Omnium de Traitements et de Valorisation
Le procédé de décantation à flux horizontal dans un ouvrage sensiblement parallélépipédique, connu sous le nom de décanteur-couloir, a vu le jour voici près de cinquante ans.
Ses remarquables qualités de simplicité et d’efficacité lui ont valu d’exister à de très nombreux exemplaires à travers le monde et, aujourd’hui encore, de tels ouvrages sont proposés lorsque l’exploitation d’une station de traitement d’eau potable doit être confiée à une main d’œuvre peu spécialisée. En effet, la caractéristique essentielle des décanteurs-couloirs est de ne mettre en œuvre aucun équipement mobile, à l’exception éventuellement du floculateur, la séparation de la phase solide (matières en suspension agglomérées sous forme de floc) de la phase liquide (eau à clarifier) s’effectuant sous l’effet de la pesanteur.
Cette simplicité a pour corollaire la nécessité d’adopter une vitesse ascensionnelle très modérée de l’eau dans l’ouvrage : selon le type d’eau à traiter, elle est généralement de l’ordre de 1 à 1,5 m³/m².h. Il en résulte que les décanteurs-couloirs occupent des surfaces au sol importantes et nécessitent la mise en œuvre d’une grande quantité de béton dès que le débit à traiter devient un tant soit peu élevé.
Une première et remarquable solution à ce problème fut apportée par M. Hallopeau lors de la conception, au cours de l’année 1950, des décanteurs devant équiper les trois usines du Syndicat des communes de la banlieue de Paris pour les eaux. S’appuyant sur la théorie de Hazen qui avait montré que dans un décanteur, dit statique, l’efficacité de l’ouvrage ne dépendait que du rapport débit/surface, Hallopeau a réalisé des décanteurs-couloirs à trois, puis à quatre étages superposés. Ces ouvrages permettent donc de traiter des débits importants tout en mobilisant trois ou quatre fois moins de surface. Ainsi ont vu le jour les décanteurs qui équipent les usines de Choisy-le-Roi, Neuilly-sur-Marne et Méry-sur-Oise, capables de traiter, à elles trois, environ 1 700 000 m³ par jour d’eau destinée à l’alimentation de la majeure partie de la banlieue parisienne. Toutefois, il est rapidement apparu que l’on avait, quasi d’emblée, atteint avec ces ouvrages les limites technologiques du procédé et il s’est avéré impossible de construire des décanteurs comportant un plus grand nombre d’étages.
Par ailleurs, ce type de décanteurs exige des vidanges totales périodiques pour évacuer les boues qui n’ont pu être soutirées en totalité par les purges hydrostatiques. La fréquence de ces vidanges varie de quelques mois à un an selon la charge en matières en suspension de l’eau à traiter. L’opération de vidange peut créer des difficultés d’exploitation lorsque l’usine est équipée d’un ouvrage unique car la durée du chômage est souvent de l’ordre de la journée ou plus. Elle complique également le traitement éventuel de déshydratation des boues dont une quantité très importante est évacuée en un temps très court. Il sera donc nécessaire de stocker celles-ci dans une bâche de grand volume pour les admettre sur la chaîne de conditionnement et de déshydratation à un débit compatible avec le dimensionnement de celle-ci. Enfin, les vidanges périodiques s’accompagnent d’une perte d’eau, non négligeable dans certains cas.
Un certain nombre d’aménagements ont été mis au point par nos soins, permettant désormais de s’affranchir de ces difficultés tout en conservant aux décanteurs-couloirs la simplicité et la fiabilité qui ont établi leur réputation. Ces techniques visent deux objectifs principaux :
1) l’accroissement du débit nominal des ouvrages sans modification du génie-civil et sans détérioration de la qualité de l’eau décantée,
2) la suppression des vidanges totales et la régularisation du débit d’évacuation des boues.
Accroissement du débit nominal
Partant de la notion de vitesse de Hazen (indépendante, nous l’avons dit, de la hauteur de l’ouvrage), est née la technique de la décantation lamellaire qu’OTV a mise en œuvre dans les années 1970. Dans celle-ci, un empilement de plaques espacées de quelques centimètres délimite, dans le volume du cuvelage, des éléments de décantation pouvant être assimilés chacun à un décanteur de très faible hauteur, mais de surface égale à la surface libre de l’ouvrage. On conçoit donc qu’un décanteur ainsi équipé pourra admettre un débit très supérieur à celui qui aurait pu l’être dans un ouvrage conventionnel occupant la même surface au sol. Pour pallier l’obstruction des modules lamellaires par les boues déposées, les lamelles sont inclinées sur l’horizontale ; les boues glissent donc vers le radier de l’ouvrage tandis que l’eau à traiter est admise à la base des lamelles, qui sont parcourues en sens inverse du flux de boue.
Pour cette raison, ce type de décanteur lamellaire est dit « à contre-courant ».
Ainsi ont été développés des modules lamellaires à section
hexagonales qui présentent de nombreux avantages, tant sur le plan hydraulique que sur celui de la facilité d'installation. Leur mise en place dans un décanteur couloir existant ne pose aucun problème pourvu qu'il présente une hauteur suffisante, ce qui est presque toujours le cas dans les ouvrages anciens.
