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Organisation d'un service de distribution d'eau en période de gel

30 avril 1997 Paru dans le N°201 à la page 37 ( mots)
Rédigé par : Olivier PASCAL et Patrice BONARELLI

La Compagnie Générale des Eaux en tant que régisseur du SEDIF à connu une période de gel exceptionnelle du 24 décembre 1996 au 15 janvier extrêmement froide, elle a du faire face à de multiples dysfonctionnements dans les usines de traitement, à des milliers de fuites sur le réseau de distribution et à des centaines de compteurs gelés. Grâce à une intense mobilisation et à une organisation souple et performante, elle a néanmoins réussi à garantir la continuité du service de distribution d'eau potable dans des conditions tout à fait satisfaisantes pour ses abonnés. En effet, la structure originale mise en place en banlieue parisienne pour le compte du SEDIF a permis d'une part de recentrer tous les moyens disponibles sur le traitement des fuites et d'autre part de les réparer avec une très grande rapidité et une très grande efficacité compte tenu du savoir faire existant.

[Photo : Patrice Bonarelli, Compagnie Générale des Eaux]
[Photo : Olivier Pascal, Compagnie Générale des Eaux]
[Photo : Le Centre des Mouvements de l'Eau supervise en temps réel les flux hydrauliques dans le réseau et les sites de production, gère au quotidien l’exploitation des usines, du réseau et des réserves]

Le Syndicat des Eaux d’Ile de France (SEDIF) qui regroupe 144 communes de la banlieue parisienne situées au nord, à l’est et au sud de la ville de Paris a confié à la Compagnie Générale des Eaux l’exploitation de son système de production et de distribution d’eau potable. Il alimente 510 000 abonnés représentant 4 millions d’habitants. La quasi-totalité de la production est assurée.

[Photo : Carte schématique du réseau de distribution d'eau du Syndicat des Eaux d'Île-de-France]
[Photo : Vue intérieure de l'Unité Mobile de Mesures Hydrauliques sur le Réseau (UMHR) spécialisée dans la détection de fuites]

Par trois usines de traitement d’eau de surface réparties sur les principales rivières de la banlieue parisienne : l'usine de Choisy-le-Roi située sur la Seine d’une capacité de 800 000 m³/j, l’usine de Neuilly-sur-Marne/Noisy-le-Grand située sur la Marne d'une capacité de 800 000 m³/j et l’usine de Méry-sur-Oise située sur l’Oise d'une capacité de 270 000 m³/j.

Des ressources complémentaires provenant de nappes souterraines représentent 6 % du total.

Le système de production et de distribution d’eau potable traite donc essentiellement une eau brute de surface dont la température peut varier sensiblement puisqu’elle peut descendre à 0 °C, comme durant l’hiver 96-97, ou atteindre une vingtaine de degrés en période de canicule.

En revanche, l’eau provenant des nappes souterraines n'est pas soumise à ces variations de température.

Au total, le volume journalier moyen mis en distribution représente 900 000 m³/j. Différents sites de réserves totalisant 715 000 m³ permettent d’assurer une autonomie satisfaisante en cas d’incident ou de travaux programmés.

Le réseau de distribution : 8600 km, 540 000 branchements, 500 000 compteurs

Le réseau de distribution d’eau potable desservant le territoire syndical représente 8 600 km de canalisations. Le diamètre des canalisations varie de 60 mm à 2 000 mm. L’essentiel du réseau est constitué par des conduites en fonte de diamètre inférieur ou égal à 100 mm. Ces conduites dites locales auxquelles sont connectés les branchements des abonnés ne représentent pas moins de 5 200 km. Elles se révèlent particulièrement fragiles en période de gel.

À cela, il convient d’ajouter 2 500 km de canalisations en fonte ou en acier de diamètre supérieur ou égal à 150 mm, 250 km de canalisations en matériau plastique de type PEHD et 650 km de feeders « Bonna » en béton armé à âme en tôle d’un diamètre minimum de 400 mm. Ces feeders assurent le transport de l'eau entre les usines de production et les 144 communes du SEDIF.

Le nombre total de branchements est de 540 000 : 85 % ont un diamètre de 20 mm. 200 000 branchements sont en PEHD, 300 000 sont en plomb.

Les compteurs sont au nombre de 500 000 environ : 85 % étant en diamètre 15 mm. Finalement, le réseau de distribution du SEDIF est majoritairement constitué de conduites en fonte de 100 mm auxquelles sont raccordés des branchements de 20 mm équipés de compteurs de 15 mm.

