En associant des décanteurs à grande vitesse et des décanteurs-épaississeurs, une installation de traitement des eaux se dispense d'une étape d’épaississement généralement encombrante, et met à profit la complémentarité des deux types d'ouvrage.
Une combinaison simple mais judicieuse
Le principe de cette avantageuse configuration est simple. Il s’agit d’une part, de répartir judicieusement le débit de l’eau à traiter entre le décanteur à épaississement intégré et le décanteur à grande vitesse, et d’autre part, d’épaissir les boues produites par le second dans le premier (figure 1).
Quelques rappels utiles
Un retour sur l’état de l'art en matière de décantation et d’épaississement est indispensable pour apprécier tout l’intérêt et le potentiel de cette nouvelle combinaison.
Les décanteurs produisent généralement des boues insuffisamment concentrées pour être directement envoyées vers une étape de
[Photo : Combinaison de base]
digestion et/ou de déshydratation. Ces boues doivent être préalablement épaissies, le plus souvent par simple épaississement gravitaire.
Les dimensions d’un épaississeur sont calculées à l’aide de deux paramètres principaux :
- - la charge au radier maximale (ou charge en boues) qui est le flux de matières sèches maximum par m² et par jour qu’il peut épaissir,
- - la vitesse de décantation (débit par m²) des boues.
L’implantation d’épaississeurs statiques traditionnels nécessite des surfaces au sol relativement importantes. En effet, la charge au radier sur ce type d’ouvrage est généralement comprise entre 20 et 100 kg/MS/m²/j et les vitesses de décantation sont habituellement inférieures à 1 m/h.
Pour réduire l’emprise au sol de ces ouvrages, une première voie d’optimisation, depuis quelques années, consiste à utiliser des épaississeurs lamellaires admettant de très fortes charges au radier (tels que ceux en construction sur la station d’Achères, par exemple).
Grâce à l’utilisation des lamelles, les vitesses de décantation sur ce type d’ouvrage ne sont plus considérées comme un facteur limitant et l’on constate en définitif qu’un débit plus élevé pourrait être potentiellement admis. Pour autant, personne n’avait pensé à utiliser cette marge disponible pour traiter de l’eau brute conjointement aux boues à épaissir.
Dans le but de réduire davantage les surfaces d’implantation des usines, une seconde voie d’optimisation, connue de tous et très largement explorée, consiste à combiner dans un même ouvrage la décantation lamellaire avec l’épaississement des boues produites.
Il s’agit en fait d’intégrer la phase d’épaississement directement sous la zone des lamelles (figure 2).
Dans ce cas, la charge en boue à épaissir n’est plus limitante, c’est la vitesse en eau à traiter qui le devient. Les vitesses admissibles sur ces ouvrages atteignent en général 30 m/h, et finalement ces décanteurs-épaississeurs pourraient traiter plus de boues qu’ils n’en produisent en réalité. Mais là encore, personne n’avait songé à exploiter cette possibilité, en introduisant par exemple des boues provenant d’ouvrages voisins.
Genèse de l’idée
C’est lors d’essais techniques sur un site qui mettait en œuvre un décanteur Actiflo® (figure 3) et un épaississeur lamellaire à forte charge que l’idée est née.
Afin de définir les vitesses maximales admissibles sur l’épaississeur lamellaire, de l’eau brute a été ajoutée aux boues pour augmenter le débit. Les résultats obtenus ont mis en évidence qu’il était hydrauliquement acceptable de traiter une partie de l’eau brute, et qu’avec une floculation adaptée il était également possible d’obtenir des qualités en surverse des épaississeurs similaires à celles obtenues sur les décanteurs à grande vitesse. Les épaississeurs lamellaires se sont ainsi transformés en décanteurs à épaississement intégré.
L’intérêt est évident dans de nombreux cas de figure :
- - une usine équipée de décanteurs à grande vitesse et d’épaississeurs lamellaires admettra un débit supplémentaire d’eau brute directement sur les épaississeurs moyennant une simple adaptation de la floculation ;
- - une usine équipée de décanteurs avec épaississement intégré mettra en œuvre des décanteurs sans épaississement pour traiter un débit supplémentaire, puisque les boues alors produites seront renvoyées sur les décanteurs-épaississeurs déjà existants ;
- - enfin, pour une installation entièrement neuve, le principe de dimensionnement est très simple : après avoir défini la surface nécessaire pour traiter la totalité de la charge en boues…
[Photo : MULTIFLO FP]
[Photo : Décanteur à grande vitesse ACTIFLO®]
[Figure : Exemple de configuration]
Sur les décanteurs-épaississeurs, on déduit le débit d’eau brute admissible sur les ouvrages à partir de la vitesse limite acceptable puis on dimensionne alors les décanteurs à très grande vitesse (sans épaississeur) en fonction du débit d’eau restant à traiter.
Les différentes configurations possibles
Sur la figure 1, selon l’idée de base, les deux ouvrages fonctionnent en parallèle. Mais les avantages de cette combinaison ne s’arrêtent pas là et d’autres configurations très attrayantes sont également possibles.
La combinaison présentée sur la figure 4 permet par exemple de faire fonctionner les deux ouvrages en série tout en profitant de leur complémentarité respective :
- le décanteur-épaississeur placé à l’amont du décanteur à grande vitesse fonctionne mieux et démarre plus rapidement grâce aux boues issues du décanteur aval ;
- le décanteur à grande vitesse assure une qualité de traitement fiable même en cas de dégradation de la qualité d’eau décantée sur le décanteur-épaississeur.
En passant d’un fonctionnement en série à un fonctionnement en parallèle (figure 4), cette configuration permet d’obtenir une qualité constante d’eau quel que soit le débit dans une gamme donnée.
Par temps sec, on utilise le décanteur-épaississeur à des vitesses plus importantes que celles qu’il devrait admettre en tant que simple épaississeur. Le décanteur à grande vitesse situé à l’aval de l’épaississeur est alors utilisé en traitement d’affinage et de secours.
Cette configuration est notamment intéressante lorsqu’il est nécessaire d’obtenir un faible résiduel de matières en suspension et d’éliminer les parasites comme les œufs d’helminthes. Par temps de pluie, lors des pointes de débit, les deux ouvrages sont mis en parallèle.
La figure 5 présente une autre configuration, dans laquelle le décanteur à grande vitesse est placé en amont du décanteur-épaississeur.
L’intérêt d’une telle combinaison est également évident.
Au démarrage, les boues du décanteur à grande vitesse aident, si besoin, à constituer rapidement le lit de boues du décanteur-épaississeur.
En fonctionnement normal, l’apport de boues primaires produites par la décantation à grande vitesse peut aider au fonctionnement du décanteur-épaississeur qui fait cette fois office de traitement d’affinage. Lors des pointes de débit, la mise en parallèle permet d’augmenter considérablement la capacité de traitement.
Conclusion
Dans tous les cas, et sans même considérer les atouts liés à un fonctionnement en parallèle des deux ouvrages, le gain de place est considérable puisqu’il peut atteindre 50 %. Bien évidemment, cette idée s’applique à tout type de décanteur produisant des boues non épaissies, associées à tout type de décanteur à épaississement intégré, avec ou sans recirculation de boues.
Ainsi, par le simple jeu d’une combinaison d’équipement astucieuse, utilisant judicieusement les atouts respectifs et la complémentarité des ouvrages, il est possible d’optimiser encore davantage les installations de traitement des eaux.
[Figure : autre exemple de configuration]