultant du diamètre des billes de résine.
L'augmentation des pertes de charge est très rapide lorsque la taille des particules diminue et on ne peut pas diminuer indéfiniment le diamètre des billes de résine pour obtenir la capacité utile la plus élevée et la fuite permanente la plus faible. Suivant les besoins et les possibilités technologiques, on pourra optimiser la granulométrie et la vitesse de passage pour atteindre la meilleure capacité utile sans perte de charge excessive.
3. — Viscosité et température du fluide
Les pertes de charge sont directement proportionnelles à la viscosité cinématique du fluide traversant le garnissage.
Pour l'eau, la viscosité varie avec la température par rapport à 20 °C (eau : 1 cp à 20 °C). Les variations du facteur multiplicatif (figure 3 : K₂) seront celles de la viscosité cinématique de l'eau en fonction de la température.
4. — Hauteur de la couche de résine
Les pertes de charge sont théoriquement directement proportionnelles à la hauteur de couche de résine.
Cependant, des hauteurs de couche élevées (2 m et plus) entraînent un tassement supplémentaire de la résine, donc des pertes de charge légèrement supérieures à celles dues aux simples variations de la hauteur de couche.
En première approximation et en considérant la précision du résultat obtenu, nous ne tiendrons pas compte de cette augmentation supplémentaire et le facteur multiplicatif sera égal à la hauteur de couche exprimée en mètres.
5. — Porosité du garnissage
La porosité ou fraction de vide d’un garnissage est le rapport entre le volume du vide et le volume du garnissage. La porosité d'un garnissage constitué de particules sphériques identiques ne dépend pas du diamètre des particules mais de la disposition relative des particules les unes par rapport aux autres, c’est-à-dire de l'angle θ (voir dessin de la figure 4).
Du fait de la possibilité pour ces particules de s’arranger différemment, la porosité peut varier de 0,259 à 0,476 m³/m³.
L'incidence théorique sur les pertes de charge des variations de porosité est illustrée par la figure 4.
En fait, les résines échangeuses d'ions ne sont pas constituées de particules identiques mais montrent un étalement granulométrique variable. La porosité du garnissage dépendra donc également du classement des particules et ceci d’autant plus que la granulométrie sera étalée.
Dans la pratique, un lit de résines classé, non tassé, a une porosité de 0,41 m³/m³ et pour un lit de résines classé, tassé, une porosité de 0,34 m³/m³.
Les paragraphes suivants étudieront les différents facteurs qui peuvent modifier la porosité d’un lit de résines en fonctionnement et en particulier le tassement et le gonflement dont les influences sur la capacité sont interdépendantes.
— Tassement de la résine (gonflement nul)
Le tassement sera d’autant plus important que la vitesse de passage du fluide sera élevée, que la hauteur de couche sera importante et qu'il y aura des vibrations ou des coups de boutoir lors des mises en route successives. La figure 5 donne en fonction du tassement de la résine la porosité correspondante puis le facteur multiplicatif Ks correspondant (voir courbe « tassement » de la partie supérieure de la figure).
— Gonflement de la résine (tassement nul)
Les résines échangeuses d’ions sont susceptibles de subir des variations de volume en cours de cycle, notamment un gonflement pour les résines « moyennement basiques » et « moyennement acides ». Le gonflement des particules, s'il ne se traduit pas par une augmentation proportionnelle de la hauteur de couche de résine (blocage du lit), conduit à une réduction importante de la porosité et donc à des pertes de charge élevées.
La figure 5 donne également, en fonction du gonflement de la résine sans variation du volume apparent du lit de résines, la porosité correspondante puis le facteur multiplicatif Ks correspondant.
[Figure : Influence isolée du tassement et du gonflement de la résine sur la porosité du lit. Cette porosité permet la lecture du facteur Ks à l'aide de la courbe inférieure.]Ce phénomène de gonflement des particules sans variation correspondante du volume du lit de résines est toujours difficile à estimer et dépendra essentiellement :
- de la résine (variations relatives de volume d'une forme ionique à l'autre) ;
- de la conception du bidon ;
- du rapport hauteur de couche/diamètre ;
- de la vitesse de passage ;
- de la charge ionique.
D’autres facteurs peuvent encore réduire la porosité d’un lit de résines comme les matières en suspension de l'eau ou les précipitations sur les résines.
6. — Conclusion
Cette première approche théorique permet de calculer facilement les pertes de charge d'un lit de résines en début de cycle (gonflement nul) si l'on connaît le tassement du garnissage.
Deux calculs sont possibles :
— Calcul approximatif
P = P base (fig. 1) × Ks × Kz × Ky × H H : hauteur du lit Ks : résultant du tassement.
— Calcul plus précis
Si le détail de l'analyse granulométrique est connu, on pourra effectuer un calcul plus précis.
Soit i le numéro d’un tamis de diamètre di. Soit Ni le pourcentage en volume des billes retenues entre le tamis i et i + 1.
Les pertes de charge provoquées par les billes de résines comprises entre les tamis i et i + 1 se calculent comme au paragraphe précédent, en prenant pour diamètre moyen :
(di + di+1) / 2
Soit Pi cette perte de charge.
La perte de charge globale de la résine se calcule en faisant la combinaison des différentes fractions :
P = somme des termes Pi × (Ni / 100)
Le calcul des pertes de charge pendant le cycle est difficile à évaluer car il dépend trop de la nature et de l'importance du gonflement de la résine, dont il est variable suivant les conditions d'utilisation. Les facteurs tassement et gonflement étant interdépendants, il est difficile d’évaluer correctement la porosité.
II. EXPÉRIENCE INDUSTRIELLE
Les paragraphes précédents ont montré que les paramètres influençant les pertes de charge étaient très nombreux. Il est difficile industriellement de déterminer précisément certaines de ces variables, en particulier la porosité qui résulte de nombreux facteurs.
L’expérience nous donne certains résultats pratiques qui permettent l'établissement d’un coefficient de correction des valeurs précédentes. Les conditions locales modifiant surtout la porosité, il faudra remplacer le coefficient Ks du paragraphe précédent par la valeur indiquée dans le tableau suivant.
Tableau 1
RÉSINES | Kx |
---|---|
Résine fortement acide | 1,6 |
Résine faiblement acide | 2,3 |
Résine fortement basique | 2,2 |
Résine faiblement basique | 1,9 |
La valeur trouvée correspondra aux pertes de charge moyennes de ce type de résine dans les conditions indiquées et la précision du résultat sera d'environ ± 20 %.
Exemple de calcul
Pertes de charge d'un lit de DUOLITE C 20 dans les conditions suivantes :
— Température de l'eau traitée : 25 °C — Vitesse de passage : 60 m/h — Hauteur de couche H : 1,5 m — Diamètre moyen : 0,7 mm
On lit sur la figure 1 : P base : 0,14 kg/cm²·m figure 2 : Kx : 2,5 figure 3 : Kx : 0,9 tableau 1 : Kx : 1,6
d’où P = P base × Kx × Kx × Kx × H P = 0,14 × 2,5 × 0,9 × 1,6 × 1,5 = 0,76 kg/cm²
IV. GONFLEMENT DE LA RÉSINE
Le problème du gonflement des résines concerne surtout les résines échangeuses de cations faiblement acides et les résines échangeuses d’anions faiblement basiques qui sont les résines subissant les augmentations de volume pendant le cycle.
Le tableau 2 résume les gonflements maximums subis par les résines échangeuses d'ions (changement complet de forme ionique).