Un rendement remarquable

Ce réseau fait l'objet d’une surveillance permanente de la part de l'exploitant. Ainsi le rendement du réseau (rapport entre les volumes mis en distribution par les moyens de production et les volumes réellement distribués aux abonnés) atteint le chiffre remarquable de 90 %. Il est évalué régulièrement et toute dérive donne lieu à des actions correctives.

Dans un but d’efficacité maximale, différents moyens de surveillance sont mis en œuvre :

  • - Grâce à un système de supervision totalement informatisé, le suivi quotidien des points de nuit (consommations nocturnes entre 3 h et 4 h du matin sur chacun des 40 sous-réseaux hydrauliques) permet de s'assurer que les pertes imputables à des fuites n’augmentent pas.
  • - Une unité mobile spécialisée dans la recherche des fuites (l’UMHR) intervient depuis de nombreuses années sur le réseau du SEDIF. Elle dispose de moyens modernes de type corrélateur acoustique et expérimente en liaison avec des équipes de chercheurs des technologies innovantes comme le géoradar par exemple.
  • - De même, certaines conduites stratégiques jouant un rôle majeur dans la sécurité d’alimentation en eau potable sont équipées de moyens permanents de détection de fuites.

Une politique active de prévention est par ailleurs mise en œuvre. Ainsi, tous les ans, des dizaines de kilomètres de conduites, de...

[Photo : résultat d'une recherche de fuite par corrélation acoustique]

Nombreux branchements et des milliers de compteurs sont renouvelés en fonction de différents critères de vétusté parmi lesquels figure le nombre de fuites enregistrées durant les dernières années.

Le suivi informatisé des incidents et des travaux permet d’optimiser les investissements décidés par le SEDIF.

Dans le cadre de la convention liant la Compagnie au SEDIF, il est à noter que tous les travaux concernant le réseau, qu’il s’agisse de travaux neufs ou de réparations, sont exécutés par une importante filiale de la Compagnie, spécialisée dans les travaux hydrauliques : la Sade. Cette entreprise, certifiée ISO 9002 en 1995, a une parfaite connaissance du réseau de la Banlieue de Paris et a par ailleurs développé des compétences spécifiques sur des technologies comme le forage dirigé ou des savoir-faire comme la suppression de prises sans arrêt d'eau ou le balisage des chantiers.

Les liens entre les deux sociétés se concrétisent au quotidien sur le terrain par le travail en parfaite symbiose des équipes d’inspecteurs-fontainiers de la Compagnie et des équipes de plombiers de la Sade. La complémentarité de ces liens étroits et irremplaçables a permis de garantir pendant la période de gel particulièrement difficile de l’hiver 96-97, une continuité tout à fait satisfaisante du service de distribution d’eau potable.

La période de gel de l’hiver 96-97

On sait que le nombre de fuites augmente considérablement en période de gel (ce nombre augmente également en été, mais dans une bien moindre mesure, lorsque le réseau est davantage sollicité par de forts tirages). Chaque hiver amène ainsi sa période de gel, durant laquelle les équipes de la Compagnie et de la Sade se mobilisent pour réparer les fuites et maintenir l’alimentation en eau potable. Bien que l’hiver 1992-1993 ait été l’un des derniers hivers rigoureux, c’est cependant l’hiver 1984-1985 qui a marqué les esprits par le nombre de fuites enregistrées en quelques semaines. Aujourd’hui, ainsi que les comparaisons l’ont montré, c’est désormais l’hiver 1996-1997 que l’on retiendra.

Cette période de gel que l’on peut qualifier de décennale mérite une description détaillée. Elle s’est déroulée entre le 24 décembre 1996 et le 15 janvier 1997. Durant toute cette période, il a gelé tous les jours en banlieue parisienne et la température de l’air est restée négative la plupart du temps. D’un point de vue simplement climatique, les records n’ont guère été battus, la température n’étant pratiquement jamais descendue en deçà de −15 °C.

Sur le terrain, il a été constaté que le sol était gelé jusqu’à −30 à −40 cm voire moins en milieu urbain. Les agents qui ont de jour comme de nuit travaillé trois semaines durant ont vécu des conditions de travail particulièrement difficiles.

Les conduites, enterrées en règle générale à un mètre de profondeur, ont été relativement épargnées par la température de l’air : il est probable que la température de l’eau soit la cause principale des nombreuses fuites sur le réseau.

En effet, la température de l’eau a atteint des niveaux particulièrement bas puisque l’eau de Marne a, par exemple, oscillé constamment entre 0 °C et 1 °C la semaine du 1ᵉʳ janvier.

