Quel que soit le devenir (valorisation ou élimination) des boues résiduaires en sortie de station d'épuration, une phase de concentration en matière sèche s'impose au préalable. Elle s'opère par épaississement, déshydratation voire séchage et se mesure notamment en terme de siccité. Son optimisation repose sur une multitude de paramètres.
Les boues résultent du traitement des eaux potables, industrielles et/ou résiduaires urbaines. Elles se composent en majorité d'eau (à près de 99 %), de matières organiques fermentescibles et de matières minérales (solubles et insolubles). Leur traitement consiste à réduire la teneur en eau, à stabiliser la matière organique afin d'en atténuer le caractère malodorant et à détruire les micro-organismes pathogènes (opération dite d’hygiénisation). Et ce, afin soit de les éliminer (par incinération ou par stockage en centre d’enfouissement technique), soit de les valoriser en matière (compost issu de leur mélange avec des déchets verts, amendement agricole, carburant de fours à cimenterie...) ou sous forme énergétique (production de biogaz, combustible thermique…), ou encore tout simplement pour les conditionner. Aussi, de “déchet” de traitement des eaux, le traitement des boues tend à produire de véritables “produits” (ou sous-produit du traitement des eaux) soumis à homologation, normalisation et en fin de compte, aux lois du marché.
Siccité et structure des boues conditionnent les possibilités de valorisation
La siccité représente un caractère fondamental des boues. La structure des boues également : « La rhéologie devient un paramètre de plus en plus important, estime
Claude Prevot, de la Direction Expertise de Degrémont (spécialiste du traitement de l'eau et filiale de Suez Environnement). Si les boues sont destinées à l'incinération, il n'est pas gênant qu'elles se présentent sous la forme de “pâte à dentifrice”; pour d'autres applications il est important qu'elles soient bien structurées : c'est le cas pour l'épandage de boues ou pour certains types de sécheurs à air chaud pour lesquels une structure physique adaptée est obligatoire pour éviter tout collage et mauvaise répartition d'air ». En désignant le taux de matière sèche contenue dans les boues, la siccité conditionne les possibilités de valorisation des boues. La valorisation en combustible thermique, par exemple, nécessite des boues sèches à quelque 90 % de siccité. Par ailleurs, le seuil de 30 % de siccité peut être dépassé avec des technologies de déshydratation poussée, comme l'électro-osmose par exemple. « À partir de 30 % de siccité les boues sont en général autothermiques et peuvent être incinérées, à partir de 65 % elles sont plutôt co-incinérées (avec des déchets ménagers), et au-delà de 90 % elles alimentent des fours de cimenterie », précise Jacques Valentin, directeur commercial d’Innoplana, filiale de Degrémont Technologies, spécialisée dans le séchage des boues.
Aussi, un certain nombre de technologies mises en œuvre dans la filière de traitement des boues permettent d’augmenter la siccité des boues primaires. La floculation, par ajout de produits chimiques, est indispensable avant tout épaississement dynamique pour accélérer la séparation entre l'eau et la matière. L'épaississement conduit à des boues d'une siccité pouvant atteindre de 5 à 8 %, sans en changer sensiblement le caractère liquide. Il s’opère par voie gravitaire dans un concentrateur ou par action mécanique : les tables d’égouttage proposées par EMO, Huber Technology, ATR Créations, Andritz, Degrémont, ou encore NTE permettent d'atteindre une siccité finale de 6 à 8 % et une réduction du volume des boues d'un facteur six à sept. Les épaississeurs dynamiques avec tambour à disques autonettoyant de la gamme Adequapress TH, proposés par Adequatec, épaississent des boues mêmes très diluées jusqu’à des siccités allant de 5 à 12 %. Ils sont utilisés aussi bien pour les petites que les très grandes stations d'épuration où ils fonctionnent 24 h/24. Ainsi trois épaississeurs Adequapress TH3300 d'une capacité unitaire de 2 500 kg/h équipent la station centrale de la ville de St. Petersbourg qui a été réalisée par Veolia Water.
