La filière boue est une étape clé pour les exploitants de stations d'épuration biologiques. Il est donc toujours intéressant de l'optimiser pour améliorer le fonctionnement général de la station. Luzenac Europe a développé un procédé permettant d'optimiser la déshydratation des boues biologiques sur filtre presse à bandes. Aquatal®, déjà mis en ?uvre en station d'épuration pour améliorer la décantation des boues activées, est maintenant utilisé en amont d'une déshydratation mécanique. Aquatal® permet alors d'optimiser le dosage du polymère, d'améliorer la déshydratabilité de la boue. C?est un moyen d'augmenter le flux sur machine, d'accroître la siccité et de réduire le volume de boue humide à évacuer. Ces avantages techniques se traduisent par des économies en termes d'énergie, de transport de boue, de polymère, qui couvrent largement le surcoût engendré par le dosage d'Aquatal®. Un exemple concret de traitement, présenté dans cet article, permet de montrer les intérêts techniques et économiques de ce procédé.
Les performances d’une station d’épuration biologique dépendent, certes, des rendements épuratoires de la filière eau mais aussi du fonctionnement de la filière boue. En effet, les contraintes liées aux extractions de boue conditionnent la gestion de la filière eau. Ainsi, l'exploitant est parfois obligé de maintenir une concentration en boue élevée dans le bassin d’aération car la filière boue est saturée, ce qui engendre des risques de départs de boue en sortie de clarificateur.
Les principaux facteurs limitants de la filière boue sont généralement :
- le flux de boue admissible par l'équipement de déshydratation et son temps de fonctionnement,
- le volume de stockage des boues dans le silo épaississeur ou après déshydratation mécanique,
- la capacité de la filière d’évacuation des boues.
C'est pourquoi le traitement des boues est l’une des principales préoccupations des exploitants de stations d’épuration communales et industrielles. En sortie de filière eau, les boues sont constituées de 99 % d'eau, il est donc essentiel de les traiter pour éliminer un maximum d'eau et réduire ainsi le volume à stocker et à évacuer de la station.
Après épaississement et parfois digestion,
les boues subissent généralement une déshydratation mécanique au cours de laquelle l’exploitant va chercher à éliminer un maximum d'eau et ainsi atteindre la siccité la plus élevée possible dans la gamme acceptable par la filière d'évacuation des boues. Cet objectif doit être atteint tout en optimisant le dosage des additifs nécessaires au conditionnement de la boue et en maintenant un flux sur machine suffisamment élevé par rapport à la production de boue dans la filière eau.
Parmi les systèmes de déshydratation mécanique, les filtres presse à bandes sont encore largement représentés dans les stations d’épuration biologiques comprises entre 5000 et 50000 éq.hab. Ce type d’équipement possède une large gamme d’utilisations, engendre une faible consommation énergétique et est simple à entretenir et manipuler.
Toutefois, il ne permet pas d’obtenir des siccités très élevées (toujours inférieures à 30 %) et les rendements sont très sensibles aux variations de la qualité de la boue. Les filières d'évacuation des boues sont alors limitées à l’épandage agricole, ou au compostage si la siccité est supérieure à 15 %. Cette valeur limite de 15 % est d’autant plus difficile à atteindre que les boues à déshydrater sont plus organiques. En effet, les stations d’épuration ne possédant pas de décanteur primaire, donc n’ayant que des boues biologiques à déshydrater, ont des siccités en sortie de filtre presse à bandes souvent comprises entre 12 et 15 %.
Pour augmenter artificiellement la siccité en sortie de déshydratation mécanique, les exploitants peuvent ajouter de la chaux. Son rôle est alors double : augmentation de la siccité et stabilisation de la boue, mais elle ne permet pas de faciliter la déshydratation de la boue sur le filtre presse à bandes. De plus, la stabilisation de la boue n’est pas recherchée pour une filière compostage.
L’idée développée par Luzenac Europe est d’ajouter un minéral naturel inerte en amont de la déshydratation mécanique pour faciliter la déshydratation de la boue et augmenter la siccité finale de la boue.