Des bilans effectués a posteriori ont par ailleurs montré que les sous-réseaux alimentés par de l’eau d’origine souterraine et donc plus chaude avaient relativement peu souffert pendant la période de gel.

[Photo : un compteur d'eau éclaté par le gel]

Impact du gel sur les moyens de production

Les moyens de production ont été moins touchés mais ont connu eux aussi quelques dysfonctionnements dont voici les principaux :

  • - En premier lieu et alors qu’ils sont situés dans des bâtiments couverts, les filtres ont commencé à geler en raison des mouvements de l’eau par nature très réduits. Des canons à air chaud ont permis de rétablir la situation. D’autre part, l’activité biologique dans les filtres, qui participe à l’élimination de l’ammoniaque en temps normal, est fortement diminuée lorsque la température de l’eau est très froide. Les usines ont ainsi été conduites à traiter l’ammoniaque par une chloration au breakpoint, traitement nécessitant une surveillance accrue.
  • - Enfin, différents équipements sont tombés en panne suite à des problèmes de givre. Il s’agit, entre autres, des stations de rechloration dispersées sur le réseau qui permettent d’augmenter les résiduels lorsque ceux-ci ont trop baissé du fait de la décroissance naturelle du chlore dans le réseau.

Impact du gel sur le réseau de distribution

Les fuites constatées sur ces dernières conduites portent principalement sur des accessoires tels les colliers). Or, les conduites en fonte grise de petit diamètre dont quelques-unes datent encore du siècle dernier sont majoritaires sur le réseau du SEDIF. En d’autres termes et malgré l’importance des investissements de renouvellement, le phénomène des fuites est et restera longtemps encore caractéristique des périodes de gel.

[Photo : Chantier de remblai d'une fouille de fuite sur branchement par une température de -8 °C]

Il se fait ressentir 3 à 4 jours après le début des premiers gels.

Il en est toujours ainsi : un premier gel accompagné par des prévisions météorologiques en baisse constitue immanquablement le signal d’une période difficile à venir. De même, il est courant de constater qu’un réseau se révèle être nettement moins fuyard dans les semaines et même les mois qui suivent une période de gel : d’aucuns prétendent qu’une période de gel permet de « nettoyer » un réseau, c’est-à-dire d’éliminer temporairement ses points faibles.

En fait, le phénomène des fuites en période de gel est encore mal élucidé. Il est probable que la baisse importante des températures et, en l’occurrence, de la température de l’eau, provoque des tensions internes dans le réseau incompatibles avec les marges de dilatation permises par la résistance des matériaux utilisés, résistance qui peut elle-même se modifier sous l’effet de la température par des phénomènes de résilience. Les autres causes habituellement invoquées tels les mouvements de terrain, les effets de la corrosion ou les variations de pression ne font que renforcer cette fragilité momentanée.

La plupart des fuites sur canalisations en période de gel proviennent de ruptures circulaires sur des conduites en fonte grise de diamètre inférieur ou égal à 100 mm (les conduites de diamètre supérieur, plus résistantes, sont comparativement moins affectées ; il en est de même pour les conduites en fonte ductile plus récentes ou les conduites en PEHD). Les fuites constatées sur ces dernières conduites portent principalement sur des accessoires tels les colliers.

Quelques chiffres

Il convient à ce stade de donner quelques chiffres sur l’importance des fuites pendant cette période de gel.

Au total, les équipes de la Compagnie et de la Sade ont dû faire face pendant ces trois semaines à environ 850 fuites sur conduites et 43 000 fuites sur branchements.

À cela, il faut ajouter quelques centaines de compteurs et distributions intérieures gelés chez les abonnés.

Il a ainsi été constaté que le nombre de fuites enregistrées durant cette période de trois semaines équivalait à celui de certaines années entières !

Lors des réunions d’analyse et d’étude qui ont suivi la période de gel, des statistiques détaillées ont été établies.

Par exemple, des corrélations ont été recherchées avec l’année de pose, la commune ou le sous-réseau hydraulique concerné, l’heure de la fuite, le diamètre de la conduite, le linéaire des conduites en service, etc.

Puis, une comparaison a été menée entre les résultats obtenus en moyenne ces dernières années et ceux obtenus pendant la période de gel.

