De quoi s’agit-il ? D’une combustion en milieu liquide, sans flamme... Ou, plus précisément, d’une oxydation de boues liquides à l’oxygène pur, sous pression et haute température. Dans ces conditions, les matières organiques sont minéralisées en gaz carbonique (CO₂), le résidu solide final étant constitué de la seule matière minérale inerte. Des travaux de recherche et développement communs avec la société suisse Granit Technologies ont conduit à la mise au point d’un nouveau procédé adapté aux spécificités du traitement des boues d’épuration d’eaux résiduaires urbaines ou industrielles.
La question du devenir des boues d’épuration des eaux urbaines et industrielles est plus que jamais d’actualité, notamment depuis les dernières prises de position du monde agricole qui, en France, préoccupent bien des maires ou des responsables d’activités industrielles. Que faire des boues ? Quelle filière de traitement choisir, sachant que l'on s’engage pour 15 ans ? Comment s’affranchir de ce sous-produit fatal de l’épuration des eaux ? Quelle solution choisir qui permette de conserver un bilan environnemental positif ?
C’est en se posant ces questions, qui représentent les principales préoccupations des maîtres d’ouvrage et des exploitants de station d’épuration aujourd’hui, que les départements R&D des sociétés Degrémont et Granit Technologies se sont penchés, depuis plus de deux ans, sur la mise au point et le développement d’un nouveau procédé d’oxydation complète des boues liquides ou OVH (oxydation par voie humide). L’objectif recherché est d’oxyder au maximum la matière organique des boues afin de ne récupérer que la fraction minérale résiduelle inerte, pouvant être valorisée en génie des matériaux. À cet objectif technique s’associe un défi économique : limiter l’incidence financière du traitement des boues sur le prix de l’eau, en particulier pour les collectivités de taille moyenne.
Qu’est-ce que l’OVH ? L’oxydation par voie humide permet de traiter des effluents et/ou des boues liquides,
d'origine urbaine ou industrielle, contenant des charges importantes en composés organiques.
De manière générale, la réaction mise en œuvre consiste à minéraliser aussi complètement que possible les matières organiques, en milieu liquide, à l'aide d'air ou d'oxygène, à haute température (220 à 320 °C) et sous pression (40 à 130 bar). Les matières organiques carbonées sont ainsi transformées principalement en gaz carbonique et en eau, l'azote organique en ammoniaque.
[Photo : Unité d’oxydation par voie humide, CIMO SA, usine de Monthey]
En fin de réaction, on obtient un résidu minéral inerte et un gaz en faible quantité. En d'autres termes, l’oxydation par voie humide peut être considérée comme étant une combustion en milieu liquide et sans flamme, avec la particularité majeure, par rapport à l'incinération classique, de ne produire qu’une très faible quantité de gaz, eux-mêmes dépourvus de poussières et d'oxyde d'azote, ce qui permet de simplifier considérablement leur traitement.
Si les premiers développements de l’OVH ne sont pas récents, les premières applications datant des années 60 aux États-Unis, la plus récente évolution concerne l'utilisation d’oxygène pur comme agent oxydant et son utilisation pour le traitement des boues d’eaux résiduaires urbaines ou industrielles.
Traiter les boues par un procédé adapté
Grâce à l'expérience acquise par la société Ciba-Geigy qui, dans les années 70-80, a développé cette technologie pour le traitement de ses effluents provenant de la fabrication de produits chimiques (à Bâle et à Monthey en Suisse), Degrémont et Granit Technologies ont adapté le procédé au traitement des boues.
Parmi les conditions opératoires, le choix du couple température-pression joue un rôle prédominant sur le rendement d’oxydation, donc sur l’élimination des matières organiques.
Le principe retenu consiste à injecter de l’oxygène pur dans la boue liquide épaissie et à porter le mélange à une température de 280-300 °C, sous une pression de 80-100 bar, sans aucun catalyseur. Dans ces conditions, l’oxygène devient très réactif et oxyde à plus de 80 % les matières organiques, conduisant à la formation de gaz carbonique (CO₂) et d'eau.
Du fait de la température relativement modérée du procédé (par rapport à l'incinération), aucun oxyde d’azote ou composé soufré n'est présent dans les gaz issus de la réaction ; de ce fait, leur traitement est simplifié, seules les traces de monoxyde de carbone sont éliminées dans une enceinte d'oxydation catalytique classique.
La réaction d’oxydation des boues est exothermique ; la chaleur est récupérée afin d'entretenir la température au niveau requis et, le cas échéant (selon la composition de la boue à traiter), l’excédent calorifique pourra être avantageusement valorisé.
En fin de réaction, on obtient une liqueur.
[Photo : Schéma simplifié du procédé OVH Degrémont/Granit]
[Photo : Unité OVH des boues de la station d’épuration d’Orbe (Suisse)]
oxydée de laquelle on extrait, par décantation, la matière minérale.
Ce résidu final, une fois déshydraté mécaniquement à plus de 50 % de MS, est d’un volume considérablement réduit puisqu’il ne représente que 4 à 5 % du volume de boues initial. Il est totalement inerte et pourra être valorisé dans le domaine du génie des matériaux, selon la réglementation en vigueur.
L’effluent liquide est, quant à lui, traité biologiquement (retour en tête de station ou installation dédiée) afin d’en éliminer l'azote ammoniacal.
Le domaine d’application de ce nouveau procédé est large : il intéresse les boues d’eaux résiduaires urbaines ou industrielles, fraîches ou digérées, pour autant qu’elles contiennent une concentration minimale de matières organiques équivalente à 30 g/l de DCO.
Une réalisation sur la station d’épuration d’Orbe (Suisse)
La commune d’Orbe, située à 20 km de Lausanne, en Suisse, s’est équipée en 1998 d’une unité d’oxydation par voie humide pour traiter les boues digérées de sa station d’épuration (d’une capacité de 15 000 équivalents-habitants).
Les raisons qui ont conduit cette collectivité à adopter le procédé que nous venons de décrire sont les suivantes :
- recherche d’une alternative à l’épandage agricole,
- compacité de l'installation, qui doit être très intégrée à la station,
- fonctionnement entièrement automatique,
- diminution des coûts de transport des boues.
Les équipements de l'unité d’oxydation sont montés dans un rack vertical mesurant 10 mètres de hauteur. Dans ce cas précis et en raison de leur composition, les boues liquides, préalablement digérées, sont concentrées à 80 g/l puis envoyées en continu dans le réacteur d’oxydation.
Après traitement, le résidu minéral est déshydraté sur filtre-presse et transporté vers une cimenterie ou mis en décharge. L'installation est conçue pour fonctionner 24 h/24 : toutes les fonctionnalités sont automatisées, visualisées dans la salle de contrôle de la station d’épuration et télésurveillées par la centrale de contrôle de la société Carbagas, exploitant l'unité d’oxydation pour le compte de la commune.
La quatrième voie
Cet exemple montre combien il est possible de proposer des solutions alternatives à l'épandage agricole, la mise en décharge et l'incinération, en particulier pour les stations d’épuration de taille inférieure à 100 000 équivalents-habitants. Dans ce cadre, l’oxydation par voie humide apparaît bien comme la quatrième voie, celle qui permet de résoudre durablement le devenir des boues d’épuration.
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