Le chapitre II décrit l'influence du gonflement, avec blocage du lit, sur l'évolution des pertes de charge. On peut assimiler l'influence du gonflement, sans blocage du lit, à celle de l'augmentation de la hauteur de lit. C’est ainsi que pour un gonflement de la résine de 15 % l'augmentation des pertes de charge sera la multiplication par un coefficient compris entre 1,15 (augmentation de la hauteur du lit de 15 %) et 2,9 (voir figure 5).
À titre d’exemple, la figure 6 représente l’augmentation des pertes de charge de la DUOLITE A 368 en fonction de la capacité utile, dans les conditions décrites dans la légende. L’augmentation est ici d’environ deux fois. Parallèlement, les variations des pertes de charge de la DUOLITE C 20 ont été représentées : on constate peu de variations.
V. PERTES DE CHARGE PENDANT LE CYCLE
Les valeurs des pertes de charge en début de cycle peuvent servir d'indications pour déterminer les pertes de charge en fin de cycle en appliquant quelques règles déduites de l'expérience.
— Pour les résines fortement acides et fortement basiques, il n’y aura pas de variations sensibles entre le début et la fin du cycle. — Pour les résines faiblement acides, on multipliera la valeur du début du cycle par un facteur d’environ 1,3. — Pour les résines faiblement basiques, on multipliera la valeur du début du cycle par un facteur d’environ 1,8. — Pour les résines cassées, il faudra reconsidérer la granulométrie et refaire le calcul en fonction de l’augmentation des fines particules résultant de la cassure.
Tableau 2
TYPES DE RÉSINES | FORMES IONIQUES | VARIATION MAXIMUM |
---|---|---|
Duolite C 20 (fortement acide) | Na → H | 7 % |
Duolite A 102 D (fortement basique) | Cl → OH | 10 % |
Duolite A 368 PR (faiblement basique) | OH → Cl | 40 % |
Duolite CC 3 (faiblement acide) | H → Ca | 15 % |
VI. ÉCHANGEURS D’IONS EN GRAINS
Afin de comparer les pertes de charge causées par un lit d’échangeurs en grains et celles causées par un lit de résines en billes, des mesures ont été effectuées au laboratoire en comparant des résines de granulométrie identique et de diamètre moyen de 0,84 mm. Les résultats obtenus sont illustrés par la figure 7.
— Les pertes de charge sont identiques pour les résines tassées. — Les pertes de charge sont sensiblement inférieures pour les résines en grains lorsque les échantillons ne sont pas tassés.
À granulométrie égale, les résines en grains créent une porosité du garnissage supérieure à celle des résines en billes. Cela explique la différence pour les échantillons non tassés. Cet écart de porosité diminue lorsque les résines sont tassées.
Industriellement, la différence est peu sensible et nous pouvons assimiler les pertes de charge des résines en grains à celles de leurs correspondantes chimiques de forme spécifique.
[Figure : Température de l’eau traitée : ambiante — Pertes de charge en bars — résines classées et tassées / résines non tassées — Vitesse linéaire de passage de l’eau traitée en m/h]VII. CONCLUSION
La détermination approximative des pertes de charge est possible. Les facteurs influençant la porosité d'un garnissage étant difficilement mesurables, il n'est pas possible de les calculer avec une grande précision. Cette étude avait pour objet de déterminer pratiquement une valeur des pertes de charge suffisamment réaliste pour permettre le calcul d'une installation.
ANNEXE
A. — RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
— DARCY H. : « Les fontaines publiques de la ville de Dijon », Dalmont, Paris.
— KOZENY J. S. : Ber. Wiener Akad Abt IIa, 136, 271 (1927 a).
— GARMAN P. C., J.S.C. Ind 57, 225 (1938).
— IDEL’CIK I. E. : « Memento des pertes de charge », Eyrolles Éditeur (1969).
B. — La formule la plus intéressante car elle concerne spécialement les garnissages constitués de particules sphériques, est celle proposée par Bernstein, Pomerancer et Saglova. Elle permet de calculer les pertes de charge au kgp/m².
\[ W = \left( \frac{K \, \beta}{d} \right) \left( \frac{v^{2}}{2g} \right) + \Delta t^{0,3} \]
\[ Re_{cr} = 224{,}3 + 0{,}3 \]
\( g \) Accélération de la pesanteur (9,81 m/s²) \( \beta \) Poids spécifique du fluide (kgp/m³) \( W \) Vitesse moyenne de l’écoulement dans la section libre (m/s) \( \Delta t \) Variation de température du fluide entre l’entrée et la sortie du garnissage \( d \) Diamètre des particules sphériques (m) Hauteur du garnissage (m)
\( K \) est un coefficient dépendant de la porosité du garnissage
\[ Re = \frac{W\,d}{\nu} \]
\( \nu \) Viscosité cinématique du fluide (m²/s)
I. ALMIRALL.
LE PRINCIPE DE LA RÉSISTANCE DE POLARISATION APPLIQUÉE À LA MESURE DE LA CORROSION EN MILIEU AQUEUX
par J.-P. MARTIN Ingénieur I.N.S.C.I.R. – M. Sc. – SEPPIC S.A.
Communication présentée aux « JOURNÉES INFORMATION-EAUX » de Poitiers, le 28 septembre 1978
D'une manière générale, la corrosion des métaux en solution aqueuse peut être définie comme une transformation chimique ou électrochimique conduisant à des composés nouveaux plus stables. Pour un métal comme le fer, la forme oxydée est souvent la plus stable et le métal aura par conséquent une tendance naturelle à former ses produits de corrosion au travers de réactions électrochimiques complexes. La cinétique dans ces réactions va déterminer la vitesse à laquelle se transforme le métal en éléments de corrosion, c’est-à-dire le taux de corrosion. Le but des appareils du type CORRATER (1) présentés ici est de mesurer ce taux de corrosion d’une manière directe, simple et rapide. Pour une bonne cohérence de l'exposé, rappelons tout d’abord les principes d’électrochimie qui sont à la base de leur conception.
LA CORROSION ÉLECTROCHIMIQUE
Un équilibre élémentaire d’oxydo-réduction s'écrit :
Ox + ne⁻ ⇌ Red
et pour un métal en présence de ses propres ions :
Mⁿ⁺ + ne⁻ ⇌ M
À l'équilibre, le potentiel pris par le métal obéit à la loi de Nernst :
RT E = E₀ + —— log [Mⁿ⁺] nF
Les potentiels sont déterminés expérimentalement par rapport à l'électrode à hydrogène pour laquelle E₀ = 0 par convention, la réaction correspondante étant :
2H⁺ + 2e⁻ ⇌ H₂
Si l’on provoque le passage d’un courant dans une électrode on peut suivre l’évolution des équilibres en traçant les courbes de polarisation I = f(E) qui sont de la forme :
E – E_c I = I₀ exp ——— b
Un métal qui se corrode librement en solution aqueuse est le siège d’au moins deux réactions partielles, l'une d’oxydation anodique, de potentiel d’équilibre E_a, l'autre de réduction cathodique, de potentiel d’équilibre E_c. Les réactions s'écrivent :
M → Mⁿ⁺ + ne⁻ E_a, oxydation anodique (2) X + nz e⁻ ⇌ Xⁿ⁻ E_c, réduction cathodique (3)
Si l’on suppose E_a et E_c suffisamment éloignés l’un de l’autre, on peut négliger les contributions des réactions inverses de ces équilibres.
(1) marque déposée mondialement.