Il faut essentiellement retenir que l’activité fuites pendant la période de gel a été comparable à celles de ces dernières années à un coefficient multiplicateur près. Ce coefficient a été évalué. Globalement, l’activité fuites a été multipliée par 10 pendant trois semaines. Mais il ne s’agit encore que d’un résultat moyen. Le vendredi 3 janvier a été la journée la plus chargée ; ce jour-là, l’activité fuites a été multipliée par 30.

Il en ressort que la période de gel 96-97 constitue une presque parfaite homothétie par rapport à la moyenne. Seules quelques tranches d’âge relatives aux années de pose des conduites se sont avérées plus fragiles. D’autres indicateurs permettent de mesurer l’importance des fuites pendant cette période de gel et d’apporter un éclairage différent. Ainsi le suivi quotidien des points de nuit a mis en évidence des augmentations inquiétantes dès la fin du mois de décembre. Un sous-réseau est ainsi passé progressivement d’une demande nocturne moyenne de 500 m³/h à 700 m³/h. Le volume journalier moyen mis en distribution par les usines de production, qui représente 900 000 m³/j en moyenne annuelle et généralement moins en hiver, a dépassé pendant plusieurs jours de janvier 1997 la barre du million de m³/j. Même si certaines fuites se sont produites sur les réseaux intérieurs des abonnés, il n’en reste pas moins que le volume perdu en raison des fuites imputables à la période de gel a représenté à certains moments plus de 10 % du volume total introduit dans le réseau.

À l’issue de la période de gel, quelques réseaux ne sont pas revenus à leurs niveaux habituels et des campagnes de recherche de fuite systématique ont été entreprises de manière à redresser la situation.

Une organisation souple et adaptée

Comme on peut l’imaginer, une période de gel telle que celle de l’hiver 96-97 aboutit à une situation de crise qu’il convient de maîtriser au plus vite.

En règle générale, ce ne sont pas les moyens matériels qui font brutalement défaut, mais les moyens en personnel. Il serait en effet complètement déraisonnable sinon extrêmement coûteux pour la collectivité de disposer en permanence d’effectifs permettant de faire face à une activité fuites 30 fois ou même 10 fois supérieure à la normale. Compte tenu des standards de qualité de service auxquels sont habitués les abonnés du SEDIF, il serait impensable d’adapter les délais d’intervention aux effectifs existants et de priver d’eau des centaines d’abonnés pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines !

[Photo : Intervention des Équipes de la Compagnie Générale des Eaux et de la Sade pour la réparation d'une canalisation de 1000 mm de diamètre durant l'hiver 96-97]

Si la continuité du service de distribution d'eau potable sur le territoire syndical a pu être maintenue de façon satisfaisante dans des conditions aussi difficiles, c’est parce qu'une organisation adaptée à cette période de gel a été préalablement définie, permettant de gérer une telle crise avec une extrême efficacité. La caractéristique principale de cette organisation est évidemment d’avoir mobilisé la quasi-totalité des forces de l'exploitation sur le traitement des fuites. Mais le succès de l’opération réside sans doute dans le fait de s’être préparé à cette nouvelle structure bien avant la période de gel en modulant les niveaux d’alerte.

Une mobilisation maximale

La notion d’alerte est en effet familière à la Banlieue de Paris. Depuis de nombreuses années, il est apparu nécessaire de définir des organisations spécifiques adaptées aux situations de crise et permettant de s’assurer que l'information circule efficacement et que les compétences requises sont mobilisées. Il existe ainsi un plan d’alerte pollution rivières ou un plan d’alerte crues. En période de gel, il existe de la même manière une notion d’alerte bleue où tous les agents susceptibles d’assurer une astreinte en dehors des heures ouvrables sont mobilisés. Cet hiver, c’est l'alerte rouge, synonyme de mobilisation maximale, qui a été déclenchée. Dans un tel cas, toutes les activités qui ne répondent pas à une demande urgente d’un abonné sont reportées. Il s'agit, par exemple, de la pose d’une canalisation neuve ou d'une démarche administrative de relance avant fermeture. D’autre part, tous les agents de l’entreprise peuvent être mobilisés et être amenés à faire des heures supplémentaires pour faire face aux fuites. Pendant la période de gel 1996-1997 et malgré les difficultés climatiques, tous les inspecteurs-fontainiers ont fait des heures supplémentaires. De son côté, la Sade a été dans l'obligation de demander des renforts à des centres de province moins touchés par la période de gel.

En fait, et l’expérience l’a montré, il ne faut guère compter en période de gel sur une aide externe concernant les terrassements et les travaux hydrauliques. La pénurie est comparable à celle que connaissent les loueurs de groupes électrogènes en cas de panne importante d’EDF.

