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Optimisation hydraulique numérique de contacteurs d'ozonation

30 novembre 2001 Paru dans le N°246 à la page 95 ( mots)
Rédigé par : Cyrille LEMOINE, Catherine GALEY, Dominique GATEL et 2 autres personnes

Les usines de traitement des eaux se doivent de distribuer une eau de qualité irréprochable et qui notamment satisfait les critères de désinfection (CT) pour les parasites pathogènes (Cryptosporidium et Giardia). La première étape de désinfection est une rétention physique de ces parasites par la clarification. Cette étape est souvent complétée par une inactivation des parasites restants par l'ozone. Cependant, l'étape d'ozonation présente l'inconvénient de charger les eaux traitées en ions bromates, à des concentrations pouvant être supérieures à la normes (50 µg/l). Par ailleurs, pour les ions bromates, la nouvelle directive 98/83/CE du 3/11/1998 indique en outre le respect d'une norme de 10 µg/l au plus tard 10 ans à compter de son entrée en vigueur, avec le respect d'une valeur de 25 µg/l pendant la période de 5 à 10 ans.

Ainsi, pour répondre à la fois à la nouvelle exigence sur la concentration en bromates et garder une désinfection efficace, une connaissance très précise des temps de contact actuels dans les contacteurs d’ozone est essentielle. Dans un second temps, une optimisation hydraulique des cuves à l'aide d’un outil numérique d’hydraulique peut s’avérer judicieuse pour améliorer les performances de ces contacteurs.

Rôle de l’hydraulique des contacteurs d’ozonation

Le rôle de l’étape d’ozonation est de fournir une bonne désinfection des virus et organismes pathogènes. L’efficacité de la désinfection est très liée au comportement hydraulique de la cuve d’ozonation.

L’écoulement dans le contacteur peut être représenté par une multitude de filets caractérisés chacun par un temps de parcours, et donc par un temps de contact avec le désinfectant.

Chacune des masses d'eau qui parcourt ces filets sera donc désinfectée différemment.

La dispersion des temps de séjour aura également une grande influence sur la qualité du traitement d'un point de vue formation des sous-produits.

La fraction de l'eau qui a un temps de séjour dans la cuve inférieur au temps de séjour théorique (t = volume/débit) caractérise un

[Photo : cuve actuelle de type A de Neuilly-sur-Marne]
[Photo : cuve actuelle de type B de Neuilly-sur-Marne]

chemin préférentiel. Cette partie de l’eau connaîtra un niveau d’inactivation inférieur à la valeur moyenne requise, ce qui conduit à prendre des marges de sécurité importantes sur les temps de séjour. Inversement, une fraction de l’eau qui a des temps de séjour long, est caractéristique d’une recirculation. Le niveau d’inactivation atteint est alors inutilement important, et le risque de formation des sous-produits augmente. Le volume occupé par ces recirculations restreint d’autant le volume utile du réservoir. Aussi, un bon dimensionnement des contacteurs d’ozone doit permettre de minimiser la dispersion des temps de séjour pour se rapprocher d’un écoulement le plus homogène possible. L’eau doit évoluer de façon uniforme de l’entrée vers la sortie, en limitant les phénomènes de turbulence ou recirculation, phénomènes préjudiciables à une bonne maîtrise de la qualité des eaux produites.

La caractérisation hydraulique des cuves peut se faire expérimentalement à l’aide d’un traçage ou à l’aide d’un logiciel de simulation hydraulique. Le traçage consiste à suivre le parcours de molécules marquées au cours de leur cheminement jusqu’à la sortie des cuves. La simulation numérique est expliquée dans le paragraphe suivant. À partir des données mesurées, des temps et paramètres caractéristiques sont calculés (tableau 1).

Tableau 1 : paramètres hydrauliques caractéristiques

T90 Temps quand 10 % de la solution injectée en entrée est sortie de la cuve
Tm Temps moyen de passage dans la cuve
α Efficacité hydraulique, rapport entre T90 et Tm

Simulations hydrauliques avec le logiciel Fluent

L’étude du comportement hydraulique et l’optimisation de ces cuves a été réalisée à l’aide d’un code de calcul, Fluent, permettant de résoudre les équations de la mécanique des fluides sur un domaine discrétisé. Ce modèle hydrodynamique permet de décrire les écoulements au sein des ouvrages ainsi que les processus physiques ou chimiques affectant la qualité de l’eau.

