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Optimisation du fonctionnement de la station d'épuration de Menzel Bourguiba et étude de sa modernisation et son influence sur les frais de gestion et d'exploitation

29 mai 2015 Paru dans le N°382 à la page 94 ( mots)
Rédigé par : Slim HAJJI, Hedi SHAYEB et Mohamed-lotfi MAROUANI

L'objectif principal de ce travail est la caractérisation de l'élimination de l'azote en phases aérobie et anoxie par le processus de nitrification/dénitrification sous les nouvelles conditions de gestion du système d'aération ainsi que l'étude de l'influence de la modification de la durée d'aération journalière et d'élimination d'un bassin aérobie par deux existants sur l'efficacité de la nitrification-dénitrification. Le taux d'élimination de l'azote, enregistré par cette station d'épuration, a été comparé aux résultats de simulation par le modèle biologique ASM1. Les résultats ont montré que la conception actuelle de la station d'épuration (trois bassins en série : bassin en anoxie suivi par deux bassins aérées) n'est pas la conception idéale pour l'élimination de l'azote d'une manière optimale. Il est bien montré que la nitrification est de 70% au niveau du premier bassin aérée et de 30% au niveau du deuxième bassin puis se stabilise jusqu'à la sortie des eaux vers la décantation secondaire. Il en résulte un âge des boues supérieur à 26 jours et une concentration en oxygène dissous supérieure au seuil habituel (2 mgO2.L-1 au niveau du deuxième bassin. Toutefois, la nouvelle conception de la station d'épuration en deux bassins seulement (bassin anoxie - bassin aéré) peut être la conception idéale avec l'ajustement des volumes des deux bassins. Cette conception a abouti à la réduction de l'âge des boues à environs 11 jours et à la diminution de la consommation d'énergie d'environ 13%. Ces résultats ont été confirmés par simulation avec le modèle ASM1. Ensuite, un ajustement des périodes aérobies et anoxies en corrélation avec la charge entrante à la station d'épuration a été défini. Un essai respirométrique a été réalisé pour vérifier et confirmer les résultats de simulation relatives au processus d'élimination de l'azote dans deux configurations, et de calculer le coefficient de demi-saturation (KoA) en oxygène dissous et la concentration en biomasse active (XA) afin de les utiliser pour déterminer la demande en oxygène dissout minimale (ODmin) et l'âge des boues (SRT) avec lequel le processus de nitrification peut être accompli d'une manière optimale. Ce travail a mis en évidence l'influence de la caractéristique de l'influent et des conditions de fonctionnement sur les performances globale de la station d'épuration. Les paramètres clés sur lesquels peuvent s'appuyer le contrôle de l'aération et le fonctionnement des stations à boues activées afin de minimiser les frais d'exploitation ont été déterminés et sont présentés dans le tableau 1.

Le procédé de boues activées à faible charge (aération prolongée) avec une charge massique inférieure à 0,10 kgBOD₅·kgMVS⁻¹ est le procédé le plus utilisé en Tunisie pour le traitement des eaux usées urbaines notamment pour l’élimination de l’azote par nitrification et dénitrification. La nitrification dans une station à boues activées peut entraîner une augmentation importante des coûts d’énergie liés à la fourniture de l’oxygène supplémentaire requis par les bactéries nitrifiantes pour oxyder l’ammoniac et le transformer en nitrates. La dénitrification, c’est-à-dire la…

Mots-clés : Nitrification, Dénitrification, modèle ASM1, Biomasse active, Âge des boues, oxygène dissous.

réduction des nitrates en azote gazeux dans des conditions anoxiques, permet de récupérer une partie de l’oxygène lié présent dans les nitrates.

élimination d’azote. Les résultats ont montré que Yₘ, par défaut est jugée trop élevée en phase anoxique et ont proposé un rendement anoxique hétérotrophe (Yₐₙₒₓ).