Faciliter la déshydratation et augmenter la siccité finale de la boue
Aquatal® est une poudre minérale talqueuse mise au point et commercialisée par Luzenac Europe. Elle est utilisée depuis 8 ans en stations d’épuration biologiques pour améliorer la décantation des boues activées dans la filière eau et ainsi fiabiliser le fonctionnement des stations d’épuration en cas de bulking, surcharge hydraulique et organique. Les différents traitements réalisés dans la filière eau ont permis à Luzenac Europe de mettre en évidence l'impact positif de l’Aquatal® dans la filière boue. Ainsi, lors des traitements réalisés dans la filière eau, les exploitants ont pu noter :
- une amélioration de l’épaississement des boues et une amélioration de la qualité des retours de silo en tête de station,
- un meilleur comportement de la boue lors de la déshydratation mécanique : suppression des phénomènes de fluage, de collage, meilleur débotissage des gâteaux,
- une amélioration de la qualité des filtrats,
- une augmentation des flux sur machine,
- une optimisation du dosage en polymère,
- une augmentation de la siccité de la boue qui compense largement le surplus de matières sèches apporté par Aquatal®.
Suite à ces différents retours positifs du terrain, Luzenac Europe a souhaité mener une étude pour évaluer l’intérêt de l’Aquatal® sur la déshydratation mécanique des boues et plus particulièrement sur les filtres presse à bandes. Cette étude, menée pendant 3 ans, a permis d’aboutir en décembre 2003 au lancement d’une nouvelle application : l'utilisation d’Aquatal® pour améliorer la déshydratation mécanique sur filtre presse à bandes.
Une nouvelle application pour la filière boue
Aquatal® est un mélange de talc et de chlorite finement broyé. Ses propriétés physiques, sa composition minéralogique et sa répartition granulométrique en font un additif de premier choix pour la filière boue. L’ajout d’Aquatal® en amont d'un filtre presse à bandes permet de :
- optimiser le dosage de polymère : Aquatal® améliore la floculation des boues,
- améliorer l’égouttage : ses caractères structurant et hydrophobe favorisent la séparation entre les phases solide et liquide lors de l'égouttage,
- augmenter le flux sur machine : Aquatal® supprime les phénomènes de fluage, d’encrassement des toiles et de collage des gâteaux, permettant ainsi de réduire le temps nécessaire à la déshydratation des boues,
- augmenter la siccité et réduire le volume et la masse de boue humide : Aquatal® agit non seulement comme une charge minérale mais aussi comme un agent structurant qui permet d’améliorer la résistance spécifique à la filtration et donc le pressage.
De plus, il faut noter que Aquatal® est un silicate de magnésium et d’aluminium hydraté totalement inerte. Ainsi, le magnésium et l’aluminium contenus dans la structure minérale sont stables et non bio-disponibles pour le sol. Une étude menée pendant 2 ans sur l’épandage de boues talquées en collabo-
La collaboration avec des organismes publics a permis de valider ce point essentiel. Ainsi, Aquatal® n’a aucune incidence, qu'elle soit négative ou positive, sur les filières d’évacuation des boues en agriculture.
Dans la filière boue, Aquatal® est principalement utilisé dans les cas suivants :
- - mauvaise déshydratabilité de la boue : le pressage de la boue est difficile car il se produit des phénomènes de fluage, de collage et de colmatage des toiles. Dans ce cas, le flux sur machine est très faible ;
- - consommation en polymère très élevée pour compenser la mauvaise déshydratabilité de la boue et atteindre malgré tout un minimum de siccité ;
- - siccité en sortie de filtre presse à bandes insuffisante par rapport à la filière d’évacuation des boues : l’exploitant est alors bloqué pour l’évacuation des boues.
Afin de valider l'intérêt technico-économique d’Aquatal®, Luzenac Europe réalise toujours, dans un premier temps, une validation en collaboration avec l’exploitant. Un ingénieur spécialisé en traitement des eaux réalise une pré-étude dans le laboratoire de Luzenac au cours de laquelle il détermine le conditionnement optimal de la boue et évalue les gains techniques apportés par Aquatal®. Par la suite, un essai est réalisé sur site pour valider les résultats obtenus en laboratoire, quantifier les gains techniques et préparer un bilan financier. Plusieurs essais de ce type ont été menés fin 2003 dans des stations d’épuration biologiques communales et industrielles, dont un dans une station d'épuration urbaine de l’agglomération toulousaine.