Ce modèle s’appuie sur la théorie des volumes finis pour résoudre les équations de Navier-Stokes. Suite à la description de la géométrie de la cuve, le domaine est discrétisé en un ensemble de cellules. Les équations régissant le système sont alors écrites pour décrire l’activité du fluide au sein de chaque cellule, ce qui suppose le choix de modèles physiques appropriés pour représenter les phénomènes de turbulence et de diffusion.

Ceci conduit à un problème non linéaire qui nécessite des moyens informatiques conséquents pour l’étape de résolution. Différents graphes représentant des courbes d’iso-vitesse ou des vecteurs vitesse permettent ensuite d’analyser l’écoulement.

L’avantage de ce type de modélisation hydraulique est la possibilité d’étudier l’influence de la conception de la cuve et des conditions opératoires sur la qualité de l’eau. Plusieurs situations peuvent être comparées et permettent ainsi le choix de la configuration la plus adaptée.

[Photo : cuve actuelle de type A de Choisy-le-Roi]

Étude des contacteurs des usines de Neuilly-sur-Marne et Choisy-le-Roi

Les usines de la banlieue de Paris appartenant au SEDIF et régies par la Générale des Eaux sont concernées pour deux d’entre elles par le problème de formation des bromates. Ces usines situées à Neuilly-sur-Marne et à Choisy-le-Roi ont des filières de traitement composées d’une étape de clarification (coagulation, floculation, décantation et filtration), une étape d’ozonation, puis une filtration sur charbon actif en grain et enfin une étape de chloration. Ces deux usines ont un débit moyen de 400 000 m³/j chacune.

La mise en place de simples guides d’eau correctement placés ou de chicanes permet de casser les courts-circuits et recirculations et donc d’augmenter l’efficacité hydraulique des cuves.

[Photo : cuve actuelle de type B de Choisy-le-Roi]

Les différents ouvrages étudiés comportent des contacteurs de trois compartiments chacun. L’injection se fait dans le premier compartiment par des poreux. Quatre cuves ont une géométrie du type A (figure 1) et une du type B (figure 2). Les cuves du type A possèdent des guides d'eau dans le premier compartiment et le deuxième compartiment de manière à orienter le flux entrant (figure 1). La cuve de type B possède des chicanes de remontée d’eau de manière à avoir un flux descendant (figure 2).

L'usine de Choisy-le-Roi exploite de même deux types de contacteurs différents. Sur cette usine l'injection d’ozone gazeux se fait dans les compartiments 1 et 2. Les cuves de type B sont déjà équipées de guides d'eau et de chicanes (figure 4) tandis que les cuves de type A (figure 3) possèdent des guides d'eau uniquement dans le premier compartiment.

Les cuves d’ozonation de géométrie différentes ont donc été étudiées et optimisées à l'aide du logiciel Fluent.

Tableau 2 : comparaison des données expérimentales et des données numériques

Expérience Simulation Écart %
T50 (min) 20,8 19,8 5,1
T90 (min) 40,9 41,2 0,7
σ 0,31 0,28 4,5

Validation du paramétrage du logiciel de simulation

Dans un premier temps la caractérisation hydraulique des cuves de Neuilly-sur-Marne s'est effectuée expérimentalement à l'aide d'un traçage. Ce traçage réalisé par le C.E.A. (Grenoble) a permis de disposer d'une série de données expérimentales.

Le traçage expérimental a permis de déterminer une efficacité hydraulique de l’ordre de 0,5 sur les deux types de cuves de Neuilly-sur-Marne. Cette efficacité hydraulique calculée est moyenne et signifie de plus que les guides d’eau actuellement présents dans les compartiments 1 et 2 ne sont pas efficaces et doivent être optimisés.

Ensuite l’hydraulique de ces cuves a été caractérisée numériquement à l'aide de Fluent. Les résultats obtenus sont très bons puisque l’écart entre les données numériques et les données expérimentales est inférieur à 5 % (tableau 2).

Optimisation hydraulique des cuves de Neuilly-sur-Marne et Choisy-le-Roi

Les cuves de type B de Choisy-le-Roi modélisées sous Fluent ont une efficacité hydraulique de 0,75 et donc ne nécessitent pas d’être optimisées. La caractérisation hydraulique de ces cuves a montré une efficacité hydraulique moyenne variant entre 0,4 et 0,5, traduisant la présence de nombreux court-circuits et recirculations. Ceci est particulièrement visible sur les figures 5 et 6 où l’on peut voir un court-circuit dans le compartiment 2 avec plus de 50 % du volume de ce compartiment où la vitesse est nulle et une recirculation dans le compartiment 3 générateur de sous-produits de formation.

