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Perte de confinement sur un dépôt pétrolier en activité : un exemple de dépollution sur site

28 février 2008 Paru dans le N°309 à la page 39 ( mots)
Rédigé par : Hervé MONTACLAIR

Une fuite de supercarburant sur un réservoir d'un dépôt pétrolier en activité a généré une importante pollution de la nappe. Tenant compte des caractéristiques très particulières du site, Biogénie a mis en place un procédé de réhabilitation innovant et efficace.

Une fuite estimée à 60 000 litres de supercarburant (de type SP95) sur un réservoir d’un dépôt pétrolier en activité a généré au cours de l’automne 2005 une importante pollution de la nappe. Les différentes campagnes de reconnaissance réalisées dans l'urgence ont permis de mettre en évidence des produits flottants au toit de la nappe à l’aval du bac déficient et des concentrations en hydrocarbures dissous (BTEX) très élevées et s’étendant jusqu’à la limite aval du site. Sur la base de ce constat et de la sensibilité de la nappe impactée, plusieurs objectifs ont été définis :

- Stopper la migration des produits flottants vers l'aval,

- Récupérer les produits flottants,

- Traiter la zone source en supprimant le risque d’accumulation de vapeurs explosives sous le bac et sous la cuvette de rétention de façon à permettre une remise en service rapide (après travaux) du bac,

- Traiter la fraction dissoute impactant la nappe et susceptible de quitter le site.

Dans le cadre des reconnaissances complémentaires nécessaires à la parfaite définition de la stratégie d'intervention et au dimensionnement des installations, Biogénie a étudié la géologie du site, l'hydrogéologie et la caractéristique hydrodynamique de la nappe. Du point de vue de la géologie, les terrains se sont révélés être de type alluvionnaire, sous la forme de gravier calcaire dans une matrice argilo-sableuse très hétérogène (des modifications en termes de matrice ont en effet été remarquées sur des ouvrages distants d'une dizaine de mètres et ont permis de mettre en évidence une stratigraphie en chenaux). La nappe phréatique située à 7 mètres de profondeur en moyenne présente un battement saisonnier de 2 mètres environ et, compte tenu de la géologie, des contrastes de perméabilité non négligeables.

Par ailleurs, le dépôt pétrolier présentait comme particularité de ne pas disposer d'exutoire en ce qui concerne les eaux pluviales et réinjectait en nappe l'intégralité des eaux de pluie dans un bassin de réinjection situé proche du point de fuite et à l’aval hydraulique (perturbant de ce fait à l’occasion d’épisodes pluvieux le sens d’écoulement de la nappe et les vitesses de migration des polluants).

Sur la base de ces éléments, le défi consis

[Photo : Les campagnes de reconnaissances ont mis en évidence des produits flottants au toit de la nappe à l’aval du bac déficient et des concentrations en BTEX très élevées jusqu’à la limite aval du site.]

Les campagnes de reconnaissances ont mis en évidence des produits flottants au toit de la nappe à l’aval du bac déficient et des concentrations en BTEX très élevées jusqu’à la limite aval du site.

Il était donc à proposer une technique permettant de garantir un confinement et une récupération efficace des hydrocarbures flottants tout en limitant les débits pompés (nécessitant d’être réinjectés sur le dépôt et dans le bassin).

L’objectif était également d’intervenir très rapidement sur le site afin de prévenir le risque de migration des hydrocarbures dissous à l’aval tout en respectant les exigences réglementaires qu’imposent tout travail sur un dépôt pétrolier en activité (zonage ATEX). Compte tenu des caractéristiques du site, Biogénie a proposé un projet de réhabilitation innovant et efficace dont la première étape a consisté à fixer et récupérer les produits flottants et dissous.

Récupérer les produits flottants et dissous

Une stratégie traditionnelle de pompage/écrémage sur des puits verticaux a rapidement été écartée compte tenu des hétérogénéités de l’aquifère, du nombre d’ouvrages, des débits devant être gérés et des risques de non confinement des polluants que pouvait présenter cette technologie compte tenu des écoulements préférentiels (via des chenaux). Biogénie a proposé un dispositif par tranchées drainantes permettant d’une part de limiter les points de pompage (et donc les débits à gérer) et d’autre part de lisser les hétérogénéités du terrain qui occasionnent des passages préférentiels.

L’innovation repose sur les modalités de mise en place de ces tranchées et sur une adaptation au domaine de l’environnement des techniques utilisées pour la pose de fibres optiques ou de réseaux. Ces tranchées ont en effet été mises en place à l’aide d’une trancheuse équipée d’un caisson grande profondeur permettant de découper le sol, mettre en place un drain et un massif drainant de façon totalement automatisée et garantissant une absence totale de contrepente et un respect des cotes imposées (via un guidage laser).

Dans le cadre de ce projet, deux tranchées de 120 mètres au total ont été implantées et posées à 50 cm sous le niveau des basses eaux, soit vers 7,50 m de profondeur. Chaque tranchée a par la suite été équipée d’un puits de diamètre 900 mm en béton puis d’une pompe de rabattement et d’une pompe écrémeuse pneumatique.

Par ailleurs, afin de limiter l’impact du bassin de réinfiltration sur l’écoulement des eaux, quatre ouvrages de pompage écrémage ont été mis en place à proximité de celui-ci.

Afin d’augmenter les vitesses de récupération, forcer les écoulements vers les tranchées drainantes et limiter les débits devant être réinjectés dans le bassin, ce dispositif de pompage a été complété par deux puits de réinjection situés en amont hydraulique de la source et situés de part et d’autre du bac déficient.

