Intérêt des circuits pilotes
Degrémont
RECHERCHE D’OPTIMISATION
L’élaboration des produits de conditionnement des eaux fait appel à l'étude de formulations. Le choix des produits de base résulte non seulement de l'efficacité reconnue d'un type de molécule, mais encore de la qualité d’obtention de cette molécule. Cette recherche de qualité, directement liée au processus de fabrication, demande des moyens de plus en plus rigoureux de contrôle : à titre d’exemple, les familles antitartres-dispersants à développement récent telles que les acrylates font appel à des procédés d’analyse et de contrôle relativement sophistiqués afin de maîtriser la qualité de la production et de permettre une sélection des matières premières en fonction des applications recherchées. Une formulation fait intervenir très souvent l'association de plusieurs produits de base et la recherche d’une composition optimale : des essais préalables en laboratoire sont là aussi nécessaires. L’application de ces produits, formulations et procédés à la résolution de cas concrets, peut aussi s’accompagner d'études « in situ ».
Dans tous les cas il s’agit d’optimiser : les circuits pilotes se situent dans cette perspective.
QUELQUES EXEMPLES DE CIRCUITS PILOTES
Il existe bien sûr toute une graduation dans les types de pilotes rencontrés, et ceci en fonction de l'usage qui en est fait et du but recherché. Citons quelques exemples :
1. Au stade laboratoire, il existe :
— les cellules pour l'étude cinétique de la précipitation des sels (carbonate de calcium, sulfate de calcium, phosphate de calcium...), — les circuits simulés pour les études de corrosion avec des eaux reconstituées.
2. Aux stades laboratoire et industriel, l'on peut rencontrer :
— les cellules d’encrassement avec thermocouples, — les échangeurs tests avec prises de températures et de débits permettant le calcul des coefficients d'échange thermique, — les éprouvettes tests de corrosion.
Les figures 1 et 2 donnent un exemple d’application d’un tel dispositif placé dans l’axe d’une conduite d’un réseau de distribution alimenté en eau peu minéralisée et très corrosive (pH 7, TH 4°, TAC 4°).
Les observations visuelles et quantitatives (par pesée des anneaux après décapage) ont permis d’évaluer l'efficacité du conditionnement inhibiteur de corrosion et d’optimiser le procédé (la vitesse de corrosion de l’acier passe de 310 μ/an sans inhibiteur à 35 μ/an avec inhibiteur).
— les circuits pilotes avec tours de refroidissement.
Ce type de circuit est déjà beaucoup plus important. Il comporte un échangeur de température avec un circuit primaire fournisseur de calories et un circuit secondaire refroidi par un réfrigérant atmosphérique.
Ce circuit présente l’intérêt d’avoir un très large domaine d'application et de pouvoir se rapprocher des circuits industriels (au propre et au figuré) en intégrant dans les possibilités d’études les trois aspects suivants : salissures et développements biologiques éventuels, entartrage et corrosion.
Bien entendu, l’utilisation d’un tel circuit nécessite un potentiel humain important pour son suivi et sa surveillance et ne peut être envisagée que pour des études justifiant un tel investissement, soit par leurs retombées au niveau des procédés (étude du comportement des produits...), soit par le contexte (contraintes de rejets, niveaux de
Compte tenu de son intérêt et pour illustrer ce qui précède, nous donnerons successivement : quelques exemples d'utilisations de ce type de circuit, soit en études préalables, soit en études « in situ », puis un descriptif sommaire de l'installation et enfin, quelques remarques et précautions d'utilisation.
UTILISATION DU CIRCUIT PILOTE AVEC TOUR DE REFROIDISSEMENT DANS L'ÉTUDE PRÉALABLE DE FORMULATIONS OU DE LEUR APPLICATION
Comme déjà indiqué précédemment, les études de comportement et la recherche d'optimisation pourront porter sur les trois niveaux : matières premières, formulations, application.
Prenons par exemple l'étude des procédés antitartres : il pourra être intéressant à partir d'une même eau d'appoint de rechercher l'efficacité comparée de plusieurs antitartres en étudiant l'influence de différents paramètres tels que : niveaux de températures, taux de concentration, indice de Ryznar, temps de séjour... et ceci tout en suivant la réponse anticorrosion du système ; on peut ainsi aboutir à une amélioration des formulations et même être conduit à l'élaboration de nouveaux procédés ; on peut aussi simuler un entartrage d'installation et rechercher les modalités de rattrapage de situation.
À propos d'un cas concret industriel, il est possible de partir d'une eau reconstituée et de connaître sur le pilote la réponse du circuit en regard de différents procédés de conditionnement.
UTILISATION DE CE TYPE DE CIRCUIT « in situ »
Nous nous situons alors de façon encore plus proche de la réalité : le pilote se trouve dans l'usine à proximité du circuit à étudier (même environnement, même eau d'appoint, même source de chaleur éventuellement...) ; on retrouve les mêmes possibilités d'études que précédemment, avec l'intérêt de pouvoir fonctionner en parallèle avec le circuit « usine » à étudier et de procéder à des manipulations sans gêner le fonctionnement du circuit principal.
