Le Syndicat Intercommunal d’Assainissement de Carnac/La Trinité-sur-Mer a la lourde tâche de gérer au mieux les équipements d’assainissement des deux communes, compte tenu des problèmes spécifiques dus à l’ancienneté d'une partie du réseau posé dans un sol rocheux ou sableux avec présence d’une nappe phréatique agressive, à la station d’épuration, dont la capacité est devenue insuffisante, et aux variations saisonnières de population extrêmement importantes.
Qu’il me soit permis de remercier ici, tout particulièrement, les élus du Syndicat, véritables moteurs de cette opération exemplaire, la Direction départementale de l’Agriculture et de la Forêt qui a assuré le contrôle technique et financier, l’Agence de bassin Loire-Bretagne pour sa participation financière, le maître d’œuvre et les entreprises qui ont apporté leurs compétences techniques pour la mener à bien.
L’augmentation importante de la fréquentation estivale des communes de Carnac et La Trinité-sur-Mer a posé dès les années 1983-1984 le problème de la capacité de traitement des ouvrages d’épuration du Syndicat.
Celui-ci disposait, sur le même site, de deux stations :
- — l’une ancienne, de 5 000 équivalents-habitants prévue au départ pour la population sédentaire, dont le principe de traitement est du type « lit bactérien à forte charge » ;
- — l’autre, plus récente, qui portait la capacité totale à 30 000 équivalents-habitants, représentait une première phase d’une unité plus importante de 60 000 équivalents-habitants permettant de traiter les effluents de la population saisonnière.
En fonction des normes de rejet de l’époque, cette unité est du type « boues activées à moyenne charge » avec stabilisation aérobie des boues en excès.
Ces deux ensembles ne permettaient plus de faire face aux débits d’eaux usées et d’eaux parasites collectées, ainsi qu’aux nouvelles contraintes de rejet qui imposent notamment une dénitrification et une déphosphatation.
M. NYGREN Président du Syndicat d’Assainissement de Carnac/La Trinité-sur-Mer
L’étude qui a été menée sur le réseau et à la station de Carnac/La Trinité-sur-Mer a consisté à optimiser le fonctionnement de l’ensemble des équipements sans arrêter la poursuite de l’extension des ouvrages de collecte.
Méthodologie
La démarche retenue a été la suivante :
- — définir avec les services administratifs les contraintes du milieu récepteur ;
- — évaluer les besoins futurs et notamment ceux des populations permanentes et saisonnières dans le cadre du P.O.S. ;
- — établir le diagnostic des équipements existants de collecte et de traitement, ce qui a permis, par la suite, de définir les actions à entreprendre d’une part en vue de réhabiliter les réseaux équipements et d’autre part pour optimiser le fonctionnement des ouvrages et définir les procédés de traitement des effluents.
Diagnostic des équipements existants
Ce diagnostic a nécessité des moyens de mesure et d’analyse importants, compte tenu de l’étendue du réseau posé dans des sols sableux très plats, et de la présence de nombreux postes de refoulement. Il a été réalisé conjointement par le cabinet Bourgois, ingénieurs-conseils du Syndicat, et la Sogea-Bretagne, société exploitante. Les moyens mis en œuvre ont consisté à suivre le fonctionnement des ouvrages de collecte pendant les périodes de nappe haute et de nappe basse, par temps sec et par temps de pluie, à l’aide de divers appareillages :
— limnigraphes enregistreurs, pour assurer le suivi des variations de niveau de la nappe phréatique suivant les saisons,— débitmètres et miniscripts enregistreurs d’événements, pour quantifier et localiser par secteur les eaux claires,— préleveurs automatiques, pour effectuer des bilans de pollution.
En outre, l’ensemble des phénomènes suivants ont également été intégrés, à savoir : la hauteur des marées (puisqu’une partie du réseau de Carnac est posée en terrain sableux sous le niveau de la mer), la pluviométrie, la consommation d’eau potable et l’influence de la période estivale.