Tableau 1 : Paramètres clés d’un système à boues activées

Paramètres Unité Test respirométrique Résultats de simulation STEP à trois bassins
Plage de la D.O. mg/L 0,4 – 2 0,35 – 3,78 0,1 – 2,52
D.O. spécifique mg/L O₂ 1,55 2 2
SRTnit j 14 15 26

Dans le cadre d’une approche optimisée, il est possible de faire fonctionner le système d’aération par intermittence et d’assurer l’oxygène nécessaire à la nitrification, puis de récupérer l’oxygène lié, sous des conditions anoxiques. Cette approche peut réduire les frais de fonctionnement de la station notamment les coûts d’énergie liés à l’aération tout en produisant un effluent de qualité acceptable. Sous ces deux conditions, la vitesse de croissance de la biomasse nitrifiante dépend des conditions de fonctionnement : concentration d’ammonium, charge polluante, concentration en oxygène, âge des boues, température, source de carbone (Choubert et al., 2005). En raison de la qualité réductrice de la biomasse hétérotrophe en phase anoxique (accepteur d’électrons), une conversion significative de nitrate en N₂ se produit mais cette réaction est généralement limitée par les faibles concentrations de la fraction facilement biodégradable (Ss) de la demande chimique en oxygène (DCO). Ce taux varie dans une gamme de 0,5 à 2 mg N·g MVS⁻¹·h⁻¹ (ATV-A131E, 2000 ; FNDAE n° 25, 2002 ; Orhon et al., 1998) et dépend essentiellement de trois conditions principales : concentration en oxygène dissous, concentration en nitrate et DCO facilement biodégradable (Ss). Ainsi, une vérification de la nouvelle durée de la phase anoxique doit être déterminée, des simulations avec le modèle ASM1 (Henze et al., 1987) peuvent vérifier cette durée et offrir des conditions de fonctionnement plus précises.

Les résultats d’études récentes basées principalement sur des expériences spécifiques de laboratoire ont montré que certaines valeurs des paramètres par défaut dans ASM1, notamment le taux de synthèse de la biomasse hétérotrophe (Yₘ), nécessitent une révision en fonction des performances de la valeur aérobie 0,67 g DCO·produite·g DCO⁻¹ (Muller et al., 2003 ; Spérandio et al., 1999 ; Strotmann et al., 1999 ; Sozen et al., 1998). Cette modification a été introduite au niveau du modèle ASM3 (Henze et al., 2000 ; Gujer et al., 1999).

Avec Yₘ = 0,54 g DCO·produite·g DCO⁻¹, le taux d’élimination de nitrate est de l’ordre de 0,161 g NO₃-N·g DCO⁻¹·produite au lieu de 0,115 g NO₃-N·g DCO⁻¹·produite pour Yₘ = 0,67 g DCO·produite·g DCO⁻¹ (Muller et al., 2003). Cette augmentation du taux de réduction des nitrates d’environ 40 % entraîne une baisse des concentrations de nitrates dans l’effluent. Cette valeur de Yₘ a été utilisée dans les deux configurations afin d’étudier et de valider cette réduction du taux de conversion des hétérotrophes en phase anoxique (Yₘₐₙₒₓ) et les actions de modernisation de la station d’épuration de la ville de Menzel Bourguiba dans une approche d’optimisation de son fonctionnement. Ainsi, un test respirométrique a été réalisé pour vérifier et confirmer les résultats de simulations relatives au processus d’élimination de l’azote dans les deux conceptions, et de calculer le coefficient de demi-saturation (KₒA) en oxygène dissous et la concentration en biomasse active (Xₐ) afin de les utiliser pour déterminer la demande en oxygène dissous minimale (ODₘᵢₙ) et l’âge des boues minimal (SRT) avec lequel le processus de nitrification peut être réalisé.

Matériels et méthodes

La station d’épuration de Menzel Bourguiba

La station d’épuration de la ville de Menzel Bourguiba est à boues activées à faible charge avec une charge massique de 0,075 g BOD·g MVS⁻¹·j⁻¹, un débit journalier de 11 500 m³·j⁻¹ et une charge biologique de 4 700 kg DBO·j⁻¹. Le temps de rétention hydraulique est de deux jours et le temps de séjour des boues est de 18,5 jours. Cette station est composée de deux files identiques et parallèles. Chaque file est composée de trois bassins biologiques en séries. Le premier est un bassin anoxique mélangé par des agitateurs et reçoit 35 % du débit et les deux suivants sont aérés par des aérateurs mécaniques de surface et équipés d’agitateurs. Le taux de recyclage de la liqueur mixte est de 150 % et le taux de recyclage de boues de retour est de 75 %. Les deux sont recyclés vers le bassin anoxique. Le fonctionnement des aérateurs est commandé par horloge avec des cycles d’aération identiques. La durée d’aération est de 18 h·j⁻¹. Dans une approche d’optimisation du fonctionnement du système d’aération, un nouveau mode de gestion et de commande de l’aération a été mis en place. Le principe est de faire varier la durée des périodes de marche et d’arrêt en fonction du débit et de la charge reçus par la station. Ce mode de gestion conduit à une réduction de l’aération de 6 h·j⁻¹.