Un exemple de traitement : amélioration de la déshydratation d’une boue sur filtre presse à bandes
Cette station d’épuration biologique communale a une capacité de 5000 éq.hab. Elle est soumise à des à-coups hydrauliques dus à des infiltrations d’eaux parasites. Ainsi, la biomasse se développe sous forme filamenteuse dans le bassin d’aération et présente donc une faible aptitude à la décantation (indice de boue toujours supérieur à 350 ml/g) ainsi qu'une mauvaise déshydratabilité.
Les boues sont déshydratées sur un filtre presse à bandes pour être ensuite évacuées en compostage. Cela sous-entend donc que l’exploitant doit assurer une siccité minimale de 15 %, ce qui, pour cette station, est parfois impossible à réaliser malgré un débit de boue très faible en amont du filtre presse à bandes (50 kg MS/h/m), une tension de toile maximale et un dosage élevé en polymère (12 kg matière active/t MS).
Suite à ses difficultés de gestion, l'exploitant a souhaité réaliser un essai de validation avec l’Aquatal®. Ses principaux objectifs sont les suivants :
- - augmenter la siccité pour pérenniser la filière compostage ;
- - réduire les volumes de boue déshydratée à transporter ;
- - optimiser le conditionnement de la boue.
Pré-étude en laboratoire
La pré-étude est réalisée par un ingénieur de Luzenac Europe avec les boues et le poly-
mère de la station concernée au sein du laboratoire de Luzenac. Elle permet de mettre en évidence que, sans changement de polymère, Aquatal® :
- améliore la floculation et l’égouttage de la boue (volume de filtrat après 120 secondes plus important avec Aquatal® (voir graphe n° 1)),
- augmente la résistance spécifique à la filtration,
- améliore la qualité du filtrat,
- augmente la siccité de la boue après une pressée rapide jusqu’à 5 bar.
Au vu de ces différents résultats encourageants, cette pré-étude a été suivie d’un essai sur site. L’objectif est alors de déterminer le conditionnement optimal de la boue, de quantifier les différents gains et de réaliser un bilan technico-économique.
Essai sur site
L’essai sur site s’est déroulé sur 2 journées, avec l’objectif de déterminer les conditions optimales de déshydratation :
- le dosage en polymère,
- le dosage en Aquatal®,
- le flux sur machine,
- la vitesse de toile.
Un plan d’expérience a alors permis de quantifier les gains en termes de siccité, volume de boue humide, qualité du filtrat.
Mise en œuvre
L’essai a été réalisé à partir de sacs de 25 kg d’Aquatal® et d’une cuve agitée équipée d’une pompe pour injecter le lait d’Aquatal® en amont de l’injection du polymère (photo n° 3). Le produit et le matériel ont été fournis par la société Luzenac Europe et l’essai a été réalisé par un ingénieur de Luzenac en collaboration avec l’exploitant.
Pour des raisons purement pratiques, le lait d’Aquatal® a été injecté en amont du silo épaississeur au moment du remplissage du silo avec les boues issues du clarificateur (photo n° 2).
Deux campagnes d’essai ont été réalisées avec 2 taux d’Aquatal® différents (9 % et 16 % d’Aquatal® par rapport aux matières sèches). Pour chaque taux a été étudié l’impact du dosage en polymère et de la vitesse de défilement de la toile sur le comportement de la boue au pressage, la siccité et la qualité du filtrat.
Tableau n° 1 : Gains techniques engendrés par l’utilisation d’Aquatal®
Taux d’Aquatal® (% par rapport aux MS) | 0 | 9 | 16 |
---|---|---|---|
Réduction du taux de polymère (%) | 0 | 16 – 19 | 16 – 19 |
Siccité en sortie de filtre (%) | 14,7 | 16 – 16,8 | 18,5 – 19,2 |
Gain de siccité (en point) | – | 1,3 – 3,8 | 4,5 |
Réduction de la masse de boue humide (%) | 0 | 3 – 8 | 0 – 12 |
Les intervalles de variation pour les 2 campagnes correspondent à des vitesses de défilement de toile plus ou moins importantes.
