L?Escherichia coli (E.coli) et les bactéries coliformes associées sont les paramètres les plus importants à détecter dans l'analyse de l'eau potable. En France, la détection et le énombrement de ces bactéries se fondent depuis des années sur leur croissance sur un milieu TTC-Tergitol (NF EN ISO 9308-1). De récents développements dans la détection d'enzymes spécifiques pour l'E.coli et les coliformes ont mené à l'élaboration de méthodes plus exactes et plus rapides. Une méthode, le système Colilert®- 18/Quanti-Tray®, conçu par les laboratoires IDEXX, vient de franchir avec succès la dernière étape du processus de validation conformément à un protocole défini par l'Association Française de Normalisation (AFNOR Certification). Cette méthode devrait recevoir une certification officielle dans les trois prochains mois ; elle s'est avérée être statistiquement équivalente à la méthode NF EN ISO 9308-1 et a donné des résultats confirmés exacts en l'espace de 18 heures au lieu des 48 à 72 heures requises pour la méthode de référence.
En 1885, Theodor Escherich décrivait les bactéries Bacterium coli commune et Bacterium lactis commune qui avaient été isolées des matières fécales. Peu après, en 1892, Franz Schardinger, à Vienne, proposait d’analyser l’eau pour le Bacterium coli (désormais Escherichia coli) abondamment présent dans les matières fécales. À contrario, son absence dans l’eau indiquerait, par conséquent, l’absence de contamination fécale et, donc, l’absence d’agents entéro-pathogènes. On se rendit compte rapidement qu’il y avait tout un groupe de bactéries apparentées à l’E. coli susceptibles de se trouver dans les matières fécales humaines et animales, et dans l’eau contaminée. Ce groupe de bactéries, incluant E. coli, reçut le nom de « bactéries coliformes ». Ainsi commença la longue histoire de l’analyse des E. coli et des bactéries coliformes en tant que principaux indicateurs pour l’évaluation de la sécurité sanitaire de l’eau.
Depuis plus de 100 ans maintenant, les E. coli et les bactéries coliformes apparentées sont les indicateurs bactériens clés dans l’évaluation de la qualité microbiologique de l’eau potable et de l’environnement aquatique. L’E. coli est considéré comme étant le principal indicateur de la contamination fécale et, donc, d’un risque potentiel pour la santé lorsqu’on consomme une eau contaminée. Des normes sur l’eau potable fondées sur l’absence d’E. coli et de bacté-
Les coliformes ont rapidement été adoptées dans plusieurs pays en Europe et en Amérique du Nord, normes généralement basées sur l'absence de ces bactéries dans 100 ml d’échantillon. C’est toujours le cas avec la législation actuelle mise en place par la Directive européenne sur la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (Directive du Conseil 98/83/CE) qui a été transposée dans le droit des États membres de l'Union européenne. Cette Directive spécifie ainsi pour la première fois, les méthodes devant être utilisées pour les paramètres microbiologiques dans le cadre d'un contrôle sanitaire. Pour E. coli et les bactéries coliformes, la méthode de référence citée est la norme actuelle NF EN ISO 9308-1. Bien que cette méthode ne soit pas très utilisée en Europe, c'est en France la seule méthode autorisée pour tester la conformité de l'eau potable dans le cadre de contrôles sanitaires. La Directive indique aussi que des méthodes alternatives « peuvent être utilisées à condition que les résultats obtenus soient au moins aussi fiables que ceux produits par les méthodes spécifiées ».
De récents développements dans la détection d’enzymes spécifiques pour E. coli et les bactéries coliformes ont conduit à modifier les définitions de ces bactéries, ce qui a, ensuite, permis le développement de méthodes plus exactes, plus rapides et plus faciles d’emploi. Depuis 2000, un certain nombre d'études ont été entreprises dans plusieurs pays européens, afin de comparer les performances des méthodes alternatives à celles de la méthode NF EN ISO 9308-1. Le Groupe d’experts en microbiologie qui conseille la Commission européenne sur les aspects microbiologiques de la Directive sur la qualité des eaux destinées à la consommation humaine a reconnu les performances de plusieurs de ces méthodes alternatives. Parmi celles-ci, citons le système Colilert®-18/Quanti-Tray® (utilisé entre autres en Allemagne, en Espagne, au Royaume-Uni, en Finlande, en Norvège et au Danemark), le milieu gélosé au lactose glucuronide sur membrane (MLGA, utilisé au Royaume-Uni) et le milieu gélosé au lauryl sulfate (LSA, utilisé aux Pays-Bas). Jusqu’à présent, il n’y avait en France aucune méthode alternative approuvée pour la détection et le dénombrement des E. coli et des bactéries coliformes dans l'eau potable.