Les paramètres suivants ont été suivis pendant les campagnes de trois jours : débit journalier et concentrations moyennes journalières des paramètres suivants (DBO, DCO, NTK, NH₄⁺, NO₃⁻, TSS, MVS), concentration en oxygène dissous (OD), durée de la phase aérobie et concentration en MVS dans le bassin d’aération.

Bilan masse azote

La vitesse de nitrification maximale est donnée par l’équation suivante (J. M. Choubert, 2002) :

Vₙₘₐₓ = μₘₐₓ × Xₐ × ( SRT bₐ + SRT ) (1)

Avec :

Vₙₘₐₓ : vitesse maximale de nitrification.

μₘₐₓ : taux de croissance maximal des autotrophes.

Xₐ : concentration en biomasse autotrophe.

Yₐ : rendement cellulaire des autotrophes.

Cₛ(N) : charge volumique en azote.

bₐ : taux de décès de la biomasse autotrophe.

SRT : âge des boues.

λ : Part d’azote nitrifié : Cv(N) nitrifié/Cv(N)

La vitesse moyenne de dénitrification (rₓdeni) a été calculée à partir de l’équilibre de la masse d’azote pendant 24 heures. Ce calcul est basé sur le débit d’entrée et les concentrations moyennes (NTK, NH₄⁺, NO₃, DBO₅) à l’entrée et à la sortie de la station.

Le taux moyen journalier de dénitrification est donné par cette équation (J. M. Choubert, 2002) :

rₓdeni = (M_TKN,in − MASS − M_TKN,out + M_NH₄,in − M_NO₃,out) / (MVS × V × D_deni)   (1)

Avec :

M : masse d’azote en kg N·j⁻¹ MASS : quantité d’azote assimilée = 5 % de la DBO₅ éliminée V : volume total des réacteurs biologiques en m³ D_deni : durée journalière de la période d’anoxie en h·j⁻¹ MVS : concentration de la liqueur mixte dans le réacteur biologique en kg MVS·m⁻³

Modèle et simulation

Le modèle ASM1 est utilisé comme outil de simulation avec un taux de croissance de la biomasse hétérotrophe modifié pour le bassin anoxique par un nouveau paramètre Y_h,anox = 0,54 g DCO_produit·g DCO⁻¹. La valeur par défaut (Y_h,aer = 0,67 g DCO_produit·g DCO⁻¹) est conservée pour les bassins aérobies. Les simulations ont été réalisées sur les deux configurations schématisées par les figures 1 et 2 avec un modèle de décantation non réactif à dix couches (Takacs et al., 1991) pour le clarificateur. Pour les deux configurations, le fonctionnement de la station a été simulé pour différentes durées d’aération dans un intervalle de 13 à 18,5 heures par jour. L’arrêt des aérateurs de surface est contrôlé avec un seuil maximal de 2 g O₂·m⁻³ pour l’arrêt d’aération et un seuil bas de 0,1 g O₂·m⁻³ pour le déclenchement des aérateurs.

Les paramètres opérationnels, les concentrations moyennes journalières et les fractions de la DCO des eaux usées sont présentés dans le tableau 2.

Les paramètres cinétiques retenus pour la simulation sont présentés dans le tableau 3.

[Photo : Figure 2 – Layout de la nouvelle configuration.]

Tableau 2 : Caractéristiques de l’influent et paramètres opérationnels

ParamètresUnitéValeurObservation
Débitm³·j⁻¹5800Moyenne d’un mois
DCOmg·L⁻¹320Moyenne de trois jours
SS = 24 %, SI = 7 %
XS = 54 %, XI = 15 %
DBO₅mg·L⁻¹180
TKNmg·L⁻¹50,9Moyenne de trois jours
NH₄⁺mg·L⁻¹35,6
NO₃mg·L⁻¹0,45
Volume total14 00035 % anoxie
MVSkg·m⁻³3,8Varie de 3,5 à 3,95
SRT nit.j10,5
SRT denit.j818,5/18
Demande en oxygène (DO)mg O₂·L⁻¹1,250,1 – 2,5
pH7,57 – 8
F/M (BOD₅/SS.a)kg DBO₅·kg MVS⁻¹·j⁻¹0,065
HRTh7
T°C1918 – 21
MLSSmg·L⁻¹40003800 – 4200
MLVSSmg·L⁻¹28002660 – 2940
[Photo : Figure 1 – Layout de la configuration actuelle.]