Le courant global est la somme algébrique du courant anodique iₐ et du courant cathodique iₖ.
soit, en reprenant la forme (1) :
i = i₀ₐ exp (−E/bₐ) − i₀ₖ exp (E/bₖ)
Lorsqu’il y a corrosion spontanée du métal, le courant est nul, puisqu’il ne peut y avoir accumulation d’électrons dans le métal. Dans ce cas, les électrons libérés par l’oxydation anodique vont alimenter la réduction cathodique et constituent le courant de corrosion, noté Iₓ. Ceci se traduit, à l’aide des expressions ci-dessus, par :
ΔI = i₀ₐ exp (E/bₐ) − i₀ₖ exp (−E/bₖ) (4)
À I = 0 correspond une valeur de potentiel Eₓ, potentiel de corrosion : I = 0 ⇒ iₐₓ = iₖₓ = Iₓ
Expérimentalement, la valeur de Iₓ n’est pas mesurable directement. Pour l’obtenir, il est nécessaire d’établir une relation entre Iₓ et des valeurs directement mesurables telles que de petites variations ΔE et ΔI au voisinage du potentiel de corrosion Eₓ. En notant ΔE = E − Eₓ, l’expression (4) devient :
ΔI = I₀ [exp (ΔE/bₐ) − exp (−ΔE/bₖ)] (5)
Un développement en série limité au premier terme conduit à une expression simple :
ΔI / ΔE = 1/bₐₓ + 1/bₖₓ (6)
Le terme ΔE/ΔI, homogène à une résistance, est appelé résistance de polarisation, et a laissé son nom à cette méthode de mesure de la corrosion.
Cette théorie, initiée par STERN et GEARY, a fait l’objet de nombreuses études pour déterminer les conditions de validité des hypothèses faites et quantifier les erreurs introduites en négligeant les termes du développement en série à partir du deuxième ordre.
Il est clair que la conception d’un appareil de mesure industriel devra tenir un juste compte de ces approximations afin de rester proche de la réalité et d’un emploi simple.
LE CORRATER : PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT
En fonction de ce qui vient d’être exposé, le principe du CORRATER consiste à appliquer une faible différence de potentiel (20 mV entre deux électrodes identiques) et à déterminer le ΔI correspondant. Pour une bonne utilisation pratique, l’appareil donne directement une lecture en taux de corrosion, c’est-à-dire la quantité de métal corrodé par unité de temps. L’unité la plus couramment employée est le MPY, le millième de pouce par an (1 MPY = 25 μm/an).
Notons MPY le taux de corrosion et ΔG la lecture de l’appareil. La perte de métal MPY est, selon la loi de Faraday, proportionnelle au courant de corrosion, de sorte que l’équation linéaire (6), avec l’introduction de nouvelles constantes, prend la forme :
MPY = K · k₁ · (ΔE/ΔI) (7)
où K dépend de la nature du métal et du système chimique, k₁ dépend de la résistivité de l’électrolyte et de la géométrie des électrodes.
En introduisant la lecture de l’appareil ΔG et des coefficients dépendant d’éléments séparés, on obtient enfin l’expression suivante du taux de corrosion :
MPY = ΔG · K · k₁ (8)
Kᵣ = multiplicateur de sonde. k₁ = facteur de résistivité.
En se plaçant dans les conditions où l’ensemble des facteurs est pratiquement égal à 1, l’appareil donne la valeur du taux de corrosion en lecture directe.
TECHNOLOGIE DU SYSTÈME CORRATER
Le système de mesure CORRATER se compose de deux éléments :
- – d’une part une sonde, munie d’électrodes, restant en place dans le milieu étudié ;
- – d’autre part, un module de mesure utilisé ponctuellement (appareils portatifs) ou d’une manière continue. Différents types de dispositifs sont illustrés sur les schémas de la figure 2.
La photo 2 montre l’appareil de lecture 1130, modèle de contrôle automatique avec enregistreur. Les figures 3, 4 et 5 montrent les différents montages possibles.
Différentes configurations de sondes.
Celles-ci sont constituées d'une canule munie à son extrémité de deux électrodes de forme et de surface identiques. Les électrodes sont remplaçables et peuvent être choisies dans la nuance de l’alliage qui constitue le circuit étudié. Les sondes, qui doivent en principe rester en permanence dans le circuit, sont fixées sur un piquage ou bien montées à travers une vanne à passage direct permettant ainsi l’insertion et le retrait sans interruption de service de l’installation. Il existe par ailleurs une configuration avec une troisième électrode rapprochée qui permet l’utilisation des instruments dans une gamme plus étendue de valeurs de résistivité.
Reportons-nous maintenant à l’expression (8) afin d’examiner dans quelles conditions pratiques on peut obtenir une lecture directe du taux de corrosion, en explicitant les significations des coefficients Kₛ et kₛ.
Kₛ, coefficient multiplicateur de sonde :
Ce terme dépend de la géométrie des électrodes et de l’alliage. Le constructeur a établi Kₛ = 1 pour l’acier doux courant et on observe que les valeurs de Kₛ sont comprises entre 0,5 et 3,0 pour de très nombreux alliages d’usage industriel. Le Kₛ est déterminé expérimentalement en comparant la lecture fournie par l’appareil à un taux de corrosion déterminé dans le système d’une manière indépendante.
Facteur de résistivité kₛ :
En fait ce terme n’est pas à proprement parler une constante mais dépend aussi de la géométrie des électrodes, de la résistivité de la solution et de la résistance de polarisation. On peut le considérer pratiquement comme un terme correctif de la lecture. Il reste heureusement très souvent proche de 1, du moins en ce qui concerne la plupart des eaux industrielles. En cas de nécessité, les valeurs de kₛ peuvent être déterminées par un diagramme fourni par le constructeur où kₛ est exprimé en fonction du produit de la lecture de l’appareil et de la résistivité de la solution (figure 6).
Il ne faut pas enfin négliger d’autres facteurs intervenant sur la représentativité de la mesure, en particulier :
- — Équilibre électrode/système : la vitesse de corrosion d’un métal neuf (sonde nouvellement installée) est différente de celle d’un circuit déjà en service, de sorte que les mesures initiales du CORRATER sont plus celles propres à la corrosion des électrodes que celles de la corrosion du système. Il faut attendre l’établissement d’un état d’équilibre dont la durée, de quelques minutes habituellement, peut atteindre 24 heures dans les cas extrêmes.
- — Positionnement des sondes : les sondes doivent être placées judicieusement afin d’être aussi proches que possible des conditions réelles de corrosion. En outre, il est recommandé de placer les électrodes face au sens de circulation du fluide, ou bien d’orienter le plan des électrodes perpendiculairement au sens de circulation dans le but d’éviter les phénomènes de masquage, comme l’indiquent les schémas de la figure 7.
- — Déviation de l’aiguille au moment de la mesure : normalement, lorsque l’appareil est connecté en position de mesure, l’aiguille du cadran donne initialement une valeur élevée qui tend à se stabiliser après environ 30 secondes. Pour les appareils portatifs, …
les relevés seront faits quand l’aiguille dévie d’une division en5 secondes. Ce phénomène n’est pas apparent dans les appareilsautomatiques qui prennent en compte la lecture uniquementaprès le temps de stabilisation.
LA CORROSION PAR PIQÛRES
Cette forme de corrosion malheureusement assez courante semanifeste par l’apparition localisée de piqûres parfois profondespouvant entraîner des percements dans les circuits. Les conséquencessur le bon fonctionnement d’une installation peuvent être importantesd’autant plus que ces phénomènes surviennent de manière inattendue.Les appareils CORRATER ont la particularité de donner une indication de la tendance d’un système à provoquer de la corrosion parpiqûres. Cette mesure résulte du comportement asymétrique desélectrodes aux conditions locales de corrosion. Les relevés obtenusne constituent pas une mesure au sens propre du terme mais plutôtun indice, adimensionnel, dont on doit apprécier les variations envaleurs relatives pour avoir une idée de la tendance au piquage.