Un aménagement particulier du fond de l’ouvrage, consistant à y rapporter des trémies prismatiques en béton équipées de collecteurs tubulaires perforés, permet une évacuation efficace des boues, rendant inutiles les vidanges totales. Une telle modernisation permettrait, théoriquement, de multiplier le débit capable de l’ouvrage par un facteur de l’ordre de quatre à six. On est cependant contraint de limiter cet accroissement d’une part pour conserver un temps de floculation acceptable et, d’autre part pour ne pas trop augmenter la vitesse de filtration. En fonction du dimensionnement de ces ouvrages amont ou aval, il est souvent possible de multiplier le débit d’une usine par 1,5 ou 2 sans autres modifications que celles qui viennent d’être exposées. Cette technologie s’est illustrée dans deux importantes réalisations : la station de Tulle, dont le débit a été porté de 10 000 à 15 000 m³/jour, et celle de Brest qui, à partir de 34 000 m³/j, traite désormais 60 000 m³/j.
Ainsi que nous l’avons dit, la mise en place de modules hexagonaux n’est pas possible lorsque le décanteur à moderniser ne présente pas une hauteur suffisante. Elle n'est pas possible non plus dans les décanteurs étagés qui, outre leur faible hauteur, sont munis d’orifices d’accès de dimensions insuffisantes pour le passage des plaques constituant les modules. Pour améliorer ce type d’ouvrage, OTV a breveté récemment un modèle de modules lamellaires à circulation horizontale qui présente la particularité d’être constitué par un empilement de plaques planes de faible largeur réunies entre elles par des filins à la manière d’un store vénitien. Lors du montage, ces plaques sont serrées les unes sur les autres et elles peuvent ainsi franchir les ouvertures d’accès aux étages inférieurs du décanteur. Leur installation s’effectue alors très simplement en arrimant les filins de suspension à la sous-face du plancher du compartiment supérieur et en laissant les lamelles se déployer sous l’effet de leur propre poids. Un jeu d’entretoises spécialement profilées, et également suspendues par le haut, maintient un écartement suffisant entre chaque « chapelet » de lamelles pour permettre l’écoulement des boues vers le radier de l’ouvrage. La station de Châteaubourg (35) vient d’être ainsi équipée sur un décanteur de 50 m³/h (figure 1). L’usine de Romorantin (41) est en cours d’équipement (deux décanteurs pour 600 m³/h).
Evacuation des boues
La mise en place de modules lamellaires permet simultanément d’accroître le débit d’un ouvrage et de résoudre le problème de l’évacuation des boues. Lorsque le premier objectif n’est pas recherché, la solution la plus élégante pour supprimer les vidanges totales consiste à mettre en place un dispositif de raclage de fond. Cette installation ne pose aucun problème particulier dans les décanteurs à un seul étage et de nombreux exemples de telles installations pourraient être cités. S’agissant de décanteurs étagés, la difficulté d’installation d’un tel équipement apparaît à l’évidence et la réponse au problème n’a été apportée que depuis peu. Il s’agit d’un système de chariots de raclage immergés entraînés par un câble unique parcourant l’ensemble des couloirs superposés. Le schéma de principe de ce dispositif breveté est représenté sur la figure 2.
- — le radier de chaque couloir de décantation est balayé longitudinalement par une palette de raclage escamotable montée sur un chariot ; celui-ci est équipé de galets qui roulent sur deux rails fixés au radier ; la longueur de la palette est voisine de la largeur du couloir ;
- — pour permettre l’évacuation des boues, chaque palette les ramène à l’extrémité amont de chaque couloir de décantation, sur une raclette d’évacuation disposée transversalement ; l’arrêt du chariot support de palette est synchronisé avec l’ouverture de la vanne de purge du tube raclette.
Les deux chariots racleurs de deux couloirs superposés sont entraînés en série par l’intermédiaire d’un câble unique dans un mouvement de va-et-vient : tandis que l’un des chariots accomplit son retour sur
un étage (non raclage, palette relevée), lorsque l’autre chariot est en action (palette en position basse, raclant les boues) sur l’étage voisin. Lorsque le chariot arrive à proximité de la raclette d’évacuation des boues (à l’extrémité amont du couloir), un contact fin de course arrête le motoréducteur de traction qui, après une temporisation réglable, repart en sens inverse : il y a alors relèvement de la palette et entraînement du second chariot qui commence à agir sur les boues de l’étage voisin. Un dispositif, constitué essentiellement d’un cadre mobile, d’un contrepoids et de poulies, permet de maintenir constamment la tension du câble de traction et de rattraper les différences d’enroulement. Il est prévu qu’en vitesse maximale, un aller et retour de chariot s’effectue en 6 heures, soit 4 cycles en 24 heures, la vitesse du racleur étant ainsi de l’ordre de 16 m/h.
Un tel système a été installé pour la première fois en France en 1979 par nos soins sur deux décanteurs couloirs à deux étages à Montceau-les-Mines. Après quelques modifications et mises au point, cette installation a donné satisfaction à l’exploitant aussi bien sur le plan mécanique que sur celui de l’évacuation des boues. Ce même matériel est en service à titre d’essai à l’usine de Neuilly-sur-Marne depuis le mois de mai 1983 sur deux étages d’un demi-décanteur (figure 3).
Les observations et mesures réalisées depuis cette date permettent de conclure à son efficacité.
À la suite de ces essais, la décision d’équiper la totalité des décanteurs des usines de Neuilly-sur-Marne et de Choisy-le-Roi a été prise. Ces travaux sont en cours d’exécution.
Conclusion
L’ensemble des techniques brevetées qui viennent d’être évoquées permet à tout exploitant d’une usine ancienne d’en moderniser les décanteurs, aux moindres frais. Elles confèrent aux décanteurs-couloirs une nouvelle jeunesse en leur permettant d’accroître leur capacité de traitement, tout en diminuant les contraintes d’exploitation et en conservant la rusticité et l’efficacité qui ont fait leur succès.