Your browser does not support JavaScript!

Undefined variable: metadesc
Undefined variable: metadesc
Undefined variable: metadesc
Undefined variable: metadesc

Optimiser les performances des digesteurs : l'utilité des tests en laboratoire et mesures Flash BMP® de potentiels méthanogènes

31 octobre 2014 Paru dans le N°375 à la page 29 ( mots)
Rédigé par : Michel TORRIJOS, Romain CRESSON et Eric LATRILLE

Cet article présente les plus récents développements réalisés dans les domaines de la mesure et des essais en laboratoire appliqués à la méthanisation. Ces innovations, directement issues de la recherche, permettent aujourd'hui d'appréhender de manière fiable et standardisée les processus et les procédés de méthanisation. Ces nouveaux outils analytiques, expérimentaux et de modélisation, offrent ainsi aux opérateurs de nouvelles solutions pour prévenir les dysfonctionnements et optimiser les performances de leurs unités de méthanisation.

La mesure du potentiel méthanogène : du BMP au Flash BMP®

Le potentiel méthanogène, également appelé BMP (Biochemical Methane Potential), correspond à la quantité de méthane produit par un substrat organique lors de sa biodégradation en condition anaérobie. Sa mesure est un élément central et incontournable pour toute réflexion autour des procédés de méthanisation, depuis l’analyse technique et économique d’un projet, le dimensionnement des installations de traitement et de valorisation, jusqu’à l’évaluation des performances d’un procédé.

Les méthodes « standard » de mesure reposent sur la mise en culture en bioréacteur fermé d’une quantité connue de matière organique à caractériser en présence de micro-organismes anaérobies (inoculum). Au cours de l’essai, les microorganismes dégradent la matière organique apportée, ce qui se traduit par la production de biogaz. Le potentiel méthane est déterminé à partir de la quantité cumulée de méthane produit au cours de l’essai. La durée de ce type d’essai constitue un des principaux freins à son application pour le suivi des unités de méthanisation. Elle varie en fonction de la nature des substrats testés, de quelques dizaines de jours, à plus de 90 jours dans le cas de substrats solides lentement biodégradables.

La mesure Flash BMP®, fruit de la collaboration entre Ondalys, Veolia Environnement Recherche et Innovation et le Laboratoire de Biotechnologie de l’Environnement de l’INRA de Narbonne, permet de déterminer le potentiel méthanogène des déchets organiques solides en seulement quelques heures. L’analyse repose sur une analyse de la matière organique d’un échantillon par spectroscopie proche infrarouge (SPIR). La SPIR est une technique analytique éprouvée qui analyse quantitativement et qualitativement la matière organique en distinguant les différentes familles de molécules (glucides, protéines, lipides, fibres, etc.). La modélisation à partir de spectres issus de SPIR repose sur une méthode par apprentissage : un ensemble d’échantillons d’étalonnage est utilisé afin d’établir le lien entre les spectres PIR des échantillons (les déchets) et une valeur d’intérêt (le BMP, mesuré par méthode standard). Flash BMP® a été établi à l’aide de 500 substrats de natures différentes, afin

de le rendre le plus robuste possible vis-à-vis des différents substrats organiques existants.

Les avantages de Flash BMP® sont nombreux :

  • — La mesure est rapide, seulement 1 minute pour l'analyse spectrale et quelques heures pour la préparation de l'échantillon (séchage/broyage), contre plus de 90 jours dans le cas des substrats solides les plus lentement biodégradables,
  • — Il est aisé de multiplier le nombre d'échantillons analysés, ce qui répond aux problématiques d'hétérogénéité et de variabilité des substrats,
  • — La validation a été faite sur une grande base de données d'échantillons divers, ce qui rend Flash BMP® robuste vis-à-vis des différents substrats.

Flash BMP® peut ainsi constituer un outil de choix pour optimiser les performances des digesteurs industriels, notamment grâce à :

  • — une aide au dimensionnement des installations de méthanisation,
  • — la caractérisation plus rapide des intrants adaptée aux contraintes des exploitants, permettant l'optimisation « en temps réel » des mélanges de co-digestion,
  • — l'évaluation du potentiel méthanogène résiduel grâce à la caractérisation des digestats en sortie de digesteur.

Mesure des vitesses de biodégradation des substrats et « recettage »

Les travaux réalisés au Laboratoire de Biotechnologie de l'Environnement de l'INRA de Narbonne ont abouti à la mise au point d'un protocole standardisé de mesure du rendement en méthane et de la cinétique de dégradation de la matière organique des substrats solides en condition anaérobie. Les données obtenues grâce à ce type d'essai permettent d'accéder de manière très précise à la mesure du potentiel méthanogène et du potentiel biogaz, mais elles peuvent également être utilisées pour classer les substrats en fonction de leurs cinétiques de dégradation afin de :

  • — Déterminer la charge appliquée spécifiquement pour chaque substrat,
  • — Optimiser les mélanges en co-digestion en tenant compte des vitesses de dégradation propres à chaque substrat.