Des équipes renforcées

Certaines agences ont reçu plus de cent appels en une seule nuit alors qu’elles n’en reçoivent que quelques-uns en période normale. Il était donc essentiel de prendre toutes les dispositions pour limiter autant que possible les attentes téléphoniques.

En période de gel, autant il est souhaitable d’apporter aux abonnés toute l’assistance téléphonique qui peut leur être utile, autant il est crucial d’éviter des interventions sur site lorsqu’elles ne sont pas indispensables. En raison de la surcharge de travail induite par les fuites, une heure consacrée au réseau intérieur d’un abonné peut facilement correspondre à une heure d’attente supplémentaire pour des centaines d’abonnés privés d’eau suite à une fuite sur conduite.

Ce sont les agents administratifs ayant reçu une formation sur le fonctionnement d’un réseau et de ses appareils et chargés habituellement des relations avec la clientèle et des questions liées à la facturation qui, mettant tous leurs dossiers non urgents en attente, sont en mesure d’expliciter les demandes des abonnés.

En fonction des informations de gravité recueillies par téléphone, un appel radio permet de dépêcher sur place aussi rapidement que possible un agent technique, en général un inspecteur-fontainier.

[Photo : Équipe d’intervention effectuant la réfection d’un sol, de nuit, durant l’hiver 96-97]

Celui-ci localise la fuite à l'aide d'un appareil de détection et prévient les abonnés concernés en les invitant à faire des réserves. Si la fuite est difficilement localisable, ce qui est souvent le cas avec des revêtements urbains très imperméables, il doit faire appel aux moyens sophistiqués de l’unité spécialisée dans la recherche de fuite dont les équipes sont également renforcées.

En période normale, si la fuite ne crée pas de dommage, l’arrêt d’eau n'est effectué que lorsque les terrassements sont suffisamment avancés au point que la conduite au droit de la fuite est parfaitement dégagée. On évite ainsi tout risque d’infiltration à l’intérieur de la conduite. En période de gel, cette procédure dite « Intervention sous haute protection sanitaire » doit être adoptée car l’écoulement de l'eau sur la chaussée provoquerait des plaques de verglas et entraînerait une insécurité pour les riverains.

De même, en période normale, il est d’usage de proposer un moyen de dépannage aux abonnés concernés en installant des appareils appelés cols de cygne sur les conduites adjacentes. Il suffit ensuite de porter l’eau entre le point de puisage et son domicile. Le gel interdit l'utilisation de ces appareils et la seule solution lorsqu’elle se justifie est de faire venir une citerne et de la

protéger au mieux des risques de gel.

Une dernière différence concerne la procédure de remise en eau. En période normale, une seule des vannes est réouverte et un coffre est ouvert à l’opposé de la conduite arrêtée, ce qui permet dans un premier temps d’éliminer l’air de la conduite et dans un deuxième temps de laisser l’eau s’écouler jusqu’à ce que les mesures de qualité d’eau soient satisfaisantes. En période de gel, les coffres sont souvent inutilisables car gelés et la remise en eau se résume parfois à réouvrir délicatement les vannes de manière à ne pas créer de nouvelles fuites. Entre-temps, ce sont les équipes de la Sade qui procèdent à la réparation des conduites et branchements.

Dès qu’une fuite est localisée, le fontainier réalise un marquage caractéristique sur le trottoir ou sur la chaussée à l’endroit présumé de la fuite. La Sade qui utilise le même système de radio que la Compagnie est contactée et arrive sur place alors que l’agent technique de la Compagnie est souvent déjà parti sur une autre intervention.

La Sade sait qu’elle doit creuser une fouille au droit du marquage et réparer la conduite en utilisant des moyens standards (manchons ou coupes).

Il est nul besoin de lui établir un cahier des charges ou même de lui expliquer la nature de la prestation attendue. En fait, c’est elle qui a posé cette conduite et c’est elle qui prend en charge la totalité de l’entretien du réseau. Elle sait donc parfaitement ce qu’elle a à faire et lorsqu’elle aura terminé, il lui suffira de recontacter par radio l’inspecteur-fontainier qui pourra alors venir vérifier la qualité des travaux effectués et procéder à la remise en eau. Une fois cette dernière terminée, il restera à la Sade à combler la fouille selon des modalités prédéfinies et à refaire le revêtement de chaussée.