APPLICATIONS INDUSTRIELLES
Dans l’industrie, les phénomènes de corrosion sont d’une grandeimportance car une mauvaise maîtrise de ceux-ci peut entraînerdes conséquences plus ou moins graves parmi lesquelles on peutciter :
- — Des risques au niveau de la sécurité du travail.
- — Des arrêts d’unités.
- — Des pertes de production.
- — Des contaminations de produits.
- — Des baisses de rendement des unités.
- — Un coût excessif d’entretien.
- — Une surévaluation des investissements.
Parmi différentes techniques, les appareils industriels mettant enœuvre le principe de la résistance de polarisation sont des outilssimples et fiables qui permettent d’assurer un contrôle suivi et efficace. D’ores et déjà les utilisations s’étendent aux domaines suivants :
- — Circuits d’eaux de refroidissement.
- — Procédés chimiques en milieux aqueux.
- — Eaux de rejet.
- — Nettoyages chimiques.
- — Puits d’eaux géothermiques.
- — Injections d’eaux en production pétrolière.
- — Évaluation de l’efficacité des inhibiteurs de corrosion.
- — Évaluation du comportement des alliages métalliques vis-à-vis d’un système donné.
Nous citerons deux exemples à titre d’illustration : les injectionsd’eaux dans l’industrie pétrolière et les circuits d’eaux de refroidissement.
Dans le premier cas, pour augmenter sensiblement la récupérationdu pétrole brut d’un gisement, on procède à des injections massivesd’eau. Dans ces systèmes où les débits sont de l’ordre de 5 000 m³/jourà 15 000 m³/jour les appareils CORRATER se montrent extrêmement utiles pour la maîtrise des problèmes de corrosion.
Un certain nombre de publications américaines en mentionnentl’usage et soulignent qu’ils ont permis d’ajuster les traitementschimiques et de choisir les produits adaptés. La courbe de la figure 8montre ainsi les corrélations obtenues entre l’oxygène dissous et letaux de corrosion. Dans un autre cas, illustré par la figure 9, on a pumontrer les réponses très rapides des instruments aux variations desconditions d’injection de l’anti-oxygène. Quelques heures aprèsl’arrêt du traitement, le taux de corrosion passe de 1,5 MPY à 18 MPYet l’indice de piquage de 0,5 à 60, valeurs particulièrement élevées.Un retour aux conditions normales de traitement permet de ramenerces valeurs à leur niveau initial.
Dans les circuits d’eaux de refroidissement, l’usage du CORRATERest assez répandu et ces systèmes sont particulièrement bien étudiés.Les sondes sont placées en différents points du circuit, par exempleaux entrées et sorties d’échangeurs et les mesures sont réalisées encontinu ou ponctuellement, permettant de suivre l’évolution de lacorrosion et d’adapter en conséquence les traitements de conditionnement. Ces appareils existent également en versions dotées desystèmes asservis de contrôle des paramètres de régulation commel’injection d’inhibiteur. Dans ce cas aussi, l’indice de piquage répondtrès rapidement aux modifications subies par l’eau.
REPRÉSENTATIVITÉ DES MESURES
D’après ce qui précède on a pu voir que les appareils CORRATERétaient basés sur un certain nombre d’hypothèses. Il est tout à faitnaturel de s’interroger sur la validité de ces hypothèses et de se
METAL/ALLIAGE | MILIEU | MÉTHODE DE RÉFÉRENCE | CORRÉLATION |
---|---|---|---|
Acier doux | Solutions H₂SO₄, acides organiques | A | Bonne |
Acier doux | Eau de mer | A | Bonne |
Fer | 0,5 M H₂SO₄ + alcool propylpyrique | A | Médiocre |
Acier au carbone | Eau de chaudière | B | Bonne |
Acier doux | Solution 0,5 % H₂SO₄ + Li₂CO₃ (ébulliement) | A + B | Assez bonne |
Acier doux | Eau de refroidissement simulée | A | Généralement bonne |
Acier doux | Eau de rivière + Zn² chromate/phosphatage | A | Bonne |
Acier doux | Eau de mer | A | Taux surestimé |
Al 1,25 Mn | Jus de pomme, eau minérale | B | Bonne |
Al | Solutions éthylène glycol | A et B | Bonne |
Laiton d’Al | Eau de mer | A | Médiocre |
Alliage Cu/Ni | Eau de mer | A et B | Bonne |
A = Perte de poids
B = Extrapolation de Tafel
Poser la question d’une manière plus générale : les mesures de l’appareil sont-elles représentatives des taux de corrosion réels ?
Une des questions les plus courantes est celle-ci : est-on plus près de la valeur en utilisant trois sondes ou deux électrodes ?
Utilisé avec deux électrodes, l’appareil doit comporter une compensation de la chute de tension dans l’électrolyte. L’introduction d’une troisième électrode, comme électrode de référence, permet de réduire de manière notable cette tension. Si cela se justifie pour faire évoluer l’appareil à la demande, on n’a pas encore prouvé que l’on obtient des mesures valables. La troisième électrode de référence doit être placée proche des électrodes de mesure. Cependant, dans la pratique, cet emploi se trouve relativement limité du fait des erreurs introduites par l’encrassement et les contaminants (produits de corrosion, développement bactérien, etc.).
Enfin, les limites établies par cette technique sont-elles valables dans tous les systèmes aqueux et pour tous les alliages ?
On peut trouver une bonne appréciation de ces comportements dans une récente étude faite à l’Université Technique de Manchester (UMIST). Dans cette étude, on a déterminé les corrosions obtenues en mesurant de manière différente les taux de corrosion pour des alliages et des milieux très variés à l’aide d’appareils spécialisés ou bien les tableaux.
Sauf pour quelques cas particuliers, les corrélations sont assez bonnes ainsi que le montre le tableau ci-dessus.
CONCLUSION
– Le taux de corrosion instantané peut être mesuré à tout instant et à partir du moment où les conditions d’équilibre sont atteintes.
– Les mesures n’exigent pas le retrait ni l’examen visuel de la pièce.
– Il est possible de suivre en permanence les variations des paramètres des procédés.
– Les appareils permettent un large éventail de lecture : de 0,1 MPY jusqu’à 1000 MPY.
– Possibilité d’enregistrement permanent ou intermittent des données.
– Avertissement des mesures aux variations de conditions de traitement.
J.-P. MARTIN
BIBLIOGRAPHIE
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– H. FEITLER and C.-R. TOWNSEND — New Automatic System Optimizes Cooling Tower Corrosion Control — Materials Protection, Vol. 8, n° 3, pp. 19-22 (1969).
– On Line Surveillance and Monitoring in Process Plant. L. WILKINSON — ESSO Petroleum Co Ltd.
– Corrosion Monitoring. C.-F. BRITTON — Anti-Corrosion, April 76.
– C.-F. BRITTON — Corrosion — Vol. 2, 2nd edition, Butterworths 1977.
– Modern Electrical Methods for Determining Corrosion Rates. NACE Publications 301.
– Corrosivity of Water in the Absence of Heat Transfer — ASTM D 2776-72.
– Instrumentation and Linear Polarisation Measurements. ROWLANDS and P.-J. MORLAND, Proceedings of Symposium « On Line Surveillance and Monitoring of Process Plant » Soc. Chem. Ind., London 1977.