[Photo : courbe iso-vitesses (m/s) de la cuve actuelle de type A de Neuilly-sur-Marne]
[Photo : vecteurs vitesse (m/s) de la cuve actuelle de type A de Neuilly-sur-Marne]

Le logiciel de simulation a permis d’étudier plusieurs types de configurations permettant de placer au mieux ces guides d'eau et ces chicanes.

La meilleure solution retenue est relativement simple. Elle consiste à placer des chicanes dans les compartiments où il n’y a pas …

Tableau 3 : Paramètres hydrauliques des configurations optimisées

Neuilly cuve A Neuilly cuve B Choisy cuve A opti1 Choisy cuve A opti2
Débit : 3100 m³/h Débit : 3400 m³/h Débit : 3000 m³/h Débit : 3000 m³/h
T10 (min) 15 17,9 13,4 14,7
T90 (min) 21,4 22,3 19,8 20
σ 0,7 0,8 0,68 0,73
[Photo : Figure 7 : courbe iso-vitesse (m/s) de la cuve optimisée de type A de Neuilly-sur-Marne]

Les modifications ont permis une amélioration de l’efficacité hydraulique de près de 90 %. En ce qui concerne la cuve de type A de Choisy-le-Roi, deux configurations optimisées ont été retenues en fonction d’une injection d’ozone mono (opti 1) ou double (opti 2) (tableau 3). Le choix du type d’injection doit être déterminé lors d’études ultérieures.

Impact de l’amélioration de l’hydraulique sur la désinfection et sur la formation de sous-produits

La désinfection peut être évaluée par le calcul du CT produit d’une concentration en ozone C et d’un temps de contact T. Sur les usines étudiées, C est le résiduel d’ozone mesuré en continu à la sortie de chaque contacteur (residO3) et T est le temps T10. Le CT est proportionnel à a × residO3 × t.

Il y a deux façons d’examiner l’impact de l’amélioration hydraulique des contacteurs d’ozone :  
– Soit l’opérateur maintient le résiduel d’ozone en sortie constant, auquel cas l’amélioration hydraulique augmente l’efficacité de la désinfection d’un facteur 0,7/0,4.  
– Soit l’opérateur décide de traiter en ozone de façon à garder le même CT qu’actuellement et le résiduel d’ozone en sortie peut être diminué d’un facteur 0,4/0,7.
[Photo : Figure 8 : courbe iso-vitesse (m/s) de la cuve optimisée de type B de Neuilly-sur-Marne]

La formation des bromates est directement liée à la concentration en ozone et, d’après notre modèle de formation des bromates, une diminution du résiduel d’ozone d’un facteur 0,4/0,7 permet de diminuer la formation des bromates de 30 à 40 %.

[Photo : Figure 9 : courbe iso-vitesse (m/s) de la cuve optimisée 1 de type A de Choisy-le-Roi]

Ainsi, l’amélioration de l’hydraulique des cuves permet de réduire la formation des bromates sans changer le niveau de désinfection actuellement en place sur les usines de Neuilly-sur-Marne et Choisy-le-Roi.

Conclusion

Les nouvelles normes sur les bromates en eau produite impliquent des changements sur les usines de traitement d’eau potable. Une amélioration des performances des contacteurs d’ozonation permet, entre autres, de réduire la formation des bromates tout en gardant une désinfection satisfaisante. Les contacteurs des usines de la banlieue de Paris vont donc être améliorés hydrauliquement par l’ajout de simples chicanes. Le logiciel de simulation numérique Fluent a été utilisé après validation par des données expérimentales. Cet outil d’ingénierie a ainsi permis de choisir la configuration la plus appropriée à la maîtrise de la qualité des eaux produites à moindre coût. Le bénéfice de cette amélioration hydraulique est une diminution de la formation des bromates de 30 à 40 % tout en maintenant une désinfection satisfaisante.

Références bibliographiques

C. Galey, V. Dile-Mary, D. Gatel, P. Bonne et J. Cavard. « Quenching the ozone residual after an intermediate ozonation step : the impact on bromate formation ». AWWA 2000 Annual Conference, Denver (Colorado), 11-15 juin 2000.

V. Dile-Mary, C. Galey, D. Gatel et J. Cavard. « Application des plans d’expériences dans le domaine du traitement de l’eau : modélisation de la formation des bromates : sous-produits de l’ozonation ». XXXIIIᵉ Journée de statistique, Fès (Maroc), 15-19 mai 2000.

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