Le fait de confier à la même entreprise les travaux neufs et l’entretien, c’est-à-dire finalement toutes les activités concernant le réseau de distribution, a permis par un simple jeu interne de réaffectation des ressources humaines de renforcer singulièrement les effectifs affectés à la situation de crise. C’est l’une des raisons qui permet d’expliquer que la Compagnie ait pu trois semaines durant faire face à une activité fuites multipliée par 10 sans dégrader fortement ses délais d’intervention.

Une telle organisation est originale au sens où elle permet également de séparer les métiers en donnant à chacun d’eux la possibilité d’accélérer son expertise et son efficacité.

Une politique d’assistance immédiate

L’eau issue d’une fuite peut aussi soulever des revêtements de chaussée, créer des éboulements, inonder des caves de riverain ou des parkings etc. L’importance de la fuite prend alors une toute autre ampleur. En cas de dommages à chaussée, le problème est de trouver rapidement une solution satisfaisante en matière de circulation, ce qui n’est pas toujours simple en région parisienne.

Si les dommages touchent directement les riverains, la situation peut être beaucoup plus délicate. Depuis plusieurs années, une unité spécialisée a été mise sur pied pour traiter les cas difficiles.

Dans les heures qui suivent l’incident, elle est en mesure de faire nettoyer les locaux inondés, de faire venir les experts des assurances et de payer des dédommagements aux riverains sinistrés. Grâce à cette politique d’assistance efficace et rapide, les fuites avec dommages sont devenues humainement plus acceptables, ce dont on ne peut que se féliciter.

Conclusion

La Compagnie en tant que régisseur du SEDIF a connu une période de gel exceptionnelle du 24 décembre 1996 au 15 janvier 1997.

Durant ces trois semaines et du fait d’une température de l’eau extrêmement froide, elle a dû faire face à de multiples dysfonctionnements dans les usines de traitement, à des milliers de fuites sur le réseau de distribution et à des centaines de compteurs gelés. Grâce à une intense mobilisation et à une organisation souple et performante, elle a néanmoins réussi à garantir la continuité du service de distribution d’eau potable dans des conditions tout à fait satisfaisantes pour ses abonnés.

La principale difficulté tient à la surcharge de travail générée par le traitement des fuites qui sont 10 fois, et même 30 fois à certains moments, plus nombreuses qu’en période normale.

Grâce à la très grande flexibilité que procure la notion d’alerte et à la motivation exceptionnelle du personnel, toutes les forces ont été mobilisées pour faire face à cette situation de crise.

Une organisation sensiblement différente de celle qui prévaut habituellement ne peut se décréter lorsque le thermomètre franchit le seuil de gel. Qu’il s’agisse d’accueillir des milliers d’appels téléphoniques ou de réparer des milliers de fuites, la préparation et la formation du personnel est essentielle.

Il convient également de souligner l’importance de certaines unités spécialisées dans la recherche de fuites ou le traitement des dommages. L’existence de ces unités et les compétences uniques qu’elles ont su acquérir tiennent évidemment pour beaucoup à la taille du SEDIF et à sa vocation d’excellence.

L’organisation d’une exploitation aussi vaste et indéniablement sophistiquée sur certains aspects que celle de la Banlieue de Paris n’est pas pour autant figée. L’un des mérites indiscutables de la Compagnie est de savoir allier souplesse et efficacité pour remplir une mission de service public d’une qualité irréprochable tout en s’adaptant aux changements parfois brutaux de son environnement.

[Encart : texte : Références bibliographiques ■ DIVENOT (A.), Vague de froid et ruptures de conduites. L’Eau Pure, n°53, 2e semestre 1979, pp. 23-24 ■ HEMERY (J.), HALPERN (O.), La ville en hiver : le rôle du concessionnaire de réseaux d’eau et d’assainissement. L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances, n°122, octobre 1988, pp. 91-93 ■ GRIMAUD (A.), PASCAL (O.), REVOL (D.), DELBOUIS (B.). Un système automatique de détection de fuites sur grosses conduites. L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances, n°143, février 1991, pp. 56-58 ■ PASCAL (O.), REVOL (D.), Les forages dirigés appliqués à la pose de canalisations d’eau. L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances, n°145, avril 1991, pp. 33-35 ■ GAURIAU (G.), DEVAUCHELLE (V.). La maîtrise des réseaux de distribution d’eau potable. Valorisation avancée des débits acquis en continu. Techniques, Sciences, Méthodes – L’Eau, vol. 94, n°2, février 1996, pp. 121-126 ■ Qualité Sade (Bulletin d’information de la Sade en Région Parisienne), n° spécial janvier 1997, p. 18 ]
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