Le traitement des eaux pompées a été assuré par un séparateur coalesceur lamellaire d’une capacité de 12 m³ et un filtre à charbon actif de grosse capacité (60 m³/h). L’ensemble du système de pompage/écrémage, de stockage des hydrocarbures, de traitement des eaux de rejet en bassin de lagunage et de réinjection a été équipé de capteurs de niveaux permettant de sécuriser le fonctionnement du système. L’ensemble des réseaux (câbles d’alimentation électrique, électrodes de niveaux, alimentation air comprimé, refoulement produit, conduites en eau, soit près de 5 000 m de réseaux) ont été posés sous tranchées. Par ailleurs, afin de valider la qualité des eaux avant réinjection, un analyseur en continu a été mis en place et a été asservi aux différentes pompes d’alimentation.

[Photo : Des tranchées ont été mises en place à l’aide d’une trancheuse équipée d’un caisson grande profondeur permettant de découper le sol, mettre en place un drain et un massif drainant de façon totalement automatisée et garantissant une absence totale de contrepente et un respect des cotes imposées via un guidage laser.]

La seconde étape a consisté à supprimer les risques d’accumulation de vapeurs explosives sous le bac.

Supprimer les risques d’accumulation de vapeurs explosives sous le bac

Compte tenu de l’impossibilité de mettre en place des ouvrages d’aspiration forcée verticaux depuis la cuvette de rétention, Biogénie a mis en place des puits inclinés. Deux ouvrages ont été mis en place ; le premier en pente de 1,6 % et d’une longueur de 40 m a permis d’atteindre les sols pollués directement à l’aplomb du point de fuite (à 3,50 m sous le radier du bac), le second, d’une longueur de 33 m et d’une pente de 17 %, a permis d’atteindre la nappe à 5 m en aval de la verticale du point de fuite et a permis de mettre en place un éjecteur pneumatique pour la récupération des hydrocarbures au plus près du point d’alimentation.

Ces puits ont été connectés à un module d’aspiration forcée d’une capacité de 250 m³/h pour 200 mbar de dépression. Compte tenu de leurs concentrations (supérieures à 25 000 ppmV), le traitement des

[Photo : Le traitement des eaux pompées a été assuré par un séparateur coalesceur lamellaire d'une capacité de 12 m³ et un filtre à charbon actif de grosse capacité (60 m³).]

Le traitement des vapeurs extraites a été assuré par un oxydateur catalytique.

Troisième volet, le traitement de la pollution dissoute à l’aval du dépôt.

Le traitement de la pollution dissoute à l’aval du dépôt

Concernant ce volet du projet de réhabilitation, Biogénie a proposé la mise en place d'une barrière biologique aérobie. Le principe général de la barrière biologique aérobie consiste à créer localement au sein de l’aquifère les conditions favorables à la mise en place d'une biodégradation aérobie des polluants présents. Dans le cas présent, les hydrocarbures aliphatiques et aromatiques présents sont généralement facilement accessibles à la biodégradation aérobie mais celle-ci est souvent limitée par un déficit en oxygène dissous et en nutriment de l’eau souterraine. L’objectif a donc consisté à créer ces conditions favorables en enrichissant l’eau souterraine en oxygène via des injections d’eau enrichies en peroxyde d’hydrogène (H₂O₂, source d’oxygène).

Après validation des caractéristiques hydrodynamiques de la nappe et définition de la largeur du panache, cette barrière a été constituée sur une longueur de 80 mètres et composée de 10 aiguilles d’injection. Les débits d’injection de la solution ont été de l’ordre de 200 litres/h/aiguille (débit total injecté de 2 m³/h) et l’injection s’est faite de manière séquentielle.

Les résultats

Ce projet a nécessité la mobilisation de moyens lourds dans des délais record. Biogénie a traité sur un plus d’une année plus de 100 000 m³ d’eaux polluées et a réussi à supprimer tout risque explosif sous le bac et à autoriser sa remise en service, à supprimer toute présence de phase huile surnageante sur la nappe et à réduire les concentrations en hydrocarbures aromatiques dans l’eau de la nappe. Les résultats sont les suivants :

  • – diminution des concentrations en Benzène d’un facteur 3 000 (concentrations initiales de l’ordre de 3 000 ppb et désormais systématiquement inférieures à 0,05 ppb),
  • – diminution des concentrations en Toluène d’un facteur 10 000 (concentrations initiales de l’ordre de 10 000 à 12 000 µg/l et désormais très ponctuellement de l’ordre de 1 à 3 µg/l),
  • – diminution des concentrations en Xylènes totaux d’un facteur 1 000 (concentrations initiales de l’ordre de 10 000 à 20 000 µg/l et désormais très ponctuellement de l’ordre de 10 µg/l).
[Photo : Le premier ouvrage d’une pente de 1,6 % et d’une longueur de 40 m a permis d’atteindre directement l’aplomb du point de fuite à 3,50 m sous le radier du bac. Le second, d’une longueur de 33 m et d’une pente de 1,7 %, a permis d’atteindre la nappe à 5 mètres en aval de la verticale du point de fuite et a permis de mettre en place un éjecteur pneumatique pour récupérer les hydrocarbures à plus de points d’alimentation.]
[Photo : Suivi des concentrations en Benzène.]
[Photo : Evolution des concentrations en Benzène et Toluène sur le réseau de suivi de la qualité des eaux mis en place et mettant en évidence les résultats acquis.]
[Photo : Suivi des concentrations en Toluène.]
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