Le protocole

À la différence du protocole standard de mesure du potentiel méthanogène, le protocole prévoit plusieurs ajouts successifs (généralement 6 à 7) du même substrat, jusqu'à ce que les profils de production de biogaz d'un essai à l'autre soient reproductibles. La mesure est ainsi effectuée avec un écosystème anaérobie acclimaté au substrat. En effet, des essais réalisés dans des réacteurs discontinus ont montré que la cinétique de production de biogaz mesurée lors du premier ajout de substrat est souvent très différente des cinétiques mesurées lors des ajouts suivants (figure 1). Il est donc essentiel de tenir compte de cette adaptation de l'écosystème anaérobie au substrat pour la mesure de la cinétique de dégradation.

La quantité de substrat ajouté à chaque cycle d'alimentation est faible, ce qui implique des temps de réaction courts (< 7 jours pour la majorité des substrats) et permet le maintien d'une activité méthanogène stable et optimale lors des ajouts successifs de substrat, plus proches des conditions mises en œuvre à l'échelle industrielle.

Le débit de biogaz est mesuré en continu (une mesure toutes les 2 minutes ou tous les 3 mL) à l'aide d'un débitmètre adapté permettant de visualiser la cinétique de biodégradation du substrat. Les ajouts successifs de substrat sont ainsi réalisés sans aucune phase de latence.

[Photo : Figure 1 : Exemple d'évolution des cinétiques de production de biogaz lors des ajouts successifs de substrat (déchet de charcuterie).]
[Photo : Figure 2 : Valeurs mesurées expérimentalement et valeurs prédites par le modèle « ADM1 based AcoD » : du volume cumulé de biogaz produit en semaine 2 (a) ; du volume cumulé de biogaz produit en semaine 15 (b) ; du pH (c) ; du taux de matière volatile (d) et de l'alcalinité (e), de la 2ᵉ à la 15ᵉ semaine.]
[Photo : Cinétique de biodégradation de la matière organique dans un même digesteur fonctionnant à différentes charges appliquées]

La cinétique finale mesurée après acclimatation des microorganismes au substrat est interprétée.

Interprétation des résultats

À partir des essais réalisés en batch, les constantes cinétiques des différents substrats peuvent être estimées et être utilisées pour simuler le fonctionnement de digesteurs de co-digestion en utilisant le modèle ADM1 modifié pour la co-digestion (ADM1-based AcoD). Ce modèle mathématique permet de simuler la production de biogaz d’un réacteur industriel de co-digestion. La figure 2 : Valeurs mesurées expérimentalement et valeurs prédites par le modèle « ADM1 based AcoD » : du volume cumulé de biogaz produit en semaine 2 (a) ; du volume cumulé de biogaz produit en semaine 15 (b) ; du pH (c) ; du taux de matière volatile (d) et de l’alcalinité (e), de la 2ᵉ à la 15ᵉ semaine montre l’excellente correspondance entre les valeurs de production de biogaz, les taux de matière volatile, le pH et l’alcalinité mesurés sur un méthaniseur en fonctionnement et ces mêmes paramètres simulés à partir des données cinétiques mesurées en réacteur batch.

Une modélisation plus simple peut également être utilisée. La matière organique des substrats est divisée en 3 compartiments ayant des vitesses de dégradation différentes : un compartiment rapidement biodégradable (K1), un compartiment moyennement biodégradable (K2) et un compartiment lentement biodégradable (K3). Les substrats peuvent alors être classés en fonction de leurs cinétiques de dégradation. Ce modèle simple permet de prédire la production de biogaz d’un réacteur de co-digestion en fonction des paramètres opératoires (charge appliquée, temps de séjour, etc.). La figure 3 : Cinétique de biodégradation de la matière organique dans un même digesteur fonctionnant à différentes charges appliquées montre ainsi l’accumulation de matière organique lentement biodégradable dans le digesteur lorsque la charge appliquée est trop forte (5 kg.m⁻³.j⁻¹), alors que la totalité de la matière organique est dégradée lorsque la charge appliquée est égale à 2 kg.m⁻³.j⁻¹.