Respiromètre

Un test de contrôle et de vérification des résultats du calage du modèle de simulation a été effectué au moyen d’un respiromètre (figure 3). Cet appareil permet d’effectuer le test sous différentes conditions de température, de pH et d’oxygène dissous. Il donne aussi la possibilité de les changer, si nécessaire, au cours de l’essai.

Le respiromètre utilisé est composé de :

  1. un moteur d’agitation ;
  2. un régulateur d’oxygène et de pH ;
  3. des sondes d’oxygène et de pH ;
  4. des tubes de recirculation entrée et sortie ;
  5. une pompe péristaltique ;
  6. des palettes d’agitation ;
  7. un diffuseur d’air ;
  8. un système de refroidissement et de chauffage automatique ;
  9. un afficheur ;
  10. un PC avec logiciel.

En se basant sur le formalisme de Monod

Tableau 3 : Paramètres cinétiques retenus pour la simulation

ParamètresUnitéValeurParamètresUnitéValeur
YgX gDCO⁻¹0,67b₁j⁻¹0,47
YmaxgX gDCO⁻¹0,54kgXS gX⁻¹ j⁻¹1,5
YgX ENnit⁻¹0,24KINgNH₄⁺ m³0,1
a0,08μₐj⁻¹0,45
wₑgN gDCO⁻¹0,086K₀ₐgO₂ m³0,2
wₑgN gDCO⁻¹0,06K₀ₚgDCO₂ m³ j⁻¹0,04
μ_hj⁻¹3k₀gO₂ C₀ m⁻³0,04
KgO₂ C₀ m⁻³20b₂j⁻¹0,13
K₀gN₂O m³0,1η₁0,8
K₀ₛgO₂ m³0,05η₂0,4

et le modèle ASML, les équations suivantes ont été retenues pour l’exploitation des résultats de l’essai respirométrique pour le calage du modèle de simulation.

Taux de consommation d’ammonium (ammonium uptake rate) (AUR)

Le taux de consommation d’ammonium (AUR) est calculé en appliquant une équation du bilan de masse à partir de données de fonctionnement de la station d’épuration (tableau 2).

(3) AUR = Sₙ / HRT

Avec

  • Sₙ : concentration d’ammonium à nitrifier (mg NH₄⁺-N L⁻¹) = TKNₐ – TKNₑ – Nₛₙ.
  • HRT : temps de séjour hydraulique.
  • TKNₐ : concentration de l’effluent à l’entrée (mg N L⁻¹).
  • TKNₑ : concentration de l’effluent à la sortie (mg N L⁻¹).
  • Nₛₙ : azote utilisé pour la synthèse cellulaire (mg N L⁻¹) = 0,04 × DBO₅biologique.
  • DBO₅ : demande biologique en oxygène (mg O₂ L⁻¹).

Taux de consommation d’ammonium pour un DO max (uptake rate for maximum DO) : AURmax

Le taux de consommation d’ammonium (AURmax) est calculé à partir de l’équation suivante :

(4) AURmax = OURmax / 4,57

Coefficient de demi-saturation (K₀ₐ)

Avec les résultats AUR et AURmax, il est utilisé une équation basée sur la cinétique de Monod :

(5) AUR = AUR0 × OD / (K₀ₐ + OD)

À partir de l’équation (5), on peut calculer le coefficient K₀ₐ :

(6) K₀ₐ = OD (AURmax – AUR) / AUR

où K₀ₐ est en mg L⁻¹.

D’après l’équation (5), on peut déduire une relation de la variation du taux de consommation d’ammonium en fonction d’oxygène dissous, en se basant sur cette équation :

(7) AURmax = AUR0 × OD₁ / (K₀ₐ + OD₁)

Capacité de nitrification (CN)

L’équation (8) décrit la relation entre la capacité de la nitrification (CN), le taux de consommation d’ammonium (AUR) et le temps de séjour hydraulique pour la nitrification :

(8) CNₓ = AURₓ × HRT

où CNₓ : capacité de nitrification (mg NH₄⁺-N L⁻¹).

