« L’ozone qui se rencontre dans l’atmosphère à l’état naturel se produit dans un nombre considérable de réactions » (1). Cependant, seules quelques méthodes sont utilisables pour la synthèse industrielle de l'ozone, la plus courante faisant appel à la décharge électrique en faisceaux.
Source possible de nuisances en l’absence de tout contrôle, l'ozone devient un précieux auxiliaire pour le traiteur d’eau qui l’emploie à bon escient. Bien que la connaissance de ses propriétés chimiques soit assez récente, ses nombreuses applications ont vu le jour dès le début du XXe siècle avec l'usine d’ozonation de l’eau potable de « Bon-Voyage » à Nice (1907). Elles témoignent de la fiabilité des générateurs, mais aussi de l'efficacité des traitements. D'autre part, de nombreuses études se poursuivent dans le but d'améliorer à la fois le rendement et la capacité des ozoneurs, et aussi afin d'approfondir les processus réactionnels.
Il n’est cependant pas de notre propos d’en effectuer une description, la présente communication ayant pour but de décrire sommairement le corps appelé ozone, ainsi que la technologie qui lui est propre.
GENERALITÉS SUR L’OZONE
— PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES
L'ozone est un gaz que l'on retrouve généralement dilué dans un mélange gazeux ayant servi à sa synthèse (air, air enrichi en oxygène, mélange gazeux oxygéné, oxygène). Composé de trois atomes d’oxygène, l’ozone subit une lente décomposition qui est catalysée par la température et l’humidité. D’odeur forte et pénétrante, il présente une teinte faiblement bleutée qu'il confère à l'eau lorsqu’il y est introduit. Son maximum d’absorption se situe dans l’ultraviolet à 2537 Ǻ. Quant à sa solubilité dans l’eau, elle est supérieure de 8 à 9 fois à celle de l’oxygène ; toutefois, elle augmente avec le pH, mais varie en sens inverse avec la température. Parallèlement, toute élévation de température, de pH ou de taux de matières organiques entraîne une diminution de la durée de vie de l’ozone dans l'eau.
Quatre voies principales caractérisent le mode d'action de l’ozone en phase aqueuse :
- — l'ozonolyse : les trois atomes d’oxygène de la molécule se fixent sur une double ou triple liaison organique, en créant un ozonide. Ce dernier, instable, se décompose très rapidement ;
- — l'oxydation directe : l'ozone cède un atome d’oxygène dissous à la molécule qu'il oxyde ;
- — la catalyse : l’ozone diminue l'énergie d'activation, ce qui augmente en conséquence la vitesse de réaction de l’oxygène ;
- — l'oxydation radicalaire : la décomposition de l'ozone dans l'eau donne naissance à des radicaux réactifs et aussi à de faibles quantités d'eau oxygénée.
Selon les conditions du milieu et de l’ozonation, l'un ou l'autre type de réaction prédomine.
— SYNTHÈSES DE L'OZONE
De nombreuses méthodes conduisent à la synthèse de l'ozone : réactions de chimie organique, rayonne-
(4) M. OTTO. Recherches sur l’ozone. Thèse de Docteur ès sciences physiques, présentée à la Faculté des Sciences de Paris, 10 avril 1897, p. 10.
ments, décharges électriques... Seule cette dernière voie a été retenue à l'échelle industrielle pour obtenir de grandes quantités d'ozone à forte concentration.
Un générateur d'ozone se compose de deux surfaces conductrices séparées par un faible intervalle partiellement occupé par une matière diélectrique accolée à l'une ou aux deux faces internes des électrodes. Si une tension alternative est appliquée, une effluve électrique prend naissance, ce qui se traduit par une lueur violette visible dans l'intervalle. La synthèse de l'ozone a lieu lorsque l'on fait passer un courant gazeux sec contenant de l'oxygène (cf. figure 1). Un ozoneur industriel se compose donc d'un assemblage en batterie de générateurs élémentaires. Actuellement, la production maximale par ozoneur atteint 85 kg O₃/h à partir d'oxygène et à une fréquence de 600 hertz.
[Figure : SCHEMA GENERAL DES DIFFERENTES POSSIBILITES DE SYNTHESE ET D'APPLICATION DE L'OZONE]BUT DE L'OZONATION
L'ozone est utilisé principalement à deux fins distinctes : l'oxydation et la destruction des micro-organismes.
1. L'OXYDATION
A) ACTIONS DIRECTES
L'ozone oxyde certains éléments minéraux et organiques, quels qu'en soient les types.