Méthodes de détection des E. coli et des coliformes dans l’eau potable
Traditionnellement, les E. coli et les bactéries coliformes sont détectées dans l'eau à l'aide de milieux permettant une démonstration de la fermentation du lactose. Ceci est la base de la méthode NF EN ISO 9308-1 sur un milieu TTC-Tergitol gélosé. Ce milieu contient du lactose qui, une fois fermenté, produit de l’acide qui est détecté par un changement de couleur autour de la colonie, passant du vert au jaune. En France, les milieux sont incubés pendant un maximum de 48 heures et, en présence de colonies, les positifs sont dénommés « présumés » étant donné qu’ils doivent être testés par une analyse de confirmation. Pour les E. coli, ceci implique la démonstration de production d’indole à partir du tryptophane à 44 °C et prend 24 heures supplémentaires. L’obtention d’un résultat confirmé des E. coli peut alors prendre jusqu’à 72 heures.
De nos jours, la méthode de détection des E. coli et des coliformes est plus souvent fondée sur la détection d’enzymes spécifiques : la β-galactosidase (impliquée dans la fermentation du lactose) pour la détection des bactéries coliformes et la β-glucuronidase pour la détection spécifique des E. coli. Cette approche a été adoptée par le groupe de travail ISO chargé de définir des normes pour la détection et le dénombrement des E. coli et des bactéries coliformes dans l'eau.
1 – Enzyme β-galactosidase et détection des bactéries coliformes
La première étape de la fermentation du lactose consiste dans le dédoublement de la molécule en glucose et en galactose par la β-galactosidase, enzyme exprimée par la grande majorité des bactéries coliformes. Étant donné la simplicité de l'analyse de la présence de β-galactosidase grâce à des substrats chromogènes ou fluorogènes qui sont facilement absorbés par les cellules, plusieurs méthodes basées sur cette approche ont été développées au cours de 20 dernières années. L'un des substrats chromogènes largement utilisé pour la β-galactosidase est l’ortho-nitrophényl-β-D-galactopyranoside (ONPG) qui produit une coloration jaune lors du dédoublement par l’enzyme. Ce phénomène est la base d'un certain nombre de méthodes pour les bactéries coliformes, notamment le système Colilert®-18/Quanti-Tray® des laboratoires IDEXX. Fonder la définition des coliformes sur une enzyme de diagnostic unique, indicatrice de la capacité réelle ou potentielle de la bactérie à fermenter le lactose, permet une définition qui est plus appropriée sur le plan microbiologique. Le groupe de travail ISO sur les méthodes pour les E. coli et les bactéries coliformes a donc convenu de définir la bactérie coliforme comme un « membre des Enterobacteriaceae qui produit la β-galactosidase » ; cette définition sera à la base du développement de toute future norme.
2 – Enzyme β-glucuronidase et détection des E. coli
Outre la β-galactosidase, les E. coli expri-
Seulement l’enzyme β-glucuronidase qui est très rarement exprimée par d'autres bactéries coliformes. La détection de cette enzyme de diagnostic pour les E.coli est désormais bien établie pour tester les aliments et l'eau, tout particulièrement en utilisant le substrat fluorogène 4-méthylumbelliféryl-β-D-glucuronide (MUG). Le groupe de travail ISO a convenu de simplement définir l’E.coli comme un « membre des Enterobacteriaceae qui exprime la β-galactosidase et la β-glucuronidase ». Cette définition de l’E.coli est plus correcte sur le plan microbiologique que celle qui se fonde sur la fermentation du lactose et la production d'indole à partir de tryptophane. La nouvelle définition d’ISO est également à l’origine du système Colilert®-18/Quanti-Tray de détection des E.coli.
Il existe deux approches fondamentales pour traiter les échantillons en vue de l’analyse des E.coli et des bactéries coliformes.
- • La première est la filtration sur membrane, qui est à la base de la norme NF EN ISO 9308-1, dans laquelle les bactéries sont piégées sur une membrane filtrante ensuite placée sur un milieu sélectif pour la bactérie cible choisie.
- • L’approche alternative est la méthode du nombre le plus probable (NPP) à tubes multiples dans laquelle des aliquotes d’échantillons sont subdivisées en une série de tubes contenant le milieu et sont incubées. Le nombre de tubes positifs est statistiquement relié au nombre de bactéries coliformes ou d’E.coli présents. Cette méthode est à l’origine du Quanti-Tray® où les tubes ont été remplacés par une plaque à réaction qui divise l’échantillon dans une série de cupules. Pour l'eau potable, la plaque est divisée en 51 cupules offrant ainsi une numération NPP bien plus exacte que la méthode à tube multiple ISO 9308-2 traditionnelle.
Validation de la méthode Colilert®-18/Quanti-Tray® en France
En France, les nouvelles méthodes alternatives doivent être validées avant d’être adoptées. La validation a lieu après définition des caractéristiques de performances de la méthode alternative concernée. Si les caractéristiques de performances sont satisfaisantes, une étude comparative est alors entreprise dans laquelle les performances d’une méthode alternative sont comparées à celles d’une méthode de référence. La méthode de référence pour l'eau potable est la norme NF EN ISO 9308-1. Le système Colilert®-18/Quanti-Tray® a été validé par rapport à la méthode de référence dans une étude conduite sur la base d'un protocole récemment développé par l’AFNOR, et fondé sur la norme FD ENV ISO 13843 (sur la validation des méthodes microbiologiques pour l’analyse de l’eau) et la norme NF EN ISO 16140 (sur la validation des méthodes alternatives pour l’analyse des aliments). Les protocoles AFNOR sont développés pour la validation de méthodes alimentaires depuis plusieurs années. C’est toutefois la première fois qu'un nouveau protocole de validation est appliqué à des échantillons d'eau potable dans le but de certifier une méthode alternative pour analyser l'eau destinée à la consommation humaine.