Cette étude s’est déroulée sur une période de plus d’une année, de manière à appréhender au mieux la totalité des phénomènes.
L’ossature principale du réseau de collecte et de transfert des eaux usées est représentée sur la figure 1.
L’évolution des volumes reçus à la station d’épuration intercommunale est condensée dans le tableau I et illustrée par la figure 2.
Tableau I : Évolution des volumes reçus à la station d’épuration
Caractéristiques de la nappe | Périodes | Effluents sanitaires (m³/j) | Eaux parasitaires permanentes et pseudo-permanentes (m³/j) | Eaux parasitaires de pluie (m³/j) |
---|---|---|---|---|
Nappe haute | Hiver | 800 | 750 | 500 |
Nappe haute | Printemps | 1 000 | 750 | 500 |
Nappe | Été | 4 300 | 180 | 50 |
Nappe basse | Automne | 800 | 200 | 500 |
Le dépouillement systématique des mesures a permis ensuite de découper le territoire des deux communes en secteurs caractérisés par la hiérarchisation des différents apports parasites à prendre en compte. En outre, les campagnes de mesures simultanées ont permis de quantifier et de localiser avec précision les apports d’eaux parasites qui ont été synthétisés sur deux diagrammes (figure 3) et sur la figure 4. C’est ainsi qu’elles ont fait apparaître de façon très nette que le réseau d’un secteur de Carnac-Plage collectait à lui seul la part prépondérante des apports permanents et pseudo-permanents.
Afin d’effectuer le maximum d’investigations possibles, une inspection des canalisations par caméra selon le procédé Télésoc a été effectuée dans le secteur de Carnac-Plage et sur d’autres parties du réseau bien localisées par les mesures.
Tableau II : Principaux désordres constatés sur le réseau
Secteur d’inspection | Linéaire (m) | Diamètre (mm) | Dépôt de matériau | Branchement pénétrant | Infiltration de regards | Infiltration sur joint ou branchement | Anomalie de structure |
---|---|---|---|---|---|---|---|
1 | 1 107 | 250 | X | 13 | 15 | 3 | — |
2 & 4 | 818 | 400 | X | 6 | 13 | 42 | 6 |
3 | 183 | 200 | — | 2 | 3 | 4 | — |
5 | 321 | 400 | X | 1 | 4 | 30 | 6 |
6 | 141 | 250 | — | 5 | 2 | 5 | 4 |
7 | 218 | 200 | X | 5 | 2 | 3 | 3 |
8 | 307 | 200 | X | — | 1 | 4 | 1 |
9 | 534 | 200 | X | — | 0 | 1 | — |
9 | 424 | 300 | — | — | 0 | 1 | 4 |
Total | 4 053 | — | X | 17 | 37 | 104 | 38 |
En % des désordres constatés : 9 % dépôt de matériau, 19 % branchement pénétrant, 53 % infiltration de regards, 19 % infiltration sur joint ou branchement, — anomalie de structure.
La figure 5 indique les collecteurs qui ont fait l'objet de cette visite et le tableau II récapitule les principaux désordres constatés par secteur d’inspection.
Optimisation des équipements
À ce stade du diagnostic, une approche technico-économique de trois scénarios a été effectuée et présentée au Syndicat, afin de lui permettre de retenir la solution optimale. C’est ainsi que la solution intermédiaire consistant en une réhabilitation poussée des réseaux, mais limitée aux seuls secteurs à problèmes localisés par les mesures, a été retenue. Il est en effet apparu qu’au-delà d’un certain « seuil économique », les économies réalisées par la diminution des eaux parasites ne couvraient plus les investissements réalisés à cette fin.
L’objectif fixé a consisté à essayer de réduire, sur des secteurs bien ciblés, de 30 % environ les apports parasites permanents et pseudo-permanents, et de 40 % les apports parasites de pluie. Par ailleurs, l'accent a été mis sur l'importance des apports d’eaux parasites en provenance des branchements particuliers sur le secteur de Carnac-Plage. Aussi, un programme de remplacement de certains branchements et de mise en place d’environ 150 boîtes en fonte parfaitement étanches a également été décidé afin d’une part, de remédier à ces apports sur la partie publique et d’autre part, de localiser les arrivées en provenance de la partie privée, pour ensuite intervenir auprès de l’usager.