Age des boues (Sludge Retention Time – SRT)

La concentration des bactéries nitrifiantes est calculée sur la base de deux principes :

  1. le taux de respiration endogène est directement proportionnel à la biomasse active totale et
  2. le choix maximal de la fréquence respiratoire exogène due à la nitrification est directement proportionnel à la concentration des bactéries nitrifiantes.

D’après Michael W. Barnett et al. (1998) et Vanrolleghem, Verstraete & W. et al. (1993), le taux de respiration endogène est directement proportionnel à la teneur en biomasse active et, sur la base de l’équation formulée par James C. Young (2004), il peut être obtenu une équation mathématique qui relie la biomasse nitrifiante active avec sa respiration endogène :

(9) Xₙ = 24 × OURend / (fₑv × bₙ,T₀)

Où :

  • Xₙ : concentration de la biomasse nitrifiante.
  • OURend : taux de consommation endogène (mg L⁻¹ h⁻¹).
  • fₑv = 1,48 (coefficient de consommation d’oxygène par unité de biomasse active).
  • bₙ,T₀ : taux de respiration endogène de la biomasse nitrifiante à la température T.

bₙ,T₀ = 0,17 × 1,097^(T–20) (Melcer, 2003).

Taux de croissance de la biomasse autotrophe

La croissance de la biomasse autotrophe est calculée à partir de l’AUR réelle :

(10) μₐ = Yₐ + 24 × AUR / Xₐ

avec Yₐ : rendement cellulaire des autotrophes.

Age de boues minimal ou SRTmin

Age des boues minimal requis pour l’implantation de la biomasse nitrifiante :

(11) SRTmin = 1 / (μₐ – bₐ) (Martin, 1979)

[Photo : Figure 3 – Respiromètre (Laboratoire de la cellule de veille environnementale – Laboratoire de la STEP Charguia-ONAS)]
[Photo : légende : Qualité des eaux traitées.]

Résultat et discussion

Approche d’optimisation de la configuration de la station d’épuration

Avec la configuration actuelle, les simulations montrent (figures 4 et 5) que le fonctionnement n’est pas optimal malgré que les eaux traitées soient conformes à la norme de rejet. Le système d’aération a été dimensionné pour une charge en DCO d’environ 8000 kg/j alors qu’en période d’essai, en avril-mai 2013 et janvier-février 2014, il a été remarqué que la charge en DCO reçue par la STEP de Menzel Bourguiba ne correspond qu’à 25 % de sa charge nominale. La charge hydraulique pourtant se situe à 62 % de la charge nominale. À l’état actuel, la valeur théorique de la consommation en énergie pour l’aération est de 15 % plus élevée que la valeur simulée. Aussi, avec la conception actuelle et la concentration en MVS dans le réacteur biologique, l’âge de boue est d’environ 26 jours.

Plusieurs simulations ont été effectuées pour la nouvelle conception telle que présentée par la figure 2 dans la perspective d’optimiser l’aération en fonction de la charge polluante et de la concentration en azote dans les bassins biologiques. Les résultats ont montré que la qualité des eaux traitées est étroitement liée aux charges polluantes d’entrées à la station d’épuration (figure 6). Les concentrations simulées en sortie et dans les bassins concordent avec les concentrations mesurées notamment pour l’oxygène dissous. Cette nouvelle configuration résulte d’une réduction de l’âge des boues de 11 jours et une réduction significative du temps d’aération d’environ 6 à 8 h·j⁻¹.

[Photo : légende : Concentration en oxygène dissous dans les bassins d’aération.]
[Photo : légende : Qualité des eaux traitées.]

Approche d’optimisation du processus de nitrification/dénitrification

Le but essentiel est de vérifier si l’activité dénitrifiante des bactéries hétérotrophes était plus élevée en augmentant la durée de la phase d’anoxie. Casey et al. (1999) mentionnent que les réductases (enzymes assurant la réduction des nitrates) sont

[Photo : légende : Concentration en oxygène dissous dans le bassin d’aération.]
[Photo : Figure 8. Évolution des différentes formes de l’azote dans les trois bassins en fonction du temps – conception actuelle.]

affectées lorsque les conditions passent d’anoxies à aérobies. L’effet immédiat de la présence d’oxygène libre serait l’inactivation du mécanisme de transfert d’électron des réductases. Une aération lente peut entraîner l’inhibition de la synthèse de ces enzymes. Si cette inhibition survient, les réductases doivent être synthétisées de nouveau à chaque début de phase anoxie, retardant par le fait même le processus de dénitrification.