Une étude préliminaire a été menée dans laquelle l’exactitude relative, la linéarité, les limites de détection et de quantification, la sélectivité (inclusivité et exclusivité) et la praticabilité du système Colilert®-18/Quanti-Tray® ont été évaluées à l'aide de plusieurs échantillons d’eau de distribution et d'eau de fontaine dopés avec des souches de bactéries coliformes et d’E.coli. Toutes les caractéristiques de performances évaluées du système Colilert®-18/Quanti-Tray® se sont avérées satisfaisantes.
À la fin de l'étude préliminaire, une étude inter-laboratoires a été menée dans laquelle 13 laboratoires participants, parmi lesquels plusieurs utilisaient le système Colilert®-18/Quanti-Tray® pour la première fois, ont reçu des échantillons inoculés à divers
niveaux de contamination avec une souche d’E. coli initialement isolée de l’eau. Ces échantillons ont été analysés avec les deux méthodes NF EN ISO 9308-1 et Colilert®-18/Quanti-Tray®. Les résultats de chaque méthode ont ensuite fait l’objet d’une comparaison statistique. La méthode Colilert®-18/Quanti-Tray® s’est avérée être équivalente, sur le plan statistique, à la méthode NF EN ISO 9308-1, en particulier pour les numérations de niveaux bas à moyen auxquelles on pouvait s’attendre dans les échantillons d’eau potable. En moyenne toutefois, la méthode Colilert®-18/Quanti-Tray® a donné des numérations légèrement supérieures, apparaissant dès lors comme plus précise.
Le rapport d’analyse de cette étude a été examiné et adopté par le bureau technique de l’AFNOR chargé de ce dossier, composé d’un président, d’un secrétaire, d’un représentant des normes AFNOR et de représentants des fabricants, des utilisateurs de tests et des autorités publiques.
Conclusions
Le rapport d’analyse de cette étude AFNOR démontre que la méthode Colilert®-18/Quanti-Tray® est une méthode alternative fiable et équivalente à la méthode actuelle NF EN ISO 9308-1. Étant donné que la méthode Colilert®-18/Quanti-Tray® se fonde sur les définitions révisées de l’ISO des E. coli et des bactéries coliformes, elle est par essence plus exacte puisqu’elle peut identifier toutes les bactéries incluses dans les nouvelles définitions. En outre, elle a l’avantage de ne pas requérir de confirmation, à l’inverse de la méthode NF EN ISO 9308-1.
Par conséquent, le recours à la méthode Colilert®-18/Quanti-Tray® permet d’obtenir des résultats confirmés au bout d’une incubation de 18 heures par rapport aux 48 à 72 heures nécessaires pour la méthode de référence NF EN ISO 9308-1. Trente-huit pays dans le monde entier ont adopté la méthode Colilert®-18/Quanti-Tray®, ce qui souligne enfin sa praticité et sa facilité d’utilisation au regard de la méthode de référence. Le système Colilert®-18/Quanti-Tray® a notamment été accepté pour l’analyse de conformité de l’eau potable (contrôle sanitaire) aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie, en Espagne et au Danemark.
Références bibliographiques
- * AFNOR (2000) Qualité de l’eau – Recherche et dénombrement des Escherichia coli et des bactéries coliformes – Partie 1 : méthode par filtration sur membrane. NF EN ISO 9308-1. Agence Française de Normalisation, Paris, France.
- * AFNOR (2001) Qualité de l’eau – Lignes directrices pour la validation des méthodes microbiologiques. FD ENV ISO 13843. Agence Française de Normalisation, Paris, France.
- * AFNOR (2003) Microbiologie des aliments – Protocole pour la validation des méthodes alternatives. NF EN ISO 16140. Agence Française de Normalisation, Paris, France.
- * AFNOR (2009) Projet de validation – révision 29.05.2009 – Application à l’analyse microbiologique de l’eau – Protocole de validation d’une méthode alternative commerciale par rapport à une méthode de référence.
- * Directive du Conseil de l’Union Européenne (1998) 98/83/CE du 3 novembre 1998 sur la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine. Journal officiel des Communautés européennes 1998, 5.12.98, L330/32-L330/53.
- * Journal de la République Française : Ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Arrêté du 17 septembre 2003 relatif aux méthodes d’analyse des échantillons d’eau et à leurs caractéristiques de performance. Annexe 1 « Méthodes pour l’analyse des eaux destinées à la consommation humaine ».
- * ISO (1990) Qualité de l’eau – Recherche et dénombrement des organismes coliformes, des organismes coliformes thermotolérants et des Escherichia coli présumés – Partie 2 : méthode du nombre le plus probable. Norme internationale ISO 9308-2:1990. Organisation Internationale de Normalisation, Genève, Suisse.