Réhabilitation des réseaux
Sur la base définie précédemment, les réhabilitations de réseaux ont été classées en deux principaux types :
- — les réhabilitations structurantes : elles consistent à reprendre tout ou partie du réseau ou des branchements par dépose de conduites neuves ; ce travail, qui s’effectue de manière traditionnelle en tranchées ouvertes, a été utilisé pour quelques reprises ponctuelles ainsi que pour la reprise des branchements de Carnac-Plage ;
- — les réhabilitations non structurantes : leur but est d’étancher par l’intérieur les ouvrages défectueux à l’aide d’injections de prépolymère de polyuréthane, pour les regards, et de résine acrylique sous contrôle d’une caméra et avec vérification par tests à l’air pour les collecteurs (joints défectueux ou fissures).
Une première étape de travaux a été réalisée avant la saison estivale 1987 sur la partie la plus « atteinte » du réseau. Elle a conduit à des résultats immédiatement très concluants puisque les débits moyens arrivant à la station sont passés de 2 000 m³/j en décembre 1986 (avant réhabilitation) à 1 800 m³/j en décembre 1987 (après réhabilitation).
Aménagement et extension de la station d’épuration des eaux usées
Le problème le plus urgent à résoudre était celui des pointes hydrauliques en saison estivale (qui peuvent être accrues par des apports parasites d’eaux pluviales), avant d’envisager, dans un deuxième temps, une extension des installations existantes s’inscrivant dans deux axes principaux :
- — extension des ouvrages, portant la capacité de traitement de 30 000 à 60 000 équivalents-habitants, soit :
DBO₅ : 3 600 kg/j Qp : 710 m³/h intégrant le Qp sanitaire et le Qp estimé d’eaux parasites après réhabilitation ;
- — amélioration de la qualité de l’eau épurée, le rejet ayant lieu dans une zone dite de « proximité », amélioration portant essentiellement sur l’élimination de l’azote et du phosphore.
Le schéma général de la station, qui tient compte à la fois des ouvrages existants, des contraintes importantes de variations saisonnières et des apports d‘eaux subsistant après la réhabilitation, est le suivant :
- Bassin d’orage : réutilisation d’un bassin de 200 m³ de capacité sur l’arrivée gravitaire en provenance de Carnac-Bourg, avec restitution automatique des effluents ;
- Dégrillage automatique ;
- Dessablage-dégraissage réalisé en deux ouvrages cylindro-coniques indépendants, permettant une meilleure exploitation et évitant la décantation de matières organiques en période hivernale par la mise hors circuit d’un des ouvrages ;
- Bassin tampon : d’un volume de 1 100 m³, il est destiné à assurer la régulation du débit sur les ouvrages de traitement en aval ;
- Installation de prétraitement ;
- Traitement physico-chimique : cette étape fonctionnant uniquement en période estivale, traitera 60 % des effluents par floculation puis décantation dans le clarificateur existant qui sera aménagé à cet effet ;
- Traitement biologique : cette unité permettra de traiter en totalité le reliquat des effluents bruts (soit 40 %) et, pour la partie issue de la filière physico-chimique, d’assurer un complément de traitement permettant de respecter les normes de rejet imposées. Elle comportera un bassin d'oxydation et de nitrification de la matière organique (5 000 m³) et un bassin de dénitrification placé en tête (1 350 m³). La déphosphatation sera assurée par une injection de sel de fer. La séparation des boues biologiques sera ensuite effectuée sur deux clarificateurs de 22,50 m de diamètre ;
- Désinfection : elle s’effectuera par injection de chlore (sous forme d’hypochlorite de sodium) avec déchloration au bisulfite ;
- Traitement des boues, suivant le procédé Centrasoc : après épaississement une déshydratation sera opérée par deux centrifugeuses Kruger.