Des simulations numériques ont été effectuées avec la configuration proposée et un bassin d’anoxie (le tiers du volume total) placé en tête d’un bassin aéré (deux tiers du volume total) dont la somme des volumes est identique au volume de l’installation actuelle avec le contrôle des entrées et le recyclage interne des liqueurs mixtes sortant du bassin aéré (non prévu actuellement) et des boues de retour à partir de la décantation secondaire (voir figure 2). Tous les paramètres opérationnels sont identiques pour les deux configurations, hormis les fractions de boue en zone aérée : la masse de boue présente dans le bassin d’aération représente seulement 55 à 60 % de la masse de boue totale, alors que dans la configuration actuelle, elle représente 33 à 40 % dans chaque bassin d’aération (tableaux 1 et 2).

La figure 8 illustre l’évolution en fonction du temps des performances d’élimination de l’azote dans les différents bassins biologiques de la configuration actuelle.

Les résultats de simulation montrent qu’une durée minimale de 10 heures d’aération par jour est nécessaire. La vitesse de nitrification est d’environ 3,61 mgN.L".h-1 (d’après la figure 8), valeur très proche de celle simulée. Le premier bassin d’aération ne réalise qu’une nitrification partielle. Les performances de traitement s’améliorent au fur et à mesure que la durée d’aération augmente en passant vers le deuxième bassin d’aération où la vitesse de nitrification atteint sa limite. D’après l’équation 1, la vitesse de nitrification maximale (V_max) calculée est de 9,52 mgNnit.L.h-1 similaire à celle simulée au niveau du bassin n° 2. Au niveau du bassin d’anoxie, la vitesse de réduction de NO₃ est estimée à 5,73 mg NO₃.L".h-1 avec une durée d’anoxie supérieure à 2 heures avant que les boues passent au premier bassin aéré.

La figure 9 illustre les performances de la configuration proposée qui correspond à l’élimination d’un bassin aéré avec l’ajustement des volumes du bassin d’anoxie et celui aéré.

La comparaison des flux d’azote des deux configurations montre que la différence entre les vitesses de nitrification et de dénitrification est comparable dans les deux configurations. Une telle différence peut s’expliquer par le développement d’une biomasse autotrophe plus riche correspondant à un écart de vitesse maximal de nitrification (d’après figures 8 et 9). Puisque dans les deux cas, la charge azotée entrante et la concentration en azote ammoniacal en sortie sont comparables, la différence entre les vitesses pourrait être expliquée par l’apport d’azote endogène dont la lyse de la biomasse hétérotrophe est responsable. On constate en effet que la durée de la phase d’anoxie qui favorise la dénitrification de N-NO₃ dans la nouvelle conception est presque 50 % plus importante que celle de l’installation actuelle d’où une réduction d’aération acceptable.

Ces résultats ont été presque confirmés par un essai respirométrique. Un test dynamique a été réalisé en utilisant un échantillon de boues activées (un litre) et après 24 heures d’aération, les boues activées ont été dosées avec du chlorure d’ammonium (NH₄Cl). La figure 10 a montré qu’à l’entrée du premier bassin aéré, la dégradation de la DCO est accomplie mais le processus de nitrification n’a pas pu avoir lieu, ce qui est expliqué par le niveau bas de la concentration en oxygène dissous nécessaire pour le déclenchement de l’aération. La valeur moyenne mesurée était proche de 0,25 mg.L". À cette condition, l’enlèvement de la DCO a pris beaucoup de temps (surcharge en concentration et capacité d’élimination limitée) ce qui inhibe le démarrage de la nitrification. Lorsque la DCO est pratiquement éliminée et avec l’augmentation progressive de la concentration en oxygène dissous, le processus de la nitrification démarre et atteint son maximum au niveau des premiers mètres du deuxième bassin d’aération. Il est à signaler que le processus de nitrification a été réalisé pendant 11 heures d’aération alors que le temps d’aération appliqué par jour est d’environ 18 heures.