– Le Corrosion — Les Dépôts — Manuel des Eaux d’Injection — Chap. 4 — Technip 1976.
MATÉRIELS-PRODUITS
NOTRE SÉLECTION
Cette rubrique est ouverte à nos annonceurs et abonnés.
Les notes techniques concernant les matériels ou produits ayant une application dans le domaine de l’eau sont à envoyer à « L'EAU ET L'INDUSTRIE », Service « Matériels-Produits-Fiches techniques », M.G. de la Porte, 7, avenue F.-D.-Roosevelt, 75008 Paris – Tél. 359.61.29.
DÉTECTEUR DE NIVEAU DE SÉCURITÉ D. 328
À LAMES VIBRANTES
Déjà connue depuis plusieurs années pour ses applications dans les produits granuleux et pulvérulents, la gamme de détecteurs de niveau à lames vibrantes (utilisant l’effet piézoélectrique) vient d’être complétée par une nouvelle version particulièrement sûre : la transmission du signal entre le détecteur à lames vibrantes DM 17 Z et l’unité débrochable FTM 480 Z se fait par l’intermédiaire d’impulsions codées (Puls Fréquence Modulation) insensibles aux parasites sur un câble à deux conducteurs ordinaires.
Pour une sécurité sans défaillance, l’appareil comporte une signalisation de défaut incorporée (auto-surveillance) permettant une discrimination entre alarme de niveau et incident de fonctionnement.
Le montage du détecteur DM 17 Z est possible aussi bien en implantation latérale que verticale (version avec tube prolongateur).
Son utilisation peut être envisagée dans tous les domaines de l’industrie, car il est agréé en version sécurité intrinsèque (certificats PTB et TÜV existants, agrément CENELEC en cours).
DC – 54 D. 329
Désormais, la mesure du carbone organique, soit volatil, soit purgeable, soit total, est facile, rapide et précise grâce à cet appareil dont le fonctionnement est entièrement automatique à partir du moment où l’opérateur a chargé l’échantillon et appuyé sur un des quatre boutons permettant de choisir le mode d’injection et de fonctionnement :
- — injection de liquide par vanne, puis vaporisation ou pyrolyse ;
- — injection de boues, sédiments ou eaux chargées, par nacelle spéciale, puis vaporisation ou pyrolyse.
Le DC-54 peut détecter des quantités de carbone organique aussi faibles que quelques µg/l en V.O.C., quelques dizaines de µg/l en T.O.C. La précision atteint ± 1 µg/l pour l’analyse des carbones volatils à la température ambiante et ± 10 µg/l pour l’analyse du carbone organique total.
- — SENSIBLE : la limite inférieure de détection peut descendre jusqu’à quelques µg/l sur les carbones volatils et quelques dizaines de µg/l pour le carbone total.
- — LINÉAIRE sur une DYNAMIQUE élevée : l’appareil mesure jusqu’à 10 milligrammes/litre et il est possible d’aller plus haut par dilution.
La méthode utilisée procède en deux étapes :
- 1. les carbones volatils sont transférés dans un courant de gaz inerte et, après pyrolyse réductrice et élimination du CO₂ provenant des carbonates inorganiques, ils sont convertis en méthane ;
- 2. les résidus organiques sont transformés en CO₂ par irradiation UV en présence d’un catalyseur et le CO₂ est converti en méthane.
À chacune de ces étapes, le méthane est mesuré avec un détecteur à ionisation de flamme.
Cet appareil trouve des applications dans des domaines tels que :
- — contrôle de qualité des eaux potables et des eaux en bouteille, des eaux industrielles ultrapures, mais aussi des réactifs et des injectables stériles ;
- — contrôle du fonctionnement des unités de traitement d’eau, des centrales nucléaires et à fuel ;
- — océanographie et limnologie (l’appareil peut analyser les eaux salées) ;
- — laboratoires analytiques, etc.
LE BTFD 200 D. 330
Brasse fût-tire dose : appareil simple et ingénieux permettant d'agiter et de doser par aspiration directement d'un fût, à ouverture totale ou même fermée. Seul un spécialiste de dosage et d'agitation pouvait concevoir un tel ensemble.
Un seul carter entraîné par un moteur électrique entraîne un axe sur lequel sont montés un excentrique qui manœuvrera le piston de dosage et un arbre d'agitateur pour le brassage du produit.
L'hélice est repliable pour pouvoir être insérée dans la bonde (cas des fûts fermés).
La partie pompe est constituée par une tête à piston ou à membrane avec clapets billes.
L'ensemble est monté sur un trépied de fixation adapté aux dimensions normalisées des fûts de 200 kg standard du commerce, donnant à l'axe de l'agitateur un angle de 15° pour que l'hélice soit située au centre du bidon d'une part et pour éviter la formation d'un vortex du liquide agité.
Bien sûr l'appareil peut être livré sans l'un ou l'autre des composants ; il devient alors un brasse-fûts ou un tire-dose.
Sa conception unique en fait l'outil de travail des utilisateurs d'adjuvants livrés en fûts, lorsque ceux-ci doivent être agités avant addition et dosés précisément, éliminant le reconditionnement avant utilisation (additif en papeterie, traitement des eaux, traitement des fuels, adjuvants pour ciments, engrais liquides, etc.).
ANTITARTRE ÉLECTRONIQUE AR D. 331
Appareil conçu pour empêcher la formation du tartre et éliminer les anciennes incrustations ; ce résultat est obtenu par la décharge d'un courant électrique propagé à l'intérieur d'une chambre de traitement en acier inoxydable par l'intermédiaire d'une électrode conductrice inconsommable et non entartrable.
Le procédé ne fait appel à aucun produit chimique. Un courant modulé passe de l'électrode à l'enveloppe de la chambre de traitement ; la décharge électrique traverse ainsi l'eau stockée dans la chambre et modifie les composés du tartre qui se cristallisent sous une forme empêchant sa cohésion et son adhérence.
L'appareil est alimenté en courant électrique 220 volts monophasé et la consommation est minime (environ 30 watts / h suivant la résistivité de l'eau).
Après traitement, l'analyse de l'eau est pratiquement inchangée.
L'installation de cet ensemble est simple ; il se place en série sur l'arrivée d'eau froide dans la plupart des cas ; l'entretien se limite à l'ouverture périodique du robinet de purge pour évacuer un éventuel dépôt au point bas de la chambre de traitement.
VANNES PAPILLON POUR GRANDS DIAMÈTRES D. 332
Cette série de vannes a été spécialement conçue et réalisée pour assurer une étanchéité parfaite et durable pour les réseaux d'eau ou de gaz d'un diamètre supérieur à 1000 mm, pression de service maxi 20 bars.
La technique papillon décalé retenue et éprouvée sur cette série de vannes permet d'obtenir de nombreux avantages au niveau sécurité d'étanchéité, entretien éventuel, durée d'exploitation et facilité de télécommande.
Les matériaux couramment utilisés sont la fonte Ft 25, GS 41/10, acier A 45, acier inox 304, aussi bien pour le corps que pour le papillon.
La bague d'étanchéité est située sur le corps, encastrée et maintenue de façon à ne pas former obstacle au fluide véhiculé, et éviter ainsi une éventuelle détérioration.
Prévues pour raccordement suivant normes PN 6 – PN 16 – ASA 150, ces vannes sont équipées sur demande de commandes par démultiplicateurs, pneumatiques, électriques, hydrauliques.