La déshydratation des boues leur confère un caractère solide, avec une siccité pouvant atteindre jusqu’à 35 %. Elle s’opère par filtres à bandes (basse, moyenne ou haute pression), un système continu basé sur le couplage d’une filtration gravitaire et d’un pressage. Les filtres à bandes fournis par Tefsa, Emo, ATR Créations, PHR Industrie, Andritz, Degrémont ou encore Huber Technology permettent d’atteindre une siccité allant de 18 à 30 % selon la nature des boues. La centrifugation, qui consiste à soumettre les boues à une force centrifuge pour provoquer leur décantation accélérée, permet d’aller plus loin. Andritz, Alfa Laval, PHR Industrie, Sweco, Huber Technology ou encore Westfalia Separator proposent une large gamme de décanteuses centrifuges dédiées aux petites comme aux grandes stations d’épuration.
La gamme Adequapress DH de presse à vis avec tambour autonettoyant et incolma-
table, proposée par Adequatec permet aussi d’atteindre 18 à 30 % de siccité selon la nature des boues. Dernière unité installée en France, un Adequapress DH3200 sur la station d’épuration de la commune d’Idron (64), délivre jusqu’à 80 kg MS/h à une siccité réglable entre 18 et 23 %. Ces boues sont par la suite incinérées à Lacq. Avec la gamme Adequapress H, Adequatec propose aux petites et moyennes stations d’épuration d’épaissir ou de déshydrater les boues de manière réversible avec une seule machine.
Les filtres-presses commercialisés par Faure Equipements, Choquenet, Andritz, Tefsa, Emo, NTE, PHR Industrie permettent d’atteindre 30 à 35 % de siccité et présentent l’avantage, en conjuguant déshydratation et pressions élevées, d’obtenir des boues structurées. À noter que le filtre-presse automatique permet un gain de siccité d’environ 10 % par rapport au modèle simple, de même que les filtres à plateaux à membranes offrent un gain de siccité de l'ordre de 5 % par rapport au modèle simple.
Enfin, le séchage permet d’éliminer tout ou quasi-totalité de l’eau présente dans les boues et d’atteindre jusqu’à 90 à 95 % de siccité. Il peut s’opérer par évaporation naturelle (système des lits de séchage à l’air libre, à l’efficacité améliorée par la présence de filtres plantés) ou par évaporation thermique. Problème : le séchage thermique est un procédé énergivore. L'obstacle peut toutefois être contourné. Ainsi, sur l’usine de Valenton, exploitée par le Sequaris, société dédiée commune à deux filiales de Suez Environnement : Degrémont et Eaux & Force, pour le compte du SIAAP, trois sécheurs Andritz produisent des boues séchées à plus de 90 % de siccité. Ces boues, qui acquièrent une valeur énergétique proche de celle d'un charbon pauvre, deviennent en fin de cycle la source d’énergie renouvelable qui va être transformée en énergie sur le site même de Valenton pour alimenter les sécheurs en énergie thermique.
De même, la toute nouvelle usine de traitement des eaux usées de Dijon-Longvic baptisée “Eeauvitale” et inaugurée le 12 décembre 2007, repose sur un traitement des boues original, mis au point par Degrémont, avec un couple sécheur-four d’incinération auto-thermique, permettant d'économiser 700 000 litres de fuel par an, et donc de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Concrètement, le four et le sécheur s’échangent l’énergie dissipée pour fonctionner de manière autonome. Première en France, les boues sous forme de granulés issues du sécheur, mélangées aux boues déshydratées, font que le four n’a plus besoin de combustible fossile pour fonctionner. Autrement dit, le gaz ne sert plus qu’à mettre le four à température.
Veolia Water Solutions et Technologies propose une solution similaire avec “Biocon”, un procédé qui couple le séchage des boues avec une unité de récupération énergétique utilisant les boues séchées comme combustible. Pyrofluid® est une autre solution de traitement thermique proposée par Veolia Water Solutions & Technologies permettant d’oxyder la matière organique contenue dans les boues.
boues d’épuration. Elle met en œuvre un four d’incinération à lit de sable fluidisé, porté à environ 900 °C et assurant en quelques secondes la combustion totale des boues. Pyrofluid® permet de traiter les boues urbaines au sein d’unités de capacité variable (200 kg à 5 t MS/h) et de générer des sous-produits inertes et valorisables (cendres, poussières). Le procédé peut faire l'objet d'une valorisation énergétique via un recyclage au sein même du process : réduction de l'apport en combustible, distribution de chaleur, production d’électricité, etc.
De son côté, DS Environnement optimise le bilan énergétique de son process de séchage en traitant tout à la fois les boues, les buées et l'air malodorant et en ne générant ni rejet pollué, ni rejet liquide au milieu naturel. Mais surtout, combiné à une chaudière de récupération d’énergie, il favorise l’oxydation des polluants. La chaudière fournit ainsi l’énergie nécessaire à l’installation de séchage.
Même souci d’optimisation chez Degrémont-Technologies-Innoplana avec son Innodry 2E™, un sécheur mixte utilisant en premier étage un séchage à couche mince et en second étage un sécheur à bande à air chaud qui permet d'atteindre des performances supérieures aux autres sécheurs avec un bilan énergétique se situant dans la fourchette des 700 à 850 kWh d'eau évaporée, et qui offre une capacité évaporatoire allant jusqu'à 3 t/h par ligne. Sécher des boues à 90 % de siccité requiert une grande attention en termes de sécurité : Degrémont Technologies, avec l'Innodry 2E, garantit des taux de poussières extrêmement faibles, qui, couplés au fonctionnement basse température, suppriment tout risque d’explosion.
Autre moyen de réduire la facture énergétique, le séchage solaire des boues.
Degrémont avec Heliantis™ et Veolia Eau avec Solia™ proposent ce procédé qui consiste à récupérer l'énergie solaire et à entreposer à l’intérieur de la serre les boues en andains retournés maintenues en conditions aérobies.
Le séchage solaire qui a connu des débuts difficiles générant parfois des nuisances olfactives est aujourd’hui mature. Il connaît plusieurs variantes telle celle développée par Huber Technology et Ternois (Voir E.L.N. N° 303) qui proposent un procédé de séchage solaire des boues entièrement automatisé et doté d’un plancher chauffant alimenté par une pompe à chaleur qui va récupérer les calories sur l'eau de sortie de la station d’épuration en l’abaissant de
Le principe du plancher chauffant, également proposé par Degrémont avec son procédé Heliantis, permet d’éviter l’apparition de nuisances olfactives en périodes de faible ensoleillement. Ainsi, et s'agissant de la solution proposée par Huber et Ternois, l’usage combiné du pont retourneur Huber au plancher chauffant permet de faire face aux périodes de faible ensoleillement (4 à 6 mois) durant lesquelles les boues seraient simplement stockées dans le cas d’un sécheur solaire pur. C’est essentiellement cette phase de stockage qui contribue à l’apparition de nuisances olfactives.
« Dans plusieurs régions, confirme Olivier Bernat, directeur général de Ternois, les sécheurs traditionnels solaires sans apport d’énergie complémentaire sont dimensionnés non pas sur des paramètres de séchage, mais sur des paramètres de stockage ».
L’apport d’un plancher chauffant permet de remédier à ce problème. Il garantit un séchage constant sur l’année quelles que soient les conditions climatiques et permet de diviser au moins par deux les surfaces de serres nécessaires. Point capital, le bilan énergétique reste proche d’un système solaire pur car ce dernier consomme de l’énergie sans sécher pour autant les boues en période hivernale.
De son côté, Saur développe actuellement une serre hybride à Carnac, qui utilise l’apport solaire et un appoint d’énergie provenant de pompe à chaleur. La présence de pompes à chaleur permet de sécher les boues en continu, quelle que soit la saison. La serre est plus économique qu’un sécheur thermique, d’une part grâce au coefficient de performance des pompes à chaleur et d’autre part, grâce à l’apport solaire. La serre de séchage combiné est plus compacte qu’une serre de séchage solaire conventionnel et facile à exploiter.
Tous ces procédés permettant de réduire la teneur en eau des boues visent à diminuer la quantité de boues à stocker et à épandre, ou à améliorer leurs caractéristiques physiques. Ils sont fréquemment complétés par un chaulage qui concourt à la déshydratation tout en stabilisant les boues.
Le chaulage : déshydrater et stabiliser les boues
La stabilisation par chaulage connaît un développement soutenu depuis plusieurs années en raison de son efficacité contre les nuisances olfactives et de l’intérêt des boues pour le chaulage des sols acides. L’Ademe estime à environ 200 le nombre de stations d'épuration qui pratiquent le chaulage en France, ce qui représente 2 % du parc français (exprimé en nombre de stations, soit 25 % de la capacité de traitement installée). Il s'agit généralement de stations de taille supérieure à 15 000 équivalent-habitants, avec une moyenne voisine de 40 000 équivalent-habitants.
Il suppose généralement une déshydratation préalable des boues, sauf dans le cas du filtre-presse où un lait de chaux est mélangé aux boues liquides. Le chaulage bloque l'activité biologique, et donc l'évolution de la boue, par adjonction d’une quantité de chaux (10 à 50 % de la matière sèche, en général 30 %) élevant le pH au-delà de 12. Le chaulage permet d’augmenter la siccité des boues. « Pour faciliter le convoyage »
et l’épandage des boues, il est nécessaire d’augmenter leur siccité et de les mélanger de façon homogène à la chaux », souligne M. Jacob, Directeur Commercial de Sodimate. Cette société offre des solutions complètes de stockage de poudres jusqu’au process de traitement des boues, parmi lesquelles le dévouteur doseur DDS 400, qui assure un contrôle de l'écoulement et un débit de dosage précis du produit pulvérulent que sont la chaux éteinte et la chaux vive nécessaires au chaulage de boues (réaction exothermique d’extraction d'eau). En effet, pour être efficace, le mélange chaux/boue doit être le plus homogène, le plus intime possible, sans quoi le chaulage ne s’opère qu’en surface et non à l'intérieur des boues. « Lors des étapes d’épaississement et de décantation, l'ajout de chaux permet d’avoir des retours en surnageants moins chargés et aussi de stabiliser les boues », explique Alain Cudrey, chef du marché des eaux et des boues dans la division Balthazard & Cotte de la société Lhoist (numéro un mondial des fabricants de chaux). La stabilisation des boues est nécessaire, par exemple, pour un usage d’amendement agricole voué à l’épandage (et peut nécessiter l’ajout de 30 % de chaux par rapport au poids de matière sèche) : une boue chaulée constitue un amendement organo-minéral capable d'une action (basique) sur l'acidité du sol et d'une accélération des échanges acido-basiques du sol à travers l’apport d’ions calcium.
Lors des étapes d’épaississement et de déshydratation, l’ajout de chaux peut s’opérer directement en station d’épuration ou sur des unités mobiles. Si l’équipement de déshydratation des boues repose sur un système de filtre-presse à plateau, qui impose aux boues une pression pouvant atteindre 14 bar, l’ajout de lait de chaux et de chlorure ferrique dans les boues leur confère une plus grande capacité de résistance à la pression. Par contre, si l’équipement est une table d’égouttage, l’ajout de chaux ne présente pas grand intérêt. En effet, l’efficacité de ce simple système de déshydratation repose sur la mise en présence des boues avec des polymères, qui présentent la caractéristique d'une très grande sensibilité au pH. Or, l'ajout de chaux génère une augmentation du pH du milieu, ce qui provoque la destruction des polymères.
Pour contrer cette incompatibilité et augmenter l’efficacité de ce système en termes de gain de siccité, certains fabricants cherchent à développer de nouveaux procédés capables de dépasser ce frein technologique. Le “Calci Traitement”, développé par Lhoist, est de ceux-là. « Il repose sur de la chaux compatible aux polymères, à l'action basique retardée, précise Alain Cudrey. Ainsi, on améliore la capacité de déshydratation de l’outil en terme de qualité, d’hygiénisation et de stabilisation des boues après traitement ; et parfois même, on parvient à en diminuer la quantité lorsqu’on réussit à enlever plus d’eau qu'on a ajouté de chaux ».
Traitement des boues : ne pas négliger la dimension financière
Le traitement des boues en sortie de station d'épuration représente une part importante du coût d’exploitation de la station. L’optimisation de cette fin de cycle repose sur de multiples paramètres, qu’ils relèvent d'une dimension technique ou économique. Du point de vue technique, l'idée première est d'augmenter la siccité des boues, afin d’en faciliter le transport et d’en améliorer le stockage. « Les coûts dépendent de la quantité de boues à traiter (ce qui conditionne le dimensionnement des machines), des exigences en terme de siccité (ce qui conditionne le type de machines) et, financièrement, tout dépend de la taille de la Step, souligne Anne Premel, responsable Process et Ingénierie chez EMO. Les équipements d'épaississement par silos de décantation ou de séchage sont certes performants, mais trop chers pour de petites stations ». En outre, les coûts dépendent aussi des consommations en produits et en énergie. « Les presses à bandes nécessitent une consommation énergétique et en polymères ».
plus faible que les centrifugeuses, mais une consommation en eau bien plus importante par besoin de nettoyer les bandes et la siccité obtenue est plus basse », constate Anne Premel.