Résultats techniques
Les résultats obtenus au laboratoire sont confirmés sur site. En effet, l’amélioration de la structure des flocs biologiques obtenus avec Aquatal® supprime les phénomènes de fluage sur le filtre (photo n° 4) et entraîne une augmentation de la résistance spécifique à la pression.
D’autre part, ces essais ont permis de quantifier les différents gains déjà mis en avant au cours de la pré-étude. Tous les résultats obtenus pendant les deux campagnes d’essais sont rassemblés dans le tableau n° 1.
On note une diminution de la consommation de polymère et une augmentation de la siccité de la boue en sortie de déshydratation pouvant entraîner dans certains cas une diminution de la masse de boue humide à évacuer.
Le tableau n° 1 montre qu’Aquatal® agit non seulement comme une charge mais aussi comme un agent structurant permettant de mieux éliminer l’eau au moment du pressage. En effet, dans le cas de la campagne 2, l’apport de matières minérales provenant de l’Aquatal® ne correspond qu’à une augmentation de siccité de 1,96 point, le reste correspond à un réel gain de siccité qui se traduit par une diminution de 8 à 12 % du volume et de la masse de boue à évacuer de la station.
De plus, pour les deux campagnes d’essais, l’ajout d’Aquatal® permet d’atteindre une siccité supérieure à 15 %, valeur limite pour le compostage. Dans le cas de la campagne 1, il n’y a pas ou très peu de gain de volume et de masse de boue humide à évacuer, alors que pour la campagne 2, le gain est significatif.
La valeur limite de 15 % étant l’objectif principal de l’exploitant pour pérenniser la filière compostage, le bilan économique va permettre de trancher entre les deux dosages d’Aquatal®.
Bilan économique
Le bilan économique a été réalisé à partir des données communiquées par l’exploitant. Il inclut :
- le coût du polymère,
- le coût d’Aquatal®,
- le coût de transport et de traitement final des boues déshydratées.
Le tableau n° 2 montre que l’exploitant a tout intérêt à choisir le conditionnement de la campagne 2. Dans ce cas, le surcoût engendré par Aquatal® est totalement compensé par l’économie sur le polymère et sur le transport et le traitement final des boues déshydratées.
Suite aux résultats obtenus pendant l’essai, l’exploitant et le propriétaire de la station (la mairie) ont décidé de poursuivre le traitement en continu.
Ayant aussi des problèmes de décantation dans la filière eau dus à la présence de bactéries filamenteuses, Aquatal® est injecté dans le bassin d’aération.
En effet, tout l’Aquatal® injecté dans le bassin d’aération se retrouvera dans la filière boue. Ainsi, les principaux effets d’Aquatal® sont pour cette station :
- amélioration de la décantation dans le clarificateur,
- amélioration de l’épaississement de la boue dans le silo épaississeur,
- optimisation de la filière boue,
- amélioration de la qualité des retours en tête de station.
L’exploitant maintient donc dans la station un taux de traitement de 16 % d’Aquatal® par rapport aux matières sèches en injectant 22 kg d’Aquatal® par jour.
Grâce à ce traitement, l’exploitant peut augmenter le flux sur machine, donc mieux extraire les boues de la filière eau et assurer une évacuation en compostage sans aucun surcoût.
Tableau n° 2 : Gain économique engendré par l’utilisation d’Aquatal®
Taux d’Aquatal® (% par rapport aux MS) | Gain économique (%) |
---|---|
Campagne 1 : 9 % | –10 % |
Campagne 2 : 4 % | 1 % |
Conclusion
Les résultats obtenus dans cette station d’épuration reflètent ceux obtenus dans d’autres sites. En effet, l’ajout de 10 à 30 % d’Aquatal® par rapport aux matières sèches en amont d’un filtre presse à bandes permet d’optimiser le dosage du polymère, d’améliorer la déshydratabilité de la boue en supprimant les phénomènes de fluage, collage et colmatage et donc d’augmenter le flux sur machine, d’augmenter la siccité de la boue déshydratée et de réduire le volume de boue à transporter de 10 à 15 %.