GROUPE DE DOSAGE D. 333
Cet appareil a été conçu pour injecter les produits de traitement des eaux proportionnellement au volume d'eau écoulée, pour des débits allant de 100 litres / heure à 200 m³ / h, qu'ils soient constants ou variables.
La fréquence élevée des injections, jusqu'à deux par seconde, et le faible volume d'eau écoulée entre deux injections de produit (1 litre à 5 litres dans la majorité des cas) permettent l'homogénéisation du traitement et évitent ainsi tout surdosage momentané inévitable avec les ensembles de proportionnalité traditionnels.
Ensemble monobloc de grande fiabilité, grâce à sa régulation électronique, à son système thermique de protection incorporé, à la commande du doseur par solénoïde silencieux et antiparasité (aucune pièce mécanique tournante).
— Un voyant lumineux visualise la mise en tension de la pompe et indique par clignotement la cadence d'injection. — Un dispositif transforme instantanément le dosage volumétrique en dosage continu, ce qui permet, entre autres applications, un contrôle rapide du bon fonctionnement de la pompe. — Le réglage du dosage peut s'effectuer pendant le fonctionnement à l'aide d'un vernier ; celui-ci est verrouillable, ce qui assure la constance du dosage.
L'installation est simple ; le groupe se pose comme un compteur d'eau, peut recevoir un totalisateur pour enregistrer les consommations d'eau, et une alarme lumineuse indiquant la nécessité du rechargement du bac à réactif.
ET DES HISTOIRES D’EAU...
Doit-on sauver le Mont-St-Michel du péril de la Terre ?
SITE HISTORIQUE ET TOURISTIQUE PRESTIGIEUX
Situé en vue de la côte et au sommet de la grande équerre que forme le littoral Cotentin-Côtes du Nord, le Mont-Saint-Michel constitue un des sites les plus prestigieux dont nous soyons dotés, à la fois centre historique de pèlerinages et haut-lieu touristique de renommée mondiale vers lesquels les foules se sentent irrésistiblement attirées depuis plus de huit siècles. À notre époque, il reçoit chaque année 600 000 visiteurs.
Sur le roc légendaire du MONT-TOMBE, en pleine baie balayée par vents et marées, la foi et le courage des bâtisseurs du Moyen Âge, inspirés par le génie de l’ère gothique, ont réussi à édifier un sanctuaire devenu la « Merveille de l’Occident » et à implanter une abbaye et un petit village. Compte tenu de la position stratégique, ils en firent une forteresse ceinte de remparts invulnérables, réalisant sur cet îlot un ensemble architectural grandiose et harmonieux dominé par la flèche audacieuse qui porte en plein ciel l’Archange protecteur à plus de 150 mètres au-dessus de la mer.
Pour une telle construction héroïquement échafaudée en étages successifs, du VIIIᵉ au XVIᵉ siècle, il fallut acheminer à travers les eaux et les sables, au prix des plus grandes difficultés, quantité de blocs de granit de Bretagne et des îles Chausey, puis les hisser à pied d’œuvre par de véritables tours de force. Et la mer s’est toujours montrée rude pour les travailleurs venus y risquer leur vie.
Quant aux pèlerins, parvenus à la contemplation du Mont au terme d’une longue marche de pénitence, ils avaient à traverser la baie comme ultime épreuve de purification, affrontant les dangers redoutés de l’enlisement dans les sables mouvants, s’ils s’égaraient par temps de brouillard, ou de la noyade lorsque l’ouragan se déchaînait pendant leur passage.
MAIS AUSSI UN SITE GÉOGRAPHIQUE INCOMPARABLE
C’est de tous ces périls qu’est née l’appellation populaire de Mont-Saint-Michel-au-Péril-de-la-Mer, qui symbolise une atmosphère de peur légendaire des éléments et qui sublime en quelque sorte l’évocation du Mont. Tout a été dit sur ces lieux où la terre, le ciel et la mer semblent se fondre par moments dans l’irréel pour évoquer la Genèse en un spectacle perpétuellement renouvelé de grandeur naturelle mystérieuse, et l’on comprend que Victor Hugo ait voulu y placer un des meilleurs épisodes de son célèbre roman « Quatre-Vingt-Treize ».
L’immense baie est la région du globe où l’amplitude des marées atteint le record de 14 mètres en vive-eau d’équinoxe (mars et septembre), ceci du fait que la presqu’île du Cotentin oppose un barrage à la propagation de l’énorme onde de marée qui remonte perpétuellement la Manche, venant de l’Atlantique. Dans cet angle mort, le flux montant déferle « à la vitesse d’un cheval au galop ».
Les experts hydrauliciens ont pu calculer que, sur une ligne limitant la baie à trois kilomètres environ au large du Mont, il pénètre en une seule marée de vive-eau 100 millions de m³ d’eau et que sous l’action des courants violents, 100 000 tonnes de sédiments sont mises en suspension et déplacées en quelques heures. En se retirant, le jusant en remporte, il est vrai, la plus grande partie, la résultante se traduisant par un dépôt de 2 à 3 % du stock sédimentaire en mouvement. À l’échelle de l’année, c’est un volume de plus de 1 million de m³ de sable et de tangue (mélange de sédiments fins et de calcaire) qui se déposent aux abords du Mont.
Par ailleurs, trois rivières principales viennent se déverser dans la baie, à l’est : la Sée, qui aboutit à Avranches, la Sélune, qui vient de Saint-Hilaire-du-Harcouët, et, au sud, le Couesnon, qui passe à Pontorson. Lequel Couesnon, c'est bien connu, « par sa folie a mis le Mont en Normandie ». Leurs larges embouchures, remontées par des mascarets, ne sont que des divagations d'eau douce et jouent le rôle de gigantesques chasses d'eau, provoquant des tourbillons de masses liquides contrariées, qui s'opposent à la stabilisation des dépôts.
Si l'homme n’était jamais venu troubler le libre jeu de tous ces mouvements naturels, il est vraisemblable que le destin de la baie aurait été de s'ensabler lentement au fil des siècles, pour constituer finalement une rectification du littoral vers une ligne droite Cancale-Granville. Pareils processus de recul de la mer se sont réalisés ailleurs en France en quelques siècles seulement, par exemple pour les sites d'Aigues-Mortes, Brouage ou Guérande. Par contre, on ne peut préjuger en rien de ce qui se passerait en cas de raz-de-marée.
L'INTERVENTION HUMAINE A ACCÉLÉRÉ L’ENSABLEMENT
Or, de tout temps, malgré les variations de l'avancée des terres, le Mont-Saint-Michel a été considéré comme une île. Aujourd'hui encore, nombreux sont les touristes qui se montrent étonnés ou déçus qu'une digue insubmersible relie le Mont à la terre ferme (mais tout en trouvant normal de disposer d'un parking dans les sables à proximité). Selon l'amplitude des marées, le Mont n’est que plus ou moins atteint par la mer, et les très faibles marées n'y parviennent plus : désormais, il n'est réellement entouré d'eau que par moins de 30 % des marées, digue d’accès non comprise, puisque celle-ci est insubmersible.
En somme, c'est l'alliance même entre le Mont et la Mer, entre le chef-d'œuvre bâti par les hommes et son environnement naturel marin qu'on souhaiterait voir se perpétuer, tant ce site privilégié est exceptionnel, on peut même dire unique au monde.
Mais des populations ont vécu et continueront à vivre dans toute la contrée, tandis que d'autres y affluent périodiquement. L'intervention humaine a été inévitable et, pour ce qui concerne l'avenir du Mont, elle a joué contre son insularité. La région vit de l'agriculture et la protection des parcelles agraires laborieusement conquises le long de la côte a conduit à concevoir cette digue-route insubmersible qui était en même temps la bienvenue pour la desserte du Mont.