[Photo : Réacteurs de laboratoire pour la méthanisation de substrats solides (photo de gauche), liquides ou pâteux (photo de droite) - 1) Débitmètre gaz, (2) Balance (suivi en ligne de la masse), (3) Système de régulation de température, (4) Moteur d’agitation, (5) Réacteur double-enveloppe, (6) Sas d’alimentation/soutirage, (7) Système de contrôle et d’acquisition des données en ligne, (8) sondes pH et température]

Essais en réacteurs pilotes : dimensionnement et optimisation

Les essais réalisés en réacteurs pilotes ont pour objectif de reproduire les conditions opératoires et le comportement des différents procédés industriels. Il existe ainsi de nombreux types de digesteurs pilotes permettant de tester tous les types de procédés de méthanisation existants : réacteur contact anaérobie, méthaniseurs voie sèche continue ou discontinue (batch), méthaniseurs voie humide, méthaniseurs bi-étape, réacteurs à lits fluidisés, à biofilms ou à granules (UASB), etc.

Les résultats obtenus grâce à ce type de simulation en réacteur fournissent des informations fiables permettant de réaliser des bilans matière et énergie représentatifs, d’identifier les limitations éventuelles et de proposer des solutions adaptées afin de définir les paramètres de fonctionnement optimaux de digesteurs industriels.

Un essai à l’échelle pilote peut être réalisé dans le cadre d’une étude précédant l’implantation d’une unité de méthanisation. Elle a alors pour objectif de fournir au porteur de projet ou au constructeur les informations fiables, nécessaires au dimensionnement du méthaniseur, concernant :

  • les performances du procédé (taux d’épuration, taux de dégradation de la

matière) afin de valider le choix d'une technologie adaptée aux caractéristiques du gisement ;

  • - le débit et la composition du biogaz produit (CH4, CO2, H2S, siloxanes, NH3, …) afin de dimensionner les installations de traitement et de valorisation énergétique,
  • - la quantité et la composition du digestat, afin d’envisager les filières de valorisation matière et d’entamer les démarches d’homologation des matières fertilisantes issues du méthaniseur.

Dans le cadre du suivi d'une unité de méthanisation en fonctionnement, la mise en œuvre de ce type d’essai permet :

  • - de tester la biodégradabilité anaérobie de nouveaux substrats ou d'un mélange de substrats dans les conditions opératoires représentatives du fonctionnement de l’unité industrielle, évitant ainsi les dysfonctionnements potentiels du procédé en exploitation (changements trop brutaux des conditions d’alimentation, surcharges organiques, etc.) ;
  • - d'identifier et de résoudre les problèmes de toxicité ou d’inhibition dus à la présence de certains composés (solvants, antibiotiques, substrats azotés ou soufrés, …) ;
  • - de mettre en évidence des phénomènes de carence ou de déséquilibres nutritionnels, et de tester des solutions permettant d'y remédier (complémentation, modification de la composition de la ration d’alimentation, …).

Certains substrats subissent également, en amont de la méthanisation, des étapes de stockage ou de prétraitement : broyage, homogénéisation, tri, séparation, hygiénisation, pasteurisation, dilution, hydrolyse, … Ces phases de stockage et de prétraitement vont modifier la biodégradabilité et les caractéristiques physiques, chimiques et microbiologiques des matrices organiques. L’étude de ces prétraitements à l’échelle pilote permet d’évaluer leur efficacité ou leurs impacts en amont de la digestion anaérobie.

Où réaliser ce type d’essais et d’analyses

Principal centre de ressource dans le domaine de la méthanisation au niveau national, le Laboratoire de Biotechnologie de l'Environnement (LBE-INRA, à Narbonne : www.montpellier.inra.fr/narbonne) est un des laboratoires de recherche leaders mondiaux dans le domaine de la digestion anaérobie. Il bénéficie d'une implantation de 4 800 m² dont 1 900 m² de halle expérimentale et d'un équipement scientifique et analytique de pointe. Les différentes plateformes analytiques et expérimentales offrent un ensemble d’équipements, permettant l'étude des procédés et des filières de traitement des effluents et des résidus solides (déchets ménagers, agricoles, boues de stations d’épuration) ou de valorisation de biomasses par méthanisation.

Centre de ressource et de transfert technologique, adossé au LBE, INRA Transfert Environnement (www.montpellier.inra.fr/it-e) consacre une large part de son activité à la réalisation d’analyses et d’expérimentations dans le domaine de la méthanisation, depuis la caractérisation de gisements de matières organiques jusqu'à la réalisation de prestations « sur-mesure », qui correspondent à des réponses spécifiquement adaptées au problème du demandeur : études de faisabilité au stade laboratoire et/ou au stade pilote, étude des microorganismes dans leur environnement, expertise des procédés industriels de dépollution, …

[Publicité : OVIVE]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements