En matière de niveaumétrie, il convient de distinguer la détection de la mesure. Les équipements se développent pour s'adapter dans toutes les circonstances et avec de plus en plus d'intelligence.
La niveaumétrie consiste à détecter des seuils, et à réaliser des mesures de "niveaux". « La niveaumétrie est présente à presque toutes les étapes du process de gestion des eaux et des effluents, des captages aux traitements, souligne Cédric Fagot, chef de marché eau et environnement chez Endress+Hauser. Dans chaque cuve, elle vise en premier lieu l’assurance de l’absence des débordements et en second lieu l’optimisation des process ». La fonction première de la détection de seuil est en effet de pouvoir contrôler les niveaux dans les cuves ou dans les forages, et ainsi de proté-
ger les pompes contre la marche à vide. La mesure de niveau en continu correspond à une série de mesures de hauteur. Les gammes de mesure vont de quelques centimètres jusqu’à plusieurs dizaines de mètres. De cette mesure découlent la détermination d’autres grandeurs, par exemple le volume de produit contenu dans une cuve. Et ce, à partir d’un calcul intégrant la géométrie et les dimensions de la cuve, ainsi que les propriétés du produit qu’elle contient. Ainsi, la mesure de niveau permet d’intégrer entre eux les différents équipements d'un même process et d’assurer une régulation des applications. « La niveau-métrie repose sur des capteurs dits “détecteurs”, des systèmes tout ou rien indiquant des niveaux bas/haut, et des “transmetteurs” permettant une mesure de toutes les valeurs de gamme de 0 à pleine échelle de mesure », précise Cyril Sarrasi, directeur de STS France, spécialiste dans la fabrication des cellules et des transmetteurs de pression.
Les principes de détection
La qualité première d’une détection de seuil repose sur un fonctionnement rapide et sûr, quelles que soient les applications concernées. Et ce, afin de répondre aux besoins mécaniques des installations. « L’atteinte de ces seuils déclenche automatiquement des événements de type pompage ou ouverture de vannes », explique Christian Husson, chef produit en niveaumétrie chez Endress+Hauser.
Dans le domaine de l’eau, la détection des seuils repose principalement sur trois principes : conductif, par flotteur ou vibronique. Le système conductif repose sur la conductivité de l’eau qui permet de déclencher un seuil lorsqu'une sonde entre en contact avec cette eau.
Le système par flotteur est basé sur le principe de flottaison d'une poire qui déclenche le mouvement mécanique d'une bille et par suite l'atteinte du seuil.
Le système vibronique repose sur un diapason dont l'entrée en contact avec l'eau change la fréquence et déclenche le seuil. « Plus de 2,2 millions de ces capteurs sont sur le marché, ce sont les plus communs et les plus universels, car non sujets à des contraintes liées à la nature des fluides détectés », explique Christian Husson. Au contraire, un système conductif sera sensible, par exemple, à la mousse d'un fluide dont la capacité de conductivité viendra fausser la mesure.
D'autres principes de détection existent, mais leur usage reste très marginal dans le domaine de l'eau. Le système radar, par exemple, plus coûteux, est utilisé sur les lacs ou les rivières. OTT a développé ce système avec un nouveau standard ayant une zone morte de détection réduite (à 15 cm).
« Les capteurs immergés (hydrostatiques) présentent l’avantage d’être peu soumis à une variation de température au contraire des radars à l'air libre qui nécessitent une compen-
"...sation adaptative des températures", souligne Cyril Sarrasi. "Le choix du principe physique du capteur dépend des applications et des habitudes de travail, souligne Christian Husson. Il y a des inconditionnels de l’hydrostatique ou de l’ultrason pour la même application !".
Les principes de mesure
ABB Instrumentation, Bamo, Burkert Contromatic, Citec, Druck, Endress+Hauser, Hitec, Hydrologic, Hydreka, Kobold, Iris Instruments, Keller, Jumo, Nivus, OTT France, Paratronic, Scaime, SensorTechnics, Siemens Process Instruments, Sika France, STS France, TecFluid, Vega... Nombreux sont les fournisseurs à proposer des capteurs de pression hydrostatique pour mesurer le niveau d'eau.
La mesure de niveau d'eau dans un forage d'adduction en eau potable ou dans une nappe phréatique nécessite l'immersion du capteur dans l'eau, et, de manière implicite, son caractère intrusif. Il s’agit de capteurs piézométriques, basés sur la mesure de la pression hydrostatique de la colonne d’eau au-dessus de lui. Chez Endress+Hauser, il s’agit du capteur FMX167. Ce type de capteur peut être installé en fixe pour des mesures en continu. Pré-étalonné en usine, les résultats de sa mesure peuvent être transposés dans le référentiel NGF, à l’altitude géographique, afin de permettre des inter-comparaisons avec d'autres données de terrain, comme par exemple entre les centaines de points de captage du réseau national de surveillance des eaux souterraines du BRGM.
Ces capteurs piézométriques ont à leur base des cellules de pression piézorésistives, basées sur le principe électronique du pont de Wheatstone : quatre résistances reliées entre elles émettent en sortie un signal électrique stable.
La variation des résistances due à la déformation exercée par la pression engendre une variation proportionnelle de la tension du signal de sortie. Elle se génère par micro-électronique. "Un wafer est doté de puces en silicium (1 × 1 mm) contenant chacune un pont de Wheatstone, explique Cyril Sarrasi. Ces cellules baignent dans l’huile, le tout recouvert d’une membrane inox. Une pression sur la membrane se répercute sur la puce et en fait varier le signal de sortie. Les cellules piézorésistives sont sensibles à des variations de pression de 0 à 50 mbar pleine échelle (signal 4-20 mA), avec une précision de 0,5 % sur 50 mbar, soit de l’ordre du millimètre", poursuit-il.
Une autre électronique consiste à déposer des couches minces/couches épaisses afin de constituer le pont de Wheatstone (sans huile ni membrane). Ainsi, ces cellules sont rarement utilisées dans les capteurs de mesure de niveau. Les capteurs doivent être adaptés à la nature et aux caractéristiques du milieu dans lequel ils baignent. "Les variations de température peuvent influer sur le signal de sortie à cause de la dilatation et de la contraction des matériaux et de l’électronique", souligne Cyril Sarrasi. Aussi, dans une cuve d’effluents industriels soumis à de fortes variations de températures, le capteur hydrostatique peut nécessiter l’intégration d’un système électronique de compensation active de température.
De même, un fluide agressif peut attaquer le...
Chez STS, pour un capteur destiné à un milieu très acide (acide chlorhydrique), le téflon est préféré au polyuréthane pour le câble, une protection rigide en PVDF est ajoutée au corps en inox et un film en Téflon protège la membrane en inox.
Les capteurs de pression peuvent être piézorésistifs ou encore piézocapacitifs : le principe de mesure est alors une variation de la capacité de l’élément sensible, en fonction de la contrainte (pression) subie par la membrane. Cette seconde technologie présente l’avantage d’être stable dans le temps et les membranes en céramique sont plus aisées à nettoyer pour enlever d’éventuels dépôts. Cette technologie est employée dans Opheus Mini d’OTT qui présente la cellule céramique capacitive la plus petite sur le marché.
Dans d’autres applications, la mesure de niveau peut être « non intrusive ». Il s'agit là, par exemple, des capteurs de niveau par ultrasons. ABB Instrumentation, Endress+Hauser, Hitec, Burkert Contromatic, Kobold, Nivus, Paratronic, Siemens Process Instruments, Vega proposent cette technique. Placés au-dessus du fluide, ils émettent des ultrasons qui vont se réfléchir sur la surface et, en retour, détecter les ondes réfléchies. De la mesure de temps de retour des ondes se déduit la mesure de niveau. Placés là où se produisent des canaux venturi, de la mesure de niveau découle la mesure de débit en cet endroit. Ces capteurs sont souvent positionnés au niveau des postes de relèvement, pour le suivi des cuves, pour les entrées/sorties des stations d’épuration (et donc pour l’autosurveillance des installations soumises à la responsabilité de l’exploitant), pour les déversoirs, etc.
Spécialisée dans l’acquisition de données très longue autonomie pour des applications dans les domaines de l’eau et de l’environnement, Distec a développé, dans le domaine de la mesure de niveau par ultrasons gourmande en énergie et nécessitant jusqu’alors une alimentation extérieure pour des installations fixes, un appareil spécifique appelé le Hawkeye avec son capteur ultrasons aérien numérique. Alimenté par des piles du commerce qui se remplacent sur site à réception de l’alarme « Piles faibles », il bénéficie d’une autonomie de 1 à 2 ans suivant utilisation, avec les communications GSM.
Un autre principe non intrusif est le radar. Encore peu répandu dans le domaine de l’eau du fait d’un coût plus élevé, il offre pourtant des avantages intéressants. Vega vient notamment de lancer un capteur radar au coût attractif dédié au remplacement des ultrasons sur les applications du domaine de l’eau ; en effet, dans certains cas ces derniers peuvent être perturbés par les conditions climatiques (vents, précipitations, dérive par ensoleillement direct).
« Dans le domaine de l’eau potable, en France, tous les appareils de mesure sont assujettis à l’obtention d’un certificat d’Attestation de Conformité Sanitaire (ACS) qui garantit l’innocuité de l’appareil », souligne Cédric Fagot. À l’avenir, cette certification devrait faire l’objet d’une harmonisation européenne dans le cadre de l’European Acceptance Scheme (EAS). Bien sûr, cette obligation de certification française s’applique avant tout aux systèmes intrusifs et concerne l’ensemble des matériaux d’un équipement de mesure de niveau. Ainsi, un système conductif avec une tige en inox et un isolant non doté d’un certificat d’ACS ne pourra être commercialisé en France pour de l’eau potable. Sachant que certains matériaux comme l’inox garantissent de fait l’ACS. Tandis que d’autres nécessitent une demande de certification, tels que la plupart des composites dérivés du pétrole.