Une étude sur les rejets (impact sur l'environnement, traitement éventuel...) pourra aussi être menée sur les purges du circuit pilote.
Un cas particulièrement intéressant est l'étude du recyclage des eaux usées (épuration + conditionnement) en vue d'une réutilisation pour le refroidissement. Cette recherche tout à fait d'actualité exige, bien entendu, de pouvoir faire les essais sur le site pour tenir compte de tous les paramètres industriels, et avoir des mesures qui soient représentatives du comportement réel du circuit.
DESCRIPTION SOMMAIRE D'UN CIRCUIT PILOTE AVEC TOUR DE REFROIDISSEMENT
Le schéma de principe et les figures 3 et 4 qui suivent donnent un exemple de réalisation d'un tel pilote. L'ensemble comprend :
– un circuit primaire comportant :
• 1 chaudière à eau chaude,
• 1 régulateur d'entrée d'eau chaude sur une vanne à 3 voies,
• 1 circulateur,
• 1 thermostat ;
– un circuit secondaire comportant :
• 1 tour de refroidissement,
• 1 ballon tampon permettant de faire varier le temps de séjour,
• 1 pompe de reprise,
• 1 régulateur de température qui commande le régulateur placé sur la chaudière,
• 1 filtration dérivée ;
– deux échangeurs tubulaires (en acier ou en alliages spéciaux) avec possibilité de prises de températures et de débits pour le calcul des coefficients d'échange ;
– des installations de dosage de réactifs (acide éventuel, produits de conditionnement...) ;
– une arrivée d'eau d'appoint avec une possibilité de stockage pour l'appoint ;
– des systèmes de contrôle et de régulation :
• asservissements des dosages et des purges,
• armoire électrique de commande,
• pH-mètre,
• conductivimètre,
• corrosimètres,
• éprouvettes tests de corrosion,
• cellule d'encrassement.
REMARQUESET PRÉCAUTIONSD'UTILISATION
Le « pilote » d'un circuit de refroidissement est un excellent outil de travail mais pour ce faire il doit être utilisé et interprété avec discernement.
Quelques remarques à ce sujet nous paraissent importantes :
- — le rapport surface métallique/volume, est en général beaucoup plus élevé sur un circuit pilote que sur un circuit industriel ;
- — le volume du circuit et le débit d’appoint sont faibles ;
- — il en résulte que les premiers jours les consommations en réactifs, qui dépendent beaucoup plus des conditions de fonctionnement et surfaces en présence que du débit d’eau d’appoint, sont importantes. Il est donc nécessaire d’en tenir compte lors d’un démarrage d’essai, surtout si l'on souhaite une réponse rapide ;
- — la phase de démarrage est toujours une période primordiale quant à l’efficacité d’un traitement : aussi faut-il s’assurer lors d'un nouvel essai que le circuit pilote est stabilisé, avant de placer les témoins de corrosion ou d’encrassement ; ceci prend toute son importance lorsque l’on sait qu’entre deux essais il est pratiqué des nettoyages de circuit avec éventuellement adjonction de produits acides ;
- — il y a toujours intérêt lorsqu’il s'agit du même sujet, d’en prévoir la programmation à l'avance pour éviter des arrêts entre essais qui obligeraient à reprendre une phase de stabilisation ;
- — un incident sur pilote peut prendre des proportions plus importantes que sur un circuit industriel, car l'on ne bénéficie pas d’effet tampon (en raison du faible volume du pilote) ;
- — les temps de réponse demandés aux circuits pilotes sont rapides, il faut donc :
- ● prévoir une surveillance soutenue pour pallier très vite toute perturbation,
- ● faire apparaître des résultats (vitesses de corrosion en particulier) non seulement en cumulé mais aussi en différentielle, de façon à « neutraliser » la période de démarrage qui pèse toujours beaucoup sur un essai de courte durée ;
- — dans la conduite d’un essai, il faut aussi tenir compte du type de conditionnement utilisé : ainsi un procédé anticorrosion avec formation d’un film de protection conduira à une réponse anticorrosion beaucoup plus rapide qu’un procédé antitartre ; et la protection anticorrosion sera moins perturbée par de courtes variations des paramètres de fonctionnement.
CONCLUSION
À l'occasion de ce bref exposé, nous avons voulu montrer à la fois :
- — l'importance que revêtent la connaissance et le contrôle d’efficacité des produits de conditionnement des eaux, matières premières et formulations,
- — l'intérêt de pouvoir se rapprocher des conditions de fonctionnement d’un circuit industriel pour adapter le procédé de traitement.
Le circuit pilote permet d’avancer dans cette double recherche d’optimisation ; bien sûr, son utilisation nécessite non seulement la maîtrise du matériel, mais aussi la connaissance des problèmes rencontrés et des procédés d’épuration et de conditionnement des eaux.
La qualité de la conduite de l’essai, des résultats obtenus et de leur interprétation, en dépend directement.