C'est au XVIIᵉ siècle qu’apparurent les premiers projets de conquête organisée de terrains pour la culture : on avait compris que lorsque les sédiments se stabilisent sur la côte, ils constituent des zones progressivement colonisées par des herbes. Ces zones deviennent « les herbus » et peuvent donner naissance à de riches pâturages. Qui n'a pas apprécié le traditionnel « gigot de pré-salé » qu'on mange au Mont chez la Mère Poulard ou dans les autres auberges ?
En 1856, il est officiellement question de « polders » (terme et notion importés de Hollande) et la Société Mosselmann, des Polders de l'Ouest, obtient l'autorisation de créer 4 350 hectares de terres cultivables, qui seront protégées par deux digues à construire, l'une partant de la chapelle de Saint-Anne, l'autre de la pointe de Roche-Torin pour se rejoindre au Mont. Le projet connut un commencement d'exécution, mais l'entreprise avorta finalement.
En 1859-1860, la digue submersible est cependant construite à partir de la Roche-Torin, en direction du Mont, mais sans l'atteindre : cette digue va chasser désormais vers le nord les eaux douces de la Sélune, qui ne viendront plus jouer un rôle de balayage au sud du Mont.
Puis, par décret d’utilité publique du 25 juin 1874, le gouvernement de l'époque autorise la construction de la digue insubmersible le long du Couesnon, depuis Moidrey jusqu’au Mont, dans le but « d’assurer la navigation à l’embouchure du Couesnon et de protéger le rivage menacé entre la Sélune et le Couesnon, pour favoriser ainsi l'atterrissement progressif des grèves et rendre à l'agriculture les terrains que la mer lui avait enlevés ».
Malgré l'opposition (trop tardive) des Beaux-Arts et en dépit d'une indignation générale, les Ponts et Chaussées construisent, entre 1877 et 1879, cette digue-route insubmersible, et l'ouvrage est terminé le 31 juillet 1879 : dans quelques mois, on pourra célébrer son centenaire.
Le Couesnon, de son côté, avait été canalisé dès 1858. Plus récemment, en 1968, on a construit sur son cours le barrage de La Caserne, qui est venu freiner la puissance hydraulique déjà affaiblie de cette rivière, laquelle jouait aussi son rôle de balayage antérieurement dans la baie.
Tous ces travaux ont fait que la sédimentation inévitable répartie naguère dans toute l'immensité de la baie, jusqu'à la ligne Cancale-Granville, se concentre désormais aux abords du Mont, lequel devient menacé par un processus d’ensablement accéléré et irréversible, pris entre les pinces d'une véritable « tenaille sédimentaire ».
L’INSULARITÉ DU MONT : UN DÉBAT QUI DURE DEPUIS CENT ANS
Victor Hugo, le premier, lança un cri d’alarme : « Il faut que le Mont-Saint-Michel reste une île : il est pour la France ce que la Grande Pyramide est pour l'Égypte. » Et pendant ces cent dernières années, c’est une longue dispute entre, d'une part, les Beaux-Arts et la Commission des Monuments Historiques, appuyés par le Touring-Club de France, et, d’autre part, les Ponts et Chaussées. De péripéties en péripéties, par deux fois des dispositions près d’aboutir ont été reportées par les guerres : en 1914 comme en 1939.
Une succession de solutions diverses est proposée, dont un souterrain, un viaduc, une digue submersible (comme pour le passage du Gois à l'île de Noirmoutier). Projets et contre-projets se sont succédé, résumés dans le tableau ci-après :
I – Insularité complète A : Accès submersible. B : Accès naturel par les grèves, accès souterrain-sous-marin, en site propre seul à partir de l'avancée des polders de l'ouest. C : Accès naturel par les grèves, accès souterrain-sous-marin, à partir de la Caserne, rive gauche du Couesnon. D : Accès naturel par les grèves, accès souterrain-sous-marin à partir de la Caserne, rive droite du Couesnon. II – Accès insubmersible par la rive droite du Couesnon A : Accès avec plate-forme d’extrémité devant les murailles et les tours. B : Accès avec passage haut devant l'avancée. III – Accès insubmersible par la rive gauche du Couesnon A : Accès en site propre seul à partir de la Caserne. B : Accès pour seuls piétons et véhicules de sécurité à partir de l'avancée des polders de l'ouest. C : Accès pour tous les services à partir de la Caserne.
IL EST DÉCIDÉ D'INTERVENIR
La décision de tout mettre en œuvre pour enrayer et inverser le processus d'ensablement de la baie du Mont-Saint-Michel fut prise en 1970, après une longue période d'incertitudes et d'hésitations, et elle constitue probablement la dernière chance de rendre au Mont son caractère maritime.
Il fallut, en premier lieu, entreprendre de longues et coûteuses études pour déterminer les mouvements des sédiments, les causes exactes de leur accumulation, avant d'aboutir à proposer des solutions. Ces études préliminaires ont duré trois ans et coûté 3 280 000 F, dont le financement a été assuré par la Direction de l'Architecture du Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie, la Direction des Ports Maritimes et des Voies Navigables du Ministère des Transports (alors rattachée au Ministère de l'Équipement), le Fonds d’Intervention pour la Qualité de la Vie et la Délégation Générale à la Recherche Scientifique et Technique.
Responsables du programme d'études :
Maître d’ouvrage : | Ministère de l'Environnement et du Cadre de Vie, Direction de l’Architecture-Sites. |
Direction scientifique : | Jean Doulcier, assisté de Pierre Doulcier. |
Maître d'œuvre : | Laboratoire Central d'Hydraulique de France. |
Comité scientifique : | MM. Chevassus, Lafond, Larsonneur, Laurent, Lorgeré, Queffelec, Roussel, Valembois, Valensi, Vigneau. |
Étant donné la diversité des intérêts en cause, on avait clairement défini, dès le départ, qu'il n’était pas question de nuire aux activités économiques qui font la prospérité de la baie : cultures sur polders, élevage, tourisme, pêche, et qu'on maintiendrait des conditions de desserte raisonnables pour le Mont et ses habitants. D'autre part, il était souhaité de trouver une solution protectrice immédiate opératoire, même si les effets bénéfiques doivent se manifester sur une longue période de redressement, peut-être d'une durée de cent ans...
LES RECHERCHES SUR MODÈLES RÉDUITS
Dans l'immense hangar du Laboratoire Central d’Hydraulique de France, à Maisons-Alfort, qui abritait autrefois les tramways de la Ville de Paris, les hydrauliciens ont recréé, sur modèles, l'environnement du Mont-Saint-Michel.
Un premier modèle, au 1/2500 e en plan, représentant l’ensemble de la baie, depuis la ligne Cancale-Granville jusqu’à Avranches et Pontaubault, permit de visualiser l'ensemble des phénomènes hydrauliques qui régissent la dynamique sédimentaire de la baie.
De là, un second modèle, au 1/500 e en plan et 1/70 e en hauteur, fut réalisé, limité à l'aval par un arc de cercle de 3,5 km de rayon, centré sur l’îlot de Tombelaine, soit sur une surface totale exploitable de 75 m².