- — Éléments minéraux :
Même de très bonne qualité, l'eau potable renferme des éléments indésirables : tel est le cas, par exemple, du fer et du manganèse dont la concentration totale ne doit pas excéder 0,3 mg/l (dont 0,2 mg/l pour le fer) selon la législation française. Qu'ils soient complexés ou non, le fer est oxydé par l'ozone en hydrate insoluble qui précipite, et le manganèse en bioxyde ainsi qu'en permanganate. Dans ce dernier cas, grâce au maintien d'un temps de rétention après ozonation et grâce à un pH basique, tout le manganèse passe sous la forme de bioxyde qui est aisément retenu par filtration sur sable catalytique.
- — Matières organiques :
Dans le cas des eaux potables, le terme de micropollution est souvent avancé surtout s'il s'agit d'eaux de surface. Les résultats obtenus par ozonation montrent un abattement des substances extractibles au chloroforme ou au cyclohexane souvent supérieur à 50 %. Plus précisément, l'ozone s'avère efficace pour diminuer le taux de phénols, ainsi que celui de certains détergents et pesticides.
D'une manière plus générale, en participant à l'amélioration des qualités organoleptiques, l'ozone détruit les molécules organiques responsables des goûts, odeurs et couleurs.
Dans le cas des eaux résiduaires, l'ozone est utilisé pour dégrader les composés toxiques non éliminés par les traitements physico-chimiques ou biologiques classiques. Parmi les principales réalisations, citons la destruction des phénols et des cyanures (simples et complexes).
B) ACTIONS COMBINÉES
L'ozonation peut être considérée non comme une fin en soi, mais comme un moyen pour améliorer une autre étape du traitement.
- — Avec un traitement physico-chimique :
Outre une décoloration et une destruction des acides humiques (précurseurs éventuels des haloforphes), de faibles quantités d'ozone entraînent souvent une légère floculation des eaux de retenue, ce qui améliore le rendement de la filtration qui lui fait suite.
Toujours dans le domaine des eaux potables, l'ozonation au début de la chaîne de traitement permet de faire des économies de réactifs, pouvant atteindre 30 % : chlore pour la chloration au breakpoint, agent floculant, et même ozone en postozonation.
Dans les eaux résiduaires, la combinaison ozonation et floculation permet de récupérer des métaux lourds : tel est le cas des eaux de lavage de l'industrie minière où, selon le pH, des métaux comme le nickel, l'argent, le zinc, le cadmium, etc., ont pu être extraits.
- — Avec un traitement biologique :
Une ozonation ménagée permet de casser les molécules organiques de taille importante en d'autres molécules de poids moléculaire plus faible et généralement plus biodégradables. D'autre part, l'oxygénation de l'eau induite par l'ozonation contribue à améliorer le développement des bactéries aérobies et, par la même, l'épuration biologique. Dans le cas des eaux potables issues d'eaux de surface, une élimination sensible des matières organiques a pu être obtenue par deux voies différentes : ozonation et storage de deux jours, d'une part, et, d'autre part, ozonation et filtration biologique sur support poreux.
2. LA DESTRUCTION DES ÉLÉMENTS VIVANTS
L'ozone est un puissant agent désinfectant souvent supérieur aux autres désinfectants usuels.
champ d'action est vaste (champignons, levures...), ses propriétés ont été essentiellement orientées vers la destruction des algues, des bactéries et des virus.
Ainsi, la préozonation des eaux potables contribue à détruire les algues. La postozonation quant à elle a pour but essentiel la désinfection de l'eau. Pour ce faire, il est nécessaire d’appliquer les conditions de l'ozonation vraie, à savoir le maintien d’un résiduel d’ozone dissous de 0,4 mg O3/l pendant au moins 4 mn ; ainsi s’explique la conception des colonnes de contact à deux compartiments : dans le premier, l'eau qui séjourne en moyenne 2 mn circule à contre-courant avec l'air ozoné ; la demande en ozone à court terme est satisfaite et le résiduel d’ozone dissous atteint 0,4 mg O3/l à la sortie. Le deuxième compartiment sert au maintien de ce résiduel pendant un temps minimum de 4 mn, et cela grâce à une diffusion étagée de l'ozone. Les très nombreuses stations de traitement d'eau qui utilisent ces conditions bactéricides et virulicides dans le monde entier sont autant de preuves de l'efficacité réelle de la désinfection par l’ozone.
Dans le domaine des eaux résiduaires domestiques, l'ozonation est utilisée en tant que traitement tertiaire afin de rendre les effluents rejetés conformes aux normes sanitaires locales. L'abattement de 10^4 coliformes par 100 ml est obtenu avec des taux de traitement variant de 0 à 10 mg O3/l et des temps de contact de 10 à 30 mn selon la qualité de l'eau. Ces conditions semblent suffisantes pour réduire considérablement tout risque dû aux bactéries pathogènes et aux virus. Ainsi, de nombreuses applications ont vu le jour, tout particulièrement aux États-Unis.
Sans vouloir être exhaustif, il faut mentionner les possibilités d’emploi par ailleurs de l’ozone dans le domaine alimentaire, ainsi que dans le conditionnement de l'air.