Afin de faire face rapidement au problème hydraulique, une première phase de travaux s'inscrivant parfaitement dans le schéma d’extension future a été réalisée. Elle comprend le prétraitement et l’ensemble de régulation (avec bassin-tampon) ainsi que la mise en place d'une première centrifugeuse qui permet d’augmenter la capacité de déshydratation des boues, devenue insuffisante en été.
La mise en service en juin 1987 de cette première étape a permis de faire face efficacement aux pointes importantes arrivant à la station durant les mois de juillet-août ; quant à la deuxième phase, elle sera réalisée à très court terme afin de protéger au mieux le milieu récepteur.
Le principe général de cette unité, avec ses deux étapes de réalisation, est représenté sur la figure 6.
Gestion technique des ouvrages
La totalité des paramètres à prendre en compte pour rejeter au milieu récepteur un effluent correctement traité représente un ensemble extrêmement complexe, ce qui est dû à plusieurs facteurs :
- — nombre important de postes de refoulement disposés sur le réseau,
- — conception de la station (physico-chimique et biologique),
- — variations saisonnières,
- — résiduel d’eaux parasites après réhabilitation.
De manière à optimiser aussi bien les performances d’épuration que les consommations d’énergie électrique et de réactifs, il a été prévu, dès la conception du projet, la mise en place d’un « système expert » permettant à l’exploitant de gérer au mieux la totalité des ouvrages et notamment les débits entrants (figure 7).
La solution (qui sera opérationnelle lorsque la totalité des tranches de travaux sera réalisée) consiste :
- — à recevoir les informations de marche et d’arrêt des pompes installées dans les différents postes du réseau,
- — à gérer l’alimentation des ouvrages de traitement en mesurant en continu les niveaux atteints dans le bassin d’orage et dans le bassin-tampon et en comparant ces données avec une courbe étalon entrée en mémoire dans le microprocesseur, courbe établie en tenant compte des variations du débit des eaux usées suivant les mois et les jours de la semaine,
- — à autoriser ou non, et de manière automatique, la mise en route du traitement physico-chimique (en totalité ou partiellement) de manière à admettre en phase biologique une charge aussi constante que possible.
Outre les analyseurs prévus à la station et dans les postes (débitmètres, pH-mètres, turbidimètres, O₂ dissous, analyseurs de Cl₂ résiduel, etc.) le système de gestion, dans sa configuration finale, comprend :
- — deux automates programmables recevant les informations en provenance des capteurs et transmettant les commandes aux récepteurs,
- — un microprocesseur gérant l’ensemble et gardant en mémoire les séquences de fonctionnement,
- — une console de programmation et d’entrée des données,
- — un écran de visualisation,
- — une imprimante permettant de garder la trace des événements,
- — un transmetteur relié au réseau commuté, permettant l’interrogation à distance, via le Minitel, et l’alerte du personnel d’astreinte.
CONCLUSION
La connaissance aussi parfaite que possible du réseau d’assainissement est un élément-clé du bon fonctionnement de la station d’épuration située en aval.
La démarche suivie par le Syndicat d’Assainissement de Carnac/La Trinité-sur-Mer est en ce sens exemplaire, puisqu’elle a consisté d’une part, à mettre au point un projet global « Réseau-Station » avec étude de diagnostic poussée, permettant de localiser avec précision les secteurs à problèmes (les différentes solutions techniques envisageables faisant à chaque fois l’objet d'une estimation financière) et d’autre part, à mettre en place un programme de travaux pluriannuel, qui a fait l’objet d’un contrat d’agglomération avec l’Agence de bassin Loire-Bretagne.
Puissent les nombreux estivants qui profitent du charme des stations de Carnac et de La Trinité-sur-Mer, apprécier aussi l’effort consenti par la collectivité pour résoudre les problèmes d’assainissement qui les intéressent au premier chef…