La vie hydraulique fut apportée par : un générateur de marée permettant de reproduire, à l'échelle du modèle, des marées atteignant jusqu’à 15 m d’amplitude ; un générateur de houle ; des petits groupes moto-pompes permettant de régler le débit des trois rivières et de simuler de véritables crues de l'ordre de 80 m³/s. Enfin, un distributeur de débit de la marée impose aux eaux de s'introduire et de s'évacuer de la même façon que dans le cadre naturel. Des matériaux artificiels, constitués de particules plastiques (nacre artificielle broyée et tamisée) et de poudres de bois représentaient les grains de sable et la tangue.
Ce dernier modèle a été inlassablement « interrogé », et soumis à l'exutoire des mouvements des seize prochaines années, soit plus de 11 000 marées naturelles (dont 550 de vives-eaux), en réalisant pendant le même temps le mouvement des eaux de rivières, avec la fréquence de leurs crues. La réponse est catégorique : en 1991, avec 15 millions de m³ de sédiments déposés en 15 années, le Mont aura perdu tout caractère marin, puisqu'il ne sera plus jamais entouré d'eau. Le phénomène sera irréversible, car il n'y aura plus de puissance hydraulique disponible pour assurer un autodragage des fonds...
LA SOLUTION D’AMÉNAGEMENT
Elle a fait l'objet d'une communication aux XVᵉ Journées de l'Hydraulique de la Société Hydrotechnique de France, à Toulouse, les 5, 6 et 7 septembre 1978, présentée par M. Jean DOULCIER, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées chargé d'études par la ministre de l'Environnement, et M. Claude MIGNIOT, ingénieur en chef du Département Sédimentologie au Laboratoire Central d'Hydraulique de France.
La solution est un ensemble de dispositions d’aménagement suggérées par les études et que nous reprenons telles quelles ci-après :
1. Aménagement du barrage de la « Caserne » sur le Couesnon
Tout d’abord, il est apparu indispensable de rendre au Couesnon sa puissance hydraulique. La suppression pure et simple du barrage ne permet pas d’atteindre cet objectif, car une forte sédimentation se produirait dans le chenal du Couesnon.
Il faut établir un barrage à ouvertures commandées ou programmées pour :
- — emmagasiner l’eau durant le flot, un seuil mobile permettant d’éviter l'entrée du premier flot d’eaux très chargées et d’accueillir par déversement des eaux plus limpides ;
- — retenir l'eau ;
- — effectuer le lâcher des eaux un temps adéquat après l'étale de pleine mer.
Ainsi, près d’un million de mètres cubes peuvent être retenus dans le Couesnon, permettant de disposer d'une puissance de chasse très appréciable et d’inverser complètement les mouvements sédimentaires dans le Couesnon.
L'efficacité du barrage de la Caserne pourra être accrue en retenant les eaux fluviales provenant du débit propre du Couesnon : lors d’un débit moyen de vingt mètres cubes par seconde, on pourrait ainsi utiliser près de 500 000 m³/jour au cours des mortes-eaux.
Réalisé seul, cet aménagement abaisse les fonds au sud et à l’ouest du Mont, sans cependant être capable, à lui seul, de contenir la poussée sédimentaire venant de l’ouest.
2. Aménagement d’un réservoir à marée à l’est du Mont
À l’est du Mont, une première réalisation pourra être celle d'un réservoir à marée muni d‘un dispositif d’extrémité, dans des conditions comparables à celles du barrage sur le Couesnon. Un tel ouvrage exigera au moins 400 000 m³ de terrassements et un dragage d’entretien annuel de 30 000 à 50 000 m³ qu'il faut chercher à réduire par des installations d’auto-dragage.
Associée à celle du barrage sur le Couesnon, la réalisation d'un tel réservoir à marée permet de restituer et de maintenir des profondeurs aux abords du Mont, en formant des érosions de part et d’autre qui peuvent atteindre deux mètres.
Ainsi, la mer pourrait-elle, en 1991, venir de part et d’autre du Mont pendant six marées sur dix, alors que, dans l'état actuel, à peine trois marées sur dix dépassent l’alignement du Mont & Roche-Torin et qu’en 1991, si rien ne devait être fait, le Mont ne serait atteint que par moins d’une marée sur dix.
Dans les mêmes conditions, pour faire régresser les herbus sur l'ensemble des grèves situées à l’est du Mont, il serait possible d’aménager un deuxième réservoir.
3. Suppression de la digue-route
La suppression de la digue-route ne présente un intérêt que si les deux aménagements hydrauliques précédents ont été réalisés. La suppression de la digue-route optimise alors le rendement des aménagements et permet de voir le Mont totalement entouré d’eau à pleine mer pendant près de huit marées sur dix.
La suppression de la digue-route doit toutefois être associée à un guidage du Couesnon, qui doit rester à l'ouest du Mont : il faudrait, en particulier, si un pont devait être réalisé à l'emplacement de la digue-route, orienter les piles du pont afin qu’elles aient un effet de guidage du chenal.
Par contre, il ne semble pas intéressant de limiter l’ouverture de la digue-route à 300 mètres en maintenant un terre-plein de 150 mètres aux abords mêmes du Mont.
4. Suppression de la digue de la Roche-Torin
C’est la condition d’une divagation des fleuves Sélune et Sée qui soit capable d’éroder la partie est du grand banc d’herbus.
Une telle action reste cependant soumise au caractère aléatoire de la divagation des fleuves et il faudra peut-être attendre plusieurs années pour la voir s’amorcer.
5. Réalisation d’un ouvrage au Grouin du Sud
Il serait possible de rendre déterministes les phénomènes aléatoires en imposant au chenal des fleuves Sée et Sélune de passer au sud, par la réalisation d’un épi de 1 750 mètres de long enraciné au Grouin du Sud.
Un tel épi, dont la réalisation est délicate, permettrait de faire passer le chenal des fleuves à deux kilomètres du Mont et de creuser les herbus sur deux à trois mètres de profondeur, étendant ainsi l'environnement marin.
CONCLUSION
Alors ?
Si la décision est urgente, va-t-on, dans quelques mois par exemple, le 31 juillet 1979 — c’est-à-dire 100 ans jour pour jour après l'achèvement de la digue-route qui a réduit le Mont à l’état de péninsule — donner le premier coup de pioche symbolique de destruction de ladite digue ? Ou tout au moins de son raccourcissement pour faire place à une passerelle genre pont-levis ?
Un tel chantier en cet endroit, à pareille date, en plein sommet de la saison touristique, engendrerait d'ailleurs une pagaille historique qui marquerait le Centenaire d'une manière ineffaçable...
Mais cette disposition seule serait inopérante, on l'a vu, puisqu’il faut attaquer de trois côtés en même temps : la digue-route ; la digue submersible de la Roche-Torin pour ramener la divagation de la Sélune et de la Sée vers le sud du Mont et, tertio, faire sauter le barrage-corset du Couesnon pour lui rendre sa fougue de balayage.
Il semble que l'on ne se soit pas posé la question d’exploiter le sable de mer qui constitue ici une réserve illimitée, et c'est un matériau probablement utile. Mais peut-on imaginer l'installation de dragueuses trouble-fête dans cette baie du Mont-Saint-Michel ?
Quoi qu'il advienne, hommage doit être rendu au savoir-faire des hydrauliciens du Laboratoire Central d'Hydraulique de France de Maisons-Alfort, qui ont su reconstituer si ingénieusement le mécanisme du gigantesque ensablement et, à partir de là, apporter une solution technique immédiatement opérationnelle.
Et attendons la suite des événements. De toute façon, une seule chose est claire pour tout le monde : « si on y va », c’est-à-dire si on décide de se colleter avec la Mer, l'addition sera salée (on parle de 100 à 130 millions de francs)...