« Les presses à bandes ont fait de réels progrès ces dernières années, tout comme les centrifugeuses et les presses à plateaux » souligne toutefois Patrick Léonard d’ATR Créations. Cette société propose des unités mobiles de déshydratation équipées de combinés “Presse à bandes + Table” qui recyclent l'eau issue du traitement. Cette technique présente deux avantages :
- - Le recyclage des eaux de filtrat réduit la consommation d’eau dans une proportion de 70 à 100 %, suivant la concentration des boues en entrée. Plus la concentration est faible, plus la quantité d’eau pour le lavage est assurée.
- - Le recyclage des eaux de lavage conduit à un taux de capture excellent. Plus la concentration des boues est élevée, plus le recyclage est facile.
« Pour les unités modernes de déshydratation par presse à bandes, ce vrai point faible qu’était la consommation d'eau n'est plus d'actualité » estime donc Patrick Léonard. Autre avantage induit par cette technique, les retours en tête de station qui pouvaient être pénalisants sont supprimés ou très fortement réduits. En ce qui concerne la siccité, si on utilise de la chaux, comme pour d'autres technologies de déshydratation bien connues, et dans les mêmes proportions, la siccité peut grimper de 8 ou 10 points pour des boues biologiques et redevenir concurrentielle. « Pas ou peu de consommation d’eau, une bonne siccité, tout en conservant ses avantages de gros débits possibles, de rusticité d'entretien, de faible consommation électrique, de production en continu, d'économie à l'achat, les combinés Table + Presses à bandes réservent encore bien des surprises » estime Patrick Léonard. « La texture du gâteau issu d'une presse à bandes est en plus particulièrement favorable à l’étape suivante du séchage, quand les boues ne sont pas destinées au compostage ».
La qualité des boues est également un facteur très important. Plus les boues sont grasses, plus l’épaississement par flottation sera privilégié ; la table d’égouttage présente l'inconvénient d’être vite colmatée. Plus les boues sont riches en matières organiques, plus il y a besoin de réactifs chimiques pour les déshydrater. « L’optimisation de la filière boue passe par l’optimisation de la filière eau en amont, souligne Anne Premel. En améliorant les dégraisseurs, par exemple, les boues sont mieux oxygénées, avec un moindre développement de bactéries filamenteuses qui emprisonnent l'eau et dont la présence nécessite l’ajout de réactifs chimiques ». Ceci occasionne un coût supplémentaire.
« Pour étudier une filière complète de traitement, il est important de prendre en compte : l’investissement lié aux équipements et les résultats de ces équipements en terme de siccité notamment ; les coûts de traitement (énergie, réactifs chimiques...) ; les coûts de transport et les coûts liés à la filière de valorisation », précise Anne Premel. À titre d’exemple, lorsque la station
La station d’épuration de Douai a choisi d’investir dans un nouvel équipement (de séchage thermique) pour réduire les coûts de transport des boues en vue d’un épandage agricole, le coût d’exploitation est resté inchangé.
En effet, cette nouvelle installation a effectivement permis de réduire d’un facteur trois le volume des boues produites, d’un facteur deux la quantité de chaux utilisée, mais a occasionné une augmentation du coût de la valorisation. Dans ce cas, l’optimisation du devenir des boues a plus porté sur la fiabilisation de la filière que sur les aspects économiques.
En outre, l’optimisation du traitement des boues peut conduire à générer de nouvelles ressources, qu’elles soient économiques si les sous-produits du traitement des boues ont une valeur marchande, ou énergétiques. « Les boues (à 8 % de siccité minimum) peuvent alimenter un réacteur et permettre la production de méthane », souligne Marc Bauzet de Naskeo, qui espère un fort développement français de cette filière de production de biogaz.
La méthanisation permet en effet d’éliminer la pollution organique tout en consommant peu d’énergie, en produisant peu de boues et en générant une énergie renouvelable : le biogaz. Degrémont l’a bien compris, qui propose Digélis éco, un digesteur de boues urbaines dédié aux stations de 20 000 à 80 000 E.H. Avec un digesteur classique, le biogaz est produit dans la cuve du digesteur et stocké à l’écart dans un gazomètre souple ou à cloche pour faire face aux fluctuations de production et d’utilisation du biogaz. Le principe de Digélis éco est de regrouper dans une même enceinte les fonctions de digestion des boues et de stockage du biogaz. Ainsi, la coupole béton du digesteur et son revêtement anti-corrosion disparaissent et sont remplacés par un gazomètre souple à double membrane prolongé d’une jupe intérieure textile revêtue de PVC et plongeant sous le niveau de la boue.