L’innovation
En terme de capteurs, l’innovation s’oriente
Un nouveau transmetteur de niveau
Ce transmetteur de pression et niveau à séparateur proposé par Prisma Automation est composé d'une cellule de mesure fiable couplée à un transmetteur doté des dernières technologies numériques. L'utilisateur dispose d’un grand choix de capteurs, qui permet d'optimiser la stabilité et les performances en service. Il peut être configuré localement à l'aide d'un clavier associé à un indicateur intégré, avec un configurateur portable ou avec un logiciel de configuration sur PC. Ce transmetteur, doté d'un vaste choix de variantes, options, fluides de remplissage et matériaux en contact avec le fluide, offre une grande flexibilité en optimisant l'aspect coût, et permet également des applications avec des fluides corrosifs dans une grande plage de température.
Ces principales caractéristiques sont les suivantes :
- * Précision de base : ±0,075 % ;
- * Plages de mesure : 0,2 à 16.000 kPa ; 0,8 inH₂O à 2.320 psi ; 2,67 à 16.000 kPa abs ; 20 mmHg à 2.320 psia ;
- * Stabilité 5 ans ;
- * Nombreux protocoles de communication compatibles Hart®, Profibus PA et Foundation Fieldbus qui offrent des possibilités d'interchangeabilité et d'amélioration des transmetteurs.
Prisma Automation propose par ailleurs une large gamme de transmetteurs de niveau submersibles qui permettent la mesure du niveau de la profondeur de réservoirs, cuves de stockage, etc.
vers la miniaturisation. Citons chez STS France le capteur/transmetteur de niveau MTM/N 10 de dix millimètres de diamètre, tout en inox ou chez Hitec le CP 5215 de 15 mm de diamètre.
Une autre orientation est la mesure sans fil, avec par exemple chez STS des dataloggers équipés de pile avec mémoire pour enregistrer les mesures et créer ainsi un système autonome. Un module GSM avec carte SIM peut compléter l'ensemble. Les Conseils Généraux de Vendée et de Côte-d’Or en ont installé pour le suivi des nappes phréatiques et du niveau des châteaux d'eau. « Le système DLIN tient dans un forage de 4 cm de diamètre », souligne Cyril Sarrasi.
Une fois par semaine, les données sont rapatriées par GSM. Et l’opérateur, équipé d'un PC connecté à un modem, peut dialoguer directement avec les points de mesure sur le terrain. Ce système sans fil de longue distance, avec pile en lithium, programmé pour enregistrer les données toutes les dix minutes a une autonomie de près de trois ans.
Dans l'industrie se développent les systèmes de communication Bluetooth, qui permettent le captage de données jusqu’à près de vingt mètres de distance, de Wifi ou par radio.
JRI a par exemple développé toute une gamme d'enregistreurs sans fil fonctionnant par ondes radio. Le SPY RF N, doté d'une entrée 4-20 mA, est ainsi parfaitement adapté à la mesure de pression ou de niveaux.
L’autre grande innovation dans le domaine de la niveaumétrie repose sur les transmetteurs intelligents, capables de faire remonter de l'information des capteurs jusqu'à la supervision et, en retour, d'impulser le contrôle d’équipements autres que les capteurs. Chez Endress+Hauser, il s’agit du modèle de capteur/transmetteur Prosonic S. « Développer cette partie soft intégrée au transmetteur fait partie des fonctionnalités que l'on nous demande, explique Cédric Fagot. Notamment pour les postes de relevage isolés, dépourvus d’électroniques, avec seulement un poste électrique pour le fonctionnement des pompes ». Le capteur de mesure devient comme un automate, capable de gérer la mise en fonctionnement alternatif de six pompes au plus, la vitesse de déversement des postes de relevage dans les step... ou encore le déclenchement du système de nettoyage de la grille d’un dégrilleur. Placés en aval et en amont d'un dégrilleur, ces capteurs mesurent les niveaux en ces deux points et, selon le différentiel, détectent un colmatage et déclenchent le nettoyage.
Le principe technique est le même pour les filtres à sable, la détection d’un colmatage du sable avec des particules fines et le déclenchement du nettoyage du sable. Il est aussi utilisé dans les stations d’épuration domestiques où de nombreuses cuves nécessitent un fonctionnement à volume constant afin d'assurer un traitement sur un temps donné ; et donc la régulation du pompage et de la vidange des eaux usées.
« Bien sûr, ces capteurs ont une mission d'alarme, mais aussi une fonction de régulation afin d'optimiser l’usage des équipements, leur durée de vie et l’énergie consommée », souligne Cédric Fagot. De là, l'intelligence des capteurs peut aller jusqu’à leur permettre de donner des indications non plus seulement en termes de niveaux, mais aussi relatives à d'autres paramètres. OTT et VEGA, par exemple, ont développé les systèmes OTT Orpheus Mini et Vegawell 51 pour l'enregistrement conjoint à la fois du niveau mais aussi de la température de l'eau, pour le suivi de l’état des eaux souterraines. L'intelligence des capteurs peut même aller jusqu’à fournir des indications sur son propre état, et ainsi se voir intégré dans la gestion de la maintenance des équipements.