MISE EN ŒUVRE DE L’OZONE
Bien que toute généralisation soit hasardeuse, néanmoins les remarques suivantes peuvent être énoncées : le lieu d’injection de l’ozone est fonction du but recherché, et le mode d’injection à la fois de la qualité de l’eau et de l’objectif désiré.
— Lieu d'injection :
En général, l'oxydation directe par l’ozone est effectuée en tête de la filière de traitement, tandis que l'oxydation combinée a lieu logiquement avant le traitement qu’il améliore.
Lorsqu’il s'agit d'affinage ou de désinfection, l'ozonation doit être l’étape finale (éventuellement l'une des étapes finales) après que l'eau ait été débarrassée au maximum de ses impuretés, ce qui diminue la demande totale en ozone.
— Mode d’injection :
Il est fonction des contraintes locales et économiques, mais aussi des cinétiques d’oxydation et de désinfection. Si les oxydations sont rapides, l’ozone peut être introduit ponctuellement par des turbines aspirantes ou non, des émulseurs ou des injecteurs. Au contraire, si les réactions sont lentes ou s'il s’agit de désinfection, la diffusion de l'ozone doit être étagée : ceci est réalisé par des diffuseurs poreux.
DEVENIR DU RÉSIDUEL D’OZONE DE LA PHASE GAZEUSE
Trois possibilités peuvent être envisagées : la réinjection, le rejet avec ou sans dilution, ou la destruction (cf. figure 1).
— La réinjection :
Elle ne se justifie économiquement que s'il y a nécessité d'une deuxième ozonation ; ainsi, pour une préozonation, on peut utiliser l'ozone résiduel de la postozonation avec un appoint éventuel d’ozone en provenance des générateurs : tel est le cas de la Station de la Chapelle à Rouen (cf. figure 2).
— La dilution :
Effectuée avec l’air ambiant, elle permet de pallier tout problème de nuisance vis-à-vis de l’environnement.
— La destruction :
Trois méthodes principales sont utilisées industriellement : l'adsorption sur filtre à charbon actif (qui nécessite certaines précautions), la destruction catalytique et la destruction thermique avec récupération de la chaleur des gaz traités. Dans le cas d'utilisation d’oxygène pour la synthèse de l’ozone, celui-ci est recyclé pour des raisons économiques dans l’ozoneur selon le schéma de la figure 1.
AMÉLIORATIONS TECHNOLOGIQUES
L’ozonation a subi des évolutions visant à en faire une technique à la fois plus performante tant dans la synthèse de l’ozone que dans ses applications.
— Synthèse de l’ozone :
L’utilisation de nouveaux diélectriques, l’emploi de thyristors et l’augmentation du nombre de tubes générateurs par appareil sont autant d’améliorations apportées aux ozoneurs. Il en est de même pour leur alimentation, qu’elle soit électrique (utilisation de moyennes fréquences) ou gazeuse (mélanges oxygénés ou oxygène).
— Distribution de l’ozone :
Le fait d’utiliser des injections successives d’ozone de façon à répondre plus spécifiquement à chaque problème (oxydation ou désinfection) améliore sensiblement l’efficacité du traitement, tout en effectuant des économies de réactifs.
— Automatisation de l’ozonation :
L’utilisation de microprocesseurs permet d’asservir la production d’ozone à un signal donné et selon des critères économiques : ce signal peut être le résiduel d’ozone dissous dans l’eau, le résiduel d’ozone dans la phase gazeuse, ou tout autre paramètre en relation avec l’efficacité du traitement.
CONCLUSION
Les diverses possibilités d’emploi de l’ozone dans le traitement des eaux n’auront fait ici l’objet que d’un trop bref aperçu. Cependant, deux phénomènes principaux se dégagent pour expliquer l’essor de l’ozonation : l’amélioration et la généralisation de la qualité des traitements existants, d’une part, soit à des fins de consommation (eau potable), soit à des fins de recyclage ou d’utilisation agricole (eaux usées), et d’autre part, la diversification des applications : épuration des eaux de piscines et de pisciculture, contribution à l’épuration des coquillages, oxydations catalytiques d’effluents industriels, etc.
Dans la plupart des cas, il est nécessaire cependant de procéder à des essais, soit au laboratoire, soit mieux encore en station pilote, de façon à adapter pleinement l’ozonation à chaque cas.
Si l’on ajoute que le prix du traitement à l’ozone est de l’ordre du centime par gramme d’ozone installé (pour des usines utilisant de 50 à 100 kg O₃/heure) et que, d’autre part, dans le seul domaine des eaux potables, plus de 15 millions de mètres cubes d’eau sont ozonés chaque jour, l’ozonation paraît être une technique fiable et sujette à un développement certain.
J.-P. LEGERON.
BIBLIOGRAPHIE
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