Cette situation nous amène à tester une nouvelle conception pour la station d’épuration avec un bassin en anoxie et un seul bassin aéré. Afin de déterminer les performances de cette nouvelle configuration, nous avons augmenté progressivement la concentration en oxygène dissous. Les résultats sont illustrés par la figure 11. Il est bien montré que l’augmentation du niveau d’oxygène dans le bassin d’aération permet la dégradation rapide de la DCO et donne la possibilité au processus de nitrification de s’effectuer. À une concentration en oxygène dissous de 1,92 mg.L", la durée de la nitrification …

[Photo : Figure 9. Processus nitrification/dénitrification en fonction du temps d’aération – nouvelle conception.]
[Photo : Figure 10 - Processus nitrification/dénitrification - configuration actuelle (à trois bassins).]

La durée de nitrification totale de l’azote est estimée à 8 heures.

Dans les deux cas et d’après les figures 10 et 11, le processus de dénitrification se déroule d'une manière similaire, ce qui diffère des résultats de simulations par le modèle ASM1 (figures 8 et 9). Cette situation peut être expliquée par le niveau d'erreur lors de la simulation ou la réalisation de l’essai respirométrique.

La figure 12 montre la vitesse de nitrification en fonction du temps d’aération. D’après les données mentionnées dans le tableau 1, les résultats de l'essai respirométrique (figure 12) et les équations (3), (4), (5), (6), les principaux paramètres ont été calculés et sont présentés dans le tableau 4.

Ensuite, en se basant sur les équations (7) et (8), les valeurs de AUR et C_N ont été déterminées en fonction des différentes valeurs en OD (tableau 5).

D’après la figure 13, on peut constater qu'une concentration en oxygène dissous de 0,4 mg O₂/L est suffisante pour que la capacité de nitrification dépasse la concentration minimale en ammonium à nitrifier (S_Nmin). Cependant, au-dessous de cette concentration, la vitesse de nitrification est très faible ou bien nulle. Pour cette raison, la valeur 0,4 mg O₂/L a été établie comme une valeur minimale.

On peut signaler aussi qu’à partir d’une valeur maximale en oxygène dissous de 2 mg O₂/L, il n’y a plus de concentration en ammonium (S_N) à nitrifier et le taux de nitrification se stabilise et atteint son maximum. Ainsi, la valeur spécifique en oxygène dissous qui correspond à la valeur spécifique de S_N (37 mg N-NH₄·L⁻¹) est d’environ 1,55 mg O₂·L⁻¹. Dans ce cas, on peut considérer que la plage de variation en oxygène dissous est de 0,4 à 2 mg O₂·L⁻¹ avec une valeur spécifique de 1,55 mg O₂·L⁻¹.

À partir de la figure 12, les équations (9), (10), (11) et le tableau 4, les valeurs de X_μ, μ_y et SRT ont été calculées et présentées dans le tableau 6.

Les paramètres clés calculés sur lesquels peuvent s’appuyer le contrôle de l’aération et le fonctionnement des stations à boues activées sont présentés sur le tableau 7. Le tableau 7 présente les résultats de simulation par le modèle ASM1 et de l’essai respirométrique qui sont comparables entre eux mais ils présentent une grande différence par rapport aux conditions actuelles d’exploitation de la station d’épuration. Cela signifie que la station fonctionne avec des paramètres non optimaux qui n’assurent pas une économie d’énergie.

À titre d’exemple, on peut citer le cas de la station d’épuration de Menzel Bourguiba.

[Photo : Figure 11 - Processus nitrification/dénitrification - configuration proposée (à deux bassins).]
[Photo : Figure 12 - Vitesse de nitrification en fonction du temps d’aération (respirogramme).]

Tableau 4 : Valeurs des paramètres clés

Paramètres Unité Valeurs Observations
OUR_max mg O₂/L·h 34,08 Figure 12
OUR_min mg O₂/L·h 2,01 Figure 12
S_N mg NH₄-N/L 37 mesuré
Variation S_N mg NH₄-N/L 17-44 des concentrations mesurées en trois jours
AUR_max mg NH₄-N/L·h 7,37 Équation 4
AUR_min mg NH₄-N/L·h 5,29 Équation 5
K_m mg O₂/L 0,49 Équation 6

Tableau 5 : AURn et CNn en fonction des valeurs de ODn

ParamètresUnitéValeurs
ODnmg /l0,1  0,25  0,5  0,75  1  1,25  1,5  1,75  2  2,25  2,5  2,75
AURnmg NH₄-N / l·h1,25  2,49  3,72  4,46  4,95  5,29  5,56  5,76  5,92  6,05  6,16  6,26
CNnmg NH₄-N / l8,74  17,43  26,06  31,20  34,62  37,06  38,89  40,30  41,44  42,36  43,14  43,79

Les frais d’exploitation de cette station sont de l’ordre de 66 mille Dinars Tunisiens en 2013 (~30 k€) (rapport d’exploitation de l’Office National d’Assainissement en Tunisie – ONAS). La mise en place des résultats trouvés et la modernisation de la station basée sur les paramètres définis pourraient réduire les frais à 20 mille DT·an⁻¹.

Tableau 6 : Valeurs de Xₘₐ, SRT et μₐ

ParamètresUnitéValeur
Xₘₐmg /l173
μₐj⁻¹0,2
SRTj14
[Photo : Figure 13 : Concentration en oxygène en fonction de la capacité de nitrification]

Tableau 7 : Résumé des paramètres d’optimisation d’énergie – comparaison avec les valeurs actuelles

ParamètresUnitéSituation proposée (2 bassins)Situation actuelle STEP (3 bassins)
Plage en ODmg O₂/l0,4 – 2 (test respirométrique) / 0,35 – 3,78 (simulation)0,1 – 2,52
OD spécifiquemg O₂/l1,552
SRTj1426

L’application d’une telle approche pour les autres stations d’épuration tunisiennes de conception similaire à celle de la station de Menzel Bourguiba pourrait réduire les frais de gestion des stations d’environ 1 million de DT par an (~0,5 million €·an⁻¹).

Suite à ces résultats, l’exploitant de la STEP a réalisé un recyclage interne à partir du deuxième bassin aérobie vers le bassin anoxie ; des améliorations significatives du rendement épuratoire et énergétique ont été observées et constatées. Ces résultats pourraient être optimisés par l’installation de sondes de contrôle en ligne des formes d’azote, la combinaison des modèles de contrôle, notamment le contrôle par anticipation et par recyclage interne.

Conclusion

Ce travail a été effectué pour deux conceptions différentes de l’aération dans la station d’épuration de Menzel Bourguiba : dans une approche d’optimisation de l’exploitation de la station d’épuration d’une part, et pour minimiser les frais d’exploitation d’autre part. Dans une première étape, des simulations ont été menées pour comparer la performance de l’installation actuelle et celle proposée pour minimiser les investissements et les frais de gestion tout en obtenant des eaux épurées de qualité acceptable. Dans une deuxième étape, les processus de nitrification et dénitrification dans les deux cas de figure ont été comparés et la durée de chaque phase a été déterminée.

La pertinence de la nouvelle conception a été évaluée de façon critique et les économies d’énergie résultant de la récupération de l’oxygène liée durant la dénitrification ont été évaluées.

Enfin, un essai respirométrique donne la possibilité d’obtenir le taux de respiration maximal réel lié à la nitrification et le taux de la respiration endogène des boues. Avec ces paramètres, les paramètres opérationnels principaux des boues activées ont été définis, notamment la demande en oxygène dissous (OD) et l’âge des boues (SRT).

Les résultats de la simulation par le modèle ASM1 et de l’essai respirométrique sont similaires. Toutefois, le fonctionnement actuel de la station d’épuration est loin d’être optimal.

Les résultats et valeurs obtenues peuvent être utilisés comme valeurs de base pour la modernisation de la station d’épuration actuelle. Elle consiste à abandonner l’un des deux bassins aérobies et à changer le système d’aération en diffuseur d’air puisque la profondeur des bassins le permet. Cette approche permet une amélioration du processus de nitrification-dénitrification et une réduction sensible des besoins en énergie avec une amélioration de l’efficacité du traitement.

Remerciements

Mes remerciements s’adressent aux exploitants de la station d’épuration de Menzel Bourguiba et aux personnels du laboratoire d’analyses « Green Lab » qui ont aimablement réalisé les échantillons et les analyses des paramètres relatifs au fonctionnement de la station et à la qualité des eaux épurées.

Références bibliographiques

AITNIOU, 2020. Dimensioning of single-stage activated sludge …

HEEZ, M., 1990 …

LU, G., A., KEN, A., 1998 …

MEL WB., KS., ICH., FA